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Grâce aux outils décrits dans les paragraphes précédents, nous sommes maintenant capables de dépouiller correctement les essais d’adhérence réalisés en prenant en compte au besoin les contraintes résiduelles, que ce soit en termes d’énergie ou d’angle de mixité modale.

Nous savons que l’énergie d’adhérence, c'est-à-dire la ténacité interfaciale entre la barrière thermique et le substrat métallique (sous-couche) varie en fonction du temps d’exposition à haute température, de la température de vieillissement (endommagement thermiquement activé) et de l’angle de mixité lors de la propagation de la fissure.

Nos vieillissements thermiques sont effectués sous forme de cyclage, afin d’être plus représentatifs des sollicitations en vol qu’un vieillissement isotherme, en imposant des cycles tels que celui représenté sur la Figure 3.13, avec des températures de palier variables. Nous avons choisi comme températures 1100°C, référence jusqu’à présent des essais de durée de vie réalisés à Snecma, 1150°C pour exacerber les effets thermiquement activés, et 1070°C pour les ralentir. Cette dernière température a été préférée à 1050°C, susceptible d’entraîner des durées de cyclage incompatibles avec le temps disponible dans le cadre de cette thèse.

Chapitre 4 : Dépouillement des essais

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L’expression recherchée de l’énergie d’adhérence dépend donc en principe du temps (ou nombre de cycles), de la température et de l’angle de mixité (équation (14)). Cependant, la dépendance de cette énergie au couple (temps, température) peut être décrite de manière regroupée, par le bais d’une variable de dommage dont la loi d’évolution sera explicitée dans la quatrième partie de ce mémoire. Nous supposons de plus que la dépendance de l’énergie d’adhérence à l’angle de mixité est découplée de la variable de dommage. En effet, l’évolution de Gc en fonction du vieillissement provient du cyclage thermique de l’éprouvette (mettant en jeu les variables temps et température), alors que la dépendance de Gc à l’angle de mixité modale intervient par la suite seulement, lors de l’essai mécanique, pour une histoire thermique donnée. Cela nous amène à expliciter l’énergie d’adhérence comme suit :

   

*

   

* . ) , ( ) 4 ( . , ) 4 ( 0 0    G F P f t T h G F P F Dt T h Gc c c (14) avec ( 4 ) 0 F P

Gc la valeur de l’énergie d’adhérence, pour une interface brute, sous une sollicitation menant à un angle de mixité de 21° qui correspond à un essai de flexion 4 points. En toute logique cette valeur devrait être l’énergie d’adhérence en mode I, mais aucun de nos essais ne permet de la connaître précisément. Nous avons donc choisi de travailler avec la valeur de l’énergie d’adhérence sous une sollicitation que nous avons caractérisée.

4.5.1 - Dépendance au vieillissement thermique

La Figure 4.20 montre la décroissance de l’énergie d’adhérence expérimentale (normalisée

par (4 )

0 ENF

Gc ) en fonction du nombre de cycles subis à haute température, en l’occurrence 1100°C. Elle est établie dans un premier temps sans tenir compte des contraintes résiduelles. Les différents symboles correspondent à des lots distincts d’élaboration (dépôt de la sous-couche et de la barrière thermique). On constate que leurs valeurs obtenues sont cohérentes dans leur ensemble, compte tenu de la dispersion des mesures relatives à un même lot7.

7

Les essais dont les symboles sont évidés (indiqués « non rompus ») ne présentent pas de fissuration interfaciale, soit du fait que c’est la couche de colle qui a rompu avant l’interface à tester (céramique/métal), soit du fait de l’interruption de l’essai de crainte d’une surcharge de la machine de traction (limite des capacités du capteur de force). La valeur indiquée par le symbole creux est donc sous-estimée par rapport à l’adhérence de la barrière thermique.

Chapitre 4 : Dépouillement des essais

- 85 - Figure 4.20 : Évolution de l’énergie d’adhérence au cours du temps, cyclage à 1100°C, mesurée par trois

types d’essais

Nos mesures réalisées en F4P sont qualitativement en accord avec celles de la bibliographie [Kim 2007][Théry 2007] relatives à l’adhérence de barrières thermiques déposées par EB-PVD. L’application des deux autres essais de flexion étant nouvelle sur ces systèmes, nous ne disposons pas de point de comparaison, même qualitatif, pour évaluer nos résultats.

Néanmoins, le fait que les énergies d’adhérence mesurées par les trois types d’essais décroissent de manière similaire paraît normal, puisque cette diminution traduit l’endommagement de l’interface dû au cyclage thermique, qui est ainsi prédéterminé avant la réalisation de l’essai de flexion. La différence d’ordonnée à l’origine est uniquement due à la mixité modale, dont nous discuterons dans le paragraphe suivant.

Nous avons choisi pour exprimer la dépendance de l’énergie d’adhérence vis-à-vis du temps une forme exponentielle (à température fixée), qui permet d’ajuster relativement bien les points expérimentaux : t cste T

e

T

t

f( , )

. (15)

avec α constant et égal à 4,6.10-3 h-1 pour un cyclage avec maintiens de 1h à 1100°C.

On remarque des valeurs d’énergie d’adhérence particulièrement faibles pour des temps de cyclage courts (mesurées en F4P). Cette particularité a déjà été observée dans la littérature [Kim 2007], et peut être expliquée par l’évolution de la rugosité d’interface. En effet, jusqu’à environ une centaine de cycles, cette rugosité s’amplifie alors que l’endommagement est quasiment inexistant, comme nous pouvons le voir sur les coupes micrographiques de la Figure 4.22. Cela signifie que le fluage du système suffit à relaxer les contraintes de croissance de la couche d’oxyde, sans induire de l’endommagement. Il devient donc de plus en plus difficile de fissurer l’interface et donc la ténacité augmente. À partir d’une centaine d’heures de cyclage, la rugosité continue d’augmenter (par déformation de la couche d’alumine), mais l’endommagement devient significatif et de plus en plus étendu, son rôle devient alors prépondérant, ce qui induit une ténacité décroissante.

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En résumé, nous avons une compétition entre la rugosité qui en s’amplifiant tend à augmenter la ténacité de l’interface, mais qui finit par générer de l’endommagement, et l’endommagement lui-même, qui diminue cette même quantité (voir Figure 4.21). L’énergie d’adhérence mesurée est sujette à ces deux effets. Sur cette figure, les points expérimentaux de la Figure 4.20 sont reportés, normalisés par la valeur à l’état brut du fit de l’équation (15), pour chaque type d’essai. Le ratio entre l’énergie de l’essai F4P et F4PI est de 5,2, tandis que le ratio entre la F4P et 4ENF est de 18,47.

La courbe lissée décroissante est donc la fonction f(t,T) de l’équation (15), tandis que la courbe croissante est une tendance en racine carrée des points expérimentaux jusqu’à 100 cycles.

Figure 4.21 : Variation non monotone de l’énergie d’adhérence interfaciale en fonction du vieillissement thermique (exemple essai F4P et cyclage à 1100°C)

Figure 4.22 : Évolution de l’interface et apparition de l’endommagement au cours d’un cyclage thermique à 1100°C

10 µm

250 cycles