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Nous allons maintenant présenter une exploitation du modèle complet jusqu’à la prévision de la durée vie, en appliquant en entrée un cycle thermo-mécanique provenant du calcul d’aube par éléments finis.

La Figure 8.4 montre la géométrie de l’aube (et le champ de température à l’instant le plus chaud de la mission) et situe les deux points sur lesquels nous avons réalisé nos prévisions : le premier est positionné dans la langue chaude de l’intrados (température maximale de 1100°C) et le second dans une zone un peu plus froide (température maximale de 990 °C).

Théry 2007

885 cycles

1050 cycles

Gc

Chapitre 8 : Prévision de la durée de vie

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Figure 8.4 : Localisation des points pour lesquels le cycle thermo-mécanique a été extrait du calcul d’aube pour estimer la durée de vie de la barrière thermique (point « chaud » en rouge, point « froid » en bleu).

Nous disposons pour ces deux points, des évolutions de la température et de la déformation mécanique du substrat au cours du temps, calculées sur une mission. L’évolution de la température au point « chaud » est tracée sur la Figure 8.5, et celle des déformations mécaniques sur la Figure 8.6. Sur une mission complète qui dure 82 min, a été choisi un intervalle de temps permettant de figurer la partie à haute température. Au-delà de cet intervalle, la température décroît linéairement, pour revenir à la valeur initiale, proche de 20°C.

Chapitre 8 : Prévision de la durée de vie

- 175 - Figure 8.6 : Exemple de déformations mécaniques extraites d’un calcul d’aube (point chaud)

Il est à noter que ces déformations mécaniques ne sont pas directement accessibles dans le calcul par éléments finis. La seule grandeur que nous pouvons récupérer est la déformation totale, dans un repère « laboratoire » arbitraire. Dans un premier temps, il faut donc retrancher les déformations thermiques à ces déformations totales (en connaissant l’évolution de la température et le coefficient de dilatation thermique). Nous aboutissons ainsi aux déformations mécaniques dans un repère arbitraire. L’opération suivante, est de projeter les déformations mécaniques dans un repère local, dont une direction est normale à la surface de l’aube, avec pour origine le point d’intégration d’où nous tirons les déformations totales. Enfin, nous appliquons une rotation à ce repère, dans le plan tangent à la surface de l’aube, jusqu’à ce que la composante des contraintes de cisaillement dans ce plan s’annule (ou tout du moins soit minimisée). Nous validons alors ce repère comme étant le repère principal en ce point particulier de l’aube, et nous conserverons les déformations mécaniques dans ce repère (Figure 8.6).

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La Figure 8.7 rappelle les différentes étapes de modélisation pour aboutir à la durée de vie de la barrière thermique. Les modèles de comportement de l’interface et d’endommagement sont maintenant identifiés. À partir des données d’entrée présentées ci-dessus (cycles ou missions de température et de déformations mécaniques du substrat), le modèle de comportement VDKC prévoit l’évolution des grandeurs mécaniques au sein du multicouche au cours du temps : contraintes dans le plan (dans toutes les couches) et hors-plan (aux deux interfaces) et le rumpling. Par exemple, la Figure 8.8 montre l’évolution de l’amplitude d’ondulation au cours des missions pour ces deux types de chargement.

Figure 8.7 : Enchaînement des étapes de modélisation

Figure 8.8 : Évolution de l’amplitude d’ondulation aux deux points particuliers de l’aube

Il n’existe pas à notre connaissance de point de comparaison expérimental à ces simulations, donc nous ne pouvons pas valider ou infirmer nos prévisions de rumpling. Cependant les ordres de grandeur paraissent plutôt réalistes, et cohérents entre eux. Il serait intéressant de mesurer le rumpling et l’épaisseur d’oxyde sur des aubes dont on connait l’histoire thermo-mécanique (de retour de vol ou testées sur banc moteur) pour obtenir au moins une estimation de ces grandeurs, afin de vérifier que le modèle de comportement a été correctement identifié ou non, en vue de son application industrielle.

Chapitre 8 : Prévision de la durée de vie

- 177 - Le modèle d’endommagement, tel que nous l’avons identifié, nous délivre la décroissance de l’énergie d’adhérence de la barrière thermique au cours de la vie de la structure, attendue en ces deux points de l’aube. De même, nous pouvons calculer l’énergie stockée dans le système durant le cyclage thermo-mécanique réel, disponible pour la propagation d’une fissure interfaciale.

La confrontation de l’évolution dans le temps de ces deux grandeurs, aux deux points considérés, nous donne une estimation de la durée de vie à écaillage de la protection thermique (cf. Figure 8.9).

Figure 8.9 : Durées de vie de la barrière thermique prévues, (a) au point chaud, (b) au point froid de l’aube

La durée de vie ainsi prévue dans la zone chaude est de 1450 missions, et a priori infinie dans la zone plus froide qui a été choisie. Une nouvelle fois, nous manquons de données expérimentales pour faire une analyse critique de ces prévisions, mais la durée de vie de la barrière thermique dans la zone chaude est réaliste. En effet, les aubes du retour d’expérience ont montré un écaillage dans la langue chaude (lieu du point chaud choisi) mais pas aux alentours du point froid choisi pour le calcul, comme observé sur la Figure 1.20.

Ws Gc

(a)

Ws

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Ces résultats du traitement que nous avons effectué localement en deux points seulement nous permettent d’avoir une certaine confiance dans l’application de la méthode de calcul de durée de vie en post-traitement d’un calcul d’aube. Reste à mettre en place l’implémentation numérique pour traiter chaque point de l’aube, par une exploitation systématique des sorties du calcul EF par notre chaine de modélisation de la durée de vie de la barrière thermique. Cette mise implémentation apparaît envisageable à court terme.

En conclusion de cette partie centrée sur la prévision de la durée de vie à écaillage, plusieurs points peuvent être soulignés :

- le modèle d’endommagement, même très arbitraire et imparfait, permet de recaler assez correctement les évolutions observées expérimentalement de l’énergie d’adhérence entre la barrière thermique et la sous-couche,

- les ruptures interfaciales et écaillages observés dans notre étude, tant pendant les essais de flexion visant à déterminer l’énergie d’adhérence qu’à l’issue d’essais d’oxydation interrompus ou non avant l’écaillage spontané, se sont produit majoritairement à l’interface alumine/barrière thermique,

- de ce fait l’analyse mécanique qu’il convient de retenir dans le cadre de cette étude est celle qui fait intervenir les contraintes résiduelles et les énergies élastiques libérées lors d’une perte de cohésion du système à cette interface,

- le modèle d’endommagement tel qu’ajusté (provisoirement) pour l’interface alumine/sous-couche, n’a pas de justification, puisque la tenue de cette interface n’a pas pu être quantifiée, la plupart des essais ayant conduit à une rupture à l’autre interface,

- en l’état, le modèle d’endommagement ne prévoit pas correctement le cas de sollicitations isothermes. Il a conduit en vieillissement thermique à des évolutions très faibles de la résistance interfaciale qui, par le biais du critère énergétique adopté, ne peuvent conduire aux durées de vie obtenues expérimentalement (durées en vieillissement isotherme plus élevées qu’en cyclage thermique),

- une voie plausible pour pallier cette insuffisance du modèle d’endommagement pourrait être d’y ajouter une composante gouvernée par le temps, liée aux processus diffusionnels dans les couches et en particulier aux processus d’oxydation,

- le critère d’écaillage appliqué aux cas de cyclage thermique donne des résultats en termes de durée de vie jugés tout à fait acceptables, bien corrélés aux données expérimentales (qui rappelons le, sont dispersées) recueillies pour trois températures maximales de cyclage. Cela confirme de manière assez remarquable la pertinence de l’approche énergétique, initiée par la thèse de Théry, et que nous avons suivie dans l’ensemble de ce travail,

- il faut souligner que les états de contrainte hors plan utilisés dans le modèle d’endommagement actuel, issus du modèle de comportement de l’interface VDKC, peuvent atteindre des valeurs très élevées (à froid), peu réalistes, ce qui conduit à une accélération trop forte de l’endommagement calculé. Une amélioration importante du modèle consisterait à le reformuler, en introduisant un couplage entre les lois de comportement local et endommagement, dans l’étape de modélisation du rumpling qui utilise la théorie des plaques de Von Karman,

- même imparfait, le modèle d’endommagement permet de calculer la durée de vie du système barrière thermique, quel que soit le type de chargement thermo-mécanique considéré, ce que ne permet pas l’approche purement expérimentale exposée dans ce mémoire. L’analyse des cas que nous avons traités, sur deux points de l’aube situés en intrados, a permis de montrer l’applicabilité de la méthodologie de prévision de la durée de vie dans un cas complexe réel, en post-traitement du calcul d’aube.