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Résultats de l'analyse plus approfondie de quelques éléments de la phrase où se trouve mentionnée l'importance de la correspondance

Une correspondance « absolument requise »

3. Résultats de l'analyse plus approfondie de quelques éléments de la phrase où se trouve mentionnée l'importance de la correspondance

3.1 La correspondance comme étant absolument requise

Un premier constat : cette phrase est longue et complexe.

Il est vrai que la créature ne peut rien de soi; mais lorsque Dieu l'appelle à ce genre de vie intérieure, la correspondance est absolument requise avec l'abandon de tout soi-même à la divine Providence, supposée la conduite d'un directeur, duquel elle doit suivre les ordres à l'aveugle, pourvu que ce soit un homme de bien : ce qui est bien aisé à reconnaître, car Notre-Seigneur en pourvoit lui-même ces âmes-là qui se sont ainsi abandonnées de bon cœur à sa conduite50.

Ici, Marie de l'Incarnation ne fait plus la simple narration d'événements passés. Les verbes au temps présent en sont un signe. De plus, elle ne parle pas seulement de la vie intérieure qui fut la sienne, mais ce qu'elle énonce semble valoir pour toute créature que Dieu « appelle à ce genre de vie intérieure51 »; elle procède ainsi à une généralisation, sorte de

règle spirituelle, énoncée au présent : « Il est vrai que la créature ne peut rien de soi; mais lorsque Dieu l'appelle à ce genre de vie intérieure, la correspondance est absolument requise52 ».

La présente recherche porte précisément sur cette portion de phrase. Ce fragment touche directement le cœur de la problématique de ce mémoire. Par son expression « absolument requise», Marie de l'Incarnation semble donner un caractère radical et indiscutable à l'attitude que désigne la notion de correspondance. L'adverbe est catégorique et ne laisse pas de place à l'exception. Cet élément de type rhétorique fournit ainsi un premier argument non négligeable en faveur de l'hypothèse de ce mémoire. Pour être plus précis, l'importance que Marie de l'Incarnation accorde ici à la correspondance est en fait l'un des

50 Ibid. 51 Ibid. 52 Ibid.

indices importants qui a permis d'émettre l'hypothèse selon laquelle l'attitude spirituelle ainsi signifiée est centrale selon elle et même nécessaire pour la progression dans la vie intérieure. Il s'agit de l'épicentre de l'hypothèse de ce mémoire. Les autres éléments de cette longue phrase seront regardés dans leur lien avec cet « epicentre ».

3.2 La correspondance lorsque Dieu appelle

Après avoir rappelé l'axiome spirituel fondamental du néant de la créature, sur lequel nous reviendrons, Marie de l'Incarnation indique clairement le contexte spirituel précis dans lequel le concept de correspondance s'inscrit comme nécessaire : « lorsque Dieu l'appelle à ce genre de vie intérieure53 ». Donc, la correspondance est requise lorsque Dieu appelle.

Mais qui Dieu appelle-t-il? Le pronom personnel « 1' » renvoie à la créature qui « ne peut rien de soi54 ». Une autre question se pose alors : à quoi Dieu appelle-t-il la créature? Une

première réponse est donnée par Marie de l'Incarnation : « à ce genre de vie intérieure55». Il

reste maintenant à poser un regard plus détaillé sur ces considérations.

3.2.1 Dieu appelle

Le Dieu dont parle Marie de l'Incarnation n'est pas un Dieu étranger à l'humanité; il s'agit du Dieu de l'Alliance. C'est un Dieu qui appelle, qui attire, qui invite à le suivre, qui fait des demandes, qui propose ses projets dans lesquels il veut impliquer sa créature56; c'est un

Dieu qui veut conduire57 à une destination précise. Mais l'appel, à moins d'être lancé dans

le désert ou dans le néant, attend habituellement une réponse. Une personne qui en interpelle une autre désire une réponse ou une réaction. Or si l'on regarde l'étymologie du mot correspondre, on trouve la racine latine responder e, c'est-à-dire répondre. Correspondre, c'est donc, en quelque sorte, répondre à un appel.

53 Ibid. 54 Ibid, p. 93. 55 Ibid, p. 94.

56 Dès sa première expérience spirituelle, encore enfant, c'est un Dieu qui appelle qu'elle rencontre : « Voulez-vous être à moi? ». (Ibid., 1er E.O., chap. I, p. 47.)

3.2.2 Mais qui Dieu appelle-t-il?

C'est le premier fragment de la phrase qui révèle l'identité de celle que Dieu appelle. Il s'agit de la « créature » qui « ne peut rien de soi58 ». Ici, Marie parle directement des êtres

humains, mais en tant qu'ils sont créés par Dieu. En disant que Dieu appelle la créature, Marie de l'Incarnation insère déjà ici l'idée d'une relation particulière : d'une interaction entre le Créateur et sa créature. Toute la Relation de 1654 tente d'ailleurs de raconter l'histoire de la relation que le Créateur a bien voulu avoir avec l'une de ses créatures, à savoir Marie de l'Incarnation. La créature que Dieu appelle est cependant, selon Marie de l'Incarnation, pauvre et dépendante. Son axiome spirituel initial est clair: « Il est vrai que la créature ne peut rien de soi59 ». Cette affirmation du néant de la créature n'est pas banale et

découle en particulier des nouvelles lumières qu'elle vient de recevoir dans ce quatrième état d'oraison sur la disproportion démesurée entre la pureté de Dieu et la pureté de l'esprit humain. Elle fait également écho à l'horizon spirituel bérullien fort présent dans le XVIIe siècle français60. À côté de sa vive conscience d'être néant, la créature a néanmoins

la vive conscience d'être aimée par Dieu et d'être faite pour lui, malgré sa grande pauvreté61.

3.2.3. A quoi Dieu appelle-t-il la créature?

La réponse à cette question n'est pas unique. Elle est en faite multiple, car Dieu appelle à la fois à un genre de vie intérieure particulier, plus épuré, mais aussi à une plus grande union à Dieu.

58 Ibid., 4e E.O., chap. X, p. 93. 59 Ibid., p. 94.

60 Sur le thème du néant de la créature, Bérulle dit entre autres : « Ô mon Dieu ! Vous vous anéantissez pour l'amour de moi ! Anéantissez-moi pour l'amour de vous, pour que je porte votre livrée et que je vous ressemble en ce à quoi vous vous êtes réduit pour l'amour de moi ! Quand sera-ce, ô Seigneur, qu'il n'y aura plus rien de moi en moi-même ? Ah ! quand arriverai-je à cet heureux état qu'il n'y ait plus rien en moi qu'un néant, et ce néant une capacité d'être remplie de vous ? » Bérulle, cité dans Richard Cadoux, Bérulle et la question de l'homme. Servitude et liberté, Paris, Cerf (coll. Théologies), 2005, p. 132.

1 « En toute cette opération, je me voyais le néant et le rien que ce grand Tout choisissait pour porter les effets de ses grandes miséricordes. Je ne pouvais dire autre chose que : O mon grand Dieu ! ô suradorable Abîme ! Je suis le néant et le rien! Et lors, m'était répondu : Encore que tu sois le néant et le rien, toutefois tu es toute propre pour moi. » (Ibid., 8e E.O., chap. XXXIII, p. 94.)

cc [Aj ce genre de vie intérieure »

Dans le paragraphe ici étudié, Marie de l'Incarnation indique « à ce genre de vie intérieure ». Dieu appelle à un genre de vie intérieure particulier. Pour parler de la vie intérieure, elle utilisera aussi l'expression de « vie spirituelle63 ». Assez tôt, Marie Guyart

de l'Incarnation a expérimenté que Dieu ne voulait pas seulement avoir avec elle une relation extérieure réglée par des rites convenus, mais qu'il désirait s'approcher d'elle, lui parler, l'écouter et ce, dans l'intime de son être, à l'intérieur d'elle-même. Cet appel à la vie intérieure, elle l'a progressivement goûté, et assez tôt d'ailleurs, en lien avec la parole de Dieu. Dès le premier état d'oraison, elle écrit :

Dieu me donnait de grandes lumières dans cette assiduité d'entendre sa sainte parole, et mon cœur en était embrasé jour et nuit : ce qui me faisait parler à lui d'une façon intérieure qui m'était nouvelle et inconnue. Car comme j'avais entendu dire qu'il fallait méditer pour faire l'oraison mentale, je ne pensais pas que ce que mon cœur disait à Dieu le fût, de manière que je suivais cet appel intérieur, ne sachant autre chose sinon que c'étaient de bons mouvements que la parole de Dieu produisait en mon âme .

D'une certaine manière, Marie de l'Incarnation parle d'elle-même comme une de ces âmes choisies que Dieu a invitées à plonger dans l'intime de son être pour l'y prier, l'y rencontrer, pour y vivre le dialogue avec Lui, la divine Majesté.

Quand Marie de l'Incarnation écrit: « lorsque Dieu l'appelle à ce genre de vie intérieure65 »,

elle pose donc l'horizon de la règle spirituelle qu'elle énonce. La notion de correspondance dont elle traite sera elle aussi à entendre sur le plan de l'intériorité et de la vie spirituelle.

62 Ibid, 4e E.O., chap. X, p. 94.

63 Ibid, 1er E.O., chap. IV, p. 55; 12e E.O., chap. LU, p. 267. 64 _7_tf, 1

er E.O., chap. IV, p. 55. 65 Ibid, 4e E.O., chap. X, p. 94.

.< [A] choses plus épurées »

Notons, pour aller plus loin, que la vie intérieure dont parle ici Marie de l'Incarnation semble être d'un « genre » particulier. Que pointe-t-elle disant « lorsque Dieu appelle à ce genre de vie intérieure66 »?

Pour éclaircir ce point, il faut revenir au début du second paragraphe où Marie précise : « Comme j'ai dit, l'âme se sentant appelée à choses plus épurées, ne sait où l'on la veut mener67. » Ici, Marie de l'Incarnation parle de l'appel en tant que perçu par l'âme et celui-

ci est appel « à choses plus épurées . » Elle semble déjà avoir parlé précédemment de ce point, puisqu'elle commence cette phrase en mentionnant : « Comme j'ai dit ». Or, dans le paragraphe qui précède, il est à nouveau question de pureté : « Dieu fait expérimenter à l'âme qu'il la veut tirer du soutien de ce qui est corporel, pour la mettre dans un état plus détaché, et dans une pureté par où elle n'a pas encore passé69. » Avant, la créature était

dans une moins grande pureté parce que « soutenue en quelque manière par les sens, qui

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étaient remplis de l'exubérance qui rejaillissait de l'Humanité sainte de Notre-Seigneur . »

A l'union avec Dieu

Malgré la vive conscience de sa grande pauvreté, la créature est poussée de l'intérieur par une mystérieuse tendance qui la porte à désirer l'union avec Dieu au-delà de ce néant, voire même dans son néant. Elle a une forte tendance «pour entrer en union et communication avec la divine Majesté71 » et celle-ci devient comme un appel pressant au plus intime de

son être. Dans le creux de sa pauvreté, Dieu l'appelle à Lui.

66 Ibid. 67 Ibid, p. 92. 68 Ibid. 69 Ibid. 70 Ibid. 71 Ibid, p. 93.

On peut résumer le progrès qu'amènent ces considérations pour la compréhension de la notion de correspondance, en affirmant que cette notion désigne une règle proprement spirituelle qui prend toute son importance lorsque Dieu appelle sa créature à un genre de vie intérieure, une vie épurée, dans laquelle l'âme est dégagée des soutiens et consolations sensibles pour s'aventurer plus avant dans les voies proprement spirituelles de l'union à Dieu.

3.3 La correspondance et la pureté

La notion de pureté ne semble pas anecdotique ni secondaire dans le chapitre X, au début de ce quatrième état d'oraison. En effet, la brève analyse rhétorique déjà évoquée montre que le mot pureté et ses dérivés (épurées, impur, impuretés, purger) reviennent onze fois en trois paragraphes. Il est intéressant de constater que le premier moment où Marie de l'Incarnation traite de la correspondance comme étant «absolument requise», coïncide avec ce passage où elle traite abondamment de la pureté . Ces deux notions semblent donc reliées. Quel éclairage le chapitre X apporte-t-il à propos de ce lien entre la correspondance et la pureté! D'où vient l'importance que Marie de l'Incarnation accorde à la pureté? Le savoir de Marie de l'Incarnation sur ce point semble davantage expérientiel que théorique. En effet, après avoir dit « l'âme se sentant appelée à chose plus épurées », elle ajoute :

On lui ouvre l'esprit de nouveau pour la faire entrer en un état comme de lumière. Dieu lui fait voir qu'il est comme une grande mer, laquelle, tout ainsi que la mer élémentaire ne peut souffrir rien d'impur, aussi que lui, Dieu de pureté infinie, ne veut ne peut souffrir rien d'impur, qu'il rejette toutes les âmes mortes, lâches et impures. Cette lumière opère choses grandes en l'âme. Il faut avouer que, quand j'eusse fait l'imaginable pour confesser et anéantir tout ce que j'avais d'impur en moi, je vis une si grande disproportion de la

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Le concept as pureté ne doit pas être réduit, dans l'œuvre de Marie de l'Incarnation, au seul domaine de la sexualité auquel il pourrait être associé. Ce concept a pour elle une acceptation beaucoup plus large et profondément spirituelle. Elle l'entend dans un sens semblable à celui donné par le père Louis Lallemant du XVIIe siècle également : « La pureté de cœur consiste à n'avoir rien dans le cœur, qui soit tant, soit peu contraire à Dieu, à l'opération de la grâce. » (Louis Lallemant, Doctrine Spirituelle, Paris, Desclée De Brouwer (coll. Chritus 3), 1959, p. 139.)

pureté de l'esprit humain pour entrer en union et communication avec la divine Majesté, que cela est épouvantable.74

La lumière spirituelle dont Marie de l'Incarnation a bénéficiée lui fait comprendre que Dieu étant pur comme une mer élémentaire, l'âme aussi doit être pure pour s'unir à lui. « Cela n'est pas imaginable non plus que l'importance de la pureté de cœur en toutes les opérations intérieures et extérieures qui est requise75 ». Le « Dieu de pureté infinie, ne veut

et ne peut souffrir rien d'impur76 ». Elle souligne que c'est non seulement une question du

bon vouloir divin, mais aussi une question de compatibilité ou plutôt d'incompatibilité. La pureté infinie n'a rien de commun avec c< l'im-pureté ». N'ayant rien de commun, cela fait obstacle à l'alliage, à l'union, à l'alliance. Le pur et l'im-pur ne peuvent faire alliance.

Or, en même temps qu'elle découvre l'infinie pureté de Dieu et son incompatibilité avec ce qui est impur, cette lumière sur Dieu produit un éclairage sur la créature, mais comme par contraste. Elle lui donne de connaître que « la disproportion de la pureté de l'esprit humain pour entrer en union et communication avec la divine Majesté77 » est si

grande « que cela est épouvantable .» Ce dernier qualificatif extrêmement fort mérite un peu plus d'attention.

Une disproportion épouvantable

Pourquoi dit-elle que cette disproportion est épouvantable! Dans un premier sens, c'est certainement pour elle une façon de signifier qu'elle est très grande, démesurément

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grande . Mais il y a plus encore : cette disproportion est épouvantable au sens

14 Ibid, p. 93. 75 Ibid. 76 Ibid. 77 Ibid. 78 Ibid.

79 Pascal, à la même époque, parlera lui aussi de la «Disproportion de l'homme» tant par rapport à Finfiniment grand et à Dieu que par rapport à l'infiniment petit. « Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini? [...] qu'est-ce qu'un homme dans la nature? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti. » (Pascal, Pensées, [texte établi par Léon Brunschvicg], Garnier Flammarion, Tours, 1976, n° 72, p. 64-66.) Autre point intéressant, Pascal parle lui aussi d'une certaine frayeur que suscite la vue

étymologique car elle crée véritablement une épouvante, une grande peur pour Marie de l'Incarnation. En effet, la disproportion dévoilée révèle un problème majeur, une entrave à la réalisation de l'union pour laquelle elle a pourtant une si forte tendance. Elle dit en effet : « O mon Dieu ! qu'il y a d'impuretés à purger pour arriver à ce terme auquel l'âme, esquillonnée de l'amour de son souverain et unique Bien, a une tendance si ardente et si continuelle!80 » L'épouvante vient donc de la peur de ne pouvoir obtenir l'objet de cette

« tendance si ardente et continuelle », et l'ampleur de cette frayeur est en quelque sorte proportionnelle à la force de la tendance.

En somme, sur ce point de la pureté, la notion de correspondance apparaît ici liée à celle de pureté et de disproportion: le Dieu auquel elle est appelée à s'unir est un Dieu d'une infinie pureté, alors qu'elle constate qu'elle-même est pleine d'impuretés, lesquelles constituent autant d'obstacles à l'union. Il y a là une impasse que la correspondance pourra seule faire franchir. La correspondance à la grâce de Dieu sera la seule issue pour réunir deux êtres apparemment incompatibles comme nous le verrons à l'instant.

3.4 Les soubassements de la correspondance comme nécessité : tendance à l'union et conscience de la disproportion

Au troisième état d'oraison, Marie de l'Incarnation ne désirait plus rien sinon posséder l'esprit de Jésus-Christ... Mais voilà qu'ici, en ce quatrième état d'oraison, elle réalise toute la pureté nécessaire pour arriver à cette fin. Partant de loin - de son néant de créature - l'âme devra emprunter un chemin de purification pour s'unir au Dieu de pureté infinie et pouvoir enfin faire alliance avec lui. Mais la disproportion est telle entre la pureté de Dieu et celle de l'esprit humain - elle est en quelque sorte ontologique - que la créature ne pourra l'acquérir d'elle-même. Marie de l'Incarnation parle sans ambiguïté : « la créature

de cette disproportion : « Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même, et se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles » (Ibid., p. 66). Cette frayeur de Pascal porte cependant des accents légèrement différents de celle de Marie de l'Incarnation comme on pourra le constater dans la suite de la réflexion de ce mémoire. 80 R1654,4e E.O., chap. X, p. 93.

ne peut rien de soi81 ». D'ailleurs l'âme ne connaît ni le chemin, ni où elle est conduite. Sa

connaissance du dessein de Dieu reste partielle, et dans une certaine obscurité. « L'âme se

R7

sentant appelée à choses plus épurées, ne sait où l'on la veut mener . »

Ne voyant pas le détail de la route, mais ayant pourtant une forte tendance à l'union avec la divine Majesté et « à choses plus épurées » pour l'atteindre, l'âme perçoit l'obstacle à la possession de son souverain et unique Bien. Elle pourrait alors se décourager d'être impuissante à répondre à l'appel perçu. Elle n'a pas en elle ce dont elle a besoin pour parvenir à cette union. Son seul recours sera de se tourner vers celui-là même qui l'appelle. Lui seul est capable de combler l'abîme qui sépare le néant et l'infini. Celui qui l'appelle et l'attire est Dieu et lui-seul peut lui indiquer le juste chemin et peut-être même la mettre sur ce chemin par lequel elle le trouvera. Il sait tout et peut tout, la créature elle « ne peut rien de soi83 ».

Le caractère inconnu de la route et l'incapacité radicale de la créature à s'unir à ce Dieu d'infinie pureté permettent donc déjà de mieux comprendre l'importance de la règle spirituelle que la mère enseigne à son fils Claude : « lorsque Dieu l'appelle à ce genre de vie intérieure, la correspondance est absolument requise84. » Dans le brouillard, il faut

suivre la voix de celui qui appelle et y correspondre pour arriver à bon port. Sans la correspondance, milles écueils sont possibles, la finalité poursuivie est radicalement hors d'atteinte et la disproportion entre Dieu et la créature risque d'avoir le dernier mot, mais la correspondance ouvre une issue. La créature qui aspire à l'union à Dieu ne peut espérer obtenir celle-ci que dans la réponse fidèle à l'invitation de Dieu. En effet, la disproportion entre le Créateur et la créature est telle qu'il y a entre l'un et l'autre un abîme qu'elle ne saurait franchir d'elle-même. L'un des points sur lequel Marie de l'Incarnation a perçu de