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Chapitre 3. Littérature sur la résolution des conflits La pertinence de la résolution des crises internationales est reconnue dans les recherches en

3.1 La résolution des crises

Les conflits sont des interactions coûteuses dont l’issue est, la plupart du temps, imprévisible. Ils représentent un type d’évènement risqué qui fait penser que des acteurs rationnels préféreraient leur règlement à une évolution vers la guerre. Cependant, à la suite

de Fearon (1995), nous dénonçons cette idée qui voit dans le conflit un évènement extérieur au produit d’un comportement rationnel et sain. Aucune explication ne peut nier la rationalité des personnes qui s’engagent dans un conflit. Si les conflits étaient des évènements exceptionnels liés à une absence d’esprits rationnels, l’histoire de l’humanité ne regorgerait pas de conflits qui ont ruiné des millions de vies malgré l’existence d’opportunités rationnelles de règlements.

L’étude des relations internationales se base largement sur les guerres du XXe siècle et dans

la volonté d’éviter des guerres subséquentes (Gilady et Russet, 2002 ; Battistella, 2003). Cette motivation occupe une bonne partie des études de la politique internationale et des sciences sociales. La recherche sur la résolution des conflits aurait davantage mobilisé les chercheurs en sciences sociales lors des trente-cinq dernières années que dans n’importe quelle autre période de l’histoire selon Vasquez (2009). La résolution des conflits constitue donc vraisemblablement une partie importante de l’évolution contemporaine de la discipline des Relations internationales. Le besoin de recherches sur la résolution des conflits se justifierait par les lacunes du réalisme pour la gestion des conflits durant la guerre froide (Bercovitch, Kremenyuk et Zartman, 2009). Pour ces auteurs, les insuffisances de l’idéalisme ont été démontrées par l’éclosion de la Seconde Guerre mondiale et ont permis la naissance du réalisme. L’échec du réalisme dans l’étude et la pratique de la gestion des conflits durant la Guerre froide a permis la naissance d’une nouvelle branche de la discipline des Relations internationales : la résolution des conflits. C’est dans ce contexte que le domaine des Relations internationales a adopté l’étude de la violence des structures sociales et des institutions politiques avec l’objectif d’en prémunir l’humanité. Dans cette thématique d’étude, il importe de souligner que la littérature des sciences sociales est redevable à Galtung (1969 ; 1971) pour ses efforts comme pionnier de ce qu’on appelle maintenant la Peace Research ou Peace Studies (programme de recherche sur la paix). De nos jours, la résolution des conflits est au cœur de la Peace Research qui est un domaine interdisciplinaire qui regroupe les chercheurs étudiant les moyens de gestion des conflits. Ces chercheurs proviennent de disciplines telles que l’histoire diplomatique, les relations internationales, l’histoire, la science politique, le droit et la psychologie sociale (Bercovitch, Kremenyuk et Zartman, 2009). De l’avis de ces auteurs, la

pertinence des recherches sur la résolution des conflits repose sur l’insuffisance du réalisme concernant des questions telles que :

1. l’existence d’une raison suffisante pour expliquer le déclenchement des conflits ; 2. l’existence d’autres moyens, plus dignes de résoudre les problèmes existants ; 3. l’existence d’une obligation au conflit entre les acteurs ;

4. l’existence de normes qui obligeraient l’humanité à se battre plutôt que de discuter avec un adversaire.

Ce qui caractérise la recherche sur la résolution des conflits, c’est la quête de réponses expliquant le comportement des belligérants en vue de les pacifier. Il importe donc de se demander la motivation des acteurs étatiques qui entreprennent de telles interactions. Les crises internationales impliquant des acteurs étatiques ont fait l’objet de beaucoup d’études en Relations internationales (Hermann, 1969 ; Snyder et Diesing, 1977 ; Brecher et Wilkenfeld, 2000 ; Brecher, 2008), soulignent Quinn et ses collègues (2009). Ces auteurs ont été parmi les rares auteurs à analyser l’ensemble des crises dans le continent africain. Toutefois, leur étude se focalise, comme bien des études sur l’Afrique, sur les questions ethniques ; ce qui suscite de notre part du scepticisme. Dans l’étude de Quinn et ses collègues (2009), un caractère ethnique ou religieux est attribué aux crises casamançaises depuis 1981. Pourtant, ce caractère ethnique ou religieux qui est souligné dans ce conflit est très peu présent en réalité14. Cette méprise est un exemple d’observation qui suscite notre

réaction à l’égard de certaines études, mais aussi à l’égard de certaines théories. Ce genre de méprise s’explique, de notre point de vue, par la marginalisation du continent africain dans les Relations internationales.

14 Le mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) qui regroupe les rebelles du sud du

Sénégal a été créé en 1947 par des Diolas, Émile Badiane et Victor Diatta et des Peuls, Ibou Diallo et Édouard Diallo (Diatta, 2008). La plus grande partie des combattants et des chefs de cette rébellion sont des musulmans (citons Salif Sadio et Mohamed Sané). Les musulmans sont majoritaires au Sénégal et les locuteurs peuls constituent le second groupe ethnique du Sénégal après les wolofs et le groupe ethnique dominant en Casamance (Faye, 2006). Il y a une grande diversité ethnique dans l’armée sénégalaise à tous les niveaux et cette même diversité se retrouve dans le MFDC.

Rappelons qu’à notre avis, une des conséquences de cette marginalisation, c’est l’inadéquation entre la conceptualisation de la crise internationale et la réalité des relations internationales africaines. La prochaine section exposera cette problématique conceptuelle avant d’aborder les motivations de la résolution des conflits. La dernière partie de cette revue de la littérature constitue une synthèse sur les lacunes et limites qui justifient la problématique de cette thèse.