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La résolution des crises internationales : perspective universelle du comportement des États africains

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Academic year: 2021

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La résolution des crises internationales : Perspective

universelle du comportement des États africains

Thèse

Papa T. M. Camara

Doctorat en science politique

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

La résolution des crises internationales

Perspective universelle du comportement des États

africains

Thèse

Papa Camara

Sous la direction de :

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Résumé

La sous-représentation de l’Afrique dans les Relations internationales inspire une perplexité vis-à-vis des théories classiques de cette discipline. Certaines grandes théories de la science politique semblent être conçues par et pour des nations occidentales. Conséquemment, les principales explications des facteurs de conflits issues des grandes traditions théoriques sont inadéquates pour l’étude du continent africain. Un examen de la littérature académique sur les conflits confirme que celles en Afrique sont proportionnellement moins présentes dans les recherches. Cette distorsion de la recherche, à l’image de celle de la carte du monde, met le tiers monde à l’angle mort des relations internationales. L’analyse comparative de toutes les crises internationales du dernier siècle démontre que la puissance, les institutions et le comportement des États africains ne distinguent pas les acteurs des crises internationales du continent de ceux dans le reste du monde. L’analyse comparative contribue à renforcer l’idée de l’inefficacité des théories classiques dans le contexte des relations internationales africaines. Pour pallier cette limite, cette thèse montre que des théories de psychologie sociale nous aident à mieux comprendre la structure des relations internationales entre les acteurs étatiques, peu importe l’endroit du monde. L’analyse des crises internationales de 1918 à 2015 permet de constater que les théories de l’identité sociale et du comportement planifié contribuent efficacement à expliquer la résolution des crises internationales en Afrique et dans le reste du monde. La considération des États comme acteurs psychologiques impliqués dans des interactions sociales contribue également à donner une perspective universelle à l’explication de la résolution des crises par l’attitude, les normes et l’environnement des acteurs impliqués. Plus encore, la psychologie sociale contribue à la compréhension du rôle de l’anarchie, des structures sociales et de l’influence dans la politique internationale. Cette thèse démontre que la perspective considérant les états comme des acteurs psychologiques est cohérente avec l’explication de la résolution des crises internationales africaines et avec la catégorisation des comportements des États et d’autres groupes transnationaux sur la scène internationale.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... II TABLE DES MATIÈRES ... III LISTE DES FIGURES ... VI LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES ABRÉVIATIONS ... IX LISTE DES ACRONYMES ... X REMERCIEMENTS ... XI

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1.LE CHOIX DE LA STABILITÉ INTERNATIONALE EN AFRIQUE ... 7

1.1 LES PARTICULARITÉS DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE EN AFRIQUE ... 9

1.2 L’AFRIQUE : UN CONTINENT À L’ANGLE MORT DES RELATIONS INTERNATIONALES ... 11

1.2.1 Les distorsions des projections et représentations de l’Afrique ... 12 1.2.2 La distorsion quantitative de la littérature sur les conflits ... 14 1.2.3 La distorsion qualitative des théories de la politique internationale ... 19 1.3 L’OPPORTUNITÉ D’UNE ÉTUDE DES CRISES INTERNATIONALES AFRICAINES ... 24 1.3.1 Une contribution en sciences sociales ... 24 1.3.2 Le comportement des États africains lors des crises internationales ... 27 1.4 CONCLUSION SUR LE CHOIX DE THÈME ... 28

CHAPITRE 2.ACTEURS ET CRISES INTERNATIONALES AFRICAINES ... 31 2.1 LES DONNÉES ET LA NATURE DES CRISES INTERNATIONALES ... 32 2.2 LA NATURE DES CRISES INTERNATIONALES ... 33 2.2.1 Distribution géographique des acteurs crises internationales ... 33 2.2.2 Évolution historique de l’implication des États dans les crises internationales ... 37 2.2.3 L’enjeu des crises internationales ... 38 2.3 LES CARACTÉRISTIQUES DES ÉTATS EN CRISE ... 42 2.3.1 La puissance des acteurs ... 42 2.3.2 Des institutions concentrées dans un exécutif autoritaire ... 44 2.3.3 La gestion stratégique des crises par les États ... 47 2.3.4 Les facteurs de la résolution des crises internationales ... 48 2.4 LES PARTICULARITÉS DU COMPORTEMENT DES ÉTATS AFRICAINS ... 51 2.4.1 Les frontières psychosociales ... 51 2.4.2 L’insularité et la paix des îles ... 52 2.4.3 L’influence culturelle coloniale ... 53 2.4.4 Une zone sous influence ... 55 2.4.5 La structure sociale ... 58 2.5 CONCLUSION ... 61

CHAPITRE 3.LITTÉRATURE SUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS ... 63 3.1 LA RÉSOLUTION DES CRISES ... 63 3.2 CONCEPTUALISATION DE LA CRISE INTERNATIONALE ... 66 3.2.1 La crise variationnelle ... 67 3.2.2 La crise processuelle ... 70 3.2.3 La crise systémique ... 72 3.3 LES PROBLÈMES CONCEPTUELS DES PRINCIPALES THÉORIES EN AFRIQUE ... 76 3.4 LA SÉCURITÉ AFRICAINE CONTRE UNE TENDANCE EUROCENTRISTE ... 85

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3.5 CONCLUSION : VERS UNE APPROCHE AFRICANISTE ... 90

CHAPITRE 4.CADRE CONCEPTUEL DU COMPORTEMENT DES ÉTATS ... 93 4.1 APPORT DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE ... 95 4.1.1 De l’action raisonnée au comportement planifié ... 96 4.1.2 La Théorie de l’identité sociale et la catégorisation sociale ... 99 4.1.3 Les implications de la psychologie sociale ... 104 4.2 PROPOSITION THÉORIQUE DES CRISES INTERNATIONALES ... 114 4.2.1 La structure des relations internationales ... 115 4.3 POSTULATS THÉORIQUES ET HYPOTHÈSES ... 117 4.3.1 Postulats théoriques des relations entre les États ... 117 4.3.2 Hypothèse de base ... 118 4.4 DÉFINITION DU CADRE CONCEPTUEL DE LA THÈSE ... 119 4.4.1 La paix ... 119 4.4.2 Les crises internationales ... 121 4.4.3 Les guerres internationales ... 122 4.4.4 La résolution des crises internationales ... 123 4.5 RÉSUMÉ DU CADRE CONCEPTUEL ... 124

CHAPITRE 5.MÉTHODOLOGIE DE LA RÉSOLUTION DES CRISES ... 127 5.1 OPÉRATIONNALISATION DE LA RÉSOLUTION DES CRISES INTERNATIONALES ... 128 5.2 OPÉRATIONNALISATION DE LA RÉSOLUTION DES CRISES INTERNATIONALES ... 130 5.2.1 Attitudes de chacun des acteurs ... 130 5.2.2 Normes subjectives des acteurs ... 133 5.2.3 Contrôle comportemental de l’environnement. ... 134 5.3 STRATÉGIE DE RECHERCHE ET DE VÉRIFICATION ... 136 5.4 COLLECTE DE L’INFORMATION ET TRAITEMENT DES DONNÉES ... 138

CHAPITRE 6.LES DÉTERMINANTS DE LA RÉSOLUTION DES CRISES ... 140 6.1 L’ANALYSE ET LES VARIABLES ... 141 6.1.1 Les crises internationales et la variable dépendante ... 141 6.1.2 Les variables multinominales ... 143 6.1.3 La pertinence du modèle de base et des variables indépendantes ... 145 6.2 RÉSULTATS DE L’ÉVALUATION DU MODÈLE ... 148 6.2.1 Résultats du modèle ... 150 6.3 INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 151 6.3.1 La méthode d’analyse privilégiée pour l’évaluation du modèle ... 151 6.3.2 L’impact des résultats ... 153 6.3.3 Résultats pour l’Afrique et inversion de la tendance ... 158

CHAPITRE 7.DISCUSSION DE LA MOTIVATION DES ÉTATS ... 163 7.1 LA RATIONALITÉ DE L’HUMAIN ... 164 7.2 LA RATIONALISATION DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE ... 166 7.3 HIÉRARCHIE DES MOTIVATIONS ET LES RELATIONS INTERNATIONALES ... 168 7.3.1 Une possibilité de hiérarchisation des besoins des États-nations ... 170 7.4 HIÉRARCHISATION DES ENJEUX DE CRISES INTERNATIONALES DANS LE MONDE ... 178 7.4.1 La menace à l’origine de la crise ... 179 7.4.2 L’enjeu perçu par l’acteur ... 181 7.4.3 La corrélation entre la menace et les enjeux ... 182 7.4.4 Hiérarchisation des enjeux dans crises internationales militarisées ... 183

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7.5 CONCLUSION ... 185 CONCLUSION GÉNÉRALE ... 186 BIBLIOGRAPHIE ... 198 ANNEXE I ... 221 FRÉQUENCE DES CRISES ET DESCRIPTION DES ÉTATS EN AFRIQUE ... 221 ANNEXE II : RÉSULTATS BRUTS DE L’ANALYSE ... 223

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Liste des figures

Figure 1 : deux façons de voir le monde ... 14

Figure 2 : Répartition des États acteurs de crises internationales (1918-2015) ... 36

Figure 3 : évolution temporelle de l’implication des États (1918-2015) ... 37

Figure 4 : proportion d’acteurs africains dans les crises par période (1918-2015) ... 38

Figure 5 : nombre de crises des États insulaires par continent (1918-2015) ... 53

Figure 6 : moyenne des crises des États africains par colonisation (1918-2015) ... 54

Figure 7 : variation de la tension des relations autour de l’équilibre ... 68

Figure 8 : représentation de la crise par l’escalade des conflits ... 71

Figure 9 : théorie de la contre-insurrection ... 88

Figure 10 : théorie de l’action raisonnée de Fishbein et Ajzen ... 97

Figure 11 : illustration de la TCP d’Ajzen ... 99

Figure 12 : théorie de l’identité sociale (Tajfel et Turner 1979) ... 100

Figure 13 : implications de la catégorisation sociale ... 108

Figure 14 : implications de la « recatégorisation sociale » ... 108

Figure 15 : implication de la catégorisation sociale en relations internationales ... 111

16 : équilibre et stabilité ... 119

Figure 17 : cadre théorique des relations internationales ... 122

Figure 18 : la résolution d’une crise avec la théorie du comportement planifié ... 129

Figure 19 : influence de l’attitude pour la résolution des crises ... 133

Figure 20 : influence des normes sociales ... 134

Figure 21 : influence de l’environnement international ... 135

Figure 22 : déterminants de la résolution d’une crise internationale en Afrique ... 137

Figure 23 : la résolution d’une crise avec la théorie du comportement planifié ... 151

Figure 24 : probabilité de conclusion d’une crise internationale ... 159

Figure 25 : la pyramide hiérarchique des besoins de Maslow ... 169

Figure 26 : catégorisation de la nature de la menace lors des crises internationales 171 Figure 27 : catégorisation de l’enjeu des crises internationales selon la menace ... 180

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Liste des tableaux

Tableau 1 : revues de RI selon le nombre d’articles (1900 - 2018) ... 16

Tableau 2 : catégorisation de l’eurocentrisme des théories d’Économie politique ... 18

Tableau 3 : résumé comparatif des deux principales traditions théoriques ... 24

Tableau 4 : distribution des acteurs de crise par zone géographique (1918-2015) ... 34

Tableau 5 : catégorisation des facteurs déclencheurs de crises (1918-2015) ... 39

Tableau 6 : localisation de l’enjeu de la crise selon les États (1918-2015) ... 40

Tableau 7 : enjeux de crises internationales selon les États (1918-2015) ... 40

Tableau 8 : catégorisation des menaces lors des crises internationales (1918-2015) . 41 Tableau 9 : statut des États acteurs de crises internationales (1918-2015) ... 43

Tableau 10 : taille des États acteurs de crises internationales (1918-2015) ... 43

Tableau 11 : capacité nucléaire des acteurs de crise (1918-2015) ... 44

Tableau 12 : catégorie de taille de l’unité décisionnelle (1918-2015) ... 45

Tableau 13 : structure de l’unité décisionnelle des États (1918-2015) ... 45

Tableau 14 : niveau de communication lors de crises (1918-2015) ... 46

Tableau 15 : régime politique des acteurs de crises internationales (1918-2015) ... 47

Tableau 16 : gestion des crises internationales selon la localisation (1918-2015) ... 47

Tableau 17 : matrice de corrélations de la résolution des crises (1918-2015) ... 49

Tableau 18 : implications des É.-U. (1918 - 2015) ... 56

Tableau 19 : implications des URSS/Russie (1918 - 2015) ... 57

Tableau 20 : implications de l’organisation mondiale (1918-2015) ... 57

Tableau 21 : caractère ethnique de la crise pour chaque acteur (1918-2015) ... 58

Tableau 22 : jeu des alliances et des puissances (1918-2015) ... 60

Tableau 23 : centralité de la violence durant les crises (1918-2015) ... 60

Tableau 24 : intensité de la violence des crises (1918-2015) ... 61

Tableau 25 : trois catégories d’approches théoriques ... 67

Tableau 26 : notions d’équilibre et de stabilité selon Brecher ... 74

Tableau 27 : trois approches théoriques de la crise critiquées ... 76

Tableau 28 : description sommaire du conflit en Casamance ... 87

Tableau 29 : relations en équilibre entre stabilité et instabilité ... 120

Tableau 30 : résumé du cadre opératoire ... 138

Tableau 31 : liste des acteurs africains de crises internationales (1918-2015) ... 141

Tableau 32 : transformation de la variable issue de la crise ... 142

Tableau 33 : distribution des variables nominales recodées ... 144

Tableau 34 : définition des formes de médiation selon les actions ... 144

Tableau 35 : classement de base du modèle ... 146

Tableau 36 : équation initiale ... 146

Tableau 37 : résumé des variables hors de l’équation initiale ... 148

Tableau 38 : récapitulatif du modèle ... 148

Tableau 39 : test de spécification du modèle ... 149

Tableau 40 : test de Hosmer-Lemeshow ... 149

Tableau 41 : tableau de classement ... 150

Tableau 42 : résultats pour les crises internationales en Afrique ... 151

Tableau 43 : résultats pour les crises internationales dans le reste du monde ... 160

Tableau 44 : catégorisation de l’enjeu de la crise selon la nature de la menace ... 182

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Liste des abréviations

B : coefficient b

Exp. (b) : exponentielle du coefficient b (rapport de cote) Ddl : degré de liberté

Sig : seuil de signification

TAR : théorie de l’action raisonnée TCP : théorie du comportement planifié TIS : théorie de l’identité sociale

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Liste des acronymes

ACFAS : Association francophone pour le savoir EU : États unis

FMI : Fonds monétaire international

MFDC : Mouvement des forces démocratiques de la Casamance ONU : Organisation des Nations unies

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture URSS : Union des républiques socialistes soviétiques

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Remerciements

Merci à Érick, qui a été un guide patient et encourageant qui m’a perms de dépasser des situations qui paraissaient insurmontables. Jamais cette thèse n’aurait été soumise si ce n’était de mes sœurs et de ma mère qui ne me laissent que le choix d’aller au bout de mes rêves. Je me suis fait aussi une famille tout au long de ce parcours et je dis merci à ces amis qui ont rejoint la famille. Mon père aurait été fier et je suis fier de pouvoir dire sereinement à mes enfants que j’ai terminé ce que j’ai commencé.

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Introduction

La violence est une réalité courante au sein de toutes sociétés, mais aussi entre celles-ci depuis toujours. Il y a de cela 100 ans le monde venait de vivre sa première guerre mondiale l’issue de laquelle maintes prières ont été formulées pour que de tels affrontements n’existent plus. Malheureusement, d’autres ont suivi durant ce siècle avec des conséquences terribles. De ce fait, l’analyse des conflits intéresse le domaine de la politique comme plusieurs disciplines militaires ou académiques. Cet intérêt peut se justifier par les bénéfices stratégiques de la maîtrise de l’art de la guerre (de Sun-Tsu à Clausewitz), mais aussi par les enseignements pour l’instauration de la paix. L’étude des conflits est pertinente à plusieurs égards.

Dans les sciences sociales, une discipline se distingue des autres par son intérêt particulier pour l’étude des conflits entre les nations. La coopération et les interactions conflictuelles les affrontements entre les acteurs du monde (individuels ou en groupes) provenant d’espaces nationaux différents demeurent au centre des intérêts de l’étude des Relations internationales1.

Le système international dans lequel les enjeux de sécurité constituent la principale préoccupation des États serait caractérisé par une mutation depuis la chute du mur de Berlin (Fukuyama, 1992 ; et Huntington, 1997) ; et cette mutation se serait accélérée après les guerres en Irak, en Afghanistan et en Syrie (Chabbi, 2016).

Cependant, la domination, exprimée en force, en influence ou en puissance, est centrale comme déterminant de la sécurité internationale dans la plupart des théories de Relations internationales (de la conception réaliste au néolibéralisme). Cette importance de la domination s’explique par une focalisation des sciences sociales sur des enjeux

1Il faudra distinguer dans ce texte les Relations internationales qui réfèrent à la discipline des relations

internationales qui renvoient à l’objet d’étude. La même logique sera appliquée aux autres disciplines comme la psychologie sociale.

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contemporains en occident d’où provient la grande partie des écrits de ce champ. Les relations internationales n’échappent pas à cette tendance.

Si le constructivisme permet d’entrevoir une structure sociale de la politique internationale fondée sur l’intersubjectivité, il manque de précision pour circonscrire les facteurs et les mécanismes déterminants des actions de chaque État sur la scène internationale.

Ces lacunes constituent des obstacles à une meilleure connaissance de la sécurité internationale en dehors des grandes puissances occidentales (Acharya et Buzan, 2010 ; Dunn et Shaw, 2001 ; Hobson, 2013 ; Waever, 1998 ; et Wight, 1966) ; ce qui amène certains comme Taoufik Bourgou (2016 : 242) à se demander :

« Comment penser la notion de “sécurité́ nationale” dans le cas d’États situés à la marge des grandes puissances (marge au sens géographique, c’est-à̀-dire à la périphérie, mais aussi au sens d’une périphérie dominée politiquement et économiquement), marqués par des liens communs, antérieurs, qui leur lèguent une matrice de références concurrentes de celles des autres États ?

[…] comment penser la sécurité́ dans des contextes étatiques et pour des pays dépourvus de moyens de puissance, qui connaissent une situation de rivalités (rivalités intra-arabes, rivalités intra-maghrébines) dans un espace arabe situé géographiquement et politiquement à la périphérie des grandes puissances ? »

Au-delà du monde arabe et des rivalités intra-arabes, c’est toute la périphérie des grandes puissances occidentales qui interpellent les Relations internationales en quête d’une explication inclusive et adaptée de leur sécurité internationale. Le questionnement Taoufik Bourgou est pertinent pour le continent africain où la sécurité internationale est un enjeu important de développement humain.

La thématique de la résolution des crises internationales en Afrique constitue une problématique de recherche importante pour la stabilité internationale. Le développement humain de plus d’un milliard et demi de personnes en Afrique peut être conditionné par les affrontements interétatiques. Les efforts pour la résolution de ces conflits doivent bénéficier de connaissances appropriées pour l’instauration d’une paix durable. C’est dans cet esprit que s’inscrit cette thèse qui se propose comme un approfondissement des connaissances sur les interactions internationales africaines et mondiales.

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Alors que l’ambition des Relations internationales comme discipline semble planétaire, il existe des raisons de croire que les réalités africaines ne sont pas prises en considération dans les explications des plus grandes théories de Relations internationales. Cette thèse défend l’idée que les grandes théories de la politique internationale ont été développées dans l’hémisphère nord pour des réalités occidentales au cours d’une période particulière de l’Histoire. Ces théories se heurtent à une incompatibilité contextuelle dans plusieurs bassins de conflits dans le Sud. Les enseignements des grandes théories sur les conflits expliquent le comportement des acteurs de la politique internationale par des facteurs qui ne font pas le poids, lorsqu’appliqués au contexte africain. Le cas des crises internationales en Afrique est flagrant en ce qui concerne ce décalage. Cette limite amène à proposer un modèle d’explication de la résolution des conflits qui sera applicable non seulement à la résolution des crises internationales africaines, mais aussi à l’ensemble de l’étude des conflits internationaux qu’ils soient africains ou non.

L’objectif de cette thèse est double. D’une part, elle permet d’établir à partir de la psychologie sociale une base conceptuelle sur les crises internationales et d’autres parts elle se veut une tentative d’explication de la résolution des crises internationales africaines avec une perspective qui représente un renversement de la tendance en sciences sociales. Dans la tendance habituelle, les connaissances obtenues par l’étude des phénomènes de l’hémisphère nord sont appliquées au Sud. Le renversement de la tendance est rendu possible par la considération de phénomènes de psychologie sociale (comme l’identification sociale et la motivation) applicables à tous les humains, peu importe leur culture. Cette thèse renforce l’idée que la logique de la motivation humaine est applicable au comportement des États et qu’une telle explication de la résolution des crises internationales africaines serait transposable à une explication universelle du comportement des États. De plus, ce renversement de la tendance ne se limite pas seulement à la résolution des crises, car nous discutons de l’application de cette perspective à l’ensemble de la sécurité internationale des États qu’ils soient du centre ou de la périphérie.

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Le cadre conceptuel explique la probabilité de conclusion d’une entente lors d’une crise internationale par les attitudes, les normes et l’environnement social des États et se fonde sur un postulat que les États font de la catégorisation sociale dans leurs interactions. Cette catégorisation sociale explique la coopération internationale et les conditions de déclenchement des crises.

L’analyse des crises internationales africaines montre que les attitudes, les normes et l’environnement social permettent pour chaque État de prédire la probabilité de conclure une entente à la suite du conflit. Le cadre conceptuel est aussi appuyé par les résultats pour ce qui est de l’analyse du comportement de tous les États en dehors de l’Afrique. Ces résultats confortent notre hypothèse basée sur la théorie du comportement planifié et servent d’appuis pour une application d’un ensemble de théorie de psychologie sociale dans l’étude du comportement des États.

À partir de l’explication de la résolution des crises, la motivation des États africains est proposée comme une approche plus englobante pour l’étude de la sécurité internationale à partir des priorités établies par une structure de motivation et de rationalité rappelant celle de l’humain dans un contexte social. Ces conclusions sont donc applicables à l’ensemble des acteurs dans le reste du monde.

Pour ce faire, le premier chapitre permettra de discuter de la pertinence de cette thèse en abordant la pertinence de l’étude de la résolution des crises internationales africaines compte tenu de la marginalisation du continent dans les Relations internationales, et ce, malgré une richesse des enjeux de sécurité internationale en Afrique. Ce chapitre permettra en outre d’exposer les défis et opportunités qui s’offrent à la Science politique en général et plus spécifiquement aux Relations internationales en Afrique.

Le second chapitre présentera une étude comparative des crises internationales africaines permettant de renforcer l’idée selon laquelle les grandes théories de Relations internationales échappent les enjeux pertinents pour ces conflits et ne permettent pas de les

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expliquer. Cette partie de la thèse exposera les particularités des crises internationales en Afrique et les similitudes du comportement des États africains lors des conflits.

Le troisième chapitre constituera une revue de littérature sur l’étude et la résolution des conflits afin de situer notre contribution éventuelle dans l’état des connaissances en Relations internationales en général et l’étude des crises internationales africaines en particulier. Il sera question d’exposer les différentes conceptions de la crise et l’état des connaissances sur les explications de leur résolution. Ce chapitre permettra de présenter et de justifier la pertinence de la problématique de cette thèse au sein de la discipline en identifiant des lacunes et limites à combler.

Dans le quatrième chapitre, le cadre théorique permettra de présenter l’angle conceptuel interdisciplinaire privilégié afin de répondre à notre question de recherche. Ce chapitre permettra d’exposer les postulats de base de cette thèse concernant la structure des interactions interpersonnelles applicables aux acteurs des relations internationales. Il sera aussi établi que le choix de la psychologie sociale permet d’établir notre hypothèse sur une logique voulant que les comportements des États et la configuration des relations internationales puissent être déterminés autrement que par les préférences et les intérêts ; la puissance ou l’anarchie.

Le cinquième chapitre consacré à la méthodologie présentera la stratégie de vérification de notre hypothèse voulant que l’attitude d’un État et les normes sociales en jeu déterminent la probabilité de résolution d’une crise internationale selon l’environnement international. Les déterminants des comportements des États africains propices à la résolution des crises internationales seront présentés dans le sixième chapitre. Les résultats de l’analyse des données permettront de voir dans quelle mesure notre stratégie de recherche confirme la possibilité d’expliquer le comportement des États lors des crises. Ultimement, les résultats permettent de voir que le comportement des États s’explique par des variables issues de la psychologie sociale non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour le reste du monde.

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Le dernier chapitre permet de discuter du fait que la rationalité du comportement des acteurs de relations internationales est basée sur une hiérarchisation de la menace. Cette hiérarchisation de la menace par l’État est assimilable à la logique de la motivation humaine. Ce chapitre permet ainsi de renforcer l’idée que la psychologie sociale est un domaine qui renforce l’interprétation de la politique internationale par les grandes traditions surtout en ce qui concerne la sécurité internationale.

En guise de conclusion générale, la dernière partie de cette thèse sera destinée à faire le bilan de la recherche et précisera les forces et faiblesses de cette démarche. Cette conclusion sera également une occasion de discuter de la validité de notre apport théorique et méthodologique aux connaissances en Sciences sociales et les pistes de recherche suggérée.

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Chapitre 1.

Le choix de la stabilité internationale en

Afrique

L’Afrique évoque une situation humanitaire qui ne laisse personne indifférent. Plusieurs dénoncent le fait que les conflits soient plus souvent au centre de l’attention médiatique négative accordée à ce continent (Rugine, 2011 ; Novais, 2009). Pourtant, cet intérêt négatif est lié à de véritables drames, telles des crises interétatiques ou de grandes guerres régionales, qui s’y déroulent et qui menacent la stabilité internationale. Dans son rapport annuel 2016, le Fonds monétaire international (FMI) dénonçait les conflits et les conséquentes répercussions économiques de l’afflux des réfugiés notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (FMI, 2017a). Selon le Fonds, l’Afrique subsaharienne vit la fin de périodes de croissances économiques continues depuis une quinzaine d’années. Cette fin de croissance se réalise par une instabilité économique brusque (FMI, 2017b).

Dans ce contexte de déséquilibre économique, les instabilités politiques nationales et internationales africaines constituent un obstacle pour le développement du continent. Pour cette raison, la thématique de la résolution des crises internationales dans le contexte africain a été choisie pour cette thèse. Les prochaines lignes constituent une justification de la pertinence de ce choix avant d’annoncer les principales divisions de la thèse.

L’Afrique représente près de 20 % des terres émergées de la planète et compte plus de 15 % de la population mondiale, répartie dans plus de 54 pays (Bart, 2005 ; ONU, 2015). C’est un continent de diversité avec un grand nombre de langues et de religions, qui est toutefois souvent représenté en une entité uniforme. C’est également un continent de contraste qui connaît aussi bien la prospérité économique que l’instabilité politique. Cette instabilité repose en partie sur la diversité inégalée de ses défis sécuritaires. Malgré la richesse de ces défis, les études en Relations internationales ne rendent pas justice à l’Afrique. La

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marginalisation de ce continent dans le cadre des études sur les conflits en est une illustration flagrante2.

Les recherches sur les crises internationales en Afrique à l’image de l’ensemble des réalités sociales sont effectuées dans une ambition mondiale, mais avec une perspective très occidentale. Cette perspective que d’aucuns qualifient d’eurocentrisme (Hobson, 2013) fait fi des spécificités propres à un cercle concentré de pays situées en Europe et en Amérique du Nord. En conséquence, les concepts des principales traditions théoriques montrent souvent des limites quant à leurs explications en Afrique. Ces lacunes constituent un risque lorsqu’il est question de l’application de connaissances « occidentales » à la stabilité internationale en Afrique. Pour éviter ce risque, il importe de comprendre l’évolution de l’ensemble des crises africaines, mais surtout leur résolution. La conceptualisation problématique des crises internationales justifie en bonne partie le choix de notre thématique. Plus précisément, la pertinence de cette thématique réside en un besoin de connaissances théoriques pour la pratique de la résolution des crises internationales au bénéfice de la stabilité mondiale. Ce besoin est encore plus pertinent dans un contexte de sécurité internationale si particulier en Afrique.

Afin de développer des connaissances utiles à la stabilité internationale en Afrique, trois défis se dressent devant la quête d’explications du comportement des États dans un contexte d’instabilité internationale. Le premier de ses défis est la marginalisation du continent dans la discipline des Relations internationales. La négligence de l’environnement africain dans lequel la politique africaine se retrouve génère à son tour les deux autres défis que sont l’inadéquation des grandes théories et la considération de variables matérielles eurocentriques plutôt que de variables idéelles qui seraient davantage adaptées au contexte africain et qui auraient ainsi une vocation plus universelle.

2 Dans le cadre d’une présentation au colloque de l’Association francophone pour le savoir (anciennement

l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences - Acfas) sur les conflits en Afrique, nous avons montré que le continent est marginalisé dans la proportion d’études sur les conflits qui le concernent en Relations internationales (Présentation faite à Loccasion de l’ACFAS en 2013).

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Ces trois défis sont en contradiction avec le contexte de diversité qui caractérise le continent africain. Pourtant, les réalités africaines pourraient servir de point de référence pour développer une explication du comportement de l’ensemble des États du monde. Ce chapitre aborde la diversité des enjeux de sécurité internationale avant de discuter des défis que pose l’Afrique aux Relations internationales. Il permettra de montrer comment l’étude des crises internationales africaines pourrait contribuer aux connaissances du comportement des acteurs de la politique mondiale.

1.1 Les particularités de la sécurité internationale en Afrique

Selon le FMI, l’actualité économique de l’Afrique se distingue de la plupart des pays du monde par son potentiel de croissance. D’ailleurs en 2011, l’Afrique subsaharienne avait connu une croissance économique de 5 % qui s’inscrivait dans la durabilité (depuis 10 ans), malgré le climat mondial de crise économique (Fonds monétaire international [FMI], 2012). Ce continent est plein de promesses économiques du fait de son potentiel en ressources naturelles, mais aussi du fait de sa croissance démographique. Aussi, de nombreux pays africains ont assuré une gestion efficace de leurs politiques économiques en partenariat avec des organisations telles que la Banque Mondiale. Cette dernière prédisait que certains États comme le Ghana atteindraient leurs objectifs de développement pour le millénaire autour de 2015 (Banque mondiale, 2011). Le rapport final du Programme des Nations unies pour le développement de 2015 confirme que le Ghana a atteint 17 de ces 21 objectifs de développement pour le millénaire (PNUD, 2015).

Néanmoins, plusieurs pays et organisations internationales (les États-Unis, l’Union européenne, la Banque Mondiale ou l’Organisation des Nations unies) se montrent préoccupés par l’augmentation et la persistance de l’instabilité de la politique interne et interétatique dans la région. L’Afrique connaît une singularité quant à la configuration de sa sécurité internationale qui tient de la grande diversité de problématiques de sécurité

(22)

internationale qui s’y retrouve. Ainsi, dans les vingt-cinq dernières années, il a été possible de trouver en Afrique plusieurs thématiques concurrentes de sécurité internationale :

• La violence idéologique islamiste d’Al-Qaïda ou Boko Haram3 et d’autres groupes

religieux comme l’armée de résistance du seigneur 4 qui profitent de brèches dans la gestion

de la sécurité intérieure ;

• les menaces criminelles transnationales (sur terre, mer, air et Internet) qui alimentent les groupes terroristes et autres groupes insurrectionnels et privent les États africains de revenus importants ;

• les conflits civils et les atrocités de masse avec des seigneurs de guerre ;

• le financement des conflits par et pour des ressources naturelles (exemple, les diamants de sang) ;

• les déplacements de populations à cause de l’instabilité régionale ;

• l’instabilité des économies nationales et régionales avec l’augmentation des prix provenant de l’utilisation des cultures pour la fabrication des biocarburants ;

• le renversement des régimes politiques sur la base de la démographie et des technologies de l’information ;

• les conditions climatiques défavorables (sécheresses, criquets, etc.) suscitant des menaces sur la sécurité alimentaire de millions de personnes ;

• les menaces d’extinction sur la faune et la flore ;

• l’existence de maladies aussi endémiques et dévastatrices que la fièvre Ebola, mais aussi la pandémie mortelle du paludisme, sans oublier l’épidémie du SIDA en Afrique ;

3 Actif dans le nord du Nigéria, Boko Haram est une organisation basant son idéologie sur l’Islam et qualifiée

par le Département d’État américain comme étant, l’un des groupes terroristes les plus meurtriers en Afrique aujourd’hui. En 2014, le monde a été choqué quand Boko Haram a kidnappé plus de 250 jeunes femmes d’une école secondaire à Chibok (Nord-Est du Nigéria). Département d’État des États-Unis d’Amérique, 2014.

4 L’armée de résistance du Seigneur est une organisation rebelle d’idéologie chrétienne active depuis 1986

dans le nord de l’Ouganda où elle a été créée en lutte au gouvernement ougandais. Entre 1986 et 2006, près de deux millions de personnes ont été déplacées dans le nord de l’Ouganda. Département d’État des États-Unis d’Amérique, 2012.

(23)

• les actions internationales de maintien de la paix et d’intervention lors de conflits à petite et à grande échelle ;

• les défis de renforcement de la coopération de la sécurité régionale et de la gestion de la paix à travers les interventions de tierces parties ;

• les initiatives nationales de promotion de la paix et la sécurité comme des comités de réconciliation.

Malgré la richesse de la thématique de la sécurité internationale en Afrique, on constate une certaine marginalisation du continent dans les études de relations internationales et même celles sur la sécurité internationale (Hobson, 2013 ; Dunn et Shaw 2001). Cette marginalisation s’illustre principalement dans la bibliométrie sur les conflits.

1.2 L’Afrique : un continent à l’angle mort des Relations

internationales

La sécurité internationale constitue une riche thématique des Relations internationales, qui mobilise les efforts des chercheurs depuis des siècles. À travers leurs recherches, l’étude des théories de ce domaine permet de décrire et de comprendre les réalités des interactions internationales. Dans ce domaine, les traditions réalistes et libérales constituent les bases conceptuelles les plus fréquemment utilisées dans l’enseignement de la politique internationale et dans l’explication des conflits. Partant de là, on pourrait postuler que les théories de Relations internationales sont universelles. Toutefois, il y a des raisons de croire que les approches théoriques traditionnelles montrent des limites sur le comportement des acteurs en dehors de la sphère des grandes puissances occidentales (Acharya et Buzan, 2010 ; Dunn et Shaw, 2001 ; Waever, 1998, et Wight, 1966).

Cet ethnocentrisme occidental est souligné par plusieurs auteurs, dont Hobson (2013), et Acharya et Buzan (2010). Ces derniers qui soulignent l’enfermement des théories de relations internationales dans de vieux débats et la tendance à imposer au monde des réalités occidentales qualifiées « de normes de bonne vie ou de bonnes mœurs » (Acharya et Buzan : 2010 : 1).

(24)

L’intérêt de l’étude de la politique internationale en Afrique s’inscrit dans une marginalisation du monde non occidental. Cette marginalisation présente dans les Relations internationales et l’Économie politique internationale (Hobson, 2013) constitue une lacune pour ces disciplines dont l’ambition mondiale (et même universelle) est contredite par une production scientifique avec des distorsions importantes. Cette marginalisation a des effets sur la production scientifique de ces disciplines en évolution, laissant l’Afrique et bien d’autres régions du monde dans leur angle mort.

1.2.1 Les distorsions des projections et représentations de l’Afrique

La faible présence de l’Afrique dans les cours de Relations internationales est selon Kevin Dunn un indicateur de la marginalisation scientifique du continent. Cet auteur souligne cette réalité de façon anecdotique en dénonçant le fait que l’Antarctique soit plus souvent mentionné que l’Afrique dans certains cours de premier cycle de Relations internationales (Dunn cité par Brown, 2006).

Pourtant, il est inconcevable de voir une meilleure articulation des concepts de Relations internationales dans l’espace antarctique comparativement au continent africain. Ce fait, bien qu’anecdotique, suggère que les problématiques de politique internationale sont analysées dans une optique où un grand territoire presque inhabité (sans aucun État souverain) est plus digne d’attention académique que l’Afrique avec ses 54 États souverains et son milliard d’habitants (Ericha, 2013). Cela témoigne d’une distorsion pédagogique et conceptuelle des Relations internationales qui se retrouve dans la représentation cartographique de l’Afrique, mais aussi dans la bibliométrie de la thématique des conflits. Dans le cadre d’une présentation (Camara, 2013) au colloque de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), une recherche bibliométrique pour la période comprise entre 1900 et 2013 a été effectuée à partir des mots clefs suivants : conflit, conflit international, conflit

(25)

interétatique, conflit intraétatique, conflit civil, crise internationale, crise interétatique, crise intraétatique ou crise civile5. Cette recherche démontrait la sous-représentation de l’Afrique

dans la production d’articles sur les conflits. Cette sous-représentation était alors discutée pour faire ressortir le manque de reconnaissance de la réalité des pays africains dans la recherche.

Parallèlement aux Relations internationales, en Géographie, le biais de la sous-représentation graphique de l’Afrique au sein des cartes mondiales les plus courantes est connu. Ce biais présent dans l’enseignement de base de la géographie fausse la comparaison de la superficie terrestre des continents. Pourtant, comme Jean-Christophe Victor (2012), nous pourrions voir en la cartographie une grammaire et une orthographe de la reproduction imagée de la Terre. La cartographie devrait être fidèle à la dimension des éléments géographiques représentés. Toutefois, plusieurs cartographies (grammaires) existent et se conforme chacune à une certaine reproduction idéologique de la réalité. Comme plusieurs auteurs (Ashmore, 2003 ; Monmonnier, 2005 ; Elden et Bialasiewicz, 2006 ; Singer 1961), nous sommes intéressés aux différences de projections cartographiques et le parallèle en Relations internationales. Plus spécifiquement, une image courante a été étudiée : la comparaison de la projection de Mercator et celle de Peters. La différence entre ces deux projections dans leurs représentations graphiques du monde est édifiante à plusieurs égards. L’une des deux images de la Figure 1 est erronée en considérant l’exactitude de la superficie terrestre des continents. Cette différence implique une représentation défavorable à plusieurs pays du tiers monde (la projection de Mercator). Prévue pour une navigation maritime, la projection de Mercator n’est pas fidèle à la représentation de la superficie des continents. La projection de Peters avait comme but de modifier cette différence (Field, 2010).

5 Dans le cadre de cette thèse, une mise à jour de cette recherche pour les périodes allant de 1900 à 2018 a

permis de faire les mêmes constats malgré une légère variation positive de la représentation de l’Afrique passant de 3,5 % à 5 %.

(26)

Figure 1 : deux façons de voir le monde

Projection de Mercator Projection de Peters

Source : Bennet (2013)

Conséquemment, la projection de Mercator est jugée favorable à des territoires sans impact politique tels que le Groenland et l’Antarctique. Elle donne l’impression que l’Afrique et le Groenland ont la même taille alors que ce dernier pourrait être inséré près de 15 fois dans le continent noir. L’exemple de l’Antarctique est aussi à souligner, car ce continent sans un seul État est surreprésenté alors qu’elle ne fait que la moitié de la taille de l’Afrique. La plus grande généralité dans le biais de la projection de Mercator concerne la surreprésentation de l’occident au détriment du tiers monde (Victor, 2012).

Dans ce contexte de distorsions cartographiques défavorables au tiers monde, avec la projection de Mercator, l’enseignement de la carte du monde dans certaines écoles risque d’occulter certaines réalités économiques et politiques au profit de la domination occidentale. L’Afrique et sa représentation souffrent de cette distorsion comme le démontre une infographie de Kai Krause, intitulée The True Size of Africa (Field, 2010).

1.2.2 La distorsion quantitative de la littérature sur les conflits

La marginalisation de l’Afrique dans les Relations internationales ne se limite pas à son enseignement comme discipline et à sa base cartographique. L’Afrique ne suscite pas vraiment l’intérêt de la recherche dans ce domaine, même si le continent est associé dans la culture populaire aux désastres et aux conflits. Afin de démontrer cette idée, une évaluation à l’aide de la banque de données du service d’information de Web of Science a été

(27)

effectuée. Cette démarche visait à établir une bibliométrie comparative des publications de la recherche sur tous les types de conflits en Afrique et dans le monde6. Le nombre

d’articles de revues scientifiques qui portent sur le thème des conflits dans les revues scientifiques en Relations internationales a été estimé à 19 530 et seuls 5 % d’entre eux portaient sur l’Afrique. Le Tableau 1 offre un descriptif des statistiques sur la bibliométrie des conflits dans les revues scientifiques de Relations internationales.

Les articles qui portent sur l’Europe et les États-Unis d’Amérique constituent chacun plus du double de ceux portant sur l’Afrique. Cela démontre encore une fois la sous-représentation quantitative du continent dans la production mondiale de connaissances sur la thématique des conflits. La revue Journal of Peace Research est celle qui fait le plus de place à l’Afrique (12 %). À l’opposé, des revues comme la Korean Journal of Defense

Analysis comptabilisent peu sinon aucune mention de l’Afrique dans les articles qui y sont

publiés. Il ne s’agit pas toutefois d’un simple biais géographique lié au lieu de production, car la revue Korean Journal of Defense Analysis accorde une grande place aux États-Unis qui sont mentionnés dans près de la moitié des articles recensés. Il est indéniable à l’analyse de ces données que la sous-représentation de l’Afrique est avérée. La démonstration de la sous-représentation quantitative des réalités africaines appuie au moins la plausibilité de la thèse de l’incohérence qualitative des théories issues des études dominantes de ce domaine.

6 Nous avons recherché les articles contenant les termes conflit, conflit international, conflit interétatique,

conflit intra étatique, conflit civil, crise internationale, crise interétatique, crise intra étatique ou crise civile dans le domaine des Relations internationales (de 1900 à 2013).

(28)

Tableau 1 : revues de RI7 selon le nombre d’articles8 (1900 - 2018)

Ensemble Afrique Europe États-Unis

Revues scientifiques N. articles Pays de la revue N. articles % N. articles % N. articles % Journal of peace research 999 Norvège 116 12 58 6 76 8 Journal of conflict resolution 965 États-Unis 48 5 19 2 84 9 International studies quarterly 636 États-Unis 30 4,7 46 7,2 68 10,7 Foreign affairs 571 États-Unis 18 3,2 38 6,7 86 15,1 International affairs 549 Royaume-Uni 48 8,7 118 21,5 114 20,8 Journal of strategic studies 475 Royaume-Uni 6 1,3 34 7,2 53 11,2 International interactions 383 États-Unis 29 7,6 34 8,9 33 8,6 Conflict management and

peace science 369 États-Unis 23 6,2 15 4,1 22 6,0 Review of international

studies 363 Royaume-Uni 19 5,2 48 13,2 29 8,0 Current history 343 États-Unis 15 4,4 13 3,8 33 9,6 Marine policy 328 Royaume-Uni 13 4,0 48 14,6 25 7,6 Korean journal of defense

analysis 310 Corée du Sud 0 0,0 31 10,0 152 49,0 International organization 307 Royaume-Uni 14 4,6 41 13,4 37 12,1 World today 304 Royaume-Uni 17 5,6 20 6,6 21 6,9 War in history 291 Royaume-Uni 15 5,2 25 8,6 12 4,1 Survival 289 Royaume-Uni 9 3,1 54 18,7 91 31,5 Security dialogue 288 Norvège 18 6,3 36 12,5 25 8,7 Internasjonal politikk 285 Norvège 14 4,9 52 18,2 26 9,1 International security 285 États-Unis 12 4,2 28 9,8 69 24,2 Total 19 530 975 5,0 2297 11,8 2400 12,3 Source : données compilées à partir d’une recherche sur le moteur de Web of Science, Service d’information universitaire en ligne produit par la société ISI – Institute for Scientific Information de Thomson Scientific.

La problématique de la marginalisation de l’Afrique et du tiers monde par les théories traditionnelles de Relations internationales est ancienne. Cette question conceptuelle a été identifiée comme « les critiques africanistes de la théorie des Relations internationales » (Brown, 2006 : 1889). Selon cette perspective, les théories des Relations internationales, notamment le Réalisme et le Libéralisme, excluent de leur champ d’analyse les réalités du

7 Relations internationales

8 La recherche a été effectuée en anglais au sein des plus grandes publications du domaine. Pour trouver un

équivalent français, une recherche sommaire sur le moteur de recherche Persée montrait une plus grande représentativité de l’Afrique. Toutefois, celle-ci ne coïncidait pas avec la proportion de conflits en Afrique et il est difficile de faire à partir de moteurs francophones comme Persée une bibliographie équivalente à celle que nous avons pu faire avec Web of science.

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continent africain. Certains diront même que ces théories participent à un exercice de domination du point de vue de la théorie des Relations internationales (Hobson, 2013 ; Shaw, 1975). Les différentes théories sont ainsi perçues comme l’expression de l’hégémonie occidentale sur l’Afrique qui se perpétue depuis l’ère du commerce triangulaire.

Bien qu’il soit facile d’être en accord avec le constat de négation des réalités non occidentales de John Hobson (2013), son explication dénonçant le racisme et le paternalisme apparaît extrémiste. Il est permis de croire qu’à partir de l’eurocentrisme de la discipline de l’Économie politique internationale et des Relations internationales se dessine un néocolonialisme scientifique appliquant une vision propre au Nord dans les pays du Sud, menant à une croyance que les connaissances développées sont universelles. Pourtant rien de cette universalité n’est scientifique. Elle est purement idéologique et basée sur la supériorité et la prétendue exemplarité des sociétés occidentales qui doivent nécessairement inspirer les sociétés du Sud, si celles-ci aspirent à améliorer leurs conditions de vie par la paix et la richesse.

Certaines disciplines des sciences sociales sont critiquées pour leur tendance à exporter cette vision eurocentriste ou occidentale du monde. Citons à ce titre Acharya et Buzan (2010 : 1) :

Alors que les théories de Science politique et le Droit se préoccupent des normes de « bonne vie » […]. Le domaine des Relations internationales pourrait être assimilé à la lutte répétitive concurrentielle pour la reproduction du même vieux mélodrame. [...] Aujourd’hui, l’équivalent contemporain de la « bonne vie » dans les Relations internationales (la paix démocratique, l’interdépendance, l’intégration, l’ordre institutionnel, ainsi que les « relations normales » et les résultats prévisibles) se retrouve dans le monde occidental, alors que le monde non occidental reste le domaine de la survie.

Selon Hobson (2013), cette perspective a conduit l’Europe au lendemain de la seconde révolution industrielle à imposer sa domination au tiers monde et serait aussi (dans une version paternaliste ou non) à la base des théories marxistes qui seraient néanmoins euros centriques. Peu importe les théories de Relations internationales ou d’Économie politique internationale, selon ce chercheur, il y aurait une marginalisation du reste du monde par

(30)

l’eurocentrisme ou le paternalisme. Le Tableau 2 présente un résumé de l’argumentation de Hobson (2013).

Tableau 2 : catégorisation de l’eurocentrisme des théories d’Économie politique

Pro impérialiste Anti-impérialiste

Subliminal A. Paternaliste B. Anti paternaliste

Eurocentrique institutionnalisme

Théorie de la stabilité hégémonique néoréaliste (ex. Gilpin)

Institutionnalisme néolibéral (ex. Keohane)

Marxiste classique (ex. Lénine, Bukharin, Hilferding, Trotsky)

Néo Marxiste (ex. Wallerstein, Cox)

Manifeste C. Paternaliste D. Anti paternaliste

Eurocentrique institutionnalisme

Marxisme classique (ex. Marx et Engels) Libéralisme classique et Néolibéralisme (ex. : Mill, Cobden, Angell, Hobson, Hobsouse)

Libéralisme classique (ex. Smith, Kant)

Marginal E. Paternaliste F. Anti paternaliste

Interstitiel Zone (mise en

valeur du climat) Nationalisme classique (ex. List)

Scientifique G. Offensif H. Défensif

Racisme Libéralisme (ex. : Bagehot, Richie, Kidd) Eugénisme socialiste (ex. Webb, K Pearson) Réalisme (ex. : Giddings, Ratzel)

Libéralisme classique (ex. Spencer, Sumner)

Réalisme culturel (ex. Pearson, Stoddard) Source : traduction du tableau 1 de Hobson (2013 : 1033)

La conséquence de la marginalisation du monde non occidental dans l’étude des relations internationales serait que les théories développées dans les sphères académiques occidentales ne correspondent pas au tiers monde. Par conséquent, elles ne peuvent être utiles au continent africain. Cette idée selon laquelle la théorie sociale « occidentale » n’est pas appropriée à la compréhension du monde non occidental est loin d’être nouvelle selon William Brown (2006). Cependant, la fréquence des critiques de la pertinence des théories de Relations internationales pour l’Afrique semble croissante. Des auteurs qui défendent une vision africaniste comme Peter Gourevitch, Kevin Dunn et Timothy Shaw ou tiers-mondistes comme Taoufik Bourgou, Martin Wight et Stephanie Neuman font partie de ces contestataires de l’universalité des théories de Relations internationales (Gourevitch, 1998 ; Dunn et Shaw, 2001 ; Bourgou, 2016 ; Wight, 1966 ; et Neuman, 1998).

Sans adhérer aux critiques africanistes (qu’ils soient modérés ou extrêmes), nous pensons que dans le cas de l’étude de la politique internationale, l’Afrique est à la périphérie des préoccupations conceptuelles des principales théories de Relations internationales

(31)

(Gourevitch, 1998). Il aurait même raison de croire que ce continent n’attire pas l’intérêt des chercheurs de ce domaine. Cette hypothèse se base sur les explications de la politique internationale en général et, en particulier, l’étude des conflits à partir des plus grandes traditions théoriques.

Il importe toutefois de préciser que, malgré le fait que le nombre de conflits diminue, ils constituent une grave menace pour le développement économique et alourdissent encore plus le fardeau des pays africains. La paix découlant de la résolution des conflits devient donc une condition sine qua non pour tout développement économique. L’étude des conflits en général et des crises internationales en particulier devient une nécessité dans cette optique de restauration de la paix et de la stabilité.

Il est important que les théories explicatives des crises internationales et des conflits en général puissent être applicables à tous les continents9.

1.2.3 La distorsion qualitative des théories de la politique internationale

Dans les sciences sociales, une théorie est une spéculation rationnelle donnée comme réponse à une question de recherche précise (King, Keohane et Verba, 1994). Cette spéculation doit être réfléchie pour décrire ou expliquer la réalité à laquelle elle s’applique. Toujours dans cet esprit, une théorie doit se fonder sur la réalité et donc des preuves. Une théorie ignorant les preuves existantes est un oxymore et elle ne devrait plus dès lors être appelée une théorie. (Lieberson 1992 : 4 et Woods et Walton 1982 cités par Gary King, Robert O. Keohane et Sidney Verba, 1994.)

Les théories devraient se résumer à des énoncés généraux qui décrivent et expliquent les phénomènes observés en leur attribuant des causes ou des conséquences. Elles sont alors

9 Nous ne nions ni l’existence d’une littérature sur une diversité de conflits ni le fait que des recherches soient

portées sur les conflits du territoire africain. Ce que nous déplorons dans les plus grandes théories de la discipline de Relations internationales, c’est l’inexistence d’un corps d’explications articulé en lois que l’on peut appliquer aussi bien à l’Afrique que dans le reste du monde. Nous aborderons plus précisément cette thématique dans le prochain chapitre.

(32)

composées de lois causales, d’hypothèses, d’explications et des conditions antécédentes (Van Evera, 1997) qui servent de guides pour l’exploration de la réalité, la découverte d’images et de logiques causales (Rosenau 1995 ; Jorgensen, 2010).

Dans le cas de l’exploration des relations internationales, les principales approches théoriques libérale et réaliste10 et leurs variantes sont fondées sur une perspective de

recherche d’explications rationnelles de la politique internationale. Ces deux traditions théoriques qui dominent le domaine nous guident néanmoins vers des explications qui demeurent problématiques compte tenu de leur eurocentrisme (Hobson, 2013).

Alors qu’on pourrait s’attendre que les principales approches théoriques utilisées dans le domaine de Relations internationales puissent éclairer toute quête d’explications du comportement des acteurs de la politique internationale, les deux principales traditions théoriques s’enferment dans des débats qui ne permettent pas de mieux comprendre les particularités des conflits dans le tiers monde. La revue de littérature permettra d’aborder les problèmes conceptuels liés à cet écart entre les débats théoriques et la réalité africaine. Les prochaines lignes seront consacrées à résumer les explications fournies par les principales théories sur le comportement des acteurs de relations internationales pour souligner que l’intérêt de ces théories est essentiellement tourné sur le monde occidental.

1.2.3.1 L’approche réaliste

La tradition réaliste a dominé l’étude des relations internationales et de la guerre depuis longtemps, en partant de Nicolas Machiavel, Thomas Hobbes ou Jean-Jacques Rousseau jusqu’à Stephen Van Evera, en passant par Kenneth Waltz et John Mearsheimer.

Dans cette tradition, le conflit est un outil politique de l’acteur principal qu’est l’État dans sa lutte pour le pouvoir dans un système anarchique caractérisé par des intérêts divergents.

10 Par traditions théoriques il faut comprendre les principales controverses qui occupent la littérature des

Relations internationales depuis les divisions entre réalistes et idéalistes jusqu’aux débats entre néoréalistes et néolibéraux institutionnalistes (Lake et Powell, 1999).

(33)

Cette tradition théorique expose deux variantes de la conceptualisation de l’utilisation de la puissance par les États. Dans une version offensive, l’État augmente sa puissance et elle recherche l’expansion de cette puissance à tout prix pour sa survie et, dans une version défensive, les États obsédés par leur sécurité utilisent leur puissance pour leur défense exclusive (Dussouy, 2007).

Peu importe la variante, la perspective réaliste de la sécurité internationale privilégie la centralité de la force (ou la puissance) entre les États dans un contexte anarchique comme explications des relations internationales. Cette conception se heurte à des problématiques d’application temporelles et géographiques dans des périodes et des régions où la paix a été la norme plutôt que l’exception. Pourtant, cela n’a pas empêché cette conception de dominer l’ontologie de la praxis de la science politique. D’ailleurs, les réalistes Kenneth Waltz avec sa Theory of International Politics (1979) et Hans Joachim Morgenthau avec

Politics Among Nations (1948) sont les auteurs les plus cités du domaine des Relations

internationales (David et Benessaieh, 1997).

Force est de constater que les différentes explications des Relations internationales, mais surtout l’interprétation du conflit que fournit le Réalisme, s’intéressent à la configuration de la puissance en matière internationale. Peu importe l’époque, à court et à long terme, c’est toujours l’existence de l’anarchie qui oblige les acteurs centraux que sont les États à des rapports de puissance. Dans ce paradigme, il n’y a donc pas d’autres explications des relations entre les États, qu’ils soient coopératifs ou non.

Cette vision imbibée d’eurocentrisme ne peut expliquer certaines formes de conflits telles que les conflits asymétriques découlant du manque de puissance de certains États ou comportement de loups solitaires s’attaquant aux États. Elle n’explique pas non plus les dynamiques de dépendances des pays pauvres à des États ou des organisations internationales bailleurs de fonds. Il est encore plus édifiant si on rappelle que Kenneth Waltz affirmait : qu’il serait ridicule de construire une théorie des Relations internationales en se basant sur la Malaisie ou le Costa Rica (Waltz, 1979 : 73). Cette négation du monde non occidental a contribué à développer une approche réaliste occultant les réalités du tiers monde. Cette négation se retrouve aussi dans l’approche libérale.

(34)

1.2.3.2 L’approche libérale

Rivale de la perspective réaliste dans les classiques des Relations internationales, l’approche libérale soutient une vision des relations entre les États souvent qualifiée à sa base d’utopique (Carr, 1939). Pourtant, on pourrait dire que Platon, Aristote, Emmanuel Kant, John Locke, David Ricardo ou Adam Smith s’inscrivent tous dans cette tradition libérale au moins pour une partie de leurs œuvres.

Présentement, à partir des aspects, de la politique interne, les tenants de cette perspective expliquent le comportement des États et des organisations internationales. Dans cette théorie, la guerre est une résultante des préférences nationales divergentes des individus. L’interdépendance découlant des échanges commerciaux entre les pays constituerait une protection contre l’instabilité des Relations internationales et permet d’aboutir à un système international intégré (David et Benessaieh, 1997). L’évolution du monde dans la fin du vingtième siècle a certes remis en cause le pouvoir prédicateur de ce paradigme qui autrefois était très utile (notamment durant la guerre froide). Mais ses explications théoriques de la paix démocratique lui ont permis de prendre un ascendant intéressant sur le réalisme.

Le paradigme libéral se démarque de son principal rival par une approche par étape de la politique internationale. Cette perspective se perçoit mieux dans la théorie de l’intergouvernementalisme d’Andrew Moravscik (1993) qui considère deux niveaux d’analyse et trois étapes par lesquelles les préférences des individus se retrouvent finalement au sein d’institutions internationales intergouvernementales. Ainsi, dans la tradition théorique libérale, les individus interagissent selon leurs préférences nationales. Ce processus se fonde sur une articulation de l’interface national et international dans lequel l’État joue un rôle de courroie de transmission des préférences majoritaires ou dominantes selon une séquence d’évènements.

Le développement de cette approche est très lié à l’étude de l’Histoire et la construction européenne principalement en ce qui concerne l’intergouvernementalisme. L’approche

(35)

libérale se rapproche ainsi de sa rivale quant à son insistance et sa focalisation sur les réalités occidentales. Les explications des conflits offertes par ces deux traditions contribuent à une démarche de négation du monde non occidental.

Les réalités transnationales et le rôle de certains acteurs en dehors du cadre non étatique sont autant de défis que tend à ignorer cette approche. C’est ainsi que les conflits asymétriques, le terrorisme et les interactions entre les groupes et des citoyens dans un monde où les frontières nationales sont presque inexistantes et les préférences tiennent sur des sentiments et des émotions fortement manipulées.

Le Tableau 311 permet de comparer ce paradigme avec la perspective réaliste sur la base de

leurs explications de la politique internationale et plus particulièrement celles des phénomènes comme les conflits interétatiques

Figure

Tableau 3 : résumé comparatif des deux principales traditions théoriques
Tableau 4 : distribution des acteurs de crise par zone géographique (1918-2015)  Localisation
Tableau 6 : localisation de l’enjeu de la crise selon les États (1918-2015)
Tableau 8 : catégorisation des menaces lors des crises internationales (1918-2015)  Type de menace perçue
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