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L’opportunité d’une étude des crises internationales africaines 1 Une contribution en sciences sociales

Les conflits offrent une occasion de connaître davantage sur les belligérants et parmi la vaste typologie des conflits, les crises internationales sont encore plus « riches ». Tout d’abord, elles permettent d’éviter un biais de sélection, car elles offrent des situations dont l’évolution et le dénouement peuvent varier entre l’apaisement sans affrontement ou

l’escalade en guerre régionale, voire mondiale. Aussi, cette situation permet de mieux constater les motivations derrière les choix auxquelles aboutissent les belligérants.

Bien que la littérature sur les conflits soit très riche, les crises se déroulant sur le continent africain ont été peu souvent étudiées dans leur ensemble ; et ce malgré la disponibilité de banque de données reconnue. Il existe certes des études sur des crises africaines particulières, mais à notre connaissance aucune étude sur l’ensemble des crises internationales africaines et encore moins dans une perspective d’un système de relations interétatiques obéissant à des principes et lois universels.

Pourtant, un tel exercice aurait l’intérêt de fournir une explication du comportement des acteurs de crises internationales adaptée aux réalités africaines et applicables à travers le monde. Deux raisons expliquent le choix de l’étude des crises internationales.

Tout d’abord, nous postulons que les crises constituent des tournants importants dans la vie des personnes et des États et qu’elles permettent de gérer les priorités. Ce sont des moments de tensions qui imposent des choix et constituent des évènements très intéressants de la réalité sociale idéale pour l’étude de l’ordonnancement des choix c’est-à-dire des motivations à la base de leurs actions.

Ensuite, dans le contexte de la recherche de stabilité internationale, la seconde raison qui sous-tend cette thèse est un objectif académique de recherche de facteurs déterminants du comportement des États africains lors des crises internationales.

Les deux raisons avancées pour le choix de la thématique concordent avec les enseignements de Gary King, Robert Keohane et Sidney Verba (1994). Selon ces auteurs, le premier critère d’un choix de la thématique de recherche en science politique devrait diriger notre attention sur le monde réel de la politique, des phénomènes sociaux et sur des évènements et problèmes contemporains qui façonnent la vie des gens (King, Keohane et Verba, 1994). Selon ces auteurs, le second et dernier critère devrait être orienté sur les

connaissances académiques des sciences sociales auxquelles il faut apporter une contribution. Cette contribution à la littérature peut se faire, entre autres :

• par le choix d’une hypothèse considérée comme importante par les chercheurs dans la littérature, mais pour laquelle personne n’a réalisé une étude systématique. Si nous trouvons des preuves en faveur ou en opposition à l’hypothèse favorisée, nous apporterons une contribution ;

• à travers le choix d’une hypothèse acceptée dans la littérature que nous soupçonnons être fausse (ou bien que nous croyons ne pas avoir été confirmée de manière adéquate) et étudions si elle est effectivement fausse ou si une autre théorie est correcte ;

• par une des preuves supplémentaires à une position d’une controverse académique scientifique — ces preuves peuvent aussi démontrer que la controverse était sans fondement dès le début ;

• par la conception de recherches évaluant des hypothèses incontestées dans la littérature ;

• en faisant valoir qu’un sujet important a été négligé dans la littérature et ensuite et en procédant à une étude systématique de la région ;

• en démontrant que les théories ou les preuves conçues pour une thématique dans littérature scientifique donnée pourraient être appliquées dans une autre littérature résolvant ainsi un problème existant, mais apparemment sans rapport.

La recherche d’explications au comportement des États dans le contexte de la stabilité internationale en Afrique répond à plusieurs critères du choix de la thématique de recherche comme cités par Gary King, Robert Keohane et Sidney Verba (1994 : 16-17).

Il y a un besoin d’une étude systématique et entière de la résolution des crises internationales en Afrique : ce qui n’a pas été fait dans la littérature recensée. Les études sur les crises sont souvent des études de cas et les variables fondamentales de ces recherches inspirent des théories autres que les approches classiques de Relations internationales. Les hypothèses favorisées par les théories classiques se trouvent en

difficulté dans le contexte des crises internationales africaines. Des arguments alternatifs expliquant ces crises constituent une contribution intéressante.

L’intérêt d’une étude de l’ensemble des crises internationales avec une nouvelle approche serait au moins de permettre de voir si les hypothèses acceptées dans la littérature de la motivation du comportement des groupes (en psychologie sociale) sont applicables au comportement des États.

Une telle contribution viendrait alimenter la controverse académique sur l’eurocentrisme prétendu des théories classiques par l’étude d’une zone géographique négligée dans la littérature et ensuite et en procédant à une étude systématique de la région.

Finalement, une démonstration que les théories conçues pour la psychologie sociale pourraient être appliquées dans l’explication du comportement des États en matière de stabilité internationale serait utile aux chercheurs qui souhaitent expliquer le comportement d’acteurs transnationaux en dehors du cadre traditionnel des Relations internationales.

1.3.2 Le comportement des États africains lors des crises internationales

L’étude des conflits et de la réconciliation permettrait de découvrir le fonctionnement d’un système social (Aureli, Cords et Schaik, 2002). Dans l’intérêt pour la résolution des conflits, il importe de voir dans quelle mesure une meilleure connaissance des mécanismes de gestion des conflits, principalement dans le cas de l’après-crise, permet d’en savoir davantage sur les interactions des acteurs de relations internationales. Le cas de la résolution des crises internationales sur le continent africain est très intéressant pour parvenir à cette fin.

L’étude des crises internationales africaines représente une opportunité de voir les motivations du comportement des acteurs de la politique internationale de ce continent. En analysant ces crises par leur déclenchement ou leur résolution, on pourrait arriver à déterminer les motivations qui distinguent les acteurs qui s’engagent dans de grandes

violences de ceux qui s’en abstiennent sans toutefois considérer des caractéristiques propres aux États puissants de l’hémisphère nord occidental.

Le choix de la réalité africaine des crises internationales comme thématique précise pourrait remplir une des promesses d’universalité des Relations internationales. Une explication des crises internationales africaines devrait être adaptée à l’étude des crises internationales dans le reste du monde puisque les caractéristiques communes des États africains représentent souvent des racines communes avec le reste des États du monde. Autrement dit, les variables qui tendent à expliquer la politique internationale en Afrique sont des variables qui peuvent exister ailleurs.

À l’inverse, nous avons pu discuter de l’inadéquation de variables telles que les variations de puissance et de régime dans le contexte africain. L’examen des crises internationales offre donc une opportunité de renversement de la tendance dans les Relations internationales où les connaissances développées dans le Nord sont appliquées sans grand discernement aux États du tiers monde.

Il importe de préciser que cette thèse propose un renversement de la tendance de l’eurocentrisme. Plutôt que de fournir une explication venant des grandes traditions théoriques, nous proposons de tenter un universalisme de la résolution des crises internationales en passant par une perspective certes africaniste, mais surtout humaine de l’étude des relations interétatiques. L’exploration du comportement humain en groupe permet de comprendre les motivations étatiques dans les interactions internationales.