ne porte plus sur des données préalablement échantillonnées 93
Section 2 Les réseaux sociaux en ligne, nouveaux enjeux juridiques
24. Le fort impact des sites de réseaux sociaux à l’échelle individuelle et sociétale révèle
des enjeux fondamentaux dans de nombreuses matières : en sociologie, en économie, en
sciences politiques. De son côté, le droit n’échappe pas aux nombreuses problématiques
Cambridge Analityca, il n’y aurait pas eu de Brexit », propos recueillis par Sonia Delesalle-Stolper, le 26 mars 2018.
104 Propos de Donald Trump, interview à Fox News, 15 mars 2017. In : I. FASSASSI, « Les effets des réseaux sociaux dans les campagnes électorales américaines », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 57, no 4, 2017, p. 69.
105 V. par exemple : D. CARDON, Culture numérique, Presses de Science Po, 2019, préc. chap. « Fake news panic : les nouveaux circuits de l’information », p. 261 ; D. CARDON, La Démocratie Internet. Promesses et limites, Seuil, Paris, 2010 ; I. FASSASSI, « Les effets des réseaux sociaux dans les campagnes électorales américaines », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 57, no 4, 2017, p. 69 ; P. SEGUR, S. PIERE-FREY, L’internet et la démocratie numérique, Presses Universitaires de Perpignan, 2016.
106 D. CARDON, Culture numérique, Presses de Science Po, 2019, préc. chap. « Fake news panic : les nouveaux circuits de l’information », p. 261.
107 I. FASSASSI, « Les effets des réseaux sociaux dans les campagnes électorales américaines », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, vol. 57, no 4, 2017, p. 86.
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propres à ces nouveaux acteurs de l’internet. Loin d’être une zone de non droit, les sites de
réseaux sociaux se révèlent en réalité être un nouvel espace où une multitude de droits sont
applicables (§1), la présente étude se recentrant précisément sur les problématiques juridiques
propres au droit pénal (§2).
§1. Une multitude de droits applicables
25. Les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non droit. Dans l’imagerie fantasmée
d’un espace internet affranchi de toute règle certains s’amusent à comparer le Grand Ouest
américain auquel se substitue désormais les étendues de la Silicon Valley
108ou encore la lex
mercatoria s’appliquant à un espace maritime sans frontières se mutant aujourd’hui en une
lex electronica régulant un espace numérique mondialisé
109. Cette théorie d’un internet zone
de non-droit n’a cependant jamais existé et n’a en aucun cas vocation à s’appliquer à la
catégorie particulière que forment les réseaux sociaux en ligne au sein du web. Bien loin d’un
non-droit, internet constitue en réalité une zone d’enchevêtrement des droits. D’une part, ceci
s’explique par le caractère général des lois préexistantes à ce nouveau format de
communication. L’exemple le plus frappant est celui de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté
de la presse qui trouve aujourd’hui une application particulièrement étendue sur les sites de
réseaux sociaux. D’autre part, dès l’émergence du réseau internet le législateur a pris la
mesure de ce tournant en adoptant des lois rendues nécessaires par l’évolution technologique.
Ainsi, en France, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et
aux libertés dite « loi informatique et libertés »
110proposait déjà un encadrement des données
personnelles ; ensuite, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique (LCEN)
111a notamment défini les différents régimes de responsabilité civile et
pénale applicables aux différents acteurs d’internet ; plus récemment encore, la loi n°
2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
112aborde quant à elle des thèmes
nouveaux tels que la portabilité des données ou la mort en ligne. En réalité, comme le
souligne Francis Donnat, la difficulté est ailleurs : « Elle tient en premier lieu au décalage
108 V. par exemple : F. DONNAT, Droit européen de l’internet, Réseaux, données, services, LGDJ, Systèmes, 2018, p. 11, n° 1 ; V. FAUCHOUX, P. DEPREZ, Droit de l’internet, Litec, Paris, 2009, p. 1.
109 O. CACHARD, La régulation du marché électronique, LGDJ, 2002, pp. 18 et suiv ; F. DONNAT, Droit européen de l’internet, Réseaux, données, services, op. cit., p. 11, n° 1.
110 L. n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF, 7 janvier 1978 p. 227.
111 L. n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF n° 0143, 22 juin 2004, p. 11168.
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entre le droit et le fait, entre la norme et la réalité technologique. Le problème n’est pas tant
qu’internet ne serait soumis à aucun droit, mais plutôt que ce droit court en permanence
après l’innovation à tel point qu’il peut apparaître rapidement inadapté, obsolète, voire
inapplicable. Problématique différente qui n’est pas l’absence de normes mais leur capacité à
résister à l’assaut du temps »
113.
26. Des problématiques juridiques de différente nature. Les sites de réseaux sociaux
suscitent une myriade de problématiques juridiques liées à leurs spécificités intrinsèques ou à
l’usage qui en est fait. Dans ce sens il est affirmé que : « la nouveauté et la spécificité des
[sites de réseaux sociaux] par rapport aux autres médias sociaux amènent le juriste à
constater l’existence d’un "concentré de problèmes juridiques autour de frontières
nouvelles" »
114. Sans prétendre à l’exhaustivité, certaines problématiques juridiques peuvent
être mises en évidence afin de démontrer l’implication de l’ensemble des branches du droit en
la matière. Par exemple, les particularités des principaux sites de réseaux sociaux, notamment
quant à l’étendue de leur utilisation, impliquent des réflexions en droit de la concurrence en
raison de la situation monopolistique occupée par certaines plateformes à l’image du réseau
social Facebook, mais également en droit international public ou privé en raison leur
dimension transnationale. De plus, leur modèle de fonctionnement basé sur la collecte de
données personnelles est source de convoitises pour les États, ce qui amène à un
développement du droit du renseignement et plus particulièrement à l’extension des
techniques intrusives au bénéfice des autorités publiques, permettant la captation des données
des utilisateurs. En conséquence, la dimension particulière prise par les sites de réseaux
sociaux dans nos sociétés est source d’enjeux majeurs concernant la sauvegarde des libertés
fondamentales telles que le droit au respect de la vie privée ou encore le droit à la liberté
d’expression.
27. D’autres problématiques juridiques se révèlent également par l’usage des réseaux
sociaux en ligne. Au moment de son inscription sur un site de réseau social l’utilisateur passe
un contrat avec son opérateur. Le droit des contrats constitue la première relation juridique qui
lie l’utilisateur au réseau social. Outre le droit des contrats, l’inscription sur un réseau social
appelle également l’application du droit de la consommation en raison du statut de
consommateur accordé à leurs utilisateurs. Le droit du travail trouve à s’appliquer lorsque les
113 F. DONNAT, Droit européen de l’internet, Réseaux, données, services, op. cit., pp. 11-12, n° 1-2-3.
114 L. PAILLER, Les réseaux sociaux sur internet et le droit au respect de la vie privée, larcier, 2012, p. 20, citant : J.-E. RAY, « Little brothers are watching you », obs. sous CPH Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010, Semaine sociale Lamy, 6 décembre 2010, n° 1470, p. 10.