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238. Le développement des réseaux sociaux en ligne a fait émerger la notion d’identité numérique sociale qui est venue étendre de manière considérable la représentation numérique

de l’individu au point d’en faire une représentation d’égale importance à son identité réelle.

L’identité à l’ère numérique est aujourd’hui le fruit d’une multitude de facteurs issus de

l’activité de l’individu lui-même mais également de l’action d’autres personnes. C’est

précisément ce dernier point qui a révélé une insuffisance de la protection offerte par le droit

pénal. Ce dernier se devait donc d’adapter son système répressif afin de combler cette carence

structurelle qui traduit en réalité une évolution profonde des formes de représentation de

l’individu et partant, de son identité. Les sites de réseaux sociaux ont ainsi eu un impact

sociétal suffisamment important pour justifier l’adoption d’une nouvelle incrimination qui ne

peut être assimilée à une simple politique répressive adoptée en réaction à quelques faits

divers. Le délit prévu à l’article 226-4-1 du Code pénal reconnaît une nouvelle dimension à

l’identité individuelle en étendant la protection pénale à l’identité numérique des individus.

Mais surtout, cette nouvelle incrimination fait de l’usurpation d’identité une forme d’atteinte à

la vie privée des individus permettant dès lors une répression pénale complète des diverses

formes d’atteintes à l’identité y compris celles rencontrées dans le domaine numérique.

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Chapitre 2 – L’extension pénale de la protection de

l’intimité

239. La divulgation de l’intimité sur les réseaux sociaux. Les sites de réseaux sociaux

font partie des catalyseurs les plus efficients du phénomène de mise en visibilité de soi. Ce

désir « d’extimité » décrit par Monsieur Serge Tisseron

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favorise l’exposition d’éléments de

la personnalité particulièrement variés. Ces sites enregistrent ainsi certaines caractéristiques

stables et durables de l’individu mais aussi, des informations plus diffuses, mouvantes et

multiples révélées par l’activité sociale de partage

718

. En l’occurrence, la divulgation

d’informations personnelles est dans son ensemble le fait de l’individu lui-même, cependant

ce dernier peut également devenir victime d’une divulgation non consentie d’informations

représentant son intimité sur les sites de réseaux sociaux. Au summum de cette atteinte se

trouve la pratique du revenge porn appelée également vengeance pornographique qui consiste

dans le fait de publier à l’insu de la personne des photos la représentant dans son intimité

sexuelle. Cette divulgation est souvent le fait d’un(e) ex-conjoint(e) ou partenaire ou

amant(e).

240. L’évolution de la protection pénale de l’intimité. Si le droit pénal ne s’occupe a

priori pas du désir d’ « extimité » des individus sur les réseaux sociaux en ligne, il redevient

légitime à intervenir lorsque la mise en avant de soi concerne des images à caractère sexuel et

davantage lorsque la diffusion de telles images n’est pas consentie. Cependant, la protection

pénale préexistante de l’intimité de la vie privée prévue aux articles 226-1 et 226-2 du Code

pénal ne permettait pas de sanctionner la seule diffusion non consentie de l’intimité. Cette

carence révélée par une combinaison stricte de ces deux textes a alors poussé le législateur à

adapter le droit pénal par la création d’un nouveau délit sanctionnant de manière autonome la

diffusion non consentie de l’intimité. Ce nouveau délit motivé par certains comportements

déviants rencontrés sur les sites de réseaux sociaux consacre en réalité une évolution profonde

dans la protection pénale de la vie privée. Ainsi, les carences de la protection préexistante de

l’intimité (Section 1) ont justifié une extension de la protection de l’intimité (Section 2).

717 S. TISSERON, L’intimité surexposée, Hachette littérature, 2001, p. 52. V. supra n° 20.

718 D. CARDON, « Le design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 », Réseaux, vol. 26, n° 152,2008, p. 99.

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Section 1 : Les carences de la protection préexistante de l’intimité

241. La protection pénale de l’intimité. La loi n° 70-643 du 17 juillet 1970

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est venue

consacrer une protection pénale de la vie privée. Cette protection a ensuite été reprise aux

articles 226-1 et suivants du Code pénal de 1994. L’article 226-1 vient précisément

sanctionner le fait de porter atteinte à « l’intimité de la vie privée d’autrui » contre les

atteintes qui lui sont portées au moyen de procédés acoustiques et optiques. L’article 226-2

constitue quant à lui un délit de conséquence venant protéger la vie privée contre la

divulgation des actes réprimés à l’article précédent. La ratio legis de ces incriminations vient

spécifiquement protéger « l’intimité de la vie privée » de la personne. Cependant, à l’origine,

les incriminations venaient davantage sanctionner une captation non consentie d’un moment

d’intimité plutôt que la diffusion non consentie d’un tel moment. La large capacité de

diffusion offerte par les sites de réseaux sociaux est alors venue mettre en exergue les limites

des incriminations préexistantes. Le droit pénal a ainsi révélé de véritables carences dans son

dispositif traditionnel de protection de la vie privée (§1) pouvant néanmoins être prise en

compte de manière incidente par d’autres incriminations (§2).

§1. Les carences du dispositif traditionnel de protection de la vie privée

242. Les limites de la protection offerte par les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal.

Avant l’entrée en vigueur du délit de l’article 226-2-1 du Code pénal, la protection pénale de

l’intimité de la personne résultait des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal. Le premier texte

vient incriminer une atteinte primaire à l’intimité de la vie privée résultant de l’appropriation

de l’image ou de la parole intime d’autrui sans son consentement. À l’inverse, la deuxième

incrimination vient davantage appréhender une atteinte dérivée à l’intimité de la privée issue

de la diffusion de l’image intime de la personne. Ces textes se sont montrés toutefois

inadaptés aux nouvelles pratiques issues des sites de réseaux sociaux consistant à divulguer

l’intimité sexuelle de personnes sans leur consentement. Cette inadaptation résulte du système

de renvoi opéré par ces deux textes d’infraction. La rédaction de ces textes fait de l’atteinte

primaire à la vie privée un élément préalable à la constitution du délit de l’article 226-2 du

Code pénal. En conséquence, la diffusion d’une image de l’intimité d’autrui ne peut être

sanctionnée que lorsqu’elle constitue au préalable le délit prévu à l’article 226-1 du Code

719 L. n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, JORF 19 juillet 1970, p. 6751.

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