de l’individu au point d’en faire une représentation d’égale importance à son identité réelle.
L’identité à l’ère numérique est aujourd’hui le fruit d’une multitude de facteurs issus de
l’activité de l’individu lui-même mais également de l’action d’autres personnes. C’est
précisément ce dernier point qui a révélé une insuffisance de la protection offerte par le droit
pénal. Ce dernier se devait donc d’adapter son système répressif afin de combler cette carence
structurelle qui traduit en réalité une évolution profonde des formes de représentation de
l’individu et partant, de son identité. Les sites de réseaux sociaux ont ainsi eu un impact
sociétal suffisamment important pour justifier l’adoption d’une nouvelle incrimination qui ne
peut être assimilée à une simple politique répressive adoptée en réaction à quelques faits
divers. Le délit prévu à l’article 226-4-1 du Code pénal reconnaît une nouvelle dimension à
l’identité individuelle en étendant la protection pénale à l’identité numérique des individus.
Mais surtout, cette nouvelle incrimination fait de l’usurpation d’identité une forme d’atteinte à
la vie privée des individus permettant dès lors une répression pénale complète des diverses
formes d’atteintes à l’identité y compris celles rencontrées dans le domaine numérique.
189
Chapitre 2 – L’extension pénale de la protection de
l’intimité
239. La divulgation de l’intimité sur les réseaux sociaux. Les sites de réseaux sociaux
font partie des catalyseurs les plus efficients du phénomène de mise en visibilité de soi. Ce
désir « d’extimité » décrit par Monsieur Serge Tisseron
717favorise l’exposition d’éléments de
la personnalité particulièrement variés. Ces sites enregistrent ainsi certaines caractéristiques
stables et durables de l’individu mais aussi, des informations plus diffuses, mouvantes et
multiples révélées par l’activité sociale de partage
718. En l’occurrence, la divulgation
d’informations personnelles est dans son ensemble le fait de l’individu lui-même, cependant
ce dernier peut également devenir victime d’une divulgation non consentie d’informations
représentant son intimité sur les sites de réseaux sociaux. Au summum de cette atteinte se
trouve la pratique du revenge porn appelée également vengeance pornographique qui consiste
dans le fait de publier à l’insu de la personne des photos la représentant dans son intimité
sexuelle. Cette divulgation est souvent le fait d’un(e) ex-conjoint(e) ou partenaire ou
amant(e).
240. L’évolution de la protection pénale de l’intimité. Si le droit pénal ne s’occupe a
priori pas du désir d’ « extimité » des individus sur les réseaux sociaux en ligne, il redevient
légitime à intervenir lorsque la mise en avant de soi concerne des images à caractère sexuel et
davantage lorsque la diffusion de telles images n’est pas consentie. Cependant, la protection
pénale préexistante de l’intimité de la vie privée prévue aux articles 226-1 et 226-2 du Code
pénal ne permettait pas de sanctionner la seule diffusion non consentie de l’intimité. Cette
carence révélée par une combinaison stricte de ces deux textes a alors poussé le législateur à
adapter le droit pénal par la création d’un nouveau délit sanctionnant de manière autonome la
diffusion non consentie de l’intimité. Ce nouveau délit motivé par certains comportements
déviants rencontrés sur les sites de réseaux sociaux consacre en réalité une évolution profonde
dans la protection pénale de la vie privée. Ainsi, les carences de la protection préexistante de
l’intimité (Section 1) ont justifié une extension de la protection de l’intimité (Section 2).
717 S. TISSERON, L’intimité surexposée, Hachette littérature, 2001, p. 52. V. supra n° 20.
718 D. CARDON, « Le design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 », Réseaux, vol. 26, n° 152,2008, p. 99.
190
Section 1 : Les carences de la protection préexistante de l’intimité
241. La protection pénale de l’intimité. La loi n° 70-643 du 17 juillet 1970
719est venue
consacrer une protection pénale de la vie privée. Cette protection a ensuite été reprise aux
articles 226-1 et suivants du Code pénal de 1994. L’article 226-1 vient précisément
sanctionner le fait de porter atteinte à « l’intimité de la vie privée d’autrui » contre les
atteintes qui lui sont portées au moyen de procédés acoustiques et optiques. L’article 226-2
constitue quant à lui un délit de conséquence venant protéger la vie privée contre la
divulgation des actes réprimés à l’article précédent. La ratio legis de ces incriminations vient
spécifiquement protéger « l’intimité de la vie privée » de la personne. Cependant, à l’origine,
les incriminations venaient davantage sanctionner une captation non consentie d’un moment
d’intimité plutôt que la diffusion non consentie d’un tel moment. La large capacité de
diffusion offerte par les sites de réseaux sociaux est alors venue mettre en exergue les limites
des incriminations préexistantes. Le droit pénal a ainsi révélé de véritables carences dans son
dispositif traditionnel de protection de la vie privée (§1) pouvant néanmoins être prise en
compte de manière incidente par d’autres incriminations (§2).
§1. Les carences du dispositif traditionnel de protection de la vie privée
242. Les limites de la protection offerte par les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal.
Avant l’entrée en vigueur du délit de l’article 226-2-1 du Code pénal, la protection pénale de
l’intimité de la personne résultait des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal. Le premier texte
vient incriminer une atteinte primaire à l’intimité de la vie privée résultant de l’appropriation
de l’image ou de la parole intime d’autrui sans son consentement. À l’inverse, la deuxième
incrimination vient davantage appréhender une atteinte dérivée à l’intimité de la privée issue
de la diffusion de l’image intime de la personne. Ces textes se sont montrés toutefois
inadaptés aux nouvelles pratiques issues des sites de réseaux sociaux consistant à divulguer
l’intimité sexuelle de personnes sans leur consentement. Cette inadaptation résulte du système
de renvoi opéré par ces deux textes d’infraction. La rédaction de ces textes fait de l’atteinte
primaire à la vie privée un élément préalable à la constitution du délit de l’article 226-2 du
Code pénal. En conséquence, la diffusion d’une image de l’intimité d’autrui ne peut être
sanctionnée que lorsqu’elle constitue au préalable le délit prévu à l’article 226-1 du Code
719 L. n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, JORF 19 juillet 1970, p. 6751.
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Dans le document
L’adaptation du droit pénal aux réseaux sociaux en ligne
(Page 191-195)