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La répression pénale par le système de la réalité 82

Section I – La répression pénale par le système de la réalité

134.Justifications. Chaque Etat cherche à protéger ses intérêts situés dans les autres parties

du globe. Ce sont des atouts qui participent au rayonnement international d’un pays. Dans le système de la réalité il n’y a pas de victime particulière, individuelle. C’est l’Etat concerné qui est la victime de l’infraction377. Les autorités réagiraient dans une logique de légitime

défense378. De cela découle que cette compétence est peu conditionnée pour assurer une

protection efficace mais qu’elle n’implique que des infractions spécifiques pour éviter de tomber dans un universalisme répressif.

Ce système est apparu très tôt et des témoignages significatifs nous proviennent des cités lombardes des XIIIème et XIVème siècles. Leurs statuts donnaient compétence aux juridictions locales pour juger les étrangers qui auraient commis en dehors des frontières des actes hostiles à l’encontre de ces villes ou de leurs citoyens379.

135.Conditions françaises de mise en œuvre. L’infraction est réalisée au-delà des frontières

d’un Etat. Qu’importe la nationalité de l’auteur et sans réciprocité d’incrimination380, la

377 Lombois, supra note 217, no 316.

378 Donnedieu de Vabres, supra note 5 à la p 87. 379 Ibid à la p 86.

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compétence réelle ne demande pas de conditions procédurales spécifiques. De plus, le principe de non bis in idem est exclu dans ces cas. Un État ne peut abandonner ses intérêts aux juridictions pénales étrangères381.

Cependant cette compétence perd de la logique dans notre droit positif français puisque les tribunaux pénaux pourront aussi connaître des infractions contre les intérêts d’un État étranger. Par exemple, la compétence réelle peut être actionnée dans les cas de contrefaçon des effets publics émis par la France mais aussi par un pays étranger.

De plus, la compétence réelle était concentrée originellement vers les infractions politiques ; cependant le législateur y fait entrer actuellement des délits de droit commun, d’autant plus sous les revendications de l’utilitarisme et de l’étatisme en droit pénal382 surtout

lors du développement de l’école positiviste italienne où une préférence est accordée à l’utilité par rapport à la justice.

Face à une telle dénaturation, certains auteurs avancent une perte de « pureté »383 et

qualifient ce titre de « compétence réelle universalisée »384.

136.Cas de compétence réelle canadiens. L’article 7 du Code criminel, en sus d’indiquer

des cas de compétence personnelle, autorise la poursuite de criminels étrangers ayant commis à l’extérieur des frontières du Canada des infractions contre les intérêts canadiens. Cependant, au lieu de situer les faits à l’étranger, le droit réalise une seconde assimilation car le suspect est réputé avoir commis l’infraction au Canada.

Une première est présentée à l’alinéa 7(2.1)g) du Code criminel renvoyant aux infractions de l’article 78.1 lorsqu’elles sont commises contre une plate-forme fixe attachée au plateau continental étranger ou un navire avançant dans les eaux territoriales étrangères et qu’elles ont le « but de contraindre le gouvernement du Canada à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir ». Il y aura la même solution localisatrice pour ces mêmes infractions visées et, cette fois-ci, commises à l’encontre ou à bord d’une plate-forme non attachée au plateau continental ou d’un navire situé dans les eaux internationales si le suspect

381 Ibid.

382 Donnedieu de Vabres, supra note 5 à la p 87.

383 André Huet et Renée Koering-Joulin, Droit pénal international, 3e éd. mise à jour, Paris, Presses

universitaires de France, 2005, no 138. 384 Lombois, supra note 217, no 331.

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est trouvé dans un Etat tiers à l’affaire mais partie à la Convention pour la répression d’actes

illicites contre la sécurité de la navigation maritime385 ou au Protocole sur la répression

d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental386 ;

la loi demande toujours ce « but de contraindre le gouvernement du Canada à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir »387.

Ce régime se retrouve pour les prises d’otages si la finalité est « d’inciter Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province à commettre ou à faire faire un acte par action ou omission »388. De même pour les infractions ayant la même vision contre le personnel des

Nations-Unies389 ou avec des engins explosifs et meurtriers390.

Des cas de compétence réelle sont spécialement prévus pour le terrorisme. Par exemple, les actes de financement du terrorisme en vue de commettre des actes pour contraindre le gouvernement du Canada ou d’une province ou si l’acte est commis contre une installation gouvernementale ou publique canadienne basée à l’étranger391. En outre si un acte

criminel est conjugué à une activité terroriste au sens de l’alinéa 83.01(1)b) et qu’il est commis contre ces mêmes installations ou dans le même sens de contrainte, l’acte est réputé avoir été commis au Canada392.

137.Complot. Une nouvelle exception à la territorialité est présentée à l’article 465 du Code

criminel concernant les personnes qui, à l’étranger, complotent de commettre au Canada des

actes punissables selon la loi canadienne. Les faits seront réputés avoir été commis au Canada393 et peuvent être jugés dans n’importe quelle circonscription394.

385 Convention de Rome du 10 mars 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation

maritime, supra note 338.

386 Protocole de Rome du 10 mars 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes

fixes situées sur le plateau continental, supra note 339.

387 Paragraphe 7(2.2) Code criminel, supra note 38.

388 Ibid art. 7(3.1)d] renvoyant aux infractions prévues à l’article 279.1.

389 Ibid art. 7(3.71)f] renvoyant aux infractions prévues aux articles 235, 236, 266, 267, 268, 269, 269.1, 271,

272, 273, 279, 279.1, 424.1 ou 431.1.

390 Ibid art. 7(3.72)f] renvoyant aux infractions prévues à l’article 431.2.

391 Ibid art. 7(3.73)e] et f) renvoyant aux infractions prévues aux alinéas 83.02a] et b). 392 Ibid art. 7(3.75)b] et c).

393 Ibid art. 465(4). 394 Art. 465(5) Ibid.

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138.Passeport et citoyenneté. Les tribunaux canadiens seront compétents pour juger les

infractions, commises à l’étranger, de fabrication et d’usage de faux passeports canadiens, de déclarations mensongères sur un faux passeport et sa possession, d’utilisation frauduleuse d’un certificat de citoyenneté canadienne395.

139.Conclusion Section I. Le principe de la compétence réelle et son développement

démontrent la volonté des Etats de protéger les intérêts fondamentaux de la nation qui se trouvent à l’étranger. Cependant l’accroissement actuel des infractions relevant de ce système dénature l’ambition originelle car la compétence vise en sus dorénavant les intérêts des Etats étrangers et se transforme en une sorte de compétence réelle universalisée.