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La détermination du lieu de commission de l’infraction 53

88.Appréciation du juge et preuve. En France, c’est à la juridiction saisie d’une affaire de

vérifier si le lieu de commission de l’infraction est situé sur le territoire de la République. Si cette analyse requiert l’interprétation d’un acte diplomatique, le juge peut le faire de sa propre autorité sans passer par le ministre des Affaires étrangères247 et cela s’apprécie au jour de

commission de l’infraction248.

Au Canada, il est obligatoire de justifier la compétence ratione loci dans une dénonciation ou un acte d’accusation249 sinon l’acte sera annulé250 ou un recours en

prohibition sera accepté. La preuve de cette compétence devra être présentée lors de l’enquête préliminaire ou, si elle n’a pas lieu, lors du procès; si cela fait défaut, le suspect sera alors libéré ou acquitté251, ou un recours en certiorari sera réalisé pour casser la citation au

procès252.

Pour un tel travail les juges devront analyser quels faits peuvent rattacher l’infraction au territoire (§1) et, en cas de plusieurs infractions commises en divers lieux, s’ils sont compétents pour juger l’ensemble du dessein criminel (§2).

247 Cass crim, 11 février 2004, n°02-84472, Bull crim n°37.

248 Cass crim, 26 juin 1963, n°62-93565, Bull crim n°231, RSC 1964 p364, obs Legal. 249 R c Smith, 1974 16 CCC (2d) 11 (CAN-B); R c Hubbard, 1915 24 CCC 127 (CAN-B). 250 R c Ouellette, 1998 RJQ 154 (CS).

251 R c Cotroni, 1979 2 RCS 256; R c O’Blenis, 1965 2 CCC 165 (CAN-B); R c O’Gorman, supra note 175. 252 R c Simons, 1977 30 CCC (2d) 162 (CAO).

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§1 – La détermination du fait constitutif

89.La notion de fait constitutif. « La loi pénale française est applicable aux infractions

commises sur le territoire de la République. L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur le territoire »253. Arrêtons-

nous de prime abord sur le terme « réputée » : celui-ci pourrait recouvrir ce qui est présumé par la loi ou bien « ce qui est considéré par la loi comme » renvoyant ainsi à la fiction254 ; c’est cette seconde conception qui est retenue par la loi française255. Le Code criminel ainsi

que les autres lois canadiennes utilisent sur le même diapason le terme « réputée ».

Ensuite, l’enjeu est de savoir si un fait constitutif correspond à un élément constitutif de l’infraction comme on le conçoit habituellement en droit pénal256. Tout d’abord, l’élément

légal ne peut pas subir « d’éclatement territorial »257 ; en effet, le texte incriminateur définit

l’infraction en des termes clairs et précis et permet ainsi d’apprécier si les éléments concernent l’ordre public territorial national258. Concernant l’élément psychologique, ou

mens rea, c’est impalpable, il s’agit de vouloir ou de ne pas vouloir, donc cela ne peut pas

servir de localisation259. Quant à l’élément matériel, ou actus reus, s’agit-il de l’acte

infractionnel ou du résultat de cet acte infractionnel ? C’est l’exemple traditionnel de l’individu qui tire un coup de feu à la frontière pour tuer la victime qui se trouve de l’autre côté de la séparation étatique.

Le principe de territorialité recouvrirait une dimension objective et une dimension subjective260. Le premier permettrait aux tribunaux de juger les crimes réalisés entièrement à

253 Code pénal, supra note 186 art. 113-2.

254 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 12ème Ed., coll Quadrige, Paris, PUF, 2018, sub verbo « Réputer ». 255 Lombois, supra note 217, no 256; Castella, supra note 90, no 544.

256 Selon Maurice Travers, Le droit pénal et sa mise en oeuvre en temps de paix et de guerre, tI, Paris, Sirey,

1920, no 114 il ne faudrait prendre en considération que « les éléments d’activité de l’agent et de toutes les

conséquences de cette activité qui sont susceptibles de décider de la loi pénale ou d’influer sur son application ». .

257 Jurisclasseur Droit international, Fasc 403-10, « Compétence des tribunaux répressifs français et de la loi

pénale française » par André Huet, no 45. 258 Castella, supra note 90, no 546.

259 Lombois, supra note 217, no 255 : « Il ne faut avoir égard qu’aux éléments matériels : la manifestation de

l’élément moral ne pouvant être, géographiquement, dissociée de celle de l’élément moral ».

260Commission de réforme du droit du Canada, La juridiction extraterritoriale, Ministère des

Approvisionnements et Services Canada, Document de travail n°37, 1984 aux pp 8‑11; V. aussi notamment pour la distinction entre les territorialités objective et subjective Brigitte Stern, « Quelques observations sur les règles internationales relatives à l’application extraterritoriale du droit » AFDI 1987 24.

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l’étranger mais dont les effets sont ressentis sur le territoire géographique national261, tandis

que le second ne permettrait une telle compétence que si, et seulement si, un élément constitutif a lieu sur l’assise géographique nationale. Plusieurs théories sont alors envisageables.

90.Théorie de l’action. Elle énonce que la loi applicable est celle du lieu de l’acte

infractionnel. Cela se justifie par le fait que c’est l’endroit où se situent généralement les preuves de l’infraction ; de surcroît, le délinquant devrait connaître la loi du lieu où il se trouve. Cependant ce qui caractérise le droit pénal c’est l’atteinte à une valeur, cette atteinte est réalisée par le résultat de l’acte. Cette théorie fausse la logique du droit pénal.

Le droit canadien a retenu cette théorie dans le Code criminel dont le paragraphe 6(2) énonce que « sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, nul de doit être déclaré coupable d’une infraction commise à l’étranger ». Avec l’admission de ce principe de la territorialité des lois262, le Canada accepte d’extrader ses

nationaux à la différence de la plupart des pays européens qui utilisent en plus le principe de la nationalité pour justifier le refus d’extrader leurs ressortissants et ainsi respecter l’adage

aut dedere, aut judicare.

91.La théorie du résultat. L’infraction se situe où se produit le résultat de l’acte. Le résultat

serait l’atteinte effective à la valeur protégée par loi pénale. Cependant cet angle est porté vers la victime tandis que le droit pénal s’intéresse traditionnellement à l’auteur de l’infraction. L’autre faiblesse est que cette théorie ne prend pas en compte le comportement délictuel donc aussi l’élément psychologique. Cette analyse objective est en inadéquation avec le droit pénal qui a une logique normalement subjective.

92.La théorie de l’ubiquité. Aussi appelée théorie de l’indifférence, elle mêle les deux

précédentes théories, c’est-à-dire que les juridictions d’un Etat seront compétentes si l’acte répréhensible ou si son résultat se produit dans ce pays.

261 R c Hape, supra note 82 au para 59. 262 R c Finta, 1994 1 RCS 701, 805 et 806.

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La France y adhère par souci d’effectivité de la loi pénale afin d’appréhender le plus de comportements illégaux. C’est aussi le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, de la Norvège et du Portugal par exemple. Cette théorie a été créée par la jurisprudence ; l’inconvénient majeur est qu’elle génère des conflits positifs de compétence entre les juridictions des Etats. Dès lors, elle pourrait bafouer le principe non bis in idem.

Par ailleurs, cette théorie entraîne deux sortes de remarques pertinentes : en premier lieu, il appert que le droit pénal international se désintéresse normalement des conditions préalables qui sont des éléments indispensables pour que l’infraction existe mais qui n’ont pas de coloration pénale en soi (ex : pour le meurtre, la condition préalable est d’avoir une personne vivante)263. La jurisprudence française a dû se poser ce problème en 2009264 dans

une affaire d’abus de confiance : selon une partie de la doctrine, dans cette infraction, la conclusion du contrat, de même que la remise de la chose, seraient des conditions préalables. En l’espèce, c’est un Allemand qui vient travailler en France où il signe son contrat de travail qui stipule que la société lui remet un véhicule de fonction. Plus tard, le salarié rompt son contrat, rentre en Allemagne mais refuse de rendre le véhicule. C’est un abus de confiance, mais la problématique porte sur la compétence de la loi française pour juger de tels faits. La Cour de cassation répond par l’affirmative car elle soutient que ce qui pourrait être considérés comme des conditions préalables sont bien des éléments constitutifs de l’infraction d’abus de confiance qui ont été commis en France. Y. Mayaud en déduit que « le critère est moins lié à ce qui est constitutif qu’à ce qui est factuel : la jurisprudence considère comme « fait constitutif » tout ce qui peut être associé de près ou de loin à la définition des infractions, sans ressortir pour autant de leur matérialité au sens précis du terme »265.

Par ailleurs, il convient de s’intéresser aux infractions dématérialisées266 qui correspondent principalement à des infractions par l’informatique ou l’image. Les nouveaux moyens de communication postulent l’ubiquité comme dans les injures, diffamations, outrages réalisés sur internet. Les premiers arrêts ont retenu, pour situer l’infraction, le critère

263 Lombois, supra note 217, no 255 : « On appelle conditions préalables celles qui ont créé une situation, neutre

en elle-même, mais nécessaire à la réalisation du délit ». L’auteur refuse une localisation par les seules conditions préalables.

264 Cass crim, 2 décembre 2009, n°09-83.271, Dr. pén. 2010, comm. 42, obs. M. Véron. 265 Yves Mayaud, Droit pénal général, 4ème Ed., PUF, 2013 à la p 208.

266 V. par exemple : Guillaume Beaussonnie, La prise en compte de la dématérialisation des biens par le droit

pénal : contribution à l’étude de la protection pénale de la propriété, Thèse dactyl., Université Toulouse I

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d’accès aux propos litigieux : s’ils sont accessibles en France, alors la loi pénale française est applicable. Cette position a été critiquée car la France se positionnait comme « gendarme d’internet »267 du fait de la dimension mondiale de la toile268. En outre, aurait pu être choisi

le lieu d’émission ; cependant cette approche nourrit le forum shopping et la création de « paradis informationnels »269. De ce constat, il y a eu un revirement de jurisprudence, les juges retiennent désormais un lien renforcé avec la France (nationalité française de l’auteur ou de la victime, l’hébergeur se situe en France…). Plus précisément, la jurisprudence270 a

été confrontée à l’infraction réalisée par des menaces sur internet qui n’oblige pas que le destinataire des menaces en soit informé. En l’espèce, un avocat français reçoit des menaces de mort de la part du Président croate lors de l’un de ses discours tenus en Croatie et mis sur internet par la présidence croate. Le débat porte tout d’abord sur la compétence personnelle passive, c’est-à-dire sur la nationalité française de la victime, mais les critères procéduraux ne sont pas remplis. Ensuite, l’avocat soutient la compétence territoriale puisque le site internet est accessible depuis la France mais la Cour de cassation rejette les arguments. Selon elle, la réception des propos peut être un critère de rattachement territorial, si, et seulement si, c’est un élément constitutif de l’infraction, ce qui n’est pas le cas pour l’infraction poursuivie.

93.Faits constitutifs et catégories d’infractions. En première catégorie, il s’agit des

infractions par omission, telle que le délit de non-représentation d’enfant. Pour de tels actes, l’infraction est située uniquement là où l’obligation devait être exécutée, par exemple en vertu d’une décision judicaire.

Secondement, il est important de se concentrer sur la tentative où il y a seulement un commencement d’exécution. Il faut différencier deux situations : si le commencement

267 V. notamment Laurent Pech, « Conflits de loi et compétence internationale des juridictions françaises » fasc

3000:n°71 Jcl Communication: « Avec un tel critère de localisation, le droit pénal français pourrait prétendre régenter tous les contenus diffusés sur Internet ».

268 Jacques Francillon, « note sous Cass. crim. 14 décembre 2010 » RSC 2011 651.

269 Hugot Jean-Paul, « La compétence universelle des juridictions françaises en matière délictuelle : vers des

“enfers numériques” » n°185, II Légipresse 2001; V. aussi : Fernandez, supra note 7, no 109 et s.

270 Cass crim, 8 décembre 2009, n°09-82120 09-82135, publié au bulletin; V. aussi : 14 décembre 2010, non

publié ; D 2011 1055, note E Dreyer ; RTD com 2011 356, obs F Pollaud-Dulian ; RPD pén 2011, n° 1 203, obs D Chilstein ; RSC 2011, p651, note J Francillon en matière de contrefaçon musicale où la Cour demande

que le délit soit « orienté vers le public français » ; il appert que c’est une localisation juridique et non pas matérielle.

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d’exécution a lieu en France pour une infraction projetée à l’étranger, la loi française est compétente car il y a un commencement d’exécution en France. A l’inverse, si le commencement d’exécution a lieu à l’étranger pour une infraction projetée en France, alors il n’y a pas de compétence française car il ne s’est rien produit matériellement en France.

94.Compétence ratione loci provinciale au Canada. Le paragraphe 478(1) du Code

criminel pose l’interdiction pour le tribunal d’une province de juger une infraction

entièrement commise dans une autre province. Le mot « entièrement » souligne le fait que si un des éléments de l’infraction est commis dans plusieurs provinces, les juridictions pénales de chacune de ces provinces seront compétentes271. L’article 476 émet des exceptions dans

certains cas d’infractions commises proche des frontières interprovinciales ou dans un cours d’eau interprovinciale, par exemple ; dans ce cas, les juridictions des différentes provinces concernées pourront exercer leur compétence en concurrence272.

95. Infractions continues. Il s’agit des infractions qui ont débuté dans une province et

continué dans une autre. De tels faits donnent une compétence concurrente à chacune des provinces. Par exemple la Cour d’appel de l’Ontario a jugé un cas où l’accusé reçoit dans un district un billet à ordre pour fin de collection dans un autre district mais conserve finalement

271 V. aussi : Sir Fitzjames Stephen, supra note 33 Vol. II, p.10 évoquant la législation du Roi d’Angleterre : ;

7 George 4, c.64, s.12 de 1827  : « where an offence is begun in one country and completed in another the

offender may be proceeded against in either ».

272 Code criminel, supra note 38 art. 476 a] : « lorsqu’une infraction est commise dans des eaux, sur des eaux,

ou sur un pont, entre deux ou plusieurs circonscriptions territoriales, l’infraction est censée avoir été commise dans n’importe laquelle des circonscriptions territoriales » ; b) lorsqu’une infraction est commise sur la limite de deux ou plusieurs circonscriptions territoriales, ou dans les cinq cents mètres d’une telle limite, ou si elle est commencée dans l’une de ces circonscriptions et consommée dans une autre, l’infraction est censée avoir été commise en n’importe laquelle des circonscriptions territoriales ; c] : « lorsqu’une infraction est commise dans ou sur un véhicule employé à faire un voyage, ou à bord d’un navire employé sur une rivière, un canal ou une eau interne navigable, l’infraction est censée avoir été commise dans toute circonscription territoriale à travers laquelle a passé le véhicule ou le navire dans le cours du trajet ou voyage où l’infraction a été commise; si le centre ou toute autre partie de la route ou de la rivière, du canal ou de l’eau interne navigable qu’a suivie le véhicule ou le navire dans le cours du trajet ou voyage, constitue la délimitation de deux circonscriptions territoriales ou plus, l’infraction est censée avoir été commise dans n’importe laquelle des circonscriptions territoriales » ; d) : « lorsqu’une infraction est commise dans un aéronef au cours d’une envolée de cet aéronef, elle est censée avoir été commise : (i) soit dans la circonscription territoriale où l’envolée a commencé, (ii) soit dans n’importe laquelle des circonscriptions territoriales que l’aéronef a survolées au cours de son envolée, (iii) soit dans la circonscription territoriale où l’envolée a pris fin; Pour l’application de la présente loi : e] lorsqu’une infraction est commise à l’égard du courrier pendant sa livraison à domicile, l’infraction est censée avoir été commise dans toute circonscription territoriale à travers laquelle le courrier a été transporté durant cette livraison.".

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les produits de la vente ; dans cette situation, les juridictions des deux districts concernés pourront poursuivre concurremment l’affaire273. De même, dans Gillepsie274, elle a jugé que

le président d’une compagnie basée en Ontario peut être jugé à Montréal pour avoir depuis l’Ontario préparé et fait distribuer des états financiers frauduleux qui ont été utilisés à Montréal ; l’infraction a débuté en Ontario mais continué à Montréal.

96.L’affaire Bigelow275. Les faits concernent la détention d’un enfant de moins de quatorze

ans dans l’intention de priver l’autre parent de la possession de l’enfant276. Après la séparation

avec la mère qui a obtenu le droit de garde, le père exerça son droit de visite en Ontario mais il repartit en Alberta avec l’enfant. L’accusé soutient que la séquestration a eu lieu en Alberta et, de ce fait, la Cour provinciale de l’Ontario est incompétente pour juger l’affaire. La Cour d’appel réfute cet argument et énonce qu’une infraction n’est pas « entièrement » commise dans une province dès lors qu’un élément de rattachement de l’infraction est commis dans une autre province277. Les juges parlent « d’actes manifestes » qui donnent aux juridictions

d’une province compétence sur toute l’infraction. Cela peut correspondre aux simples « effets » de l’infraction comme, en l’espèce, la privation du droit de garde de la mère278.

97.Actes manifestes. Cette théorie correspond à la situation où plusieurs actes sont réalisés

dans un unique dessein criminel. Ils peuvent donner lieu à plusieurs compétences ratione loci concurrentes. Par exemple un individu accusé de proxénétisme pourra être jugé au lieu de la prostitution même si le produit de l’infraction lui est envoyé dans une autre province279.

L’arrêt Bell280 illustre correctement cette théorie : en l’espèce, de la drogue était envoyée au

domicile de l’appelant à Saint-Hilaire en transitant par Toronto et ce depuis la Jamaïque. La GRC a suivi le trajet du colis jusqu’au domicile de l’acheteur pour l’arrêter. L’accusé soutient que l’infraction a été entièrement consommée à Toronto malgré les poursuites intentées devant la Cour supérieure de Québec. La Cour suprême du Canada reconnaît que l’infraction

273 Hoyle, (1896) 5 CCC 53, B. R. Qué QB. 274 Gillepsie, (1898) 1 CCC 551.

275 Bigelow c R, (1983) 69 CCC (2d) (CAO).

276 Ancien paragraphe 250(1) devenu 282(1) Code criminel, supra note 38. 277 Bigelow c R, supra note 275 aux paras 204, 208.

278 Ibid aux paras 204, 212.

279 Re Gayle and the Queen, (1981) 59 CCC (2d) 127. 280 R c Bell, [1983] 2 RCS 471.

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d’importation a été consommée en entier à Toronto, soit dès l’entrée au Canada, et qu’elle ne s’est pas continuée jusqu’au domicile du délinquant. Cependant elle rajoute que ce n’est pas suffisant pour déclarer incompétentes les juridictions québécoises : « Il est tout à fait possible qu’ « A », alors qu’il est dans la ville « X », prenne toutes les dispositions et accomplisse tous les actes nécessaires qui s’imposent pour que les marchandises illicites soient importées dans la ville « Y » […] Le même principe peut s’appliquer dans les affaires criminelles et les actes criminels accomplis dans une province peuvent exposer leur auteur à des poursuites dans une autre province et le rendre justiciable des tribunaux de cette autre province »281.

Nous avons une application de ce principe dans Gélinas282 où il a été jugé qu’un

individu peut être poursuivi au Québec pour fabrication de faux par rapport à un document rédigé en Ontario puisque ce document devait être enregistré et utilisé au Québec et, par ailleurs, car les victimes potentielles y résidaient.

98.Facteurs attributifs de compétence pour les actes criminels. Le Code criminel indique

les cas où la cour supérieure de juridiction criminelle (au Québec, la Cour supérieure) ou la cour de juridiction criminelle (au Québec, la Cour de Québec ou les cours municipales de Montréal ou Québec) auront compétence : si le prévenu est trouvé, arrêté ou sous garde dans la juridiction territoriale du tribunal ou s’il a été ordonné au prévenu d’être jugé devant un tel tribunal ou devant tout autre tribunal dont la juridiction a été, par autorisation légitime, transférée à un tel tribunal283.

Il en ressort que plusieurs juridictions criminelles pourront être concurremment saisies. La jurisprudence interprétant le terme de « juridiction territoriale » fait référence aux compétences décernées par les lois provinciales ; en Ontario et au Québec, elles donnent compétence à la province entière284.

99.Exceptions légales, le changement de venue (change of venue). Dans le cas d’une

infraction qui n’est pas de compétence exclusive de la cour supérieure selon l’article 469 du

281 Ibid , 489 et 490.

282 R c Gélinas, 1995 94 CCC (3d) 69 (CAQ). 283 Code criminel, supra note 38 art. 470.

284 Ellis c Ontario, supra note 174 citant ; R c Feige, 1992 18 WCB (2d) 69 (CODivGen); R c Gagné, supra