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Les réponses apportées à la problématique de la récidive délinquante

CHAPITRE 1 : L ES CONTOURS DE LA RÉPÉTITION DÉLINQUANTE

1.1. Délinquance des mineurs et prise en charge en Suisse

1.1.2. Mineurs délinquants ou jeunes en situation de difficultés sociales? Le cas des jeunes

1.1.2.2. Les réponses apportées à la problématique de la récidive délinquante

Les types d’intervention à l’égard des mineurs dits « délinquants » et « récidivistes » sont multiples. Sans prétendre à l’exhaustivité de ce qui se fait en Suisse, l’ambition de ce chapitre est toutefois de mettre en lumière les différents types de réponses apportées, qu’elles soient judiciaires, éducatives ou thérapeutiques et ce, dans une logique correctionnelle, assistancielle, de réinsertion sociale et professionnelle, préventive, de médiation ou encore de socialisation.

L’une des réponses apportées à la récidive délinquante se traduit par l’application, par les juges des mineurs, de la Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, entrée en vigueur le 1er janvier 200727 (Droit pénal des mineurs, DPMin). Contrairement au nouveau DPMin28 qui constitue un « instrument spécifique régissant la condition pénale des mineurs », l’ancien texte de loi régissant la condition pénale des mineurs était intégré dans le Code pénal suisse (CPS) dans les articles 82 à 99 du CPS. Bien qu’il fut adopté en 1937 et soit entré en vigueur en 1942, l’ancien DPMin était en travail depuis 1893 déjà. La réforme du DPMin permet donc une adaptation nécessaire aux réalités actuelles, qu’elles soient juridiques, criminologiques ou sociologiques. Elle offre aux juges un outil leur permettant de réagir de façon souple, différenciée et individualisée aux conduites délictueuses des mineurs (Queloz, 2007).

Le nouveau DPMin « s’applique à quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans » (art. 3 al.1 DPMin). Par sa réforme, le DPMin affirme son objectif, avant tout éducatif et protectionniste, malgré un versant plus répressif face à certains actes d’une lourde gravité. L’éducation et la protection des mineurs sont au premier plan des préoccupations dans l’application de la loi (art.2 al.1) tout comme une considération particulière est portée à l’égard de l’environnement, des conditions de vie et du développement du jeune (art. 2 al. 2 DPMin). Cette loi stipule que le jeune qui récidive en Suisse se trouve donc face à une loi distincte de celle des adultes, où peuvent être prononcées des « mesures de protection » (art.12 à 15 DPMin) ou des « peines » (art. 22 à 25 DPMin), selon l’appréciation des juges qui notamment prennent en compte l’âge et le développement du jeune comme élément susceptible de « peser en sa faveur » (art.1 al. 3 DPMin).

Au cours du processus judiciaire, l’autorité compétente peut ordonner une enquête sur la situation familiale, éducative, scolaire et professionnelle du jeune ou, si nécessaire, une observation en milieu ambulatoire ou institutionnelle (art.9 al.1 DPMin). Une expertise médicale ou

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En même temps que « la partie générale révisée du code pénal suisse (CPS) » (Queloz, 2007, p. 583).

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La référence à la Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs sera dorénavant faite par l’abréviation « DPMin ».

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psychologique peut également être requise avant de statuer sur la mesure de protection ou la peine (art.9 al. 3 DPMin). De ce fait, l’application des mesures de protection ou des peines prendra en compte d’éventuelles recommandations justifiant une intervention plutôt qu’une autre, selon la nature et le cadre de la situation du jeune.

Les mineurs récidivistes reconnus comme ayant commis des actes punissables peuvent être sous le coup d’une mesure de protection (si l’enquête relative à la situation personnelle recommande une prise en charge éducative ou thérapeutique) ou d’une peine qui implique non seulement la nécessaire culpabilité de l’auteur, mais qui tient également compte de la situation personnelle de l’auteur des délits (art. 1 al. 3 et 2 al. 2 DPMin) 29. L’une des spécificités du nouveau DPMin, et qui concerne particulièrement les jeunes qui récidivent, est « le système dualiste facultatif » qui permet aux juges de combiner une peine (si le mineur est considéré coupable) avec une mesure de protection (art. 11 al. 1 DPMin). L’introduction de ce dualisme facultatif était attendu de longue date par les professionnels de la justice, afin de répondre aux actes de délinquance de la manière la plus adaptée aux besoins des jeunes (Queloz, 2007).

Une brève description des mesures de protection et des peines inscrites dans le nouveau DPMin donne un aperçu des réponses que le système judiciaire suisse apporte à la problématique de la récidive délinquante des mineurs. Les mesures de protection comprennent :

- La surveillance qui est un droit de regard et d’information d’une personne ou d’un service désigné par l’autorité de jugement. Les parents ou les détenteurs de l’autorité parentale gardent l’autorité parentale et sont considérés aptes à assurer une prise en charge appropriée (art.12 DPMin).

- L’assistance personnelle qui va plus loin que la surveillance et qui permet d’apporter un accompagnement aux jeunes et une aide substantielle aux parents dans leurs tâches éducatives. Il se peut que l’autorité parentale soit restreinte (art. 13 DPMin).

- Le traitement ambulatoire qui est une mesure spécifique pour les mineurs souffrant d’addictions, de troubles psychiques ou de troubles du développement de la personnalité et qui peut être combiné avec une autre mesure de protection (art. 14 DPMin).

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Ce point concerne également les mineurs non récidivistes, soit ceux qui sont jugés pour la première fois. Dans le cadre de cette étude, nous parlons toutefois spécifiquement des jeunes qui récidivent.

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- Le placement qui consiste à ordonner un séjour « chez des particuliers ou dans un établissement d’éducation ou de traitement en mesure de fournir un prise en charge éducative ou thérapeutique ». Cette mesure est ordonnée s’il est justifié que la prise en charge ou le traitement ne peut se faire par le biais d’une autre mesure. Le placement en établissement ouvert pour le traitement de troubles psychiques ou en établissement fermé requiert une expertise médicale ou psychologique. Par ailleurs, le placement en milieu fermé ne peut être ordonné que si la protection ou le traitement du mineur l’exige, ou si le jeune représente une insécurité pour la société (art. 15 DPMin).

La diversité des mesures montre une volonté de considérer les spécificités des situations personnelles et les individualités. Comparativement à l’ancien DPMin, les cas d’exemption de peines ont augmenté permettant des mesures plus légères, alors que la durée de privation de liberté a été allongée, permettant inversement des mesures plus sévères. Les peines comprennent :

- La réprimande, qui est une « réprobation formelle de l’acte commis ». Elle peut être combinée avec « un délai d’épreuve de six mois à deux ans assorti de règles de conduite » durant lequel les jeunes risquent une autre peine s’ils commettent un acte punissable ou s’ils ne se soumettent pas aux règles de conduite (art. 22 DPMin).

- La prestation personnelle, qui remplace « l’astreinte au travail » de l’ancien DPMin. Les jeunes peuvent être amenés à offrir une prestation personnelle à un ou plusieurs bénéficiaires, à suivre des cours ou des activités définies par l’autorité judiciaires. La durée varie selon l’âge auquel l’acte a été commis (art. 23 DPMin).

- L’amende, qui comprend un seuil maximal de 2’000 francs et dont le montant est fixé en considération de la situation personnelle de l’auteur de l’acte (art. 24 DPMin).

- La privation de liberté, qui diffère avant tout dans sa durée. Les mineurs ayant commis un crime ou un délit avant seize ans sont passibles d’une privation de liberté allant d’un jour à un an. Les jeunes de seize ans et plus sont passibles d’une peine de privation de liberté pouvant aller jusqu’à quatre ans s’ils ont « commis un crime pour lequel le droit applicable aux adultes prévoit une peine privative de liberté de trois ans au moins » et s’ils ont fait

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preuve « d’une absence particulière de scrupules, notamment si (…) [leur] mobile, (…) [leur] façon d’agir ou le but de l’acte relèvent des dispositions d’esprit hautement répréhensibles » (art. 25 DPMin)30.

Si les réponses pénales apportées aux problèmes de récidive par la Loi régissant la condition pénale des mineurs sont essentielles, si ce nouveau DPMin contient une vision hautement éducative et s’il vise une collaboration entre autorité pénale et civile (art. 20) permettant l’accompagnement le plus adéquat possible des mineurs judiciarisés, faire face à la délinquance juvénile et plus spécifiquement à la récidive délinquante demande d’autres moyens que le droit pénal et les sanctions qu’il permet (Queloz, 2007). Dès lors, de quelle manière la société se charge-t-elle de l’accompagnement des jeunes en situation de délinquance ? Comment agit-elle parallèlement ou préventivement pour que les jeunes réduisent leurs expériences judiciaires et évoluent en dehors d’une dynamique de délinquance durable?

Avant de s’intéresser à la dimension de la prévention des parcours délictueux, arrêtons-nous sur les mesures d’intervention et leur efficacité. Quelles sont les prises en charge de la récidive délinquante qui ont fait leurs preuves ? Sur la base de quels constats d’efficacité se fondent les décisions d’intervention judiciaire et socioéducative ?

La fondation de la Collaboration Campbell et la de Collaboration Cochrane réalisent des recensions basées sur l’« Evidence Based Practice » (Lafortune, Meilleur, & Blanchard, 2009, p. 145). Concernant les interventions de type criminologique auprès des jeunes, les recensions Cochrane mettent en évidence l’efficacité de certaines prises en charge et offrent de ce fait une vue relative aux interventions auprès des jeunes en situation de délinquance. Denis Lafortune et ses collègues ont analysé en détail les recensions Cochrane, soit les méta-analyses de différents groupes de chercheurs s’intéressant aux programmes d’interventions criminologiques auprès des jeunes. Nous reprenons le propos des auteurs qui distinguent les interventions selon leur degré d’efficacité. Précisons toutefois que les éléments provenant des recensions Cochrane sont liés à des pratiques issues de l’Amérique du Nord et qu’il n’est pas possible de généraliser ces résultats au contexte de la Suisse. À défaut d’une telle recension propre à la Suisse ou à l’Europe, ces résultats offrent néanmoins une vision intéressante des pratiques évaluées.

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La peine privative de liberté est régie par les articles 25 à 32 du DPMin. Pour plus de précisions, nous renvoyons le lecteur à la Loi régissant la condition pénale des mineurs (DPMin).

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Parmi les programmes qualifiés d’ « inefficaces » ou de « nuisibles » :

- les ordonnances de traitement ambulatoire obligatoire pour les personnes souffrant d’un trouble mental grave et persistant ; et

- les programmes dissuasifs de type « Scared Straight » (Finckenauer, 1982) destinés aux jeunes31.

Les programmes dont l’efficacité est méconnue à cause de la « faiblesse des devis de recherche » sont :

- les communautés thérapeutiques en milieu carcéral ;

- les programmes visant la réduction de l’usage de substances (ou l’amélioration de l’état mental) chez des personnes avec des troubles mentaux graves ;

- les interventions offertes dans les tribunaux ou dans la communauté pour les délinquants usagers de drogues ;

- les approches non pharmacologiques visant à contenir les troubles du comportement violent en milieu hospitalier ;

- l’usage du médicament Clopixol® pour la gestion des situations d’urgence psychique et ;

- les opportunités de formation ou d’emploi pour prévenir l’implication des jeunes (7-16 ans) dans des gangs.

Selon les auteurs, une intervention a présenté des résultats contradictoires : la thérapie multisystémique32. Jeff Latimer (2005) fait également part de ces contradictions tout en relevant toutefois les effets positifs annoncés par de nombreuses méta-analyses réalisées sur des études se

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Programmes visant à faire visiter des prisons ou d’autres lieux dans le but d’effrayer pour dissuader d’un parcours délictueux.

32 La thérapie multisystémique est « une intervention intensive à court terme offerte à domicile et dans la communauté à des

jeunes et à des familles dysfonctionnelles. À l’origine, cette thérapie a été mise en œuvre pour diminuer les comportements criminels et antisociaux chez les jeunes qui avaient des démêlés avec la justice, mais on a étendu son utilisation à ceux qui manifestent une série de problèmes de comportement graves et qui sont à risque de placement hors de leur domicile familial » (Knoke, 2008, p. 1). Cette démarche thérapeutique « associe différents aspects de thérapies comportementales et systémiques » en cherchant à « obtenir une plus grande présence des parents et à encourager une plus grande consistance dans l’attitude éducatrice de ces derniers » (Fürstenau & Rhiner, 2009, p. 18).

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déroulant aux États-Unis. En Suisse, le projet « MST Turgau » qui a vu le jour en 2007 a été évalué à différentes reprises et démontre des résultats positifs dans le contexte dans lequel s’applique la thérapie (Fürstenau & Rhiner, 2009).

Toujours selon la recension Cochrane et comme le relève Denis Lafortune et ses collègues, les interventions qualifiées de « prometteuses et à développer davantage » sont :

- les interventions basées sur la mentalisation (Bateman & Fonagy, 2001) et l’approche dialectique comportementale (Linehan, Tutek, Heard, & Armstrong, 1994) pour les personnes ayant un trouble de personnalité borderline ;

- les interventions comportementales et cognitivo-comportementales qui visent à réduire l’agressivité des enfants et des adultes ayant des troubles d’apprentissage ou un retard mental ;

- les programmes scolaires de prévention secondaire qui ont pour objectif la réduction des comportements agressifs chez les enfants « à risque » ;

- le programme Strengthening Families (Spoth, Redmond, & Shin, 2001) qui vise à réduire l’abus d’alcool ;

- les programmes d’habiletés sociales ajustés pour convenir à la culture autochtone ;

- le placement familial à traitement multidimensionnel ;

- l’approche cognitivo-comportementale pour les jeunes placés en milieu résidentiel.

Il est toutefois nécessaire de considérer que ces résultats sont issus des méthodes quantitatives où les protocoles de recherche qualifiés d'expérimentaux (avec groupe contrôle) ne cohabitent pas (ou rarement) avec d’autres protocoles. Il n’en demeure pas moins que ces données fournissent un aperçu de l’intervention criminologique auprès des jeunes et permettent de voir les interventions où il serait nécessaire d’augmenter les évaluations, afin de connaître l’impact des pratiques sur les objectifs visés. Cela dit, ces interventions n’ont pas été évaluées de la même manière dans un contexte européen et ne peuvent être transposées comme telles dans un contexte helvétique. À défaut d’évaluation des réponses données à la récidive délinquante en Suisse, une telle méta-analyse demeure importante à considérer.

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Si les types d’intervention pour jeunes en situation de récidive délinquante sont hétérogènes et que certaines mesures permettent une intervention dans le milieu de vie, le placement institutionnel (en milieu ouvert ou fermé) reste une option fréquemment utilisée. La prise en charge des jeunes au sein de ces institutions varie en fonction de l’orientation disciplinaire et du concept pédagogique retenu ; l’orientation de ces dernières années montre que les interventions se basent fréquemment sur le constat d’un manque d’habiletés chez le jeune à atteindre ce qu’il désire par des moyens appropriés. Les stratégies pour répondre à ce postulat de départ s’insèrent souvent dans une logique cognitivo-comportementale et dans des approches thérapeutiques permettant de travailler sur l’apprentissage de conduites socialement adaptées (Mathys & Born, 2009). L’efficacité du placement comme moyen pour faire face à la délinquance n’est pas clairement identifiée. Les études relativement anciennes de Mark Lipsey et ses collègues (2000; 1992) montrent toutefois que les interventions les plus efficaces pour diminuer les conduites délinquantes sont celles qui offrent peu de possibilités d’entretenir des interactions avec d’autres jeunes déviants (Mathys & Born, 2009). Dans une même logique, la revue de la littérature de Kenneth Dodge et ses collègues (2006) expose que les interventions individuelles, ou celles mettant le curseur sur l’acquisition d’habiletés sociales, seraient plus efficaces que le regroupement de pairs déviants entre eux (Mathys & Born, 2009). Cela dit, si les interventions individuelles présentent plus d’efficacité pour réduire les conduites délinquantes que les prises en charge collectives regroupant des jeunes en situation de délinquance, la méta-analyse de Mark Lipsey & David Wilson (1998) démontre toutefois que, parmi les interventions collectives, celles qui ont lieu dans le milieu de vie du jeune présentent plus d’efficacité que celles qui se déroulent dans le cadre de placements institutionnels (Mathys & Born, 2009). Peu de publicité positive est donc faite pour les mesures de placements institutionnels qui regroupent des pairs déviants, tant le phénomène de « contagion par les pairs » qu’illustrent de nombreux auteurs est actuellement connu pour constituer un effet nuisible sur le traitement des jeunes qui récidivent (Ibid., p. 9).

Parmi les prises en charge innovantes et multidimensionnelles, le Protocole d’évaluation

multidimensionnelle pour enfants et adolescents va dans le sens des stratégies multisystémiques

recommandées tout en présentant un intérêt particulier, celui de considérer en première ligne le point de vue des personnes concernées par la problématique et plus précisément la situation de crise (jeune, fratrie, parents, enseignants, etc.). Mis sur pied au Québec par le Groupe de recherche sur les

inadaptations sociales de l’enfance (GRISE) de l’Université de Sherbrooke, ce protocole déployé

dans la région de Montréal, et repris par quelques institutions suisses fribourgeoises, démontre de bons résultats lors des évaluations faites au Québec, « mais l’évidence reste à démontrer » (Pauzé, 2013). Il ne constitue pas spécifiquement une prise en charge de jeunes en situation de délinquance ou de récidive, mais peut s’avérer pertinent pour toute situation de crise familiale où différents

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paramètres écosystémiques interviennent. De ce fait, ce protocole apparaît comme un outil spécifique à l’intervention socioéducative incluant à la fois les facteurs familiaux et les divers domaines de la vie des jeunes. Il place la problématique de crise au centre (et non le jeune) et constitue un outil à retenir en milieu résidentiel ou communautaire pour réduire les conduites délictueuses tout en cherchant à identifier l’origine des comportements et de la crise.

L’absence d’évaluation systématique des diverses prises en charge des mineurs dits « délinquants récidivistes » ne permet pas de voir si certaines réponses judiciaires, éducatives ou thérapeutiques renforceraient la délinquance. Les propos tenus par Denis Lafortune et ses collègues (2009), ou ceux de Cécile Mathys et Michel Born (2009) sur les pratiques nuisibles et inefficaces, devraient nous amener toutefois à reconsidérer certaines formes de prises en charge, tout au moins à nous doter de moyens pour les évaluer en profondeur au regard des objectifs sous-jacents à ces modes d’intervention. Quelles sont les effets des placements en milieu fermé ou en milieu ouvert sur les jeunes en situation de délinquance en Suisse ? Quels sont les conditions de placement et les modes d’accompagnement qui réduisent les risques de contagion par les pairs ? Quels sont les impacts de l’intégration de jeunes en situation de délinquance ou de jeunes présentant des troubles du comportement dans des classes ou écoles spécialisées pour troubles de conduite ? Ces questionnements et bien d’autres mériteraient une étude approfondie pour connaître l’impact des prises en charge éducatives sur la récidive elle-même, mais aussi sur les différents domaines de vie des jeunes (insertion sociale, relations familiales, etc.), afin de proposer des interventions éducatives et thérapeutiques à la lumière des connaissances scientifiques. En d’autres termes, comment sont reçues les réponses données à la récidive délinquante, en quoi répondent-elles favorablement aux objectifs fixés et comment sont-elles susceptibles de produire des effets indésirables ?

Si le nouveau DPMin montre à différents endroits la considération constante des situations personnelles, si certaines institutions indiquent, par l’utilisation de protocoles d’évaluation33 notamment, la réalité complexe des situations des jeunes accueillis avec le souhait constant de dépasser la question de la récidive délinquante, il règne encore un flou important sur les stratégies d’intervention et sur les projets pédagogiques mis en place avec des jeunes en situation de récidive et les effets de ceux-ci. La Suisse est particulièrement concernée par ce déficit d’évaluation de l’efficacité des « mesures » de prises en charge, autant que des « stratégies socioéducatives » destinées aux jeunes dits « délinquants ». Chercher à brosser un tableau des offres en matière de prévention, d’intervention et de traitement n’est donc pas chose aisée, notamment parce que les différents cantons suisses sont dotés de moyens inégaux pour accompagner les jeunes en situation de

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délinquance. Ceci est le reflet de l’absence d’une véritable politique de la jeunesse sur le plan fédéral. Pourtant, une telle politique, comme une véritable politique de la famille, de l’emploi ou encore de la formation, aurait, selon Nicolas Quéloz (2007), des effets « d’intégration et donc de prévention de la délinquance » (p. 591) jugés inestimables. Une telle disparité entre les cantons ne permet pas d’avoir un regard généralisé sur la place et l’importance accordée en Suisse à l’accompagnement des jeunes en situation de délinquance.

L’absence d’une politique fédérale de la jeunesse a pendant longtemps empêché d’avoir un