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Une réponse avant tout préventive : dissuader plus efficacement la contrefaçon « de

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 62-66)

B. UNE TRADUCTION DE CE CONSENSUS DANS LE PROJET DE LOI :

1. Une réponse avant tout préventive : dissuader plus efficacement la contrefaçon « de

la grande majorité des internautes

a) Une « réponse graduée », pragmatique et proportionnée

Le projet de loi prévoit, dans son article 2, un nouveau dispositif de sanction administrative alternatif à la voie pénale, reposant sur une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir de recommandation, de transaction puis, le cas échéant, de sanction.

(1)Une phase d’avertissement par l’envoi de messages aux internautes contrevenants

La première caractéristique de ce dispositif est sa vertu pédagogique et non pas le caractère répressif que certains ont pu lui attribuer sur la base d’arguments mal fondés.

• En effet, il comprend une première phase d’avertissement, qui se traduira par l’envoi d’une ou plusieurs « recommandation(s) » à l’internaute

« repéré » pour s’être livré au « piratage » depuis son accès à Internet, d’abord par l’envoi d’un message électronique, puis, en cas de « récidive(s) », sous la forme d’une lettre en recommandé avec accusé de réception.

Ce message préventif permettra de rappeler aux usagers d’Internet le caractère illicite des opérations de téléchargement, de consultation ou de mise à disposition d’œuvres protégées par un droit d’auteur ou un droit voisin, sans l’autorisation des titulaires de ces droits. Il les informera, en outre, des sanctions auxquelles ils s’exposent en cas de renouvellement d’un tel acte.

• Comme cela est souligné dans l’exposé des motifs, les précédents observés à l’étranger font apparaître l’efficacité de tels avertissements. Il ressort ainsi d’un récent sondage, réalisé auprès des internautes britanniques et publié en mars 2008 dans la revue Entertainment Mediaresearch, que 70 % d’entre eux cesseraient de télécharger à réception d’un premier message d’avertissement et 90 % à réception du second.

Ces résultats rejoignent ceux mis en avant par un sondage réalisé par IPSOS et publié le 26 mai dernier, selon lequel 90 % des internautes français arrêteraient, de même, de télécharger illicitement après avoir reçu deux avertissements.

Ces estimations sont cohérentes, en outre, avec les taux constatés aux États-Unis, où la « réponse graduée » est déjà mise en œuvre dans un cadre contractuel : un récent bilan a permis de constater que 70 % des internautes renoncent au téléchargement illicite dès réception du premier message, 85 à 90 % à réception du deuxième et 97 % à réception du troisième avertissement, celui-ci pouvant prendre la forme, au choix du fournisseur d’accès, d’une lettre recommandée ou d’un appel téléphonique.

• D’après les informations transmises à votre rapporteur, il est envisagé qu’environ 10 000 messages d’avertissement soient adressés chaque jour, ce qui permettrait de sensibiliser, en un an, 20 % des internautes.

Par ailleurs, il est prévu d’adresser quotidiennement aux internautes

« récidivistes » de l’ordre de 3 000 lettres en recommandé.

(2)Les sanctions possibles en cas de « récidives »

La possibilité, in fine, c’est à dire en cas de manquements répétés après réception d’un premier ou de plusieurs avertissements, d’appliquer une sanction proportionnée confère au dispositif sa crédibilité et son caractère réellement dissuasif.

• Deux types de sanctions peuvent être prononcées par la Haute Autorité (article L. 331-25 nouveau) :

- soit une suspension temporaire de l’abonnement à Internet, pour une durée de trois mois à un an ; les abonnés faisant l’objet d’une telle mesure seront inscrits sur un « répertoire national », afin qu’ils ne puissent pas souscrire, pendant la durée de la suspension, un nouveau contrat d’abonnement auprès d’un autre fournisseur d’accès ;

- soit une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement.

Le texte de loi laisse à l’HADOPI une certaine marge de souplesse, afin d’adapter la sanction en fonction de la nature du comportement de l’internaute, de la gravité du manquement et de l’usage, notamment professionnel, qui est fait de l’accès à Internet.

Néanmoins, l’exposé des motifs précise plus explicitement que la sanction alternative à la suspension de l’accès à Internet « est plus particulièrement destinée aux entreprises et aux personnes morales en général, pour lesquelles la suspension de l’accès à Internet pourrait revêtir des conséquences disproportionnées. »

• Ces sanctions sont prononcées au terme d’une procédure contradictoire et sont soumises au contrôle du juge, puisqu’elles peuvent faire l’objet d’un recours devant les juridictions judiciaires.

• Par ailleurs, elles sont soumises au principe de proportionnalité, clairement formulé dans le projet de loi puisque l’article L. 331-23 nouveau (article 2 du projet de loi) précise que les mesures prononcées sont « limitées à ce qui est nécessaire » pour mettre un terme au manquement constaté.

Notons, en ce sens, que la suspension de l’accès à Internet ne devra pas porter sur les services de téléphonie et de télévision, dans le cas d’un abonnement global incluant ces trois services (offres dites de « triple play »).

• En outre, trois clauses d’exonération de responsabilité sont prévues (article 6 du projet de loi) :

- si l’abonné a mis en place des moyens de sécurisation de l’accès à Internet ; l’article 8 du projet de loi prévoit, en parallèle, que les fournisseurs d’accès devront informer leurs abonnés sur l’existence de tels outils ;

- en cas d’intrusion frauduleuse par un tiers qui ne soit pas placé sous l’autorité ou la surveillance du titulaire de l’accès ;

- en cas de force majeure.

Votre rapporteur souligne que d’après le sondage réalisé par IPSOS, cité plus haut, 74 % des Français approuvent l’esprit de ce mécanisme et en particulier le recours à une suspension de l’accès à Internet comme alternative aux sanctions pénales.

(3)Une procédure de « transaction », comme alternative possible à la sanction

• Le projet de loi donne par ailleurs à l’HADOPI la possibilité de proposer une transaction aux internautes passibles d’une sanction (article L. 331-26 nouveau).

Cette transaction, qui représente une alternative à la sanction pour les internautes qui l’accepteront et qui s’y conformeront, repose soit sur une suspension de l’accès à Internet de plus courte durée (entre un et trois mois), soit sur une obligation de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement. Il peut notamment s’agir de l’installation d’un logiciel « pare-feu », permettant de bloquer certains téléchargements suspects, de l’adoption, dans le cas des entreprises ou lieux publics par exemple, d’une « charte des usages d’Internet », ou encore de l’interdiction d’accéder à certains sites dédiés au piratage, tels que les réseaux de pair-à-pair, etc.

Cette disposition contribue à renforcer le caractère proportionné du mécanisme proposé par le projet de loi, mais aussi sa dimension pédagogique puisqu’un dialogue sera ainsi instauré entre la Haute Autorité et l’abonné. Elle permettra également d’alléger le volume contentieux, puisqu’à la différence de la sanction, la transaction, qui, par définition, aura été acceptée par l’internaute, ne pourra donner lieu à un recours devant le juge.

b) Un dispositif fondé sur la responsabilisation de l’abonné

Le cœur du dispositif repose sur l’obligation de surveillance et de vigilance incombant au titulaire d’un accès à Internet, définie à l’article 6 du projet de loi (article L. 336-3 nouveau) : tout abonné, que ce soit un particulier ou une personne morale, doit veiller à ce que son accès ne soit pas utilisé à des fins de piratage d’œuvres protégées par un droit d’auteur ou un droit voisin.

Cette responsabilisation de l’internaute n’est pas nouvelle puisque, comme votre rapporteur l’a rappelé plus haut, cette obligation a déjà été

introduite, à l’initiative du Sénat, dans le cadre de la loi « DADVSI » de 2006 (l’actuel article L. 335-12 code de la propriété intellectuelle).

Toutefois, le projet de loi donne sa pleine portée à cette disposition, dans la mesure où le manquement à cette obligation est désormais passible de sanction : il sert de « déclencheur » et de fondement juridique au mécanisme de recommandation et de sanction administrative dont la mise en œuvre est confiée à une nouvelle autorité indépendante.

Au-delà de la responsabilisation personnelle de l’abonné, le dispositif prévu conduit à transposer cette responsabilisation au sein du cercle familial - ou encore au sein de l’entreprise - : en effet, il suffira qu’un seul membre du foyer se livre à des actes répétés de piratage pour que toute la famille soit sanctionnée en subissant la suspension, le cas échéant, de l’accès à Internet.

c) Le maintien de la voie pénale pour les délits les plus graves

Aux côtés de cette nouvelle voie d’action, est maintenue la possibilité, pour les ayants droits, d’un recours à la procédure pénale, sur le fondement du délit de contrefaçon décrit plus haut.

Elle restera justifiée, notamment, à l’égard de ceux qui font un usage massif et à but lucratif du piratage sur Internet. En revanche, la procédure devant l’HADOPI devrait supplanter, à terme, la voie pénale pour la sanction du « petit piratage de masse », comme étant plus attractive, car moins répressive, moins lourde et plus efficace.

Cependant, certains interlocuteurs ont attiré l’attention de votre rapporteur sur un éventuel risque de « double peine » que pourrait présenter la possibilité ainsi ouverte aux ayants droit d’agir à la fois devant l’HADOPI, sur le motif d’un manquement à l’obligation de surveillance de l’accès à Internet, et devant le juge pénal, sur le fondement du délit de contrefaçon.

Or, on peut compter, tout d’abord, sur la cohérence d’action des ayants droit pour que la régulation s’établisse d’elle-même. Nombre d’entre eux se sont d’ailleurs engagés à ne pas utiliser pour des actions en justice les infractions relevées adressées à la Haute Autorité, et inversement ; la CNIL pourrait d’ailleurs l’imposer dans le cadre des autorisations de traitement de données qu’elle sera amenée à leur accorder.

Par ailleurs, on sait qu’une part non négligeable des « primo-diffuseurs » d’œuvres piratées sur les réseaux d’échange ne sont pas présents sur le territoire national et ne seront donc pas concernés par le dispositif. Leur responsabilité sera donc toujours recherchée en priorité auprès du juge pénal.

Enfin, le risque d’inconstitutionnalité serait réel si la procédure mise en œuvre par le projet de loi devait aboutir à priver les requérants du « droit au juge », ou ne devait être réservée qu’à une certaine catégorie de comportements de piratage. A l’inverse, sous réserve du principe classique

« non bis in idem », d’après lequel « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits », les juges constitutionnel et

administratif ont admis un cumul possible de sanctions, dès lors qu’est respecté le principe de proportionnalité. Dernière garantie : le juge, s’il était saisi alors qu’une sanction administrative aura déjà été prononcée sur la base des mêmes faits, pourrait décider un classement sans suite, dans le cadre de l’article 40-1 du code de procédure pénale.

2. Un mécanisme piloté par une autorité administrative

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 62-66)