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Les positions adoptées par le Parlement européen à l’occasion de l’examen du

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 40-45)

B. UN CADRE JURIDIQUE EUROPÉEN EN RÉFLEXION

2. Les positions adoptées par le Parlement européen à l’occasion de l’examen du

a) Présentation de l’amendement n° 138 et des réactions qu’il a suscitées

Le 24 septembre dernier, l'occasion de l'examen du « Paquet Télécom », c'est-à-dire du cadre réglementaire régissant les communications électroniques, le Parlement européen a adopté, à l’initiative du député Guy Bono et à une large majorité, un amendement n° 138 à l’article 8 du projet de directive précisant qu'il ne peut être apporté de restrictions aux

« droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux » « sans décision préalable de l’autorité judiciaire », cela « en application de l’article 11 de la

1 À la date de l’étude.

charte des droits fondamentaux », et « sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement ».

Au cours du point de presse du 6 octobre, le porte-parole de Mme Viviane Reding, membre de la Commission européenne, responsable de la société de l'information et des médias, a précisé que « La Commission respecte cette décision démocratique du PE, à notre avis cet amendement est une importante réaffirmation des principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union européenne notamment des droits fondamentaux des citoyens.

L’amendement laisse aux États membres toute la possibilité de trouver une balance équilibrée entre plusieurs droits fondamentaux concernés notamment le droit au respect de la vie privée et la propriété et les remèdes efficaces et la liberté d’information et d’expression1. »

Mme Viviane Reding a d’ailleurs confirmé cette interprétation dans une lettre adressée le 8 octobre au président de la société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP).

Néanmoins, depuis cette date, l’UFC-Que Choisir a adressé une lettre ouverte au Président de la Commission européenne, M. Manuel Barroso

« pour lui demander d’intervenir afin d’empêcher la France de légiférer ».

Selon les termes de cette lettre, l’actualité européenne justifierait

« l’application de l’article 9.4 de la Directive 98/34/CE. Conformément à cet article, un État membre doit reporter « l'adoption d'un projet de règle technique de douze mois à compter de la date de la réception (…) si, dans les trois mois qui suivent cette date, la Commission fait part du constat que le projet de règle technique porte sur une matière couverte par une proposition de directive, de règlement ou de décision présentée au Conseil conformément à l'article 189 du traité. »

Or cette démarche va à l’encontre à la fois de la lettre et de l’esprit du texte adopté par les députés européens.

En effet, tant les rapporteurs du texte eux-mêmes que les plus grands détracteurs du droit d'auteur et du présent projet de loi ont insisté sur le fait que le Paquet Télécom ne portait pas et ne devait pas porter sur les contenus :

- tel est le cas pour ce qui concerne M. Malcom Harbour, rapporteur sur la directive « Service universel ». Mme Catherine Trautmann, co-rapporteur, s’est exprimée sur le sujet dans ces termes : « De manière non ambigüe, le PE a fait la distinction entre la protection des individus et de leurs données personnelles et le débat qui peut exister dans un des pays membres et qui n'avait pas à perturber le bon déroulement du vote….

Nous sommes en faveur du soutien à la création et de la rémunération des auteurs, mais nous pensons qu'il doit y avoir une convergence d'intérêt entre ceux qui veulent accéder aux contenus sur Internet et ceux qui veulent que leurs œuvres soient respectés. Il n'y a pas a priori de contradiction. Nous

1 NB : La transcription du point de presse de la Commission a été faite sur la base de la version française, parfois littérale, des services d’interprétation de la Commission.

devons parvenir à un équilibre mais ce n'était pas l'objet principal de ce texte et même pas l'objet du tout. Et c'est la raison pour laquelle en tant que rapporteur sur la directive cadre j'ai d'emblée dit que les questions de contenus n'étaient pas traitées dans ce cadre là, c'est une régulation économique et les autorités de régulation n'ont aucune compétence en matière de régulation des contenus. Il fallait le rappeler….

Il convenait que nous ne prononcions pas sur des politiques nationales mais sur les moyens de la régulation européenne. » ;

- Quant à lui, le BEUC (le bureau européen des Unions de consommateurs) a estimé que « le « Paquet Télécom » doit être axé sur l'optimisation des réseaux et la prestation de services, et non sur le contenu ».

Par ailleurs, cette organisation avait envoyé différents courriels aux députés européens appelant à rejeter tous les amendements relatifs aux contenus.

L’organisme « La Quadrature du Net » a estimé, comme Mme Trautmann, que la question des contenus n’avait pas à être abordée dans ce texte.

b) Un impact non avéré sur les démarches nationales (1)Le processus législatif européen de codécision n’est pas achevé

Le projet adopté par le Parlement européen résulte d’une première lecture. Le Conseil des ministres de l’Union l’examinera le 27 novembre prochain.

L’encadré ci-dessous précise les modalités du processus de codécision par le Parlement européen et le Conseil, qui s’applique au cas présent.

LA PROCÉDURE DE CODÉCISION

Telle que définie par l'article 251 du traité CE, la codécision se fonde sur le principe de parité et veut qu'aucune des deux institutions (Parlement européen et Conseil) ne puisse adopter de législation sans l'assentiment de l'autre.

Son déroulement est le suivant :

1. La Commission présente une proposition au Parlement européen et au Conseil.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après avis du Parlement européen :

- s'il approuve tous les amendements figurant dans l'avis du Parlement européen, peut arrêter l'acte proposé ainsi amendé,

- si le Parlement européen ne propose aucun amendement, peut arrêter l'acte proposé, - dans les autres cas, arrête une position commune et la transmet au Parlement européen. Le Conseil informe pleinement le Parlement européen des raisons qui l'ont conduit à arrêter sa position commune. La Commission informe pleinement le Parlement européen de sa position.

2. Si, dans un délai de trois mois après cette transmission, le Parlement européen:

- approuve la position commune ou ne s'est pas prononcé, l'acte concerné est réputé arrêté conformément à cette position commune;

- rejette, à la majorité absolue des membres qui le composent, la position commune, l'acte proposé est réputé non adopté;

- propose, à la majorité absolue des membres qui le composent, des amendements à la position commune, le texte ainsi amendé est transmis au Conseil et à la Commission, qui émet un avis sur ces amendements.

3. Si, dans un délai de trois mois après réception des amendements du Parlement européen, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, approuve tous ces amendements, l'acte concerné est réputé arrêté sous la forme de la position commune ainsi amendée; toutefois, le Conseil statue à l'unanimité sur les amendements ayant fait l'objet d'un avis négatif de la Commission. Si le Conseil n'approuve pas tous les amendements, le président du Conseil, en accord avec le président du Parlement européen, convoque le comité de conciliation dans un délai de six semaines.

4. Le comité de conciliation, qui réunit les membres du Conseil ou leurs représentants et autant de représentants du Parlement européen, a pour mission d'aboutir à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée des membres du Conseil ou de leurs représentants et à la majorité des représentants du Parlement européen. La Commission participe aux travaux du comité de conciliation et prend toutes les initiatives nécessaires en vue de promouvoir un rapprochement des positions du Parlement européen et du Conseil. Pour s'acquitter de sa mission, le comité de conciliation examine la position commune sur la base des amendements proposés par le Parlement européen.

5. Si, dans un délai de six semaines après sa convocation, le comité de conciliation approuve un projet commun, le Parlement européen et le Conseil disposent chacun d'un délai de six semaines à compter de cette approbation pour arrêter l'acte concerné conformément au projet commun, à la majorité absolue des suffrages exprimés lorsqu'il s'agit du Parlement européen et à la majorité qualifiée lorsqu'il s'agit du Conseil. En l'absence d'approbation par l'une ou l'autre des deux institutions dans le délai visé, l'acte proposé est réputé non adopté.

6. Lorsque le comité de conciliation n'approuve pas de projet commun, l'acte proposé est réputé non adopté.

7. Les délais de trois mois et de six semaines visés au présent article sont prolongés respectivement d'un mois et de deux semaines au maximum à l'initiative du Parlement européen ou du Conseil.

(2)Même si l’amendement figurait dans le texte définitif, il n’apparaîtrait pas de nature à empêcher la démarche de la France

Dans un communiqué en date du 24 septembre 2008, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a déclaré que « les mesures envisagées par le projet de loi ne portent en aucun cas atteinte aux droits et libertés fondamentaux ».

En réalité, et contrairement à ce que les détracteurs du présent projet de loi affirment, la portée juridique de l’amendement concerné n’est ni avérée ni suffisante pour remettre en cause la démarche de notre pays.

En effet, ce texte a pour objectif d'assurer le respect de droits actuellement bafoués par le piratage de masse, à savoir le droit de propriété et le droit moral des créateurs sur leurs œuvres. Or la Cour de justice des communautés européennes, à qui il revient de définir le régime des droits et

libertés, a souligné la nécessité de concilier entre eux les différents droits et libertés, et notamment les droits de propriété des artistes et des industries culturelles avec la liberté de communication et d’expression sur les réseaux numériques.

La cour a rappelé, en effet, dans l’arrêt Promusicae du 29 janvier 2008 :

- qu’il appartient aux Etats membres d’adopter, lors de la transposition des directives, les mécanismes permettant d’assurer « la conciliation nécessaire des exigences liées à la protection de différents droits fondamentaux, à savoir, d’une part, le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, les droits à la protection de la propriété et à un recours effectif » ;

- et qu’« il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à ces mêmes directives, mais également de ne pas se fonder sur une interprétation de celles-ci qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit communautaire, tels que le principe de proportionnalité. »

Le présent projet de loi satisfait aux principes posés par la Cour de justice des communautés européennes et par les textes.

En premier lieu, aucun texte communautaire n’affirme que l’accès à Internet serait un « droit fondamental ». Ce point a d’ailleurs été rappelé par MM. Jacques Toubon et Guardans Cambo, députés européens, à l’occasion des Rencontres cinématographiques du Dijon, organisées du 10 au 12 octobre dernier par l’ARP. En outre, on voit mal comment le dispositif de réponse graduée envisagé par la France pourrait porter atteinte au droit fondamental de la liberté d’expression et d’information des citoyens inclus dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

En second lieu, le présent projet de loi respecte le principe de proportionnalité :

• les mesures du projet de loi consistent en une série d'avertissements éventuellement suivis, dans les cas de récidives multiples, par la suspension de l'abonnement à Internet ;

• une sanction alternative à la suspension de l’accès Internet est prévue (notamment en vue de ne pas porter un préjudice démesuré aux entreprises ou personnes morales) : l’injonction de mettre en œuvre des mesures permettant de prévenir le renouvellement du manquement ;

• la suspension ne concerne que l’accès à Internet « à domicile » (ou depuis le poste à partir duquel les infractions auront été constatées) : l’accès à l’information et aux moyens de communication via Internet restera possible depuis d’autres postes (sur le lieu de travail, dans des lieux publics, chez des amis…).

La portée de la sanction est donc moindre qu’un retrait de permis de conduire par exemple, qui interdit de conduire tous véhicules (et pas seulement le sien).

En troisième lieu, et en tout état de cause le projet de loi apporte les garanties exigées en matière de protection de la vie privée :

• garanties d’impartialité et d’indépendance du fait du statut d’autorité administrative indépendante (AAI) de l’HADOPI et de sa composition (magistrats) ;

• les titulaires de droits n’auront pas accès aux données personnelles relatives aux internautes mais seulement à leur adresse IP ;

• procédures définies par le Parlement, par le Conseil d’État et par la CNIL et conformes aux dispositions de l’article 6.1 de la CEDH relatives au droit à un procès équitable.

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 40-45)