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Des situations inégales dans d’autres pays

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 34-38)

A. UNE PRÉOCCUPATION PARTAGÉE PAR NOS PARTENAIRES ÉTRANGERS

2. Des situations inégales dans d’autres pays

L’ampleur du phénomène

En 2007, la piraterie en ligne a supplanté, parallèlement au développement du haut débit, la piraterie physique, c’est-à-dire la vente sauvage de CD ou DVD copiés.

Par ailleurs, selon un article paru dans le quotidien La Repubblica le 29 août 2008, 20 % des utilisateurs d’Internet en Italie téléchargeraient illégalement de la musique ou des films.

Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

Les professionnels du monde du cinéma et de la télévision se sont mobilisés les premiers face à ce phénomène, en se regroupant dès 1988 au sein de la Fédération anti-piraterie audiovisuelle (FAPAV). Plusieurs actions sont en cours devant la justice1.

En parallèle, les pouvoirs publics italiens ont pris un certain nombre d’initiatives visant à renforcer l’arsenal juridique en matière de lutte contre la piraterie :

Dans un premier temps, la loi n° 248 du 18 août 2000, dite « loi anti-piraterie », a durci les sanctions pénales dans le cadre d’un délit portant atteinte au droit d’auteur (qui bénéficie d’une protection depuis une loi de 1941) et a introduit des sanctions administratives à l’encontre des consommateurs de biens contrefaits.

Dans un second temps, une étape essentielle a été engagée avec la loi n° 128 du 21 mai 2004, dite « loi Urbani », relative à la lutte contre le piratage en ligne d’œuvres audiovisuelles.

Entrée en vigueur en 2005, cette loi met en cause la responsabilité des auteurs de téléchargement et des usagers du peer to peer illégal. Elle a prévu les sanctions suivantes :

- jusqu’à 4 ans d’emprisonnement et 15 493 euros d’amende pour les utilisateurs qui échangent des films ou de la musique via des réseaux en ligne ;

- une sanction administrative (une amende de 154 euros ou de 1 032 euros en cas de récidive) pour ceux qui mettent en ligne ou téléchargent, pour leur usage personnel, des copies pirates d’œuvres cinématographiques ;

- une peine d’emprisonnement de 3 mois à 6 ans pour les personnes faisant commerce ou tirant profit de cette activité illicite.

1 Ainsi, le groupe Mediaset a récemment intenté une action contre le site You Tube, afin d’obtenir 500 millions d’euros de dommages et intérêts pour diffusion sans autorisation, au 10 juin 2008, de plus de 4 643 films protégés et appartenant au groupe.

La mise en œuvre de ces moyens de lutte contre la fraude repose sur la surveillance des sites qu’assure le « service spécial des fraudes télématiques », organisme spécialisé dépendant de la « Guardia di Finanza ».

Ce service ne peut pas procéder au blocage de sites de téléchargement illégaux, mais, avec l’appui des brigades de police fiscale, enquête sur ces sites et opère la saisie des matériels délictueux.

b) Espagne

L’ampleur du phénomène

Même si le taux de pénétration d’Internet est assez bas par rapport à d’autres pays européens, l’Espagne est, selon l’IFPI1, l’un des dix marchés mondiaux les plus affectés par la piraterie. C’est également le pays européen le plus concerné par la vente illégale sur les voies publiques.

D’après une étude de l’Association européenne de publicité interactive, 58 % des usagers d’Internet acquièrent illégalement de la musique, et 52 % des films, tandis que les moyennes européennes sont respectivement de 37 % et 20 %.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, les internautes espagnols seraient par ailleurs difficiles à sensibiliser : une enquête réalisée en mars 2007, juste après le lancement de campagnes publiques de sensibilisation, montre que seules 29 % des personnes interrogées considéraient le téléchargement de musique ou vidéos sur Internet comme un acte relevant de la piraterie, et donc comme un délit.

• Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

- Le code pénal prévoit que seuls la copie et le téléchargement réalisés dans un but commercial sont reconnus comme un délit, passible de 4 ans de prison.

- Dans ce contexte, les professionnels des principaux secteurs concernés se sont mobilisés dès 2004 afin de sensibiliser le gouvernement et l’opinion publique sur la nécessité de protéger la propriété intellectuelle.

- Cette mobilisation a conduit à l’adoption, en avril 2005, d’un « Plan d’action globale contre la piraterie », plan interministériel dans lequel le ministère de la culture se situe en première ligne. Il comprend des mesures préventives, de sensibilisation (campagne publique insistant sur le fait que la piraterie est un délit), normatives, de coopération et de formation (formation des juges, création d’une unité de police spécialisée, etc.).

Une des mesures vise notamment à favoriser des accords entre prestataires de services en ligne et ayants droit, en vue d’établir des mécanismes d’autorégulation et de collaboration face aux contenus non autorisés circulant sur les réseaux numériques.

1 Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique.

- En outre, une disposition législative adoptée en 2007 a créé une obligation, pour les fournisseurs d’accès à Internet, d’informer leurs abonnés afin de les responsabiliser à l’égard des atteintes aux droits de la propriété intellectuelle résultant des actes de téléchargement illicite.

- De leur côté, les professionnels des secteurs de la musique et de l’audiovisuel, souhaitent désormais impliquer les fournisseurs d’accès à Internet et définir des mesures d’autorégulation, en vue de combler le vide juridique actuel. Cette volonté ne s’est pas encore traduite par des actions concrètes, en raison de certaines réticences des FAI.

c) Japon

L’ampleur du phénomène

La spécificité du Japon est le rôle très important des téléphones mobiles dans les pratiques de téléchargement : en effet, 85 % des mobiles permettent d’accéder à Internet ; dans le secteur de la musique, les services de téléchargement vers les téléphones mobiles représentent un marché 10 fois supérieur à celui destiné aux ordinateurs ; les mobiles représentent, en outre, 80 % du marché du livre électronique en 2007.

Il ressort d’une enquête réalisée en 20071 que 9,6 % des internautes utilisent un logiciel de pair à pair, alors qu’ils étaient 3,5 % un an plus tôt. Le nombre de fichiers ainsi téléchargés est estimé en moyenne à 481 fichiers par utilisateur et par an (dont 44 % de titres musicaux, 38 % de films, 7 % de fichiers photographiques, 6,9 % de livres électroniques et 3 % de logiciels), soit un total d’environ 3,6 milliards de fichiers (2,5 fois plus qu’en 2006).

Une majorité des fichiers musicaux téléchargés vers les téléphones mobiles (54 %) ou les ordinateurs (64 % depuis les seuls réseaux P2P), le seraient illicitement. Dans le domaine du cinéma, environ 1,4 milliard de films auraient été téléchargés illégalement en 2007.

En parallèle, la vente de musique numérique par les sites légaux représente aujourd’hui 20 % de l’ensemble du marché de la musique ; le marché numérique couvre environ 10 % du marché du cinéma.

Les réactions des professionnels et des pouvoirs publics

Dès avril 2006, une commission paritaire s’est mise en place sous la direction du ministère de la culture en vue de lutter contre le phénomène du piratage sur Internet. Deux axes d’action ont été débattus :

- d’une part, un élargissement des champs d’application de la compensation pour la copie privée, qui ne prend pas en compte les dernières évolutions technologiques (mémoires ou disques durs intégrés dans des appareils tels qu’Ipod et autres baladeurs MP3 ou les supports Blue-ray…) :

1 Enquête sur l’usage du « Peer to Peer » (P2P) au Japon, réalisée par la Recording Industry Association of Japan (RIAJ) et l’Association of Copyright for Computer Software (ACCS), 2007.

cette piste a été abandonnée, car elle a suscité une vive opposition des fabricants d’équipements électroniques ;

- d’autre part, une modification du code de la propriété intellectuelle ; celle-ci a suscité un accord de principe mais, concrètement, le projet a soulevé une polémique ayant conduit à différer son dépôt, qui aurait dû intervenir cet été.

Selon la loi en vigueur, l’acte de téléchargement, quelle que soit la source d’acquisition, entre dans la catégorie « reproduction à des fins privées » et ne constitue donc pas un acte illicite. Seul l’acte de mise à disposition de ces fichiers peut faire l’objet d’une violation des « Rights of making transmittable » des ayants droit. Le projet de modification consiste à retirer le téléchargement de fichiers sous copyright illégalement mis en ligne de cette catégorie, afin qu’il soit également considéré comme une violation du droit d’auteur.

Des opposants à ce projet ont mis en avant le fait que les internautes, surtout les occasionnels, peuvent se trouver, à leur insu, sur des sites illégaux.

Afin de prendre en compte cette critique, la Recording Industry Association of Japan (RIAJ) a annoncé en 2008 la création du « L-mark », un logo de certificat de licence attribué aux sites proposant une offre légale de téléchargement.

En parallèle, différentes actions de prévention ont été adoptées par les professionnels de l’industrie de la musique, telles que :

- l’intervention auprès des sites afin qu’ils éliminent des fichiers illégalement mis en ligne ;

- une collaboration avec les FAI pour étudier des mesures techniques à mettre en place contre les sites de téléchargement illégaux vers les mobiles ;

- un filtrage d’accès aux sites illégaux, qui est déjà mis en place partiellement ;

- une intervention auprès des auteurs des mises à disposition illégales de fichiers sur certains sites de P2P : selon les informations transmises à votre rapporteur par l’Ambassade de France au Japon, 12 millions de messages électroniques d’avertissement ont déjà été envoyés ; la RIAJ peut demander aux FAI de lui fournir l’identité des internautes les plus mal intentionnés, afin d’obtenir directement des dommages et intérêts et de les soumettre à la justice pénale ;

- des campagnes de sensibilisation du public sur le droit d’auteur.

Au-delà, les industries culturelles ainsi que les groupements d’ayants droit ont demandé à ce que soit étudiée la mise en place d’une responsabilité juridique des FAI dans le cadre du téléchargement illégal, ou pour le moins, le moyen d’imposer un système de collaboration plus active de leur part. Dans la pratique, les FAI peuvent s’exonérer de toute responsabilité s’ils coopèrent en fournissant les identités des « uploaders » illicites. Une

commission paritaire, réunissant des représentants des opérateurs de communications électroniques et des ayants droit, s’est mise en place en mai 2008 à l’initiative de la National Police Agency afin d’étudier les difficultés juridiques et techniques qu’un tel plan pourrait éventuellement soulever.

Dans le document RAPPORT N° 53 (Page 34-38)