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2. Bifidobactéries et Tolérance aux Stress

2.3. Tolérance au stress oxydant

2.3.2. Réponse des bactéries probiotiques au stress oxydant

De nombreux travaux ont permis d’identifier plusieurs enzymes pouvant être présentes chez les bactéries probiotiques et réagissant avec l’O2 (Tableau 5).

Tableau 5 : Réactions enzymatiques catalysant la réduction de l’O2 ou des ROS chez les bactéries probiotiques.

NADH:H2O2 oxydase NADH + H+ + O2 → NAD+ + H2O2

NADH:H2O oxydase 2NADH + 2H+ + O2 → 2NAD+ + 2 H2O

NADH peroxydase NADH + H2O2 + H+→ NAD+ + 2H2O

Pyruvate oxydase Pyruvate + phosphate + O2 → acétylphosphate + CO2 + H2O2

α-glycérophosphate oxydase α-glycérophosphate + O2 → dihydroxyacétone phosphate + H2O2

SOD 2O2°- + 2H+→ H2O2 + O2

Catalase 2 H2O2 → 2 H2O + O2

NADH peroxydase H2O2 + H+ + NADH → 2H2O + NAD+

Glutathion peroxydase H2O2 + 2GSH → 2H2O + GSSG

Pyruvate Pyruvate + H2O2 Acétate + CO2 + H2O

La majorité utilise le NADH comme molécule source d’électrons pour la réduction de l’O2, libérant soit de l’H2O2 soit de l’H2O. Chez certaines bactéries comme Lb. bulgaricus, Lb. plantarum ou Lb. casei, une pyruvate oxydase a été mise en évidence et permet de réduire l’O2 grâce à l’oxydation du pyruvate en acétylphosphate. Enfin, parmi les bactéries capables d’utiliser le glycérol, comme certains entérocoques, une α-glycérophosphate oxydase permet de transformer l’α-glycérophosphate en dihydroxyacétone phosphate par réduction de l’O2. Les ROS sont en majorité formés lors de la réduction de l’O2 par la chaîne respiratoire. Celle-ci n’étant pas fonctionnelle chez la majorité des bactéries probiotiques, les sources de ROS sont les activités d’enzymes métaboliques telles que la NADH oxydase ou la pyruvate oxydase générant de l’H2O2.

Les bactéries disposent de plusieurs types de systèmes afin de garantir leur croissance et leur survie lors d’un stress environnemental, les uns permettant de limiter le stress par détoxification des agents oxydants présents dans son environnement, les autres réparant les dommages induits sur les constituants cellulaires. Elles peuvent aussi mettre en place des mécanismes cellulaires permettant le développement d’une résistance globale de la bactérie vis à vis de plusieurs stress (naturellement lors du passage en état de carence ou par induction lors de l’exposition à des niveaux sub-létaux d’un stress spécifique). Le stress oxydant étant généré par la présence de ROS, un des moyens de défense de la cellule est leur élimination afin de limiter les dégâts causés sur ses constituants cellulaires et notamment sur ses protéines, acides nucléiques et lipides membranaires. La plupart des fonctions de détoxication

sont assurées par des enzymes capables de réduire ces ROS au pouvoir oxydant élevé tels que O2°- ou H2O2 en H2O.

2.3.2.1.Les systèmes de détoxication enzymatiques

- la superoxyde dismutase (SOD) : cette enzyme catalyse la réduction de O2°- en H2O2. Cette réaction peut se faire de façon spontanée à pH physiologique (k~4.105 M-1.s-1) mais la présence d’une activité SOD permet d’augmenter considérablement la vitesse de réduction (k~2.109 M-1.s-1). Chez les bactéries lactiques, l’activité enzymatique SOD n’est présente que chez certaines souches seulement. L’activité SOD peut protéger la cellule en présence de H2O2 grâce à l’élimination des O2°- qui pourraient en réduisant le fer, former du Fe2+ disponible pour générer des radicaux OH° en réagissant avec le H2O2. De plus, la présence de SOD permet d’améliorer sa survie à long-terme en phase stationnaire. Cependant cette meilleure conservation n’est plus possible à 4 °C, sûrement du fait de l’inhibition de l’enzyme par la basse température (Bruno-Barcena et al., 2005).

- la catalase : la catalase réduit H2O2 en H2O et O2. Cette réaction ne requérant pas de source réductrice et ne nécessitant pas de consommation d’ATP, la cellule est donc capable de lutter contre le stress oxydant qu’elle soit dans un état non-énergisé, métaboliquement inactif ou non. Les bactéries lactiques ont longtemps été considérées comme des organismes dépourvus de catalase. Mise à part la souche de Lb. plantarum ATCC14431, il semble que certaines bactéries lactiques possèdent dans leur génome des gènes spécifiant des catalases héminiques. Cependant, dans l’impossibilité de synthétiser l’hème, elles sont dépendantes d’une source exogène. L’ajout de catalase est couramment utilisé en industrie pour éliminer l’H2O2. En effet, celui-ci est employé dans certains procédés de stérilisation du lait (nommée la pasteurisation « froide ») et doit être éliminé afin de permettre la croissance des ferments lactiques.

- La NADH peroxydase : contrairement aux catalases, les NADH peroxydases sont dépendantes du pouvoir réducteur de la bactérie car la catalyse enzymatique nécessite l’oxydation du co-facteur NADH. Chez les bactéries lactiques, cette enzyme permet de compenser l’absence de catalase en éliminant l’H2O2 produit en aérobiose par le métabolisme cellulaire.

- la glutathion peroxydase : il existe d’autres types de peroxydase utilisant un autre co-facteur que le NADH. Ainsi, le GSH, un tripeptide (Glu-Cys-Gly) possédant un groupement thiol, peut servir de donneur d’électron dans la réduction du H2O2 en H2O. Le GSH oxydé (GSSG) est ensuite régénéré grâce à l’activité GSH réductase qui utilise le NAD(P)H comme co-facteur (Figure 12).

Figure 12 : Elimination du H2O2 par le système Glutathion (GSH) peroxydase/ GSH réductase.

Une étude a permis de montrer que, si L. lactis est incapable de synthétiser le GSH, elle possède un système GSH peroxydase/GSH réductase. La présence de GSH dans le milieu de culture conduit à une forte accumulation intracellulaire qui confère à la bactérie une meilleure résistance au H2O2.

- l’alkyl hydroperoxyde réductase : L’élimination des peroxydes organiques est catalysée par l’alkyl hydroperoxyde réductase (Ahp), une peroxydase dépendante du NADPH. Cependant, une activité Ahp fonctionnelle n’a été identifiée que chez la bactérie lactique S. mutans (Higuchi et al., 1999).

2.3.2.2. Les systèmes de détoxication non enzymatiques

Parallèlement aux enzymes antioxydantes catalysant des réactions d’élimination des ROS, il existe des modes de détoxication non enzymatiques. Les bactéries peuvent réduire leur compartiment intracellulaire. Cette fonction est en majorité assurée par deux systèmes : le GSH (nécessitant la présence de GSH réductase pour perdurer) et la thiorédoxine (Trx). Les thioredoxines sont des petites protéines qui contiennent un site actif formé, entre autre, de deux cystéines porteuses de groupements thiols. Ainsi, lorsqu’ils sont sous forme réduite SH, ces thiols peuvent s’oxyder en induisant la réduction du H2O2. La thioredoxine réductase, se charge par la suite de la réduction des thioredoxines oxydées (Arnér and Holmgren, 2000). Des gènes codant une Trx réductase ont été identifiés chez plusieurs espèces de lactobacilles. Chez L. lactis, qui est dans l’incapacité de synthétiser le GSH, le système Trx/Trx réductase

semble être le seul à pouvoir maintenir un équilibre dans l’état d’oxydoréduction des thiols cytoplasmiques. De plus, en l’absence de SOD, certaines espèces de bactéries lactiques utilisent le manganèse pour éliminer l’O2°-. Récemment, l’analyse du génome de Lb. plantarum WCFS1 a permis d’identifier cinq systèmes de transport du manganèse : un transporteur ATPase Mn2+/Cd2+ spécifique (MntA), trois transporteurs de type Nramp (mntH1, mntH2 et mntH3) et un ABC transporteur (mtsCBA) (Watanabe et al., 2012). La présence de pyruvate, qui est capable d’éliminer l’H2O2 non enzymatiquement, ainsi que de vitamines A, C ou E est également un moyen de detoxication non enzymatique chez les bactéries probiotiques.