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1. Les Bactéries Probiotiques

1.4. Pouvoir antioxydant et antimutagène des bactéries probiotiques

1.4.1. Définition du stress oxydant

Le stress oxydant correspond à un état de déséquilibre pour la cellule entre la quantité de dérivés actifs de l'oxygène (ROS ou reactive oxygen species) présentes et ses systèmes de défenses. En condition physiologique, l’oxygène (O2), élément indispensable à la vie, produit

en permanence des ROS. En effet, les chaines respiratoires étant imparfaites, 2 à 5% de l’oxygène est converti en radicaux libres (Figure 4).

O

2

O

2 -

H

2

O

2

e

-

e

-

+ 2H

+

e

-

+ H

+

H

2

O

HO

e

-

+ H

+

H

2

O

- 0,16 V + 0,94V + 0,38 V + 2,33V

Figure 4 : Intermédiaires réduits de l'oxygène - Les quatre étapes de réduction mono-électronique de l'oxygène (Imlay, 2008).

Ces ROS peuvent intervenir dans les réactions suivantes (Tableau 2) :

Tableau 2 : Réactions chimiques impliquant les ROS.

Réaction de dismutation spontanée 2H+ + 2O2°- H2O2 + O2

Réaction de Fenton H2O2 + Fe2+ HO° + HO- + Fe3+

Réaction catalysée par la myéloperoxydase H2O2 + Cl- HOCl + HO

-Réactions avec l’acide hypochloreux HOCl + O2°- O2 + Cl- + HO°

HOCl + Fe2+ Fe3+ + Cl- + HO°

Réaction catalysée par la NO synthase Arginine + 2O2 + 2e- citrulline + NO° + 2H2O

Réaction avec le monoxyde d’azote H2O2 + NO° NO2 + H+ + OH°

O2°- + NO° H+ + ONOO

-Outre le métabolisme respiratoire, des facteurs exogènes peuvent conduire à la production de ROS dans la cellule : les métaux de transition comme le Fe2+ (intervenant dans la réaction de Fenton) (Park and Imlay, 2003) ou les quinones (Moody and Hassan, 1982). La radiolyse de l’eau, induite par un rayonnement ionisant, est une autre source de production de ROS. Enfin, les cellules phagocytaires produisent des ROS face aux agressions de bactéries pathogènes (on parle de poussée oxydative ou « oxidative burst »).

La réactivité des ROS diffère selon leur nature chimique : la charge négative de l’anion superoxyde (O2°-) réduit son pouvoir oxydant sur les molécules riches en électrons et la stabilité de la liaison O-O baisse la réactivité du peroxyde d’hydrogène (H2O2). Les radicaux hydroxyles (HO°) enfin, sont des espèces extrêmement réactives capables d’oxyder toute molécule biologique avec des constantes de réaction limitées par leur seule vitesse de diffusion.

° °

Le peroxyde d’hydrogène via des mécanismes réactionnels inconnus est capable d’oxyder les groupements thiols libres des résidus cystéines de certaines enzymes, affectant leurs activités comme c’est le cas de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (Imlay, 2002). L’H2O2 peut également provoquer des dommages membranaires notamment via la peroxydation des lipides polyinsaturés (Imlay, 2002; Miyoshi et al., 2003). De toutes les réactions générées à partir de l’H2O2, la plus toxique est bien celle conduisant à la formation du radical HO° en présence de Fe2+.

• L’anion superoxyde est un composé chargé négativement et peut donc s’accumuler dans le cytoplasme de la cellule. Il s’agit d’un composé peu oxydant (O2/O2°-, E0= -0.16 V) capable seulement d’oxyder des molécules avec des potentiels redox faibles (Imlay, 2002). Cependant, il peut s’attaquer à des composés comme les polyphénols et les catécholamines. La principale cible de l’ion superoxyde est le groupement fer-soufre de certaines protéines. L’oxydation d’un groupement fer-soufre déstabilise la structure [4Fe-4S]+ des protéines ce qui provoque l’expulsion d’un atome de fer, inactivant l’activité de l’enzyme. La toxicité de O2 °-sur les macromolécules biologiques reste limitée. Cependant, la capacité qu’il possède de libérer des ions Fe2+ dans le milieu et le fait qu'il soit le précurseur de H2O2 augmente considérablement sa toxicité potentielle du fait de la réaction de Fenton qui conduit à la formation de HO°, espèce autrement plus toxique pour la cellule.

• Le radical hydroxyle est la forme la plus réactive des ROS, issue de la réaction entre l’H2O2 et un ion métallique tel que le fer ferreux (Fe2+). Il s’agit d’un composé très instable réagissant avec l’ensemble des molécules organiques se trouvant à proximité, incluant acides gras, protéines et ADN (Imlay, 2002; Miyoshi et al., 2003; Imlay, 2008). Le HO° est en majorité généré au voisinage des acides nucléiques, il va donc réagir avec les bases nucléiques par addition de OH et avec les résidus osidiques par arrachement d’un atome d’hydrogène, conduisant à des lésions dans l’ADN (Imlay, 2003). Comme elle possède le plus faible potentiel redox, la guanine (G) est la cible privilégiée des radicaux oxygénés. Son oxydation en 8-oxoguanine (8-oxo-G) est la première étape de nombreuses modifications dans l’ADN (formation de résidus uracile ou de thymine glycol). La 8-oxoguanine est capable de s’appareiller avec l’adénosine (A) à la place de la cytosine (C), conduisant à la conversion des bases GC en AT lors de la replication de l’ADN et à l’apparition de mutations. Les lésions capables de bloquer la replication contribuent davantage à la létalité que les erreurs ou dégradation de bases, responsables, elles, du fort taux de mutagenèse spontanée générée lors

d’un stress oxydant (Farr and Kogoma, 1991). Le HO° va également entrainer une peroxydation lipidique qui se déroule en trois étapes (Figure 5).

Initiation LH + R°→ L° + H°

Propagation L° + O2→ LO2°

LO2° + LH → LOOH + L°

Terminaison LO2° + LO2°→ LOOL + O2

LO2° + L°→ LOOL L° + L°→ LL LH : lipide insaturé

L° : lipide radicalaire

Figure 5 : Processus de peroxydation lipidique.

L’initiation consiste en l’arrachement d’un proton à un lipide insaturé (LH) par une espèce radicalaire R° (particulièrement le HO°), ce qui conduit à un lipide radicalaire (L°). La propagation est l’étape d’oxydation où le L° formé va réagir avec O2 pour former un lipide radicalaire peroxydé (LOO°) qui est capable d’arracher un proton à un autre LH pour générer un L° d’où le mécanisme en chaîne de dégradation des acides gras membranaires conduisant à la formation d’hydroperoxydes (produits primaires de l’oxydation des acides gras insaturés). La terminaison est provoquée par la stabilisation des espèces radicalaires réagissant ensemble. Le clivage des liaisons carbonées par les radicaux lipidiques génère des acides gras acylés de taille réduite. Les produits secondaires formés sont principalement des aldéhydes, des hydrocarbures (alcanes et alcènes), mais aussi des époxydes et des acides dicarboxyliques. Ces groupements introduisent des charges supplémentaires dans la bicouche lipidique de la membrane. Cela provoque la déstructuration de la membrane et peut conduire à une perte de sa fonctionnalité notamment pour le transport des nutriments, l’activité ATPasique, ou la régulation de la balance osmotique (Farr and Kogoma, 1991). Les aldéhydes produits sont, à la différence des radicaux libres comme HO°, plutôt stables et diffusent à l’intérieur et hors de la cellule, pouvant ainsi réagir avec des cibles éloignées de leur site de formation. La plupart de ces aldéhydes présentent une forte réactivité vis-à-vis de biomolécules telles que les protéines, l’ADN et les phospholipides, ce qui contribue à la toxicité de la peroxydation lipidique. La peroxydation lipidique se produit seulement dans le cas où la cellule est incapable d’éliminer efficacement les précurseurs du HO° et en particulier H2O2.

La présence de l’O2 peut être très toxique pour les organismes vivants et la forte réactivité des ROS peut potentiellement conduire à des modifications dans les principaux constituants cellulaires menaçant l’intégrité et la viabilité de la cellule. La toxicité de l’O2 ne se développe que si le stress oxydant dépasse la capacité des systèmes de défense cellulaire.