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1. Les Bactéries Probiotiques

1.5. Les bifidobactéries comme bactéries probiotiques

Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, les bifidobactéries sont souvent citées comme ayant de fortes capacités probiotiques. Cependant, l’utilisation industrielle de ces souches n’est pas aussi répandue que celles des lactobacilles. En effet, en 2009, l'analyse de 34 produits commerciaux a montré la présence de 16 bifidobactéries probiotiques contre 27 lactobacilles. De plus, parmi ces 16 bifidobactéries, 11 appartenaient à l'espèce Bifidobacterium lactis, connue pour ses propriétés de résistance aux stress (Muller et al., 2009). De même, sur les 35 souches vendues par les fabricants de ferments probiotiques, seules 11 sont des bifidocatéries.

1.5.1. Définitions et caractéristiques générales des bifidobactéries

Les bifidobactéries ont été isolées et décrites pour la première fois par Henry Tissier à la fin du XIXème siècle (Tissier, 1900). Il a observé en abondance une bactérie en forme de Y dans les féces d’enfants nourris au sein et absente chez ceux nourris au biberon. Cette bactérie, Gram positive, non sporulée, non productrice de gaz, non mobile, anaérobie et de

morphologie bifide a été dénommée Bacillus bifidus. Cependant, un microbiologiste Danois, Orla-Jensen, a proposé de classer Bacillus bifidus comme une espèce à part entière sous le nom de genre Bifidobacterium (Orla-Jensen, 1924). Pour lui, les bifidobactéries "constituent un genre séparé, formant probablement une connexion entre les bactéries lactiques et les bactéries propioniques". Néanmoins, il n’y a pas eu de consensus taxonomique clair pour ce nouveau genre et pendant une grande partie du 20ème siècle, les bifidobactéries ont été classées comme membre du genre Lactobacillus, en raison de leur forme en bâtonnet et de leurs caractéristiques fermentaires. Cependant, l’accumulation d’études détaillant l’hybridation de l’ADN, le contenu en G+C et le métabolisme spécifique, a permis de ressusciter le genre Bifidobacterium. Les bifidobactéries forment un genre phylogénétiquement cohérent au sein de l’embranchement des Actinobacteria (Ventura et al., 2004). Cet embranchement comprend également les corynebacteria, les mycobacteria et les streptomycetes (Embley and Stackebrandt, 1994). Les bifidobactéries représentent aujourd’hui 34 espèces, isolées principalement du TGI d’hommes ou d’animaux. Les espèces reconnues ainsi que leur origine sont listées ci-dessous (Figure 7).

Bifidobacterium breve Bifidobacterium bifidum

Bifidobacterium pseudocatenulatum Bifidobacterium longum biotype infantis Bifidobacterium longum biotype longum Bifidobacterium adolescentis Bifidobacterium catenulatum Bifidobacterium angulatum Bifidobacterium gallicum TGI Humain Bifidobacterium dentium

Bifidobacterium tsurumiense Cavité Orale Bifidobacterium scardovii Sang humain

Bifidobacterium animalis subsp. lactis Alimentation Bifidobacterium minimumBifidobacterium thermacidophilum subsp. thermacidophilum Ensillage Bifidobacterium coryneforme Bifidobacterium indicum Bifidobacterium asteroides Insecte Bifidobacterium thermophilum Bifidobacterium psychraerophilum

Bifidobacterium pseudolongum subsp. pseudolongum Bifidobacterium thermacidophilum subsp. porcinum Bifidobacterium longum biotype suis

Bifidobacterium choerinum

Bifidobacterium animalis subsp. animalis Bifidobacterium cuniculi

Bifidobacterium magnum Bifidobacterium saeculare Bifidobacterium ruminantium Bifidobacterium merycicum

Bifidobacterium pseudolongum subps. globosum Bifidobacterium boum

Bifidobacterium gallinarum Bifidobacterium pullorum

TGI Animal

Figure 7 : Répartition écologique des bifidobactéries dans les différentes niches écologiques.

Leur génome a un contenu en G+C généralement élevé qui varie de 42 à 67% (Felis and Dellaglio, 2007). La teneur en G+C de Bifidobacterium bifidum vaut approximativement 62% (Turroni et al., 2010; Zhurina et al., 2011).

1.5.2. Morphologie et physiologie des bifidobactéries

Les bifidobactéries ont des caractéristiques morphologiques et physiologiques particulières. Ces bactéries sont en forme de bâtonnet à morphologie variable, généralement un peu courbées et plissées, parfois ramifiées. Des souches fraichement isolées peuvent avoir des formes allant d’uniformes à ramifiées, en forme de Y ou de V voire en forme de spatule. Cependant, sur des milieux défavorables, les bifidobactéries présentent des ramifications et un pléomorphisme, bien qu’elles soient sous forme de bâtonnet dans leur habitat naturel. La paroi des bifidobactéries a une structure typique des Gram-positive, constituée d’une enveloppe fine de peptidoglycanes contenant des polysaccharides, des protéines et des acides téichoïques (Gomes and Malcata, 1999). La composition en acides aminées des tétrapeptides des peptidoglycanes peut différer entre les espèces, et également entre les souches ; elle peut ainsi être utilisée pour leur différentiation (Lauer and Kandler, 1983).

Les bifidobactéries sont décrites comme étant strictement anaérobies, bien que certaines souches tolèrent l’oxygène (Simpson et al., 2005). La sensibilité à l’oxygène peut différer cependant entre les espèces mais également entre les souches d’une même espèce (Shimamura et al., 1992; Talwalkar and Kailasapathy, 2003).

La plupart des souches de bifidobactéries d’origine humaine ont un optimum de croissance compris entre 36 et 38 °C. Les souches d’origine animale, elles, ont un optimum de croissance légèrement plus élevé puisque compris entre 41 et 43 °C. La souche Bifidobacterium thermacidophilum est une exception puisque son optimum de croissance est de 49,5 °C (Dong et al., 2000). Bifidobacterium psychraerophilum quant à elle peut se développer à des températures de 4 °C (Simpson et al., 2004).

Les bifidobactéries ont un optimum de croissance compris entre pH 6,5 et 7. Les souches de Bifidobacterium lactis et Bifidobacterium animalis peuvent survire à pH 3,5 (Matsumoto et al., 2004) tandis que les bifidobactéries dans un environnement supérieur à pH 8,5 ne survivent pas (Biavati et al., 2000).

1.5.3. Métabolisme

Chimio-organotrophes avec un métabolisme fermentaire, les bifidobactéries peuvent cataboliser plusieurs sources de sucre et toutes peuvent fermenter le glucose, le fructose et le galactose (Figure 8).

Figure 8 : Métabolisme général des bifidobacteries. D’après (Lee and O'Sullivan, 2010). ABC : ATP-binding cassette systems ; GPH : glycoside–pentoside–hexuronide cation symporter family ; MIP : major

intrinsic protein ; MSF : major facilitator superfamily ; PTS : sugar phosphotransferase systems

Les hexoses sont dégradés par une voie métabolique particulière, la voie de la fructose-6-phosphate phosphoketolase (F6PPK) (EC 4.1.2.2) ou « bifid shunt ». Il existe également une voie partielle de la glycolyse ainsi qu’une voie partielle du cycle d’acide tricarboxylique (cycle de Krebs ; les gènes codant pour la fumarase, l’oxoglutarate déshydrogénase et la malate déshydrogénase étant absents). Des différences existent entre les espèces dans leur capacité à fermenter d’autres glucides ou des alcools.

La fermentation de deux moles de glucose produit approximativement trois moles d'acide acétique, deux moles d'acide lactique et 2,5 moles d'ATP. L'enzyme clé de cette voie métabolique, la F6PPK, est considérée comme un identifiant taxinomique pour la famille des Bifidobacteriaceae (Ventura et al., 2004; Felis and Dellaglio, 2007).

Il est intéressant de noter que 8.9% des protéines prédites à partir du génome de Bifidobacterium bifidum (Turroni et al., 2010) seraient impliquées dans le transport et le métabolisme des glucides. Ceci est équivalent à 30% de plus qu’observé chez d’autres organismes (Schell et al., 2002).