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La réparation du préjudice causé par rupture fautive des négociations

Dans le document L'avant-contrat en droit des contrats d'auteur (Page 188-197)

DROIT COMMUN

Paragraphe 2. La réparation du préjudice causé par rupture fautive des négociations

344. Une fois surmontées les difficultés liées à l’identification de la faute, il faut déterminer le préjudice directement causé par celle-ci. La question du préjudice indemnisable est délicate, et a donné lieu à d’importantes controverses. Tous les frais engagés et les gains manqués liés à la rupture des pourparlers ne comptent pas parmi le préjudice réparable, qui devra être déterminé par la démonstration d’un lien direct de causalité entre celui-ci et la faute précontractuelle (I). Cette réparation s’opèrera opportunément par l’allocation de dommages et intérêts (II).

I.L’IDENTIFICATION DU PREJUDICE REPARABLE

345. Identification du préjudice. Le préjudice que subit le partenaire déçu varie selon le type de contrat envisagé, l’avancée des négociations, leurs durées. Lorsque les négociations ont été brèves ou qu’il n’y a eu que de simples échanges informels, ce ne sont parfois que quelques espoirs déçus qui découlent de cette rupture. Il arrive cependant que les parties aient investi beaucoup de temps, d’argent et d’énergie dans la négociation, qu’il s’agisse de réunions, de déplacements, de frais d’étude, d’expertise, de frais de mandat, de conseil juridique, de frais de reproduction, pour des maquettes par exemple, de frais de conception, de temps, de travail perdu, etc. De manière schématique, le préjudice précontractuel peut se décomposer en deux catégories, les pertes subies à l’occasion des négociations avortées, et les gains manqués liés non seulement à l’abandon du projet de contrat, mais aussi à l’occasion manquée de conclure un contrat avec un tiers. L’éventail des préjudices possibles est large et les exemples aussi nombreux que les situations précontractuelles.

346. Diversité des préjudices. Ce préjudice peut être pécuniaire, mais aussi moral ou professionnel. L’échec d’une négociation de droit d’auteur cause un préjudice à l’auteur qui sera souvent tant moral que financier. Un éditeur qui entretient chez l’auteur l’espoir de publier son livre et qui au dernier moment lui tourne le dos lui cause un préjudice moral important. L’auteur vit souvent cet échec de manière très personnelle, une telle attitude de la part d’un exploitant peut être vécue de manière très douloureuse. En présentant son travail, il présente le fruit de son imagination, de sa créativité. Le lien qui le lie à son œuvre le pousse à vivre de manière peut être plus intense tout échec vis-à-vis de celle-ci. Il peut également subir un préjudice financier, notamment lorsqu’il aura refusé l’offre d’un tiers ou, à la demande de l’exploitant, fourni un travail important468

. Il est

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468 Indépendamment de la cession des droits, un contrat de commande peut cependant être qualifié dans certains cas, permettant à l’auteur de se voir rétribuer pour le travail fourni : Cass. 1re civ., 24 févr. 87 : D. 1988, p. 97.

188 cependant parfois l’auteur de la rupture. L’hypothèse la plus fréquente est celle d’un contrat finalement passé avec un exploitant tiers car, pour des auteurs encore méconnus du public, le simple fait d’être en négociation avec un exploitant représente un grand pas, qui certes ne l’emmènera pas toujours où il le souhaite, mais dont il ne se détachera pas à la légère. Lorsque la rupture des pourparlers est à l’initiative de l’auteur, le préjudice subi par son partenaire est généralement plus financier et professionnel que moral. Il peut avoir déjà investi des sommes importantes pour le lancement du projet ou de l’artiste, financé des études d’impact, des études de développement, avoir pris des risques pour trouver des financements, des partenaires, avoir engagé sa parole, sa réputation, avoir prévu des manifestations, imprimé des tracts, des catalogues469.

347. Certains instruments contractuels vont permettre une meilleure gestion de ces risques, en aménageant à l’avance les conséquences de la rupture des pourparlers. C’est souvent le cas lorsque l’on s’adresse à un architecte470

. En dehors de cette hypothèse, les contrats de ce type ne sont pas fréquents en ce qui concerne la négociation du contrat d’auteur. En l’absence d’un tel accord, la tentation est grande pour celui qui souhaitait réellement parvenir à un accord de tenter d’engager la responsabilité de celui qui a mis fin au projet de contrat. Pourtant, il sera souvent déçu. Si le préjudice subi du fait de la rupture est souvent bien réel, ne pas voir le contrat définitif conclu est un risque inhérent à toute négociation. C’est pourquoi tout préjudice subi du fait d’une rupture des pourparlers, même fautive, ne sera pas réparable.

348. Sélection du préjudice réparable. Comme le montre Madame Schmidt, « le dommage précontractuel ne présente pas d’originalité par rapport à celui ordinairement réparable dans le cadre de la responsabilité délictuelle. Loin de chercher à lui découvrir une physionomie particulière,

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Dans l’affaire précitée ayant donné lieu à l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 12 janvier 1999, les juges, après avoir qualifié la faute du photographe dans la rupture des pourparlers, ont identifié le préjudice subi comme étant notamment constitué des frais nécessaires à la conception d’un nouveau catalogue : « cette rupture fautive a causé un préjudice à la Galerie 54 qui a dû refaire le catalogue de l’exposition pour éviter de contrefaire les droits patrimoniaux nouvellement acquis par M.X lors de la tenue de l’exposition ». Cass. com., 12 janv. 1999 : Dt. et patr. 1999, n°2375, p. 97, obs. P. CHAUVEL.

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Un accord entre l’architecte et le maitre d’œuvre est souvent conclu afin de régler le sort des devis, plans et maquettes de l’auteur. En effet, eu égard à la nature de sa prestation, le travail effectué afin de pouvoir présenter un projet, indispensable à un certain degré d’avancement dans la négociation du contrat, demande un investissement considérable : frais d’études, maquettes, plans, adaptation aux contraintes du cahier des charges, une large partie du travail des architectes se fait en amont de l’acceptation du projet, au stade de sa conception. Or, rien ne lui garantie l’obtention du chantier, notamment en cas d’appel d’offre. Il apparaît alors dans certains cas opportun de gérer à l’avance les risques liés à l’échec des négociations, notamment par la pratique de devis ou de plans payants en cas d’abandon du projet.

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la jurisprudence le soumet aux conditions classiques exigées du dommage réparable »471. En effet, s’agissant d’une faute délictuelle, déterminer le préjudice réparable lié à l’échec des pourparlers implique de démontrer le lien de causalité entre celui-ci et la faute qui en est à l’origine. Pourtant, la jurisprudence a longtemps accueilli très largement la notion de préjudice précontractuel réparable, et accepté l’indemnisation de l’intégralité du dommage subi du fait de la rupture des pourparlers lorsque celle-ci était fautive472. L’intégralité des pertes subies et des gains manqués liés à la non conclusion du contrat était alors indemnisée, dès lors que la faute dans la rupture était démontrée. Doctrine et jurisprudence ont ainsi longtemps admis la réparation de tous les frais engagés dans la négociation, ainsi que des gains manqués, sur la base des bénéfices escomptés de la conclusion du contrat. Si l’on applique les conditions classiques de la responsabilité civile, l’on parvient rapidement aux limites de ce raisonnement. Comme l’a montré Monsieur Deshayes, « compenser, par l’allocation de dommages et intérêts, ne serait-ce que la perte d’une chance de conclure le contrat avorté, c’est déjà consacrer une forme d’exécution par équivalent de ce contrat ; c’est admettre qu’en l’absence de faute le contrat aurait été conclu, ou avait de sérieuses chances de l’être. Or cette anticipation est en un sens contraire à la liberté reconnue aux parties »473.

349. Encore une fois, lors de l’engagement des négociations, rien ne garantit la conclusion du contrat. Ne pas aboutir à un accord est un risque que chaque partie doit accepter et bien souvent, la rupture aurait été tout aussi préjudiciable si elle n’avait pas été fautive. C’est alors au lien de causalité existant entre la faute et le dommage qu’il faut se rattacher. Si l’on considère que la faute n’est pas constituée par la rupture des négociations en elle-même mais par les circonstances qui l’entourent, alors la perte d’une chance de conclure le contrat ne devrait pas être réparable. C’est le raisonnement que semble avoir tenu la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence remarqué. C’est la chambre commerciale qui a ouvert le pas à l’occasion de l’arrêt « Manoukian », en affirmant par une formule assez générale que : « les circonstances constitutives d’une faute dans l’exercice du droit de rupture des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du

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471

J. SCHMIDT-SZALEWSKI, La période précontractuelle en droit français : art. préc., p. 550. 472

Sur ce constat, voir notamment : O. DESHAYES, Le dommage précontractuel : RTD com. 2004, p. 187. 473

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contrat »474. Trois ans plus tard, la troisième chambre civile s’est ralliée à cette position dans des termes similaires475, entérinant une position aujourd’hui clairement établie476

.

350. À suivre ce raisonnement, seules devraient être indemnisées les pertes liées non pas à la rupture, mais aux circonstances fautives entourant cette rupture. Une sélection entre les différents préjudices devrait donc être opérée sur cette base. Cette exigence causale devrait conduire les juges à ne prononcer l’indemnisation de l’ensemble des dépenses de négociation que dans les cas où la faute est constituée par l’entrée même en négociation.

351. En dehors de cette hypothèse, seuls par exemple les frais supplémentaires engagés alors même que l’autre partie savait déjà que le contrat ne serait pas conclu, ou la perte d’une chance de conclure un contrat avec un tiers en cas de prolongement fautif des négociations devraient par exemple être réparables477. Il convient, afin de respecter l’exigence de causalité directe entre la faute et le dommage, de remettre les parties non pas dans l’état où elles se seraient trouvées si le contrat avait été conclu, ni dans l’état où elles se seraient trouvées si les négociations n’avaient jamais eu lieu, mais dans l’état où elles se seraient trouvées si la rupture des négociations n’avait pas été fautive.

II.LES MODALITES DE REPARATION DU PREJUDICE

352. L’allocation de dommages et intérêts semble être une réparation du préjudice causé par la rupture fautive des pourparlers à privilégier. Une sanction en nature pourrait consister à obliger les parties à reprendre les négociations. Or, aussi bien en droit d’auteur qu’en d’autres domaines, une telle négociation forcée serait très certainement vouée à l’échec. La plupart des auteurs s’accordent à

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Cass. com., 26 nov. 2003 : Bull civ. IV, n°186 ; Lamy droit civil, 2004, p. 7, obs. S. DOIREAU ; Dt et patr. mars 2004, p. 102, obs. D. PORACCHIA ; D. 2004, p. 869, obs. A.-S. DUPRE-DALLEMAGNE ; Rev. Sociétés 2004, p. 325, note N. MATHEY ; RIDA, juill. 1991, p. 195.

475

Cass. 3ème civ., 28 juin 2006 : D. 2006, p. 2963, note D. MAZEAUD ; RDC, 2006, p.311, note D. MAZEAUD ; Dt et patr. mars 2007, p. 26, note P. CHAUVEL. ; J. MESTRE et B. FAGES, Le contrat : jurisprudence et principales questions d’actualité : Revue Lamy droit civil, févr. 2007, p. 29.

476

Cass. 3ème civ., 7 janv. 2009 : D. 2009, p. 297 : « La faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne peut être la cause d’un préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser des gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ».

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S. JACQUIER donne ainsi l’exemple d’un auteur de série à succès qui, étant en discussion avec un éditeur à propos de son adaptation en jeu vidéo, laisserait différents projets s’élaborer, représentant chacun du temps et des frais exceptionnels. S. JACQUIER, Le contrat forcé en droit d’auteur : CCE, 2001, chron. p. 14.

191 dire qu’une telle solution serait parfaitement inopportune478. Obliger l’auteur et son exploitant à négocier le contrat laisserait peu de chances à l’émergence d’une relation contractuelle saine. De plus, si l’on admet que la sanction de la faute précontractuelle n’a pas pour objet de remettre les parties dans l’état où elles se seraient trouvées si le contrat avait été conclu, la sanction ne pourra pas être la conclusion forcée du contrat.

353. Il est cependant un cas où une telle sanction peut être envisagée. C’est l’hypothèse dans laquelle le juge, a posteriori, constaterait l’accord des parties sur les éléments essentiels du contrat, ou l’engagement des parties ou de l’une d’entre elles dans les liens d’un avant-contrat. La sanction ne serait alors pas l’obligation de reprendre les négociations, mais le constat de la conclusion d’un contrat engageant les parties, qu’il s’agisse du contrat définitif ou de certains contrats préparatoires. Or comme nous allons le voir, cette conclusion présente des spécificités imposant au juge d’apprécier de manière particulière la conclusion d’un contrat et d’un avant-contrat en droit d’auteur. Un simple accord sur le principe de la cession ne pourrait y suffire479.

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478

D. MAZEAUD, La période précontractuelle en droits positif et prospectif français, européen et international : comparaisons, contribution in « l’avant-contrat, actualité du processus de formation des contrats, PUF, coll. CEPRISCA, 2008, p. 21 ; Ph. LE TOURNEAU, La rupture des négociations : art. préc., p. 488 ; P. JOURDAIN, Rapport Français, La bonne foi, Travaux de l’association Henry Capitant, art. préc., p. 131 ; J. SCHMIDT, La période précontractuelle en droit français, art. préc., p.554.

479

CA Versailles, 8 avr. 2010 : Revue Lamy droit de l’immatériel, juill. 2010, p. 39, note J.-M. GUILLOUX : « L’acceptation par l’auteur du principe de la cession de ses droits d’édition ne suffit pas à la transmission des droits de l’auteur qui est subordonnée à une convention de cession délimitant le domaine d’exploitation des droits cédés, quant à son étendue et sa destination, quant au lieu et à la durée »

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

354. Au terme de ce chapitre, il apparaît donc que, par la caractérisation d’une faute précontractuelle tenant tant à la pression exercée sur un des négociateurs pour le pousser à conclure le contrat qu’à l’incohérence dont il fait preuve dans son attitude et dans ses paroles, le mécanisme de la responsabilité délictuelle permet aux juges de réguler le comportement de l’auteur et de son exploitant dans la période de l’avant-contrat. « De toute décision admettant l’existence d’une faute sans relever l’inobservation d’une prescription imposée spécialement par un texte on peut en effet induire l’existence d’un devoir préexistant qui présente, dans chaque hypothèse, un caractère particulier »480. Ce devoir est celui de cohérence, mais aussi celui de mesure qui s’impose dans la manière dont on tente de convaincre l’autre de conclure le contrat. Ces devoirs sont induits du devoir de négocier le contrat de bonne foi, en toute loyauté. En effet, la loyauté exige d’« adopter une attitude cohérente, une unité de comportement, qui permette à autrui de déterminer avec confiance sa propre conduite. En ce sens, le contraire de la loyauté est la duplicité, l’attitude double, qui égare autrui et ruine ses prévisions »481. Encore une fois, la jurisprudence n’est pas riche sur l’application de ces devoirs à la négociation du contrat d’auteur. Il semble cependant qu’ils soient appréhendés de la même manière que pour les autres contrats. L’auteur devrait par exemple y trouver les moyens de se prémunir de l’attitude de l’exploitant faisant volontairement « trainer les choses », l’exploitant y trouvera le fondement d’une sanction de l’auteur qui changerait d’avis au dernier moment sans raison légitime, alors même qu’il a déjà investi beaucoup dans le projet. Les devoirs de cohérence et de mesure permettent en théorie de réguler tant le comportement de l’auteur que celui de l’exploitant de manière efficace.

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480

G. VINEY et P. JOURDAIN, Les conditions de la responsabilité, Traité de droit civil, 3ème éd., LGDJ, 2006, p. 411. 481

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ONCLUSION DU

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355. Transparence, cohérence, mesure, discrétion, tels seront donc les maîtres mots d’une négociation loyale du contrat d’auteur. L’ensemble de ces devoirs tend à « assurer la rectitude des relations précontractuelles »482. Nous avons vu que le juge, à travers ces devoirs communs, disposait des moyens d’une régulation efficace de la période précédant le contrat d’auteur, et de la possibilité d’apprécier la faute précontractuelle de manière particulière au regard de la qualité des parties, de la confiance qu’elles ont pu légitimement placer dans l’autre, dans leur relation, dans l’avancement des négociations. Cette marge de manœuvre que lui offre la souplesse inhérente à la norme de comportement attendu, la « bonne foi précontractuelle », permet d’embrasser la diversité des contrats d’auteur, la diversité des relations existant entre un auteur et son exploitant, la diversité des comportements pouvant se révéler dommageables. Les devoirs imposés tant à l’auteur qu’à son exploitant tendent ainsi à une véritable régulation de l’avant-contrat d’auteur par le droit commun.

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CONCLUSION DE LA PARTIE 1

356. « L’observateur, d’abord déçu ou inquiété par l’absence de dispositions propres, perçoit tout un ensemble de sanctions dont la diversité atteste puis accuse l’hétérogénéité des fautes précontractuelles »483. Nous avons montré que la période de l’avant-contrat précédant le contrat d’auteur était, dans son cheminement vers le contrat définitif, soumise au droit commun, malgré une influence des règles générales du droit d’auteur sur l’appréciation des devoirs imposés aux négociateurs. Le droit des contrats d’auteur, pourtant soucieux de la protection des auteurs au moment de la conclusion du contrat faisant accéder l’œuvre à la vie économique, n’appréhende pas ce temps de maturation du contrat, contrairement à certains droits spéciaux. Le droit commun joue alors, dans ce temps prolixe aux conflits, un rôle régulateur. Les négociations ne sont pas abandonnées aux lois de la jungle, à la loi du plus fort. Il offre les fondements et les outils permettant une relative moralisation des relations précontractuelles, en droit d’auteur comme dans d’autres domaines. Il s’y adapte même plutôt bien, trouvant dans les notions cadres, celle de confiance légitime, de bonne foi, la notion de professionnel et de non professionnel, les ressorts d’une application circonstanciée de ces principes directeurs aux particularités de la relation existant entre auteurs et exploitants. Le recours à la notion de faute semble à ce titre opportun. Pourtant, un sentiment demeure. Si cette régulation est efficace, en pratique rares sont les cas où une telle attitude est sanctionnée par les juges, alors même que l’on sait qu’elle n’est pas un cas d’école. Le manque de visibilité du contentieux en est un indice patent. Le problème est donc ailleurs. Il ne vient pas de l’inadaptabilité des règles à la relation engagée, nous l’avons montré. Il vient alors certainement de la réalité de la relation existant entre un auteur et un exploitant, de la réalité économique, sociale. Nous l’avions dit, nous le répétons, les auteurs n’ont, de fait, pas toujours les moyens, l’envie et parfois le courage d’agir en justice contre un exploitant, même lorsque son comportement leur a causé un réel préjudice. Nombre d’exploitants quant à eux redoutent la publicité du contentieux. Les conflits se

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483 Nous reprenons ici une phrase de J. Schmidt, qui fait référence à l’absence de dispositions propres à la période précontractuelle. Nous faisons ici référence, plus particulièrement, à l’absence de disposition propre à la période précontractuelle dans le droit des contrats d’auteur. J. SCHMIDT, La sanction de la faute précontractuelle : RTD civ. 1974, p. 72.

195 règlent alors autrement, par voie de transaction plus ou moins formalisée. Or, l’auteur échappe alors à la bienveillance du juge, et acceptera souvent une maigre compensation financière en échange du tarissement du conflit. Le droit ne peut guère contre cela. Le manque de visibilité des règles applicables y contribue cependant. Là seraient alors les vertus d’un encadrement a priori de la période précontractuelle par le droit d’auteur, concernant certains de ces devoirs.

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