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L’obligation d’information dictée par le devoir de négocier de bonne foi

Dans le document L'avant-contrat en droit des contrats d'auteur (Page 127-131)

DROIT COMMUN

Paragraphe 2. L’obligation d’information précontractuelle issue du droit commun

B. L’obligation d’information dictée par le devoir de négocier de bonne foi

224. Le devoir de transparence impliquant une obligation d’information. La nécessité de transmettre l’information ne réside pas toujours dans l’affirmation d’une obligation d’information préexistante fondée sur la nature du contrat où la qualité des parties. Le devoir de négocier le contrat de bonne foi fait parfois naître une obligation d’information ou de conseil, de nature extracontractuelle. « En l’absence d’obligation contractuelle d’informer, le défaut d’information peut être traité par application de la responsabilité civile délictuelle, dès lors qu’il peut être qualifié de fautif. Les juridictions considèrent le degré respectif des connaissances des deux partenaires »326.

Compte tenu des circonstances particulières, de la relation créée entre les parties, de la confiance légitime née de cette relation, des attentes exprimées par l’une des parties, de leur comportement, l’on considère parfois qu’une partie aurait dû révéler à l’autre certaines informations, ou aurait dû lui conseiller ou lui déconseiller l’opération contractuelle envisagée, ses modalités. Ne pas l’avoir fait

H. TEMPLE, Droit de la consommation,op. cit., n°54, p. 58, préc. 325

Cette inversion de la charge de la preuve a d’abords été proclamée en matière médicale : Cass. 1re civ., 25 févr.1997 : Bull. civ. I, n° 75. Elle a ensuite été généralisée : Cass. 1re civ., 29 avril 1997 : Bull. civ. I, n° 132 ; JCP G. 1997, IV, 1240.

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127 peut constituer une atteinte au devoir de négocier de bonne foi, devoir précontractuel. Le devoir qui imposait dans cette situation précise de révéler certaines informations présente la même nature précontractuelle.

225. L’autonomie de ce fondement. « Aujourd’hui, l’obligation de renseignement existe de façon autonome. Sans doute ne peut-on pas admettre l’existence d’une obligation générale de renseignement dans tous les contrats. Mais le principe de bonne foi commande sa reconnaissance à chaque fois que l’on constate un déséquilibre des connaissances. L’exigence de loyauté dans les relations précontractuelles oblige alors à communiquer à son partenaire toutes les informations dont on dispose qui seraient de nature à éclairer son consentement »327

226. En effet, nous l’avons vu, le devoir de négocier de bonne foi a aujourd’hui gagné son autonomie, et va impliquer certaines obligations et certains devoirs, notamment le devoir de ne pas tromper son partenaire, fût ce en gardant le silence. Ainsi, une Cour d’appel a pu se voir reprocher de ne pas avoir recherché si un employeur « n’avait pas manqué à son obligation de contracter de bonne foi en omettant d’informer » une société des conséquences probables d’un accident du travail328. Le silence était sanctionné ici sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

227. Ainsi, si on ne peut pas proprement parler d’obligation d’information préexistante, le devoir de négocier le contrat de bonne foi implique, dans certains cas, un comportement actif, celui d’informer. Encore une fois, la bonne foi joue un rôle résiduel, lorsque ni la loi ni le contrat ne justifient une telle obligation. Son domaine dépasse largement celui de l’obligation d’information découverte par le juge sur le fondement du contrat. En effet, cette obligation, totalement détachée du contrat, ne sera pas influencée par sa nature. Seule la réalité de la relation entre les parties et leurs compétences respectives devraient permettre de qualifier le manquement à ce devoir. Ce fondement autonome permet ainsi de sanctionner le silence de celui qui n’était pas à l’origine tenu de parler, mais qui a gardé intentionnellement le silence dans le but de tromper son partenaire. Ce fondement permet d’apporter une réponse particulière à certaines situations pour lesquelles il peut paraître dangereux d’imposer une obligation générique.

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327

P. JOURDAIN, Rapport Français, La bonne foi, Travaux de l’association Henry Capitant, T. XLIII, éd. Litec, 1992, p. 124.

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128 228. L’opportunité de ce fondement. On se souvient de l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 17 avril 2007329. Il s’agissait en l’espèce d’un ancien agriculteur devenu manœuvre qui avait été abusé par un agent immobilier dans la vente de sa maison. Celui-ci, qui s’était vu consentir une promesse de vente pour son propre compte, n’était pas tenu de l’obligation de conseil qui aurait été la sienne s’il avait agi en tant qu’agent immobilier. Bien que connaissant la valeur réelle du bien, conscient qu’il l’acquérait à un prix bien inférieur à sa valeur réelle, il n’avait dit mot. Découvrant la valeur réelle de sa maison, le vendeur refusa d’exécuter cette promesse, ce qui amena l’acheteur à en exiger l’exécution en justice. Le vendeur malheureux avait alors tenté de faire valoir la réticence dolosive de l’acheteur afin de voir la promesse de vente annulée, demande à laquelle avaient accédé les juges du fond. Faisant œuvre de cassation, la Haute Cour saisit l’occasion de poser le principe en des termes généraux, entérinant ainsi la solution du célèbre arrêt « Baldus »330

: «L’acquéreur, même professionnel, n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ». Si certains ont pu se réjouir d’une telle solution, d’autres y ont vu la disparition programmée de l’obligation de contracter de bonne foi, tant les termes utilisés par la Cour, « ancien agriculteur devenu manœuvre, dont la femme était en incapacité totale de travail », renvoyaient à l’idée que l’agent immobilier avait ici abusé de la situation de faiblesse du vendeur. L’arrêt revient, en effet, « à autoriser un contractant professionnel à ne pas informer délibérément son partenaire profane d’un élément essentiel et déterminant de son consentement, et, donc, à admettre que le contrat puisse être conclu de mauvaise foi »331. Si le consentement a bien été vicié, le lien étroit développé par les juges entre obligation d’information et réticence dolosive semblait impliquer, afin de reconnaître le vice, de reconnaître au préalable l’existence de cette obligation d’information préexistante. On comprend la réticence des juges à consacrer de manière générale une telle obligation à la charge de l’acheteur. En effet, il peut paraître dangereux de décourager la recherche de la bonne affaire, et d’imposer dans tous les contrats de vente une telle obligation d’information de l’acheteur sur la valeur du bien acquis332

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329

D. MAZEAUD, Réticence de l’acheteur sur la valeur du bien vendu : la messe estdite, note sous Cass. 3ème civ., 17 janvier ou octobre ? 2007 : D. 2007, p. 1051.

330

Cass. 1re civ., 3 mai 2000 : JCP G. 2001, II, 10510, note C. JAMIN, préc. 331

D. MAZEAUD, Réticence de l’acheteur sur la valeur du bien vendu : la messe est dite : art. préc., p. 1051. 332

En ce sens, voir notamment les propos de B. RUDDEN, Le juste et l‘inefficace, pour un non devoir de renseignement, RTD civ. 1985.

129 229. Constater en l’espèce un manquement à l’obligation de négocier le contrat de bonne foi aurait permis de sanctionner ce comportement fautif, sans pour autant reconnaître formellement une obligation d’information générale au profit du vendeur. Les juges du fond étaient allés dans ce sens, constatant le manquement à l’obligation de contracter de bonne foi. Ils l’avaient cependant constaté afin de qualifier le silence de dolosif. Or selon la Cour de cassation, pour que le silence soit dolosif, il faut qu’il constitue le manquement à une obligation d’information préexistante. La solution aurait peut-être alors été différente si le fondement invoqué avait été l’article 1382, et non l’article 1116. Sanctionner le silence parce qu’il est contraire à l’obligation de contracter de bonne foi aurait alors permis de reprocher à l’acheteur son comportement qualifié de fautif compte tenu des qualités respectives des parties et de leur relation particulière. Sans encourir la nullité du contrat, des dommages et intérêts auraient alors pu être prononcés en réparation du préjudice subi, et compenser le dommage résultant de sa pérennité. On constate ici toute l’utilité d’un tel recours, qui n’était pas l’objet de la demande en l’espèce.

230. Ce fondement aurait également pu être utilement exploité concernant le contrat de commande de photographie, pour lequel la Cour de cassation a renié toute obligation d’information de l’auteur concernant la nécessité de se faire céder les droits d’exploitation. Encore aurait-il fallu prouver la mauvaise foi du photographe ou son manque de diligence contraire à une négociation loyale du contrat, fait qui n’était pas rapporté. Ce fondement peut être utile pour reprocher à l’auteur de n’avoir pas communiqué certaines informations, sans pour autant reconnaître à sa charge une obligation générale d’information. Un exploitant pourrait sur ce fondement se voir reprocher de ne pas avoir informé l’auteur des incertitudes de la conclusion du contrat futur, ou de sa mise en concurrence avec d’autres auteurs lorsque sa mauvaise foi est manifeste. Ce fondement, peu exploité en droit des contrats d’auteur, permettrait pourtant dans de nombreuses situations d’assainir et de moraliser les relations précontractuelles compte tenu des circonstances particulières de la négociation. Sa sanction également, comme nous allons le voir.

II.LES SANCTIONS DU DEFAUT DINFORMATION

231. L’obligation d’information préexistante liée à la nature du contrat ou à la qualité des parties et celle révélée a posteriori comme découlant de l’obligation légale de négocier de bonne foi souvent se recoupent, et renvoient les parties aux mêmes faits. Si les faits attendus sont parfois identiques, c’est la source de la contrainte qui change. L’obligation de contracter de bonne foi oblige les

130 contractants à remplir les obligations qui sont les leurs lors de la conclusion du contrat, mais oblige aussi à aller au-delà, en imposant un devoir de transparence en l’absence de toute obligation préexistante. Si les fautes contractuelles et délictuelles se recoupent en partie, c’est également le cas de leur sanction. On se situe aux frontières du contrat, ce qui va fonder la double nature de la sanction. L’abstention pourra alors être envisagée en tant que fait délictuel (B), mais aussi en tant que source de remise en cause du contrat ou de fait déclencheur de la responsabilité contractuelle (A). Selon les cas, le même fait, ou plutôt la même abstention, pourra être le fait générateur des deux ordres de responsabilité.

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