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4. RÉGULATION DE L'EXPRESSION ET DE L'ACTIVITÉ DE WNK1 ET WNK

4.4 Régulation de l'abondance protéique par CUL3 et KLHL

Comme je l'ai décrit plus haut, les mutations des gènes WNK1 et WNK4 ne sont retrouvées que chez une minorité de patients. Parmi les autres patients, la plupart est porteuse d'une mutation dans le gène KLHL3 et un petit nombre porte une mutation dans le gène CUL3. Les produits codés par ces gènes font partie d'un complexe ubiquitine-ligase dont WNK1 et WNK4 sont les substrats.

4.4.1 Le complexe CUL3/KLHL3

Le gène CUL3 code la cullin-3, composant essentiel d'un complexe ubiquitine ligase E3 permettant la dégradation des protéines cibles par le protéasome 26S après ubiquitination. CUL3 appartient à une famille de protéines qui compte sept membres (CUL1, -2, -3, -4a, -4b, -5 et -7) (Sarikas et al., 2011). Toutes ces cullins sont impliquées dans la formation de complexe ubiquitines ligase Eγ. L’extrémité N-terminale des Cullin interagit avec la protéine ou le complexe protéique chargé de recruter les substrats. L'extrémité N-terminale interagit avec les protéines RING (Rbx1 ou Rbx2) qui recrutent l'enzyme E2 chargée de l’ubiquitination. On parle alors de ligase Cullin-RING.

Les complexes cullin-RING-Eγ composent la classe la plus large classe d’ubiquitine ligase E3 chez les mammifères. La plupart des sept protéines Cullin interagissent avec leur propre et unique set d’adaptateurs de substrats. Le fait de pouvoir se fixer à différents adaptateurs de substrats permet aux complexes ubiquitine-ligase de type Cullin-RING d’ubiquitiner une multitude de substrats (Harper and Tan, 2012).

Dans le cas de CUL3, les adaptateurs de substrat sont les protéines BTB. Elles sont caractérisées par un domaine BTB qui permet l’interaction avec CULγ (Andérica-Romero et al., 2014). Le domaine BTB est un motif impliqué dans la liaison des protéines entre elles et qui, de ce fait, est impliqué dans les interactions protéines-protéines multiples (Perez-Torrado et al., 2006). Ce domaine participe à la régulation de nombreuses fonctions cellulaires comme l’organisation du cytosquelette (Kang et al., 2004), l’ouverture des canaux ioniques (Minor et al., 2000) ou encore à la régulation transcriptionnelle (Melnick et al., 2000). Malgré les divergences de séquences et la diversité des fonctions auxquelles elles participent, les protéines contenant un domaine BTB partagent au moins un rôle en commun : le recrutement des substrats pour l’ubiquitination par les complexes ubiquitine ligase Eγ (Perez-Torrado et al., 2006).

Les protéines Kelch-like (KLHL) sont des protéines BTB particulières qui forment la famille des protéines BTB-BACK (broad-complex, tramtrack and bric à brac-BTB and C-terminal Kelch) (Pintard et al., 2004). Le domaine BACK contribue à la formation du complexe BTB- E3 ubiquitine-ligase (Stogios and Privé, 2004). Les protéines Kelch recrutent les substrats pour l’ubiquitine ligase Cullinγ-RING via leur domaine Kelch (figure 18).

Figure 17. Le complexe ubiquitine ligase E3 CUL3.

Le complexe ubiquitine ligase E3 consiste en une protéine d’échafaudage (CUL3), en un adaptateur du substrat spécifique (KLHL3) et en une ubiquitine ligase RING. A. CUL3 peut réguler plusieurs processus biologiques grâce à la reconnaissance spécifique du substrat. Le complexe se divise en un centre capable de reconnaitre spécifiquement le substrat et en un centre catalytique capable d’ubiquitiner le substrat spécifique B. Le complexe ubiquitine ligase spécifique CUL3/KLHL3 est impliqué dans la FHHt. Adapté de Andérica-Romero et al., 2014

Les domaines Kelch ont été initialement identifiés comme étant un élément répété chez la drosophile. Un domaine Kelch est composé de plusieurs motifs kelch (Adams et al., 2000). Chaque motif kelch est constitué de quatre feuillets connectés et représente une pale d’hélice. Les motifs kelch sont reliés entre eux par une boucle pour former une seule hélice (Figure 18). L'hélice formée par le domaine Kelch sert notamment d'échafaudage pour les interactions protéine-protéine (Gupta and Beggs, 2014).

Figure 18. Représentation tridimensionnelle de la structure d'un domaine Kelch. Vue de face de la structure en hélice de la Galactose Oxydase retrouvée chez Hypomyces rosellus contenant sept motifs kelch en tandem. De Adams et al., 2000.

L’expression de CULγ est ubiquitaire. Dans le rein, CUL3 est exprimée dans l'ensemble du néphron, avec une expression un peu plus forte dans le tubule proximal (Boyden et al., 2012). KLHL3 est fortement exprimé dans le cerveau, et plus précisément au niveau du cortex et de l’hippocampe. Une forte expression de KLHLγ est également retrouvée dans le DCT (Louis- Dit-Picard et al., 2012). KLHL3 est plus faiblement exprimé dans les yeux, les testicules, les

Protéine BTB Nedd8 Rbx1 CUL3 E2 Ub Substrat Spécificité du substrat Centre catalytique KLHL3 Nedd8 Rbx1 CUL3 E2 Ub Substrat Substrat Protéasome Ub Ub Ub A. B.

poumons, le cœur, le foie, l’estomac et le colon. Aucune expression n’a été retrouvée dans le muscle (Sasaki et al., 2017). La forte expression de KLHL3 et de CUL3 dans le néphron ainsi que leur colocalisation avec le cotransporteur NCC dans le DCT appuient l’implication de ce gène dans la pathologie.

D'autres protéines KLHL ont été impliquées dans des pathologies diverses. Des mutations de KLHL7 ont été identifiées chez les malades atteints de retinis pigmentosa (Friedman et al., 2009), alors que des mutations de KLHL9 et KLHL40 sont responsables de différents types de myopathies (Cirak et al., 2010; Ravenscroft et al., 2013). Une dysfonction des KLHL est également responsable de plusieurs cancers humains. Des mutations de KLHL20 favorisent la progression du cancer de la prostate (Yuan et al., 2011). Les mutations de KLHL37 sont associées à des tumeurs du cerveaux (Liang et al., 2004) et celles de KLHL6 sont associées à des leucémies lymphoïdes aigues (Puente et al., 2011).

4.4.2 WNK1 et WNK4 sont ubiquitinés par le complexe CUL3/KLHL3 Le phénotype des patients porteurs d'une mutation dans CUL3 ou KLHL3 est similaire à celui des patients porteurs d'une mutation dans WNK1 ou WNK4. Cette observation suggérait que les produits de ces quatre gènes pourraient agir dans une même voie de régulation du transport ionique dans le néphron distal. Cette hypothèse a été confirmée par plusieurs études in vitro qui ont montré que WNK1 et WNK4 sont des substrats du complexe ubiquitine ligase E3 CUL3/KLHL3. Certaines de ces études ont par ailleurs montré que NCC et SPAK n’interagissent pas avec KLHLγ (Susa et al., 2014).

In vitro, WNK4 est ubiquitiné par le complexe CUL3-ubiquitine ligase E3, via un recrutement par KLHL3 (Figure 19) (Shibata et al., 2013b; Wakabayashi et al., 2013; Wu and Peng, 2013). Cette ubiquitination conduit à une réduction de l'abondance protéique de la kinase. Des résultats similaires sont observés pour L-WNK1 in vitro (Wakabayashi et al., 2013). De même, une diminution de l’abondance protéique de L-WNK1 est observée dans un modèle de cellules en cultures surexprimant KLHLγ. L’inverse est vrai, puisqu’une augmentation de l’abondance protéique de WNK1 est observée lorsque l’expression de KLHLγ est inhibée (Ohta et al., 2013; Wakabayashi et al., 2013).

Ces résultats in vitro ont été confirmés par la génération des souris KLHL3−/− (Sasaki et al., 2017). L’absence de KLHLγ in vivo entraine un défaut de dégradation de L-WNK1 et WNK4 et une augmentation de leur niveau d’expression protéique au niveau du rein. Cette augmentation de l’expression de L-WNK1 et WNK4 entraine une augmentation de la phosphorylation de SPAK et NCC dans le rein et l’apparition d’un phénotype très proche de

la FHHt, associant hyperkaliémie, acidose métabolique hyperchlorémique et une tendance à l’hypertension lors d’un régime riche en sel (Sasaki et al., 2017).

L'inactivation complète de Cul3 est létale avant 7,5 jours de développement (Singer et al., 1999). L’étude des embryons Cul3-/- à 6,5 jours de développement a mis en évidence une désorganisation des tissus extra-embryonnaires causée par une accumulation de cycline E dans l’ectoderme et le trophoblaste et à une dérégulation de la phase S (Singer et al., 1999). Afin de déterminer les conséquences de cette inactivation dans le rein adulte, McCormick et al. ont généré un modèle d'inactivation de Cul3 spécifiquement dans le néphron (souris KS- Cul3-/-) (McCormick et al., 2014). Cette dernière entraîne une augmentation des niveaux protéiques de L-WNK1 et WNK4. Les auteurs ont également observé une augmentation de l'expression et de la phosphorylation de NCC qui est très probablement due à l'augmentation de L-WNK1 et WNK4. Cependant, l’absence de CULγ n'entraine pas une FHHt. Les souris présentent une insuffisance rénale, avec une inflammation tubulo-interstitielle et une fibrose, ainsi qu' un diabète, une alcalose hypochlorémique et une hypotension sensible au sel (McCormick et al., 2014). Ce large phénotype est probablement attribuable au fait que la délétion de Cul3 dans le néphron entraine une perte d'ubiquitination de tous les substrats du complexe Cul3-ubiquitine ligase et pas seulement de ceux qui sont recrutés par KLHL3. L’effet de l’inactivation de Culγ entraine donc des dérégulations tout le du long du néphron et pas seulement dans le DCT, site d’expression préférentiel de KLHLγ. On peut s’attendre par exemple à une accumulation de cycline E comme chez les embryons Cul3-/- précédemment décrits, qui pourrait entrainer des dérégulations majeures du cycle cellulaire. Ces résultats suggèrent également que les mutations de CUL3 identifiées chez les patients ne sont pas de simples mutations perte-de-fonction. Je reviendrai sur ces mutations dans la partie 5 de l’introduction.

Figure 19. Le complexe ubiquitine ligase E3 CUL3/KLHL3 régule la voie de signalisation des WNK.

Les kinases SPAK et OSR1 sont phosphorylées et activées par les kinases WNK. Une fois activées, SPAK et OSR1 activent NCC par phosphorylation. Le complexe ubiquitine ligase E3 CUL3/KLHL3 cible les WNK pour induire leur dégradation protéosomale, ce qui entraîne une diminution de leur abondance. La diminution de l’abondance des WNK diminue l’activation de NCC, ce qui limite la réabsorption de NaCl. Adapté de Ferdaus et McCormick, 2016.

4.4.3 Implication du complexe CUL3-ubiquitine ligase dans la régulation physiologique de WNK1 et WNK4

Des études récentes ont mis en évidence l'implication du complexe Cul3-ubiquitine ligase dans la régulation physiologique des kinases WNK dans le rein et les cellules musculaires lisses vasculaires.

4.4.3a Par le système rénine-angiotensine-aldostérone

Comme je l'ai décrit dans le paragraphe 4.1.2a, l'angII stimule l'activité kinase de WNK4 via la phosphorylation de 4 sérines par la PKA et la PKC (Castañeda-Bueno et al., 2017). L'équipe de R. Lifton a récemment démontré que l'angII peut aussi inhiber le recrutement de WNK4 pour ubiquitination par le complexe Cul3 (Shibata et al., 2014). En effet, en réponse à l'angII in vitro, la PKC phosphoryle KLHL3 sur le résidu Ser433. Cette phosphorylation empêche KLHL3 de se lier à WNK4, ce qui entraîne son accumulation. Une stimulation de la phosphorylation de ce résidu est observée dans le rein de souris traitées par l'angII. Il est

OSR1/SPAK