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3. RÉGULATION DU TRANSPORT IONIQUE PAR WNK1 ET WNK

3.1 La voie WNK-SPAK/OSR

3.1.2 b L-WNK1 active SPAK indépendamment de WNK

Les résultats obtenus in vitro sur les mécanismes de régulation de NCC par L-WNK1 étaient, jusqu’à 2014, contradictoires. Les premières expériences dans les ovocytes de Xénope et dans les cellules en culture ont montré que la surexpression de L-WNK1 seul ne modifie pas l'expression, la phosphorylation ou l'activité de NCC (Golbang et al., 2006; Yang et al., 2003). Cependant, L-WNK1 est capable d’activer NCC indirectement en inhibant WNK4, qui lui-même inhibe NCC (Yang et al., 2003). De plus, Subramanya et al. ont mis en évidence que KS-WNK1 agit comme un inhibiteur de L-WNK1 (Subramanya et al., 2006). De l’ensemble de ces résultats est né un premier modèle où KS-WNK1 inhibe L-WNK1 qui

inhibe à son tour WNK4, WNK4 diminuant l’activité de NCC. Cependant, ce modèle est en contradiction avec d'autres études réalisées in vitro et in vivo.

Des études biochimiques ont en effet montré que L-WNK1 peut phosphoryler les kinases SPAK et OSR1 et donc activer NCC (Anselmo et al., 2006; Moriguchi et al., 2005; Richardson and Alessi, 2008). Les modèles in vivo sont également en faveur d'une régulation de NCC par L-WNK1 dépendante de SPAK. A ce jour, l'étude du rôle de L-WNK1 dans le rein adulte en conditions physiologiques n'a pas été possible puisque l'inactivation globale de L-WNK1 conduit à une mortalité embryonnaire, due à de sévères anomalies du développement cardiovasculaire (Xie et al., 2009). Les mutations de WNK1 responsables de la FHHt ne sont pas des mutations de la séquence codante mais des délétions de 22kb à 41kb localisées au sein des 60 kb de l’intron 1. Ces larges délétions du premier intron entraînent une augmentation de l’expression de WNK1 dans les leucocytes des patients humains (Wilson et al., 2001) (Figure 12).

Figure 12. Les mutations de WNK1 impliquées dans la FHHt.

Les mutations identifiées chez les patients FHHt sont de larges délétions du premier intron de WNK1 (A. triangles bleus), qui provoquent une surexpression de l’ARNm de WNK1 dans les leucocytes (B). Adapté de Hadchouel et al., 2006 et Wilson et al., 2001.

Un modèle de souris porteuses d'une délétion hétérozygote de l’intron 1 de WNK1 été généré dans l’équipe d’accueil (Vidal-Petiot et al., 2013). Ces souris présentent des troubles

analogues à ceux des patients, à savoir une pression artérielle plus élevée, une hyperkaliémie et une acidose métabolique hyperchlorémique, parfaitement corrigées par les diurétiques thiazidiques qui bloquent le co-transporteur NCC. Au niveau moléculaire, la délétion de l’intron 1 entraine un doublement dans le DCT et une augmentation de 30% dans le CNT du niveau d'expression transcriptionnelle de L-WNK1 (Vidal-Petiot et al., 2013). L'expression de L-WNK1 dans les autres segments du néphron ainsi que celle de KS-WNK1 ne sont pas modifiées. Comme attendu, l'abondance et la phosphorylation de NCC augmentent chez les souris WNK1+/FHHt. Si aucun changement du niveau d'expression et de phosphorylation de SPAK n'est détectable par western blot, nous avons pu observer une modification de la localisation cellulaire de SPAK. L'abondance des formes totale et phosphorylée de SPAK augmente en effet près de la membrane apicale du DCT des souris WNK1+/FHHt (Vidal-Petiot et al., 2013).

Ces résultats suggèrent fortement que SPAK est impliqué dans l'activation de NCC par L- WNK1 mais ne permettaient pas pour autant d'éliminer un éventuel rôle de la cascade L- WNK1/WNK4. Afin de tester cette hypothèse in vivo, les souris WNK1+/FHHt ont été croisées avec les souris WNK4-/- (Chávez-Canales et al., 2014). Chez ces souris, le phénotype FHHt est maintenu. Ces résultats confirment que L-WNK1 agit indépendamment de WNK4 pour activer SPAK et NCC. De plus, des études ultérieures ont montré que WNK4 n'est pas un inhibiteur mais un activateur de NCC. Ce point sera abordé en détail dans le chapitre suivant. L'ensemble de ces études montre la capacité de L-WNK1 à activer l’expression et la phosphorylation de NCC in vivo. Il restait donc à comprendre pourquoi les études in vitro avaient donné des résultats si contradictoires. Comme je l'ai décrit dans le paragraphe 2.4.3, WNK1 est soumis à de multiples épissages alternatifs qui donnent naissance à des variants exprimés de façon différentielle. La majorité des études ayant mis en évidence que L-WNK1 n'est pas capable d'activer NCC in vitro a été réalisée en utilisant le variant L-WNK1-∆11-12, délété à la fois de l'exon 11 et de l'exon 12 (Yang et al., 2003, 2005). Ce variant ne représente que 20% des isoformes de L-WNK1 dans le néphron. Notre équipe a donc choisi d'étudier à nouveau la régulation de NCC par L-WNK1 dans l’ovocyte de Xénope en utilisant cette fois le variant d'épissage L-WNK1-∆11, qui représente 70% de tous les variants de L-WNK1 dans le néphron (Chávez-Canales et al., 2014; Vidal-Petiot et al., 2012). De façon surprenante, cette étude a permis de montrer que les variants L-WNK1-∆11-12 et L-WNK1-∆11 sont tous deux capables d’activer NCC dans l'œuf de Xénope et dans les cellules en culture (Chávez- Canales et al., 2014). Cependant, le variant L-WNK1-∆11 entraîne une plus forte activation. L'activation de NCC par L-WNK1-∆11 nécessite son activité kinase et dépend de l’interaction

avec SPAK. L’absence d’activation de NCC par L-WNK1 observée précédemment in vitro n’était donc pas le résultat de l’utilisation du « mauvais variant ». Tous les travaux in vitro ont été réalisés avec le même ADNc L-WNK1-∆11-12 que celui qui a été sous-cloné lors de l’identification de WNK1 à partir de la banque d’ADNc de cerveau de rat (Xu et al., 2000). Des analyses par séquençage de cet ADNc de rat a permis d’identifier une mutation inactivatrice dans la partie C-terminale (p.Gly210Ser). Cette mutation altère l’activité du variant et empêche l’activation de NCC. Le remplacement du résidu sérine par une glycine dans cet ADNc de rat permet de restaurer l’activation de NCC (Chávez-Canales et al., 2014). Ces résultats confirment que L-WNK1 est un activateur de SPAK et donc de NCC in vivo et in vitro. Dans ce nouveau modèle, L-WNK1 active la kinase SPAK par phosphorylation (Figure 13).