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Régression du rôle de l'Église

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Chapitre IV.- Affirmation de l'idée d'obligation ( XIIe siècle - 1804 )

Section 3.- Régression du rôle de l'Église

Section 3.- Régression du rôle de l'Église

Entre 1294 et 1303, sous le pontificat de Boniface VIII ( Benedetto Gaetano ), la papauté se trouve à l'apogée de sa grandeur. En 1300, le pape affirme sa toute-puissance aux fêtes d'un jubilé qui réunit, dit-on, à Rome deux cent mille pèlerins. La pompe éclatante des cérémonies, les flatteries, les prédications, grisent son esprit dominateur : tous les princes, quels qu'ils soient, reçoivent ses admonitions. « Le pontife romain, déclare-t-il le 17 octobre 1301, a été

constitué par Dieu au-dessus des rois et des royaumes pour arracher et détruire, bâtir et planter ». La papauté ressent alors de façon de plus en plus vive les empiétements dont la royauté française se rend coupable sur les libertés ecclésiastiques ; une rupture apparaît imminente.

Sur ces entrefaites, en l'année 1301, l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset, est dénoncé à Paris pour avoir injurié le roi et pris part à un complot destiné à soulever le Midi contre la couronne. Arrêté, interrogé en présence du roi lui-même, il est convaincu de trahison et confié à la garde de son supérieur, l'archevêque de Narbonne. Boniface le prit de très haut. Par la bulle Salvator mundi ( 4 décembre 1301 ), le pape révoque toutes les faveurs accordées au roi de France. Tirant la leçon des derniers événements, il répète que Dieu a placé le pape au-dessus des princes et que nul d'entre eux n'est dispensé de

l'obéissance au chef de l'Église ( Bulle Ausculta Fili, du 5 décembre 1301 ). Une telle affirmation eut pour effet de provoquer un sursaut national ; de toutes parts des publicistes prirent la plume pour défendre le roi. Mais fort de ses appuis, Boniface perdit alors toute retenue : non content de menacer le roi, qu'il veut déposer « comme un mauvais garçon », il adresse à toute la chrétienté, le 18

novembre 1302, la bulle Unam sanctam ( Extravagantes communes, I, 8, 1 ). Il y expose la doctrine selon laquelle le spirituel dispose d'un droit de contrôle sur le temporel ; les princes ne pouvant user du temporel que selon la volonté du chef de l'ordre chrétien ( Théorie des deux glaives ). Cette attitude de la papauté aura des répercussions à la fois sur le plan politique et juridique ( v. Joseph Calmette, Le monde féodal, nouv. éd., op. cit., pp. 276-279 ).

Après la mort de Boniface VIII, profitant de la situation, Philippe le Bel parvint à faire élire pape une de ses créatures, l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, qui prit le nom de Clément V. Celui-ci, au lieu d'aller à Rome, s'établit à Avignon, permettant à la royauté de dominer le Saint-Siège ; ce que d'aucuns vont appeler la « captivité de Babylone ». Cette mainmise de la puissance laïque allait précipiter le déclin des tribunaux ecclésiastiques, et par là même

contribuer à la régression du droit canonique.

La première attaque en règle contre la juridiction ecclésiastique se produit une vingtaine d'années plus tard, sous le règne du roi Philippe VI de Valois. A la suite des multiples conflits opposant les gens d'Église aux officiers royaux, le roi décide une fois pour toutes de fixer les bornes des deux juridictions laïque et ecclésiastique. Il convoque à cet effet une assemblée à Vincennes ( décembre 1329 - janvier 1330 ), afin d'entendre les dire contradictoires des prélats d'une part, des barons et officiers civils d'autre part. L'avocat général Pierre de Cuignières, affirmant avec solennité le principe de la distinction des pouvoirs, suggére de retirer aux clercs le droit de juger. Il fut entendu. A partir de 1380, les progrès de la juridiction temporelle vont être rapides. Après avoir dépossédé les

officialités, les juridictions royales appliqueront elles-même le droit canonique dans de nombreuses matières : mariage, prêt à intérêt, causes bénéficiales, crimes contre la foi, etc. ( v. Paul Viollet, Histoire des Institutions politiques et administratives de la France, t. 2, Paris, 1898, réimpr. Scienta Verlag Aalen, 1966, pp. 315-317 ; François Olivier-Martin, Histoire du droit français des origines à la Révolution, Paris, 1948, réimpr. C.N.R.S., Paris, 1984, n° 364, pp. 484-485 ;

Antoine Leca, Institutions publiques françaises, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 1994, p. 346 ).

A la fin du XVe siècle, le mouvement offensif des juridictions laïques sur le terrain de la compétence de l'Église s'accuse chaque jour davantage : durant cette période, se développe un nouveau type d'appel, dit « appel comme d'abus », consistant à déférer au Parlement les actes abusifs de la justice d'Église, aux fins d'annulation ou de cassation. Ce procédé, ouvert à tout intéressé, devint progressivement un moyen de soumettre au Parlement, non seulement les sentences des officialités, mais encore les actes non contentieux de l'autorité ecclésiastique. La question de la Pragmatique Sanction, entre

autres, fut une source féconde d'appels comme d'abus. Par ce moyen, l'Église se trouva subordonnée à l'État, au temporel comme au spirituel ( v. Fevret, Traité de l'abus, 1689 ; Jehan, Étude historique sur l'appel comme d'abus, 1888 ; Moïse Cagnac, De l'appel comme d'abus dans l'ancien droit français, Paris, 1906 ; Marcel Marion, Dictionnaire des Institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1923, réimpr. Paris, 1993, pp. 21-22 ; François Olivier-Martin, Histoire du droit français.., op. cit., n° 362, pp. 481-483 ).

A partir du XVIe siècle, le droit canonique connaissant une régression notable, le

droit laïque des obligations, à base de droit romain, se développera de manière autonome. Les auteurs français, de Dumoulin à Pothier, continueront d'étayer leurs solutions par des citations romaines, tout en conservant l'acquit des canonistes sur la force obligatoire des promesses : malgré quelques

résistances, le principe solus consensus obligat demeure absolu ( v. Gabriel Le Bras, « La concorde des droits savants dans le domaine des contrats »,

Mélanges Auguste Dumas, Aix-en-Provence, 1950 ; Jean-Pierre Baud, « La bonne foi depuis le Moyen Age », Conférence à l'École doctorale des Sciences

juridiques de l'Université Paris X - Nanterre, 2001 ).

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