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La notion d'obligation à partir de la loi Poetalia Papiria

Section 2.- La notion d'obligation à partir de la loi Poetalia Papiria

Une période nouvelle s'ouvre par un texte dont l'importance sociale et juridique est capitale : la loi Poetalia Papiria ( Lex Poetalia Papiria ). Les actes licites, futurs « contrats », vont être séparés des actes illicites, qui formeront la

catégorie des « délits ». Il ne s'agit pas d'une simple question de mots, mais bien d'une différenciation profonde entre deux types de situations : désormais, le débiteur d'un acte licite n'exposera plus ni sa vie ni sa liberté en cas de

défaillance ; seuls les coupables d'actes illicites ou ceux qui manqueront à leur serment continueront d'être frappés dans leur corps et chargés de chaînes, progrès tout à fait considérable ( v. Fernand de Visscher, « La lex Poetalia et le régime des délits privés au Ve siècle de Rome », in Mélanges P. Fournier, 1929, p. 755 ; Biondo Biondi, Il diritto cristiano, t. 3, Milan, 1954, pp. 217 et suiv. ; André Magdelain, « La loi Poetalia Papiria et la loi Iulia de pecuniis mutuis », in

Estudios en honor de Alvaro d'Ors, 1987, pp. 811-817 ).

L'introduction de la loi Poetalia Papiria ( § 1 ), en 326 avant Jésus-Christ, eut donc pour conséquence d'affiner la distinction entre actes licites et illicites. Elle facilita la mise en oeuvre de nouvelles sanctions légales des devoirs ( § 2 ) tout en laissant subsister les principes archaïques à l'égard des cas d'origine illicite.

§ 1.- La loi Poetalia Papiria

La loi des XII Tables livrait le débiteur à merci de son créancier : si des

transactions étaient possibles, en fait les débiteurs ( nexi ) étaient enchaînés, en butte aux pires traitements, passibles de mort, de vente, sans protection légale effective. Les plébéiens victimes de cet état de choses protestaient

inlassablement à ce sujet ; ils eurent finalement raison de la résistance des patriciens à la suite d'un scandale violent.

Les événements conduisant à la loi Poetalia Papiria nous sont révélés par Tite Live ( VIII, 28 ). Celui-ci raconte comment un jeune romain nommé C. Publius, qui travaillait à acquitter la dette de son père, emprunteur par nexum, se trouva

maltraité par le créancier, usurier du nom de L. Papirius. Déchiré sous les coups, il parcourut Rome et se plaignit de la cruauté du créancier. Tout ceci eut pour effet d'indigner le peuple et le Sénat qui exerçait alors un rôle de Conseil.

Investis du pouvoir d'ordonner en matière civile et militaire, les consuls supprimèrent l'emploi du nexum en tant que mode d'engagement d'une personne. Tous les débiteurs se trouvant sous l'autorité d'un créancier au

moment du vote de la loi, sauf à avoir commis un acte illicite, purent être déliés, après s'être engagés par serment à fournir un nombre suffisant de journées de travail.

Cependant, la loi Poetalia Papiria ne mit pas fin à une pratique consistant à

enchaîner les voleurs attribués par le préteur à la victime du délit ( addicti ) ; elle maintenait en outre l'exécution sur la personne des débiteurs judicati et addicti, c'est-à-dire jugés et attribués par le magistrat à leur créancier.

Le système d'assujettissement physique survécut en Europe jusqu'au XIXe siècle : la prison pour dettes était utilisée, en France comme en Angleterre, comme moyen de contrainte pour forcer le débiteur à payer ses dettes ; elle représentait le plus souvent un supplice pour les détenus, en raison de l'état déplorable des prisons où se répandaient la peste et la dysenterie. D'après l'ordonnance d'avril 1667, la contrainte par corps ne devait intervenir que dans des cas bien déterminés : pour obtenir la représentation de meubles saisis, l'exécution de contrats maritimes, le paiement de fermages, le paiement de dommages-intérêts, etc. En raison de leur grand âge, les septuagénaires

bénéficiaient d'une dispense ( art. 9 , tit. 34 ). Jugée trop attentatoire à la liberté individuelle, la contrainte par corps fut définitivement supprimée en matière civile par la loi du 22 juillet 1867 ( v. Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, nouv. éd., Paris, 1755, t. 1, pp. 548-551 ; Merlin de Douai, Répertoire universel et raisonné de Jurisprudence, 4e éd., Garnery, Paris, 1812-1826, t. 3, pp. 64 et suiv., art. contrainte par corps ).

§ 2.- Introduction de nouvelles sanctions légales des devoirs

Malgré l'adoucissement certain que la loi Poetalia Papiria avait apporté à la

situation du nexus, il arrivait cependant que le débiteur insolvable se soumette volontairement à la puissance effective de son créancier ( Tite-Live, II , 23 ; VII, 19 ) ; mais celui-ci ne pouvait l'emmener malgré lui, sans le concours du

magistrat qui prononçait une addictio. Le créancier pouvait également entrer en possession des biens affectés à la garantie de sa créance et faire procéder à la vente.

A partir du IIe siècle, le créancier disposera de nouveaux moyens de contrainte, mis à sa disposition par les lois Silia et Calpurnia, qui lui permettront de recourir aux actions de la loi ( legis actio per condictionem ) en cas d'inexécution. Ces nouvelles mesures traduisent à la fois les progrès de l'autorité de l'État, qui s'immisce de plus en plus dans les rapports entre particuliers, et le

développement de la vie commerciale à Rome.

L'auteur de la loi Silia serait un plébéien, Silius. Cette loi fait suite à la réforme qui enleva au nexum la faculté exorbitante du créancier sur le nexus.

Contrepartie de l'amélioration de la situation du débiteur, l'action de la loi Silia ouvre la possibilité de recouvrer une somme d'argent déterminée ( actio certae creditae pecuniae ), qu'elle soit due par sponsio ou par mutuum. L'action de la loi Calpurnia concerne les obligations ayant pour objet une chose déterminée ( actio certae rei ) autre que de l'argent : une certaine quantité de blé ou de vin, ou encore un esclave individuellement déterminé. Au Bas-Empire, elle contribua largement au renforcement de l'autorité du juge : il reçut un pouvoir nouveau, celui d'apprécier la valeur pécuniaire de l'objet en litige, alors qu'auparavant il avait un rôle exclusivement arbitral. Dès lors, il put tenir compte de l'intention des parties et des actes frauduleux accomplis par le débiteur.

Au début de la procédure, dont les formes ont été révélées par le fragment de Gaius découvert en 1933, le demandeur affirme solennellement l'existence de sa créance devant le magistrat et invite son adversaire à la reconnaître ou à se

défendre. Il déclare, par exemple : « J'affirme que tu me dois 10.000 sesterces ; je demande que tu le reconnaisse ou que tu le nies » ( Gaius, Institutes, 4, 17 b ). Si le débiteur nie la dette, le demandeur l'assigne à comparaître trente jours plus tard devant le préteur pour y faire nommer un juge. C'est cette assignation, la condictio, qui a donné son nom à la procédure : legis actio per condictionem. Le délai laissé au défendeur avant la désignation du juge lui permet de réfléchir, voire d'exécuter son obligation pour échapper au procès. Cette procédure présente un sérieux avantage : elle aboutit à une condamnation à payer une somme proportionnelle à l'intérêt en jeu et non pas une somme fixe. Cette somme va au gagnant et non au trésor public.

A l'époque classique, sous la procédure formulaire, les plaideurs utilisent la condictio certae pecuniae et la condictio certae rei qui, toutes deux, dérivent de la legis actio per condictionem, et qui présentent, par suite, des caractères spéciaux ( Institutes, 3, 15 ).

Sur la condictio.- V. Fernand de Visscher, La condictio et la procédure

formulaire, Gand, 1923 ; Raymond Monier, Manuel élémentaire de droit romain, t.

2, 3e éd., op. cit., n° 83, pp. 128-129 ; Ulrich von Lübtow, Beiträge zur Lehre von des Condictio nach römischen und geltendem Recht, Berlin, 1952 ; Van Oven,

« La forêt sauvage de la condictio classique », Tijdschrift voor

Rechts-geschiedenis, Haarlem-Bruxelles, 1954, p. 267 ; Nicole Dockes, Cours d'Histoire

des obligations en droit, op. cit., fascicule I, pp. 20 - 21 ; Jean Gaudemet, Les institutions de l'Antiquité, 7e éd., op. cit., pp. 246-247.