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Influences romaine et canonique

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Chapitre IV.- Affirmation de l'idée d'obligation ( XIIe siècle - 1804 )

Section 1.- Influences romaine et canonique

Section 1.- Influences romaine et canonique

Au début du XIIe siècle, l'influence romaine demeure encore incertaine ; les souvenirs qu'en gardent les actes de la pratique sont d'ordinaire sommaires et imparfaits. Ce n'est qu'au milieu du siècle, après la découverte des Pandectes, qu'apparurent véritablement les premiers symptômes d'une renaissance ( § 1 ).

Ce mouvement eut une répercussion profonde sur la doctrine canonique qui, malgré tout, sut conserver son inspiration propre ( § 2 ).

§ 1.- Réception du droit romain

Jusqu'au XIe siècle, malgré des survivances formelles, la pratique juridique n'a semble-t-il plus rien de romain. Les concepts les plus élémentaires paraissent avoir été oubliés : propriété, possession, contrat, obligation, etc. La renaissance résulte pour partie de la redécouverte des principaux textes perdus du droit romain, et ensuite de leur publication progressive, achevée vers 1140. L'étude de l'oeuvre de Justinien se développa d'abord en Italie avec l'enseignement de Irnerius à Bologne ( 1088-1125 ), qui fonda l'École des glossateurs, puis avec ses élèves, les « quatre docteurs », Bulgarus (

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1166 ), Martinus Gosia (

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avant 1166 ), Hugo (

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vers 1170 ) et Jacobus (

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1178 ), et enfin en France avec Placentin ( vers 1135-1192 ), un élève de Martinus, qui, après avoir quitté l'Italie, vint enseigner à Montpellier ( 1160-1192 ) où il introduisit cette nouvelle science.

Tous firent appel aux méthodes d'enseignement de l'époque, consistant à gloser les textes : le professeur lit et explique tel fragment du Code ou du Digeste, puis résume son interprétation en une formule très brève, une glose ( glossa ), que les étudiants inscrivent en marge de leur texte. L'École des glossateurs produisit une telle quantité de gloses qu'il fallut en faire des résumés ( « Sommes » ), auxquels vinrent s'ajouter des recueils ( Apparatus ) et ensuite des

« Commentaires ». La Summa Codicis d'Azon (

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1200 ) et la « Grande Glose » d'Accurse ( 1182-1260 ), ou glose ordinaire, acquirent alors une autorité

considérable. Elles permirent d'éclairer les Glossateurs sur le sens du droit romain, et de certains principes qui les laissaient perplexes : en particulier la formule selon laquelle d'un pacte nu ne peut naître aucune action ( ex nudo pacto non oritur actio ). Azon donna un début de réponse. Il déclare ( Somme sur le Code, 2, 3 ) que les pactes sanctionnés par une action ont été « vêtus » : par la remise d'une chose, par la prononciation d'une formule solennelle, par la

rédaction d'un écrit, etc. ; sans aborder toutefois le cas des contrats

consensuels, qui paraissent contredire le principe initial. Accurse compléta l'explication aux alentours de 1230 : ils portent, dit-il, le plus léger des

vêtements : le consentement ( Jurisgentium, 1, 7, Digeste, 2, 14, Glose, § 5 ).

Mais assez rapidement les romanistes se heurtèrent à la résistance des juges et des praticiens qui trouvaient leur méthode trop éloignée de la réalité : ils durent abandonner l'étude directe des textes au profit de la méthode dialectique ( ou scolastique ), qui cherche à dégager les principes généraux du droit et en tirer les applications pratiques.

L'impulsion nouvelle partit, semble-t-il, d'un groupe de romanistes français, à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle : le Lorrain Jacques de Revigny (

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1296 ), professeur de droit à l'Université de Toulouse, puis évêque de Verdun ; le

Nivernais Pierre de Belleperche (

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1308 ), chargé de mission du roi Philippe le Bel, puis chancelier de France, et enfin évêque d'Auxerre ; Jean Faure (

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1340 ), avocat et professeur à Montpellier, qui écrivit un commentaire remarquable des Institutes ; mais aussi Pierre Jacobi, l'auteur de la Pratica Aurea Libellorum, également professeur à Montpellier vers 1311. Ces jurisconsultes, dont certains

avaient étudié en Italie sous la direction des glossateurs de l'École de Bologne, contribuèrent par la force logique de leur enseignement à l'établissement et au développement de l'École française de Postglossateurs ( v. Ernest Perrot, Précis élémentaire d'histoire du Droit public et privé, 1930, fasc. 1, p. 209 ; François Olivier-Martin, Histoire du droit français.., op. cit., n° 324, pp. 428-430 ; Paul Ourliac et Jean-Louis Gazzaniga, Histoire du droit privé français, op. cit., pp. 124 et suiv. ; Abbé Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire civile et

ecclésiastique d'Auxerre et de son ancien diocèse, continués par MM. Challe et Quantin, Auxerre, 1848, t. 1, pp. 480-485 ).

Suivant la tradition, ces tendances passèrent ensuite en Italie par l'intermédiaire de Cinus de Pistoie ( 1270-1337 ), qui aurait suivi l'enseignement de Belleperche à Orléans vers 1300 ( v. William Michael Gordon, Cinus and Belleperche, Daube Noster, Edimburg, 1974, pp. 105-154 ). Après son retour en Italie, Cinus enseigna d'abord à Sienne, puis à Pérouse et à Naples, et enfin à Bologne, où il introduisit la nouvelle méthode. Son commentaire du droit romain ( Lectura super Codice et Digesto veteri, Pavie, 1483 ) bénéficia longtemps d'une célébrité méritée. Il eut pour élève Bartole de Sassoferrato ( 1314-1357 ), qui allait devenir le chef d'une nouvelle école, celle des postglossateurs ou bartolistes, dont la richesse de l'oeuvre explique le succès de beaucoup de ses théories juridiques.

Esprit pratique et pondéré, Bartole chercha dans l'arsenal des lois romaines des solutions aux problèmes d'interprétation que soulevaient à cette époque les lois municipales italiennes. En droit privé, les bartolistes s'intéressèrent notamment à la question de la liberté du consentement, afin de protéger les personnes dont l'ignorance est présumée ( femmes, mineurs, soldats, ruraux, etc. ), leur

octroyant le bénéfice de restitution. Ils accordent la liberté contractuelle aux marchands et restent fidèles au droit romain classique dans les rapports

individuels ( v. Bartolo da Sassoferrato, Studi e documenti per il VIe centenario, Università degli studi Perugia, Giuffrè Editore, Milan, 1962, 2 vol. ; François Olivier-Martin, Histoire du droit français.., op. cit., n° 324, pp. 428-430 ).

Mais à partir du XVIe siècle, face à la montée de l'individualisme, le sens

« social » de la scolastique médiévale ( respect des promesses, loyauté, protection des faibles, etc. ) ne répondit plus aux besoins de la pensée. En liaison avec le mouvement d'Humanisme de la Renaissance, une pléiade de jurisconsultes entreprit alors de restituer la romanité dans sa teneur ancienne : Guillaume Budé ( 1467-1540 ), François Douaren ( 1509-1559 ), François

Baudouin ( 1520-1573 ), François Hotman ( 1524-1590 ), Hugues Doneau ( 1527-1591 ) ou encore Antoine Favre pour la Savoie ( 1557-1624 ). Cette nouvelle École, dite « Historique », se donna pour objectif d'étudier les interpolations du droit romain et de retrouver les textes originaux. Profitant de la découverte de nouveaux manuscrits, elle restitua les textes corrompus de plusieurs

jurisconsultes ( Paul, Ulpien, Julien, Modestin, Papinien, etc. ) et facilita le rétablissement des vraies doctrines romaines. Le promoteur de cette nouvelle méthode fut le professeur italien André Alciat ( 1492-1550 ), mais son principal artisan demeure Jacques Cujas ( 1522-1590 ), le fondateur de l'étude moderne du droit. Plusieurs des membres de cette École, qui avaient adhéré aux thèses de la religion réformée, durent se réfugier auprès des nations protestantes où leur influence sera grande, en Allemagne en particulier, où ils deviendront les instruments de la réception du droit romain.

§ 2.- Formation du droit canonique

Entre les années 1140 et les débuts du XIVe siècle, l'Église latine se dota d'une série de quatre compilations, profondément différentes les unes des autres, qui lui servirent de code jusqu'en 1917 : le Décret de Gratien ( vers 1140 ), les

Décrétales de Grégoire IX ( 1234 ), le Sexte ( 1298 ) et les Clémentines ( 1314-1317 ). La technique des copistes et l'acquiescement des maîtres les réunirent sous un titre commun, le Corpus iuris canonici, expression symétrique de celle de Corpus iuris civilis que les romanistes utilisaient pour désigner les

compilations de Justinien. En principe clos en droit, le Corpus iuris canonici continua de s'accroître, en fait, d'époque en époque ; dans l'édition officielle de 1583 ( Editio romana des Correstores ), le Corpus comprend deux nouveaux recueils de bulles : les Extravagantes de Jean XXII et les Extravagantes communes.

Les premières oeuvres de la doctrine sont des « Sommes », qui suivent l'ordre des textes du Décret de Gratien, souvent en les paraphrasant, expliquant un mot ou une phrase dans une courte glose ; pour la période 1150-1210, près d'une trentaine de « Sommes » ont été recensées. Elles préfigurent les grandes

« Sommes » du XIIIe siècle, composées par les plus célèbres canonistes de la période, tels que Johannes Teutonicus (

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1246 ), Bernard de Parme (

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1263 ), William de Drogheda (

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vers 1245 ) ou Hostiensis (

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1271 ). La multiplication

des gloses obligea cependant à faire des choix et à ne retenir que les plus importantes. Les Apparatus sont des recueils de gloses choisies par un maître ayant autorité : Alain l'Anglais ( début du XIIIe s. ), Laurent d'Espagne (

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1248 ), Sinibaldo Fieschi (

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1254 ), Bernard Raymond ( début du XIVe s. ), etc.

Avec les Quaestiones, la doctrine s'ouvrit davantage à la pratique : une question relative à un cas concret est posée, à laquelle répond le canoniste, dans un développement parfois fort long. Cette méthode, inspirée de l'enseignement juridique médiéval, connut un grand succès au Moyen Âge chez les canonistes ; comme d'ailleurs chez les romanistes, qui composèrent également des traités de réponses à des questions pratiques, appelés Quaestiones ou Responsa. Vers la fin du XIVe siècle, apparurent enfin des « Commentaires », semblables à bien des égards à ceux qu'écrivaient à la même époque les interprètes du droit romain ( v. Charles Lefebvre, Histoire du droit et des Institutions de l'Église en Occident, t. 7, L'âge classique, 1140-1378, Sources et Théorie du droit, Sirey, Paris, 1965, pp. 266-338 ).

Les canonistes tirèrent profit de la transmission, grâce à l'Espagne arabe, de l'oeuvre d'Aristote, et surtout de sa logique, qui enseigne aux « dialecticiens » et aux hommes de droit l'art de penser, de construire, de raisonner. Aux XIIe et XIIIe siècles, cette renaissance intellectuelle transforma les écoles épiscopales de l'âge carolingien en des universités ( Paris, Montpellier, Oxford, etc. ), auxquelles vinrent s'ajouter quelques universités créées de toutes pièces : Cambridge, née en 1208 de la sécession des étudiants d'Oxford ; Naples, fondée en 1224 par l'empereur germanique Frédéric II pour contrer l'influence du pape en Italie du Sud ; Toulouse, érigée en 1229 par le pape Grégoire IX pour combattre l'hérésie

cathare ( v. Stephen D'Irsay, Histoire des universités françaises et étrangères, Paris, 1933-1935, 2 vol. ; Jacques Verger, Histoire des universités en France, Toulouse, 1986 ; Pierre Riché, Écoles et enseignement dans le haut Moyen Âge, Paris, 1989 ).

Sur la formation du droit canonique et son influence sur le droit des

obligations.- V. Gaston Gavet, Sources de l'histoire des institutions et du droit français. Manuel de bibliographie historique, Paris, 1899, pp. 328 et suiv. ; Henri Capitant, De la cause des obligations ( Contrats, Engagements unilatéraux, Legs ), 3e éd., Dalloz, Paris, 1927, 506 p. ; F. Spies, De l'observation des simples conventions en droit canonique, thèse droit, Paris, 1928 ; R. Tison, Le principe de l'autonomie de la volonté dans l'ancien droit français, thèse droit, Paris, 1931 ; J. Roussier, Le fondement de l'obligation contractuelle dans le droit classique de l'Église, thèse droit, Paris, 1933 ; Georges Chevrier, Essai sur l'histoire de la cause dans les obligations, thèse droit, Paris, 1939 ; Jean Gaudemet, Les

Sources du droit de l'Église en Occident du IIe au VIIe siècle, coll. Initiations au christianisme ancien, Cerf-C.N.R.S., Paris, 1985, 188 p. ; Jean Gaudemet, Les sources du droit canonique. VIIIe-XXe siècle, coll. Droit canonique, Cerf, Paris, 1993, 262 p. ; Jean Gaudemet, Église et Cité. Histoire du droit canonique, Cerf-Montchrestien, Paris, 1994, 740 p.

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