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Principe d'imputabilité

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Chapitre I.- Formation des notions de délit et quasi délit

Section 1.- Formation de la notion de délit

A.- Principe d'imputabilité

§ 2.- Emergence de l'idée d'une responsabilité personnelle

Dès avant les XII Tables, le principe d'une répression subjective semble admis, au civil comme au pénal. Le droit criminel définit l'infraction non comme un simple fait matériel mais comme un acte accompli sciemment : en connaissance de cause. Le rôle central ainsi reconnu à l'élément intentionnel, au facteur

psychologique, permit aux juristes de déterminer des cas de non-imputabilité ( A ). Les peines étant personnelles ( B ), elles ne frappent, sauf exception, que l'auteur du délit. Mais après l'effondrement de l'Empire romain, l'idée d'une responsabilité personnelle ne s'imposa toutefois pas sans difficultés.

A.- Principe d'imputabilité

A Rome, depuis l'adoption de la loi Cornelia de sicariis, durant le dernier siècle de la République, nul fait ne peut entraîner une peine s'il n'a été commis dolo aut

culpa, par dol ou par faute ( Digeste, 48, 8, 7 ). L'agent doit pour cela avoir été conscient de son acte : « Le crime n'est engagé, indique un texte du Code de Justinien, que si la volonté coupable survient : Crimen enim contrahitur, si et voluntas nocendi intercedat » ( Code, 9, 16, 1, Ad legem corneliam de sicariis ).

Les romains ne punissent en effet l'auteur d'un délit que s'il dispose d'une capacité dolosive ( doli capax ).

Alors même que le concept général de non-imputabilité demeure ignoré par le droit romain, l'absence de capacité dolosive suffit parfois à déclarer l'agent irresponsable : en particulier s'il s'agit de fous ( furiosi ) ou d'impubères

( impubes ). Ulpien, commentant un responsum de Pegasus, établit un parallèle entre le dommage causé par un fou et les dégâts provoqués par un quadrupède ou par une tuile tombée d'un toit ( Digeste, 9, 2, 5, 2 ). Dans le même sens, Marc Aurèle affirme dans un rescrit relatif à un fou, meurtrier de sa propre mère ( Digeste, 1, 18, 14 ), que le furiosus se trouve suffisamment puni en raison de son état de santé. Quant à l'impubère, il bénéficie, dans la doctrine classique, d'une sorte de présomption d'innocence ; qui n'est toutefois pas irréfragable ( v. Arlette Lebigre, Quelques aspects de la responsabilité pénale..., op. cit., pp.

40-54 ). Les juristes considèrent alors que ni les uns ni les autres ne peuvent être tenus de « fraude capitale » ( Digeste, 21, 1, 23, 2 ; v. sur cette question J. Diaz-Bialet, « La imputalidad penal en el derecho romano », Revista de la Sociedad Argentina de Derecho Romano, 1, 1954, pp. 13 et suiv. ; Jean-Marie Carbasse, Introduction historique.., op. cit., pp. 37-38 ).

A partir du XIIe siècle, les enseignements des romanistes, des canonistes et des théologiens, facilitèrent la prise en compte de l'élément intentionnel et de la

notion d'imputabilité dans l'appréciation du délit. S'agissant des fondements idéologiques de la responsabilité pénale, les canonistes sont catégoriques : L'« imputabilité matérielle est nécessaire sans doute, mais elle ne suffit pas.

L'auteur doit être moralement responsable de l'acte » ( Abbé R. Metz, « La responsabilité pénale dans le droit canonique médiéval », La responsabilité pénale. Travaux du Colloque de philosophie pénale, Dalloz, Paris, 1961, 83, p. 91, cité dans Hugues Parent, « Histoire de l'acte volontaire en droit pénal anglais et canadien », McGill Law Journal, 45, Montréal, 2000, p. 985 ). Ainsi donc, il n'y a pas de responsabilité sans l'existence d'une faute. Selon saint Ambroise (

+

397 ), « Personne n'est tenu responsable ( coupable ) à moins que la volonté s'écarte du droit chemin : Nemo nostrum tenetur ad culpam, nisi voluntate propria deflexerit » ( De Jacob et vita beata, I, c. 3, n. 10 ). Mais « il n'y a d'acte peccamineux, ajoute saint Augustin ( 354-386 ), que s'il a été volontaire ;

l'absence de volonté exclut la faute : Usque adeo peccatum voluntarium malum est, ut nullo modo peccatum sit, si non sit voluntarium » ( Retractationes, I, C. 15, qu. 1, c. 12, princip. ). Aussi ne peut-on pas poursuivre ceux qui, en état d'inconscience habituelle, paraissent incapables de dol ou de faute : enfants dans l'âge le plus tendre ( infantes ), impubères ( infantine proximi ), fous et animaux.

Durant la seconde moitié du XIIIe siècle, Beaumanoir pose très nettement la règle que les forsenés ( = ceux qui sont hors de sens ) « ne sont pas justiciés en la manière des autres par ce qu'ils ne savent qu'ils font » ( Coutumes de

Beauvoisis, op. cit., 1575 ). « Les insensés et forcenés sont excusés, écrit au XVIe siècle le jurisconsulte flamand Josse de Damhouder ( 1507-1581 ), mais il

les faut enferrer et lier étroitement en la prison... afin qu'ils ne commettent plus le semblable » ( Praxis Rerum Criminalium, Anvers, 1554, 1556 et 1562 ). La même règle valait également pour l'enfant : fidèle au droit romain, la doctrine laïque estime que jusqu'à sept ans les enfants sont dans une période

« d'imbecillité et d'innocence » et absolument « incapables de malice » ; au dessus de sept ans, elle distingue les impubères ( garçons de sept à quatorze ans et filles de sept à douze ans ), qu'elle assimile à des enfants, des jeunes gens « proches de la puberté » qui, sauf les cas de crimes atroces, doivent pouvoir bénéficier de circonstances atténuantes ( v. Pierre-François Muyart de Vouglans, Lois criminelles de la France, 1780, p. 27 ). Mais ce ne fut toutefois pas sans peine que la pratique se conforma à ces enseignements : on vit longtemps encore des procès faits à des animaux ; dans certaines régions cet usage se poursuivit même jusqu'au XVIIIe siècle. La majorité des affaires concerne des porcs, souvent lâchés en pleine rue et auteurs de nombreux dégâts.

L'exemple des procès d'animaux

La recherche de l'exemple est l'une des raisons justifiant les procès faits aux animaux : tout être vivant ayant provoqué la mort d'un homme doit mourir à son tour. Le simulacre de procès intenté aux animaux, et leur exécution publique, visent d'abord à effacer le crime au moyen d'un châtiment exemplaire et expiatoire. « Ce n'est pas parce qu'ils ont eu conscience du pêché », explique Saint Augustin ( 354-430 ), « c'est seulement parce qu'ils perpétuent le souvenir

du méfait ».

Les procès d'animaux ne doivent donc pas être considérés sous l'angle de la responsabilité pénale : les tenant pour de simples machines, on ne saurait en effet leur prêter une quelconque intention. Ce n'est que justice perdue, écrit Beaumanoir, car « beste mues n'ont pas entendement ». Lorsque par exemple un porc dévore un enfant, on ne le tient jamais pour responsable d'une faute

volontaire ; on l'élimine en tant qu'animal dangereux, pour s'être souillé de sang humain. Aux environs de Chartres, en 1498, un vigneron ( Jean Delalande ) et sa femme prennent à domicile, en nourrice, une petite fille de dix-huit mois. La nourrice s'absente et laisse la porte ouverte. Quand elle revient, elle découvre le bébé à moitié dévoré, tandis que le cochon est encore dans la cour « tout

sanglant par le nazeau ». La fillette succombe le lendemain et les parents portent plainte. Le couple, inculpé de négligence, sera condamné à une forte amende.

Mais le cochon, lui, sera pendu haut et court ( v. Alfred Franklin, La vie privée d'autrefois, arts et métiers, modes, moeurs, usages des parisiens du XIIe au XVIIIe siècle d'après des documents originaux ou inédits : Les animaux, t. 2, Librairie Plon, Paris, 1899, pp. 260-261 ). L'année suivante, à Corroy, seigneurie dépendant de l'abbaye de Beaupré, on pendra un taureau à une potence pour avoir tué un jeune garçon ( v. Dom Ursin Durand et Dom Edmond Martène,

Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, 1724, t. 2, p. 167 ).

Lorsque des animaux sont utilisés pour des actes contre nature, ils encourent le supplice du feu comme le coupable lui-même. A Aigues-Mortes, en 1460, un

individu fut condamné à être brûlé avec son ânesse, pour avoir entretenu des relations coupables avec elle. Mais l'animal ayant péri avant l'exécution, on trouva une autre ânesse pour subir le supplice à la place de la première ( v.

l'article de E. de Balincourt, « Budget de la viguerie d'Aigues-Mortes au XVe siècle », Mémoires de l'Académie de Nîmes, 1885, pp. 103-104 ). Ainsi jugèrent également : le Parlement de Paris, le 26 mai 1546, contre le sieur Guyot, qui fut pendu et brûlé avec une vache que l'on assomma avant l'exécution ; le Sénat de Savoie, le 1er juillet 1605, contre un certain Grillet, alias Crolet de Punigni, qui fut condamné au feu avec la vache qu'il avait tenté de prendre comme complice ; etc.. ( Parlement de Paris, registre coté 84, cité par Jacques-Antoine Dulaure, in Histoire civile, physique et morale de Paris, t. 4, p. 75 ; v. également Bavoz, Théorica Criminalis ad Praxim forensem accomodata..., 2e éd., Chambéry, 1615,

§ 22, n° 14, p. 287 ).

Durant l'époque franque, si des animaux causaient un dommage, le législateur autorisait la victime à s'en emparer, voire à les tuer ( loi salique, 9, 1 ; Lex

Wisigothorum, 8, 3, 15 ). Cette règle subsistera jusqu'à la fin du XVIIIe siècle : les bêtes pouvant être tuées pour être consommées ( Coutume de Blois de 1523, art. 222 ; v. Jean Bart, Histoire du droit privé de la chute de l'Empire romain au XIXe siècle, Montchrestien, Paris, 1998, pp. 417-418 ). Dans les autres cas, les coutumes décident que toute personne ayant à se plaindre de dommages causés par les animaux d'autrui sur ses récoltes, peut les saisir et doit les mener en fourrière dans les vingt-quatre heures ( v. Guy Coquille, Coûtumes de Nivernois, chap. 15, art. 4 ). Le maître bénéficie alors d'un délai pour les réclamer, mais il doit auparavant payer le dommage. A défaut, les bêtes seront vendues par la

justice pour permettre l'indemnisation de la victime ( v. Beaumanoir, Coutume du Beauvoisis, op. cit., 24 ; Charles-Antoine Bourdot de Richebourg, Nouveau

Coutumier Général, 1724, aux art. Bétail et dommage ; Loysel, Institutes coutumières, op. cit., n° 263 ). La règle survivra pour les volailles dans la législation révolutionnaire : l'article 12 de la loi des 18 septembre et 6 octobre 1791 précise en effet que « qui prend bestes en dommage ( .. ) les doit mener en justice dans vingt-quatre heures ».

Sur les procès d'animaux.- On se reportera aux travaux de Léon-Camille Ménabréa, « De l'origine, de la forme et de l'esprit des jugements rendus au Moyen Âge contre les animaux », Mémoires de l'Académie de Savoie, série 1, n°

1, XII, 1846, pp. 399-558 ; M. Rousseau, Les procès d'animaux, Namur, 1964 ; J.

Vartier, Les procès d'animaux du Moyen Age à nos jours, Paris, 1970.

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