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La région des « bols de riz » : crues et fertilités

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 81-92)

Carte 5 : La figuration du bassin hydrographique du Yangzi dans le monde

I.2. La répartition du maillage hydrographique

I.3.5. La région des « bols de riz » : crues et fertilités

Le paysage de cette région est dessiné par les montagnes basses, les collines, les bassins et les plaines, qui font partie du troisième palier topographique de la géographie chinoise ; elle s’inscrit dans les cours moyen et inférieur du Yangzi. Il s’agit d’éléments tabulaires ne dépassant pas les 1 000 m d’altitude (à l’exception de quelques collines et montagnes basses, qui peuvent s’élever jusqu’à 1 500 m). En aval de Yichang, où commencent les terres basses

143 LARIVIERE Jean-Pierre et MARCHAND Jean-Pierre, op. cit., p. 152.

80 véritables, le Yangzi, quittant les montagnes disséquées aux parois rocheuses, rencontre les bassins lacustres de son cours moyen.

Dominées par des collines et des montagnes peu élevées, les plaines n’occupent qu’une proportion réduite soit environ 20 % de la surface totale du moyen Yangzi. En effet, les zones vitales de la « région lacustre » : la plaine du lac Dongting (Hunan), la plaine de Jianghan (Hubei) et la plaine du lac Poyang (Jiangxi) sont enveloppées de tous côtés par des montagnes et des collines (sauf dans l’ouest de la plaine de Jianghan, où se mêlent les basses montagnes, les zones de collines, les bassins et les vallées). Souvent, les montagnes du moyen Yangzi s’organisent en massifs discontinus d’orientation sud-ouest / nord-est et pénètrent des zones de collines et quelques bassins. Cette disposition permet la création d’un ensemble de paysages collinaires dit collines du Jiangnan. Sur une superficie d’environ 370 000 km2, située au sud du Yangzi et au nord des monts Lingnan, à l’est des monts Xuefeng et à l’ouest des monts Wuyi, les collines du Jiangnan englobent la majorité du territoire du Hunan et du Jiangxi, le sud-ouest du Jiangsu et l’ouest du Zhejiang144.

Les collines du Jiangnan sont couvertes de terres rouges fertiles. Composées de grès schisteux stratifiés, elles sont souvent en pente douce. Entre les lignes de crête se trouvent fréquemment des bassins de taille réduite qui forment une sorte de ruban de terres basses, comme le bassin de Ganzhou au Jiangxi et celui de Changsha au Hunan. Ils s’étendent sur une longueur variant de 20 à 50 km (le plus grand atteint 100 km) suivant la direction nord-est / sud-ounord-est. Tous disposent d’un réseau hydrographique. En général, les bassins des collines du Jiangnan sont densément peuplés grâce à leurs terres fertiles qui favorisent les activités agraires. En outre, la culture en terrasses est très pratiquée dans les zones collinaires.

L’ensemble de cette région offre une production agricole considérable, qui complète les rendements des plaines lacustres du Yangzi.

Regroupées sur une faible portion de cette région, les basses plaines lacustres, et leur prolongement le long des grandes vallées, constituent un cœur actif et peuplé. La riziculture prédomine au Hunan, au Jiangxi et dans le sud-est du Hubei grâce à l’abondance en plaines lacustres ; ainsi l’agriculture irriguée fondée sur le riz inondé produit un haut rendement. Le climat de la zone « subtropicale » offre deux récoltes de riz par an. La terre fertile sert également à la culture du coton, ainsi qu’à la culture de divers produits alimentaires comme les haricots et les céréales.

144 ZHAO Ji, op. cit., pp. 77-83.

81 Des millions de gens vivent sur les rives des lacs en profitant du sol enrichi par le limon des lacs qui y est très fertile. Mais cette fertilité est autant un problème qu’un avantage. Certaines années, les régimes d’anomalies pluviométriques, dus à la conjonction d’un printemps particulièrement arrosé, qui contribue à saturer les sols et à une mousson estivale du Nord-Est qui provoque les « pluies des prunes » d’une durée plus longue qu’à l’accoutumée, entraînent des précipitations qui peuvent atteindre jusqu’à 200 % par rapport à une saison normale. Les grands lacs de Dongting et de Poyang, qui devraient jouer leur rôle d’amortisseurs et de régulateurs de crues (autrefois, ils servaient de déversoirs pour absorber le trop plein de débits des crues), sont eux-mêmes régulièrement envahis par les crues du Yangzi et de ses affluents du fait du colmatage naturel et de la poldérisation anthropique qui ont fortement réduit la surface de ces lacs. En effet, depuis des années, les terres agricoles ont gagné sur les grands lacs, des milliers d’hectares ont été récupérés, et la zone est sillonnée de plusieurs milliers de fossés d’irrigation et de drainage. Dans le Hunan, le lac Dongting a vu sa superficie réduite de deux tiers depuis 1950. Sa surface de 6 000 km2 en 1825 n’est plus que de 2 625 km2 aujourd’hui145. L’assèchement du lac est l’une des principales menaces qui pèsent sur l’équilibre naturel du moyen Yangzi.

145 YANG Zaitian, dir., Hunan xiangtu dili [La géographie du Hunan], Pékin, Zhongguo wenshi chubanshe, 2005, pp. 68-69.

82 Illustration 2 : L’évolution du lac Dongting du XIVe au XXe siècles

Source : GENTELLE Pierre, Chine et "diaspora", Paris, Ellipses, 2000, pp. 61-69.

83 I.3.6. La région deltaïque : le cœur du Yangzi

Dans le cours inférieur du Yangzi, les terres planes de l’Anhui, du Jiangsu et de Shanghai, qui ne dépassent jamais 50 m d’altitude, se succèdent en suivant l’écoulement du Yangzi vers la mer. Le bassin du bas Yangzi est composé en grande partie par la plaine du lac Cao (appelée aussi plaine de l’Anhui central) et les terres deltaïques du grand fleuve. Ces dernières sont d’autant plus importantes, qu’elles concentrent une population considérable d’une densité très forte.

Du fait de la turbulence de la mer et de la forte charge en alluvions charriées au cours des siècles par le Yangzi et le fleuve Qiantang, les dépôts sédimentaires se sont accumulés dans l’embouchure du fleuve en formant la plus grande avancée de terre triangulaire chinoise sur la mer : le delta du Yangzi. Chaque année, le Yangzi déverse près de 1 000 milliards de mètres cubes d’eau dans la mer de Chine orientale et charrie des milliers de tonnes de limon au large des côtes en formant deux amas sédimentaires nord et sud. S’étendant de Yangzhou jusqu’à Rudong, l’amas septentrional forme la plaine de Lixiahe (plaine alluvionnaire créée par les dépôts sédimentaires lors des crues du fleuve Huai et du Yangzi), qui s’étale sur une superficie d’environ 140 000 km2. L’amas méridional débute à Jiangyin et s’allonge vers le sud-est jusqu’au district de Caojin de Shanghai. Il s’agglomère avec l’amas sédimentaire déposé par le fleuve Qiantang, pour former la plaine du lac Tai (30 000 km2), qui s’abaisse de tous les côtés vers le centre146.

Concernant la délimitation du périmètre du delta du Yangzi, il existe trois façons possibles de la déterminer. D’abord, morphologiquement, le delta du Yangzi englobe un espace d’environ 50 000 km2 et son extrémité occidentale se situe à Yizheng (une ville qui appartient à la municipalité de Yangzhou). Traditionnellement, les géographes chinois considèrent que le delta est délimité au nord par l’axe Yangzhou-Jiangdu-Taizhou-Haian-Pincha, à l’ouest par l’axe Zhenjiang-monts Mao, au sud par l’axe monts Tianmu-baie de Hangzhou, et à l’est, par la mer Jaune et la mer de Chine orientale147.

146 Changjiang liuyu dituji [Atlas du bassin du Yangzi], op. cit., p. 248.

147 REN Meiè, Zhongguo de sanda sanjiaozhou [Les trois grandes régions deltaïques chinoises], Pékin, Gaodeng jiaoyu chubanshe, 1994, p. 126.

84 Carte 13 : La délimitation du delta du Yangzi

Sources : REN Meiè, Zhongguo de sanda sanjiaozhou [Les trois grandes régions deltaïques chinoises], Pékin, Gaodeng jiaoyu chubanshe, 1994, p. 126 ; CHEN Jieyu, « Er shi yi shiji Changjiang sanjiaozhou jingjiqu gangkouqun gouxiang » [Planification prospective pour le développement des ports des régions deltaïques du Yangzi au XXIe siècle], Haiyang yu yanhaihua [Mer et littoralisation], no. 5, 1995, pp. 26-29 ; Changjiang sanjiaozhou chengshi nianjian [Annuaires statistiques des villes du delta du Yangzi], Pékin, Zhongguo gongshang chubanshe, 2010, p. 12.

85 Deuxièmement, cette délimitation peut se faire selon un critère géologique, ce qui donne une superficie plus réduite. À partir de la répartition des dépôts sédimentaires, ce critère délimite ainsi le delta du Yangzi : l’extrémité ouest du delta est située aux alentours de Zhenjiang et Yangzhou ; au nord, la démarcation est créée par deux tronçons du Grand Canal : canal Yangzhou-Tongzhou et canal Pincha ; au sud, c’est le canal Yantietang qui fait la limite148.

Enfin, le critère des caractéristiques socio-économiques constitue la troisième façon de délimiter la région deltaïque. Le delta contient, au-delà de la municipalité de Shanghai, la portion de la province du Jiangsu au sud du Yangzi et la partie septentrionale du Zhejiang, dont l’ensemble constitue une superficie de 99 600 km2. À partir de 2008, la prolongation de la zone économique du delta du Yangzi a permis d’englober l’ensemble du territoire du Jiangsu et du Zhejiang149.

Au sud du grand fleuve, les basses terres du delta abritent de nombreux lacs, qui ont été aménagés partiellement en champs cultivés, sortes de polders gagnés sur les superficies lacustres. Cet ensemble est unifié par un maillage dense de canaux, il est impossible d’aller quelque part sans rencontrer une rivière, un canal, un fossé ou un lac, le delta est désigné sous l’appellation « pays de l’eau » (shuixiang zeguo). C’est l’un des rares espaces chinois où l’occupation agricole est continue et où l’apport limoneux de chaque crue contribue à entretenir les qualités d’un sol supportant plusieurs récoltes par an ; le delta du Yangzi offre, depuis longtemps, une agriculture très intensive et fournit un paysage dominé par la riziculture. Ici, les champs de riz inondés sont serrés les uns contre les autres, formant des réseaux très denses derrière les digues qui les protègent. Ces champs peuvent certaines années fournir jusqu’à trois récoltes annuelles : deux de riz et une de blé. Pour le reste, le delta est aussi parsemé de colza, de coton et il produit également abondance de poisson. Le delta assure la part la plus importante de la production alimentaire de Chine. Ce qui n’est pas sans évoquer le proverbe suivant : « quand le delta trouvera sa corne d’abondance, le pays entier se nourrira avec aisance » (Su-Hu (Suzhou et Huzhou) shu, tianxia zu).

Composé en quasi-totalité de basses plaines, dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 10 m, le delta du Yangzi connaît un double problème lié à la question de l’eau : selon les saisons, l’eau est soit insuffisante pour faire face aux besoins des cultures et de l’urbanisation, soit trop

148 CHEN Jieyu, « Er shi yi shiji Changjiang sanjiaozhou jingjiqu gangkouqun gouxiang » [Planification prospective pour le développement des ports des régions deltaïques du Yangzi au XXIe siècle], Haiyang yu yanhaihua [Mer et littoralisation], 1995, no. 5, pp. 26-29.

149 Changjiang sanjiaozhou chengshi nianjian [Annuaires statistiques des villes du delta du Yangzi], Pékin, Zhongguo gongshang chubanshe, 2010, p. 12.

86 abondante lors des crues catastrophiques. Face aux risques des crues, depuis l’époque historique, la société riveraine a su se protéger grâce au système des digues et l’aménagement des versants en terrasses, pour un contrôle de l’eau à toutes les échelles. Comme dans les régions du moyen Yangzi, le grand fleuve est cerné de digues, de canaux de déviations et de bassins de rétention dans son cours inférieur. Tous ces ouvrages sont destinés à contenir la puissance des eaux des crues afin de renforcer pour l’ensemble de la région la lutte contre les inondations. L’histoire du delta du Yangzi est donc celle du creusement de fossés, de la construction de barrières de crues et de l’entretien de canaux d’irrigation.

En effet, le delta du Yangzi ne fournit pas une terre absolument idéale. Le Jiangsu, la province où l’altitude est la plus faible de Chine, n’est composée pratiquement que de basses terres planes et deltaïques occupant plus de 85 % de la superficie totale provinciale150. Cependant, les microreliefs, tels que les zones sableuses inutilisées (surtout le long de la côte) sont complexes et induisent des aptitudes agricoles inégales. Quant à la province du Zhejiang151, dans sa partie septentrionale, la baie de Hangzhou offre des conditions favorables pour éviter les typhons et permet l’implantation de ports en eaux profondes comme Hangzhou et Ningbo. Cependant, en tant que plus petite province chinoise, elle constitue un cas très particulier. Composée, sauf au nord, des collines du Jiangnan et de montagnes ne dépassant pas 2 000 m, alignées suivant une direction nord-est / sud-ouest et recoupées par des vallées étroites, 70,40 % de la superficie du Zhejiang est occupé par des terres collinaires. Si on y ajoute 6,40 % de surface liquide, les plaines et les bassins ne représentent pas plus de 23,20 % des terres de la province152. Le Zhejiang est ainsi connue pour sa situation dite de « sept parts de collines, une part d’eau et deux parts de terres cultivables ». Il est à noter que, malgré un tel handicap, le Zhejiang fournit l’une des productions agricoles les plus importantes de Chine.

Grâce aux conditions climatiques qui favorisent la riziculture dans l’ensemble de la province, les basses pentes aménagées en terrasses permettent de hauts rendements pour la culture du thé (le Zhejiang occupe, suivant les années, le premier ou le deuxième rang en Chine avec un peu moins d’un cinquième de la production de thé). Ainsi, l’ensemble de la région du cœur du Yangzi est caractérisé par « un déterminisme accentué et l’adaptation quasi-totale de l’ensemble social aux contraintes naturelles »153. La richesse agricole du delta du Yangzi est

150 YU Xiaogan, Changjiang liuyu kechixu fazhan yanjiu, [Le développement durable du bassin du Yangzi], Pékin, Kexue chubanshe, 2003, p. 119.

151 Suivant les critères économiques, les régions septentrionales du Zhejiang font partie du delta du Yangzi.

152 Yu Xiaogan, op. cit., p. 98.

153 LARIVIERE Jean-Pierre et MARCHAND Jean-Pierre, op. cit., p. 25.

87 donc liée au fleuve, qui à la fois abonde les sols et les menace, ce qui entraîne pour l’homme, la mise en œuvre de ses capacités d’adaptation.

Conclusion du chapitre I

L’identification du bassin du Yangzi à travers ses caractéristiques physiographique amène à différencier le haut, le moyen et le bas Yangzi, lesquels se distinguent d’emblée par leur géomorphologie et conditions climatiques. Les conditions naturelles dictent la répartition des activités dans le bassin. Les disparités géographiques entraînent une diversification des modes de vie, de l’urbanisation, ainsi qu’une différenciation économique et sociale au sein des régions yangziennes. Malgré son immensité, le bassin ne dispose de terres fertiles que dans les régions des basses terres planes dont l’étendue est très limitée : le bassin du Sichuan, la plaine des deux lacs154 et la plaine du delta du Yangzi. L’aménagement des régions des basses terres demeure l’enjeu principal pour le futur du bassin, mais les risques d’inondation, d’érosion et de défluviation font peser une épée de Damoclès sur le projet en cours d’unification du bassin.

154 La plaine des deux lacs est composée de la plaine du Jianghan (Hubei) et la plaine du lac Dongting (Hunan), situées dans le moyen Yangzi.

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Chapitre II : Unité et identité de l’espace régional : les valeurs de la civilisation fluviale du Yangzi

Introduction du chapitre II :

Outre le rôle fondamental de la physiographie, la formation du bassin du Yangzi est le fait d’un autre facteur prépondérant, à savoir une civilisation identifiable, dont les transformations dans le temps sont étroitement liées à l’évolution des activités fluviales. Ce facteur que nous qualifions de « civilisation fluviale », décèle les caractères culturels, identitaires, patrimoniaux et géopolitiques qui transforment le paysage et l’environnement tout au long de cette coévolution fleuve-société. Les recherches sur l’évolution de la civilisation du bassin du Yangzi permettent d’identifier l’originalité et l’intégralité de cet espace, et de restituer la relation nourricière entre le Yangzi et l’ensemble de l’entité territoriale environnante. Avec la succession des activités sociales et productives et l’accumulation de savoir-faire se renouvelant de génération en génération, une civilisation propre au Yangzi voit le jour, puis elle est diffusée et vulgarisée dans l’espace à travers le déplacement des hommes, les activités économiques, les courants philosophiques, et l’évolution urbaine et rurale. Elle devient ainsi une estampille d’authentification et de représentation de l’espace du bassin du Yangzi.

Dans ce chapitre qui s’attache à cerner la genèse et l’évolution d’une civilisation dite

« fluviale » du Yangzi, nos analyses s’organisent autour des quatre thèmes de recherche suivants : d’abord, nous nous interrogeons sur l’identité et l’originalité de la civilisation yangzienne ; ensuite, nous mettons en relief les principaux modes de production qui caractérisent la civilisation yangzienne par l’étude de la transformation d’une civilisation agricole en une civilisation industrielle ; puis, nous étudions le rôle de la civilisation yangzienne dans l’articulation du lien entre fleuve, port et arrière-pays ; et enfin, nos analyses s’efforcent, à travers une relecture diachronique de l’évolution et la mise en place des travaux hydrauliques yangziens historiques, d’identifier l’organisation socio-économique du bassin.

89 II.1. Une civilisation fluviale

Le lieu d’origine des grandes civilisations antiques se caractérise bien souvent par la proximité d’un grand fleuve. La civilisation mésopotamienne155 s’est construite autour du Tigre et de l’Euphrate ; la civilisation égyptienne156 s’est organisée autour du Nil et la civilisation de la vallée de l’Indus157 s’est bâtie autour du Sarasvatî. Depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, l’importance d’un fleuve est évaluée en fonction des potentialités qu’il offre à ses riverains : l’aquaculture, l’irrigation, le ravitaillement urbain et rural, la navigation, la production hydroélectrique, etc. De plus entrent également en ligne de compte des facteurs culturels, identitaires, patrimoniaux et géopolitiques158. Les caractéristiques des activités humaines exercées en étroite symbiose avec le fleuve, et dans sa proximité, permettent de dégager des traits communs à l’ensemble des sociétés riveraines au plan technique, économique, intellectuel, politique, social et moral, ce qui contribue à identifier une véritable civilisation fluviale.

La civilisation yangzienne, à travers son évolution, témoigne du maintien de ces caractéristiques communes. Grâce au développement de la technique d’irrigation et de la culture du riz, l’évolution des activités humaines dans le bassin du Yangzi démontre l’importance primordiale et emblématique de l’eau à travers l’organisation productive, les progrès techniques, les activités commerciales, ainsi que l’élaboration des modes de pensée.

La genèse ancienne de la civilisation yangzienne découle de la connaissance à savoir à tirer profit du fleuve en même temps que l’apprentissage et l’appropriation du cours d’eau comme source de bien-être. Aussi les riverains yangziens se sont-ils attachés à contrôler les crues, développer les techniques d’irrigation, animer les commerces portuaires, améliorer la navigation, et à adopter une façon de penser qui, en français, pourrait se traduire ainsi : « être comme l’eau »159. La prise en compte de ces éléments permet de resituer le contexte culturel

155 La civilisation mésopotamienne couvre une région du Moyen-Orient située entre les fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Elle est apparue vers 4 000 av. J.-C.

156 Apparue aux environs de 4 000 av. J.-C., la civilisation égyptienne est originaire du delta du Nil. Elle est connue pour sa relation d’étroite dépendance avec le plus grand fleuve africain, le Nil.

157 La civilisation de la vallée de l’Indus (3 000 av. J.-C.) était une civilisation de l’Antiquité dont l’aire géographique s’étendait principalement le long du fleuve Sarasvatî.

158 BETHEMONT Jacques, « Qu’est-ce qu’un grand fleuve ? », VertigO – La revue en sciences de l’environnement sur le Web, vol. 4, no. 3, 2003.

159 Pour les stratèges chinois, dont la pensée a pesé sur l’évolution du bassin du Yangzi, l’image de l’eau est omniprésente. Comme l’eau a la formidable capacité de s’adapter à son environnement, de la même façon, l’esprit doit pouvoir s’y adapter en développant une stratégie consistant à être l’écoute, être dénué de préjugés, faire montre de disponibilité et d’adaptabilité aux circonstances extérieures.

90 du bassin afin d’analyser la fonction primordiale de structuration de l’espace jouée par ce grand fleuve.

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