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La formation d’un centre de prospérité agricole

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 98-108)

Carte 5 : La figuration du bassin hydrographique du Yangzi dans le monde

II.3. La métamorphose du bassin : de la civilisation agricole à la civilisation industrielle

II.3.1. La formation d’un centre de prospérité agricole

L’apparition des activités culturales dans la vallée du Yangzi remonte à la fin du Néolithique, environ de 7 000 à 6 000 ans avant notre ère188. À cette époque, le bassin était une région isolée et dépeuplée. L’exploitation agricole n’était pas massivement pratiquée, elle reposait essentiellement sur la sélection de meilleures terres et l’emploi d’une main-d’œuvre particulièrement intensive. Il faut attendre l’âge du bronze189 (environ 6000-2000 ans avant notre ère) pour que l’utilisation d’outils agricoles moins rudimentaires permette une nette

186 Ibid., p. 187.

187 YE Zhongshu, Changjiang wenmingshi [Histoire de la civilisation yangzienne], Shanghai, Shanghai jiaoyu chubanshe, 2001, p. 19.

188 Ibid., p. 12.

189 L’époque de l’âge de bronze correspond, en Chine, aux périodes de la dynastie des Xia (2 205-1 766 av. J.-C.), la dynastie des Shang (1 766-1 122 av. J-C.) et la dynastie des Zhou (1 122-221 av. J.-C.). Cette dernière est divisée en l’époque des Zhou de l’Ouest (1 122-770 av. J.-C.) et l’époque des Zhou de l’Est (770-256 av. J.-C.).

L’époque des Zhou de l’Est se subdivise en l’époque des Printemps et des Automnes (770-475 av. J.-C.) et l’époque des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.).

97 augmentation de la production agricole dans la vallée190. Concrètement, c’est dès l’époque des Zhou de l’Ouest (1 122-770 av. J.-C.) que la généralisation de la pratique des activités agricoles a stimulé le bassin du Yangzi, qui a ainsi réellement atteint le stade de société civilisée191. Les habitants yangziens ne sont plus rivés à leur statut de chasseurs-cueilleurs et tirent massivement leur subsistance de l’agriculture et de l’élevage. Dorénavant l’agriculture est devenue le principal moyen de subsistance pour les peuples yangziens. Pendant les époques des Printemps et des Automnes (770-475 av. J.-C.) et des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.), grâce à l’exploitation de la vallée du Yangzi par le prince Taipo192, le labourage à l’aide de buffles, d’outils en fer et les travaux hydrauliques ont été introduits dans la vallée du Yangzi, ce qui permet de mettre en valeur les potentialités de l’agriculture du bassin. À titre d’exemple, aux environs de la deuxième moitié du IIIe siècle avant J.-C., dans la plaine de Chengdu dans le haut Yangzi, afin de renforcer la production agricole, la principauté Qin a effectué les travaux hydrauliques célèbres de Dujiangyan. Ce système hydraulique qui permet d’irriguer l’ensemble de la plaine de Chengdu a rapidement amené la prospérité de l’économie agricole du royaume Qin, en le poussant à la tête des sept puissants royaumes combattants. Cette réussite des activités agricoles du royaume Qin est considérée aujourd’hui comme l’un des facteurs de l’unification de la Chine par Qinshihuang en 221 av. J.-C.

Pour des raisons géopolitiques, la première exploitation officielle et intensive du bassin du Yangzi a été initiée par Qinshihuang suite à son unification du pays. Un grand nombre d’émigrants ont été envoyés de force par l’empereur vers les régions du haut Yangzi pour défricher les terres et renforcer la production agricole. Ensuite, pendant environ 150 ans, au début de la dynastie des Han de l’Est (de 206 av. J.-C. à 9 ap. J.-C.), plusieurs empereurs ont adopté la politique agraire d’allègement des impôts (xiuyang shengxi), qui favorise plus particulièrement la classe paysanne en vue d’encourager ses activités culturales, avec pour résultat de stimuler la vitalité agricole du bassin du Yangzi, notamment dans les régions du

190 YE Zhongshu, op. cit., p. 16.

191 Ibid., p. 18.

192 Selon la littérature historique, c’est avec le prince Taipo que le bassin du Yangzi accède au rang de société civilisée. Cette légende a été mentionnée dans les documents historiques suivants : les Mémoires historiques (Shiji) et le Commentaire de Zuo (Zuozhuan : principal commentaire des Annales des Printemps et des Automnes). À l’époque des Zhou de l’Ouest, Taipo, fils de souverain, a été exilé dans le delta du Yangzi pour des raisons politiques. Dans le Jiangsu, il a fondé le royaume Wu. Avec la montée en puissance du royaume Wu, et grâce à l’exploitation du peuple Wu dans la vallée du Yangzi, une diffusion de techniques avancées de l’agriculture, originaires du Zhou (royaume basé principalement dans le bassin du fleuve Jaune), a pu se faire en remontant le Yangzi, jusqu’aux régions des haut et moyen Yangzi.

98 Ya’an (Sichuan), du bassin du fleuve Yalong et de la plaine de Chengdu dans le haut Yangzi193.

L’essor agricole de la vallée du Yangzi est dû tout d’abord à des facteurs endogènes, puisque le bassin est particulièrement fertile ; ensuite, à des facteurs humains relevant de l’intention politique, de la volonté de conquérir la nature et de mettre en valeur la richesse des terres. À titre d’exemple, l’essor de l’économie agricole de la vallée du Yangzi, laquelle détrône le bassin du fleuve Jaune en devenant le centre productif de l’Empire à partir du XIIe siècle, est étroitement lié aux deux grands mouvements migratoires historiques Nord-Sud du pays.

À deux reprises, pendant presque sept siècles194, des guerres d’une seule haleine ont eu lieu principalement dans les régions de Zhongyuan195, où se trouve le centre politique du pays, et ont provoqué le départ de plusieurs millions d’habitants originaires de la vallée du fleuve Jaune, lesquels se sont refugiés dans le sud du pays en immigrant dans la vallée du Yangzi et la vallée de la rivière des Perles. Ces mouvements migratoires offrent au bassin yangzien à la fois une abondante main-d’œuvre qualifiée et des techniques agricoles développées. Durant ces périodes de troubles, la paix relative dans la Chine méridionale, alors que la Chine septentrionale vit une époque chaotique, offre à la vallée du Yangzi une occasion de développer son économie agricole, ce qui lui permet de rattraper son retard par rapport au bassin du fleuve Jaune voire de le dépasser.

Pendant la dynastie des Tang (618-907), dirigée par des souverains impériaux éminents, la mise en place dans le bassin de réforme agraire et fiscale (la privatisation des terres, le système du salariat, par exemple), de travaux hydrauliques efficaces (le contrôle des crues, l’endiguement des fleuves, l’extension et le renforcement du système d’irrigation) et l’essor technique des matériaux agraires, confèrent au bassin une place de plus en plus avancée dans l’économie nationale. La chute de l’empire Tang au début du Xe siècle qui a conduit à une l’effondrement de la dynastie Han, le premier éclatement de la Chine, qui dure plus de 300 ans, et qui se traduit par la partition du pays en trois royaumes (220-280), est suivi par des conquêtes barbares entre les IIIe et VIe siècles. En 907, en réponse à la chute de la dynastie des Tang, le deuxième éclatement a lieu et se maintient jusqu’à la réunification du pays par les Mongols en 1279.

195 Zhongyuan, au sens strict, désigne la province du Henan du fait qu’elle avait occupé la place de centre économique, politique et culturel de la Chine pendant plusieurs dynasties historiques ; au sens large, elle englobe la province du Henan ainsi que les régions septentrionales du Hebei, les régions méridionales du Shanxi, l’Est du Shaanxi et l’Ouest du Shangdong, ce qui correspond à l’ensemble de l’espace des cours moyen et inférieur du bassin du fleuve Jaune.

99 Chine. Dès le XIIe siècle, au plan de l’économie agricole, avec simultanément une Chine du Sud qui émerge et une Chine du Nord qui décline, la vallée du Yangzi s’affranchit de l’emprise économique du bassin du fleuve Jaune et elle devient le nouveau centre de production du pays. Les statistiques démontrent que pendant l’époque des Song du Nord (960-1127)196, la totalité des dépenses financières de l’Empire était assurée par les revenus fiscaux agricoles des cours moyen et inférieur du bassin du Yangzi197. Le géographe Chi Ch’ao-ting mentionne qu’au cours du XIIe siècle, parmi les quatre « régions économiques clés historiques » (lishi shang de jiben jingjiqu) chinoises qu’il a définies, deux ont émergé dans la vallée du Yangzi, plus précisément, d’une part dans le bassin du Sichuan et d’autre part dans la plaine des cours moyen et inférieur de la vallée du Yangzi198. À partir du XIIIe siècle, ces deux « régions économiques clés » sont devenues les plus importants greniers de l’agriculture chinoise.

196 Les Song du Nord, associés aux périodes du deuxième éclatement de la Chine impériale, ont un territoire qui s’étend au nord jusqu’à Shijiazhuang et à l’ouest jusqu’à Chengdu.

197 CHENG Minsheng, Songdai diyu jingji [L’économie régionale de la dynastie des Song], Kaifeng, Henan daixue chubanshe, 1992, p. 167.

198 CHI Ch’ao-Ting, Key economic areas in Chinese history as revealed in the development of public works for water-control, New York, Augustus M. Kelley, 1970, 168 pages.

100 Carte 15 : La répartition des « régions économiques clés » historiques dans le bassin du Yangzi pendant la Chine impériale

Source : CHI Ch’ao-ting, Key Economic Areas in Chinese History, As Revealed in the Development of Public Works for Water-Control, New York, Augustus M. Kelley, 1970, p. 5.

101 Après avoir supplanté le bassin du fleuve Jaune en devenant le centre économique de la Chine, durant plus de 700 ans, c’est-à-dire, jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, la vallée du Yangzi maintient une production agricole persistante et croissante, qui lui assure une expansion démographique considérable. Grâce à la culture des produits agricoles de haut rendement (le riz, le coton), et notamment en pratiquant la double récolte annuelle du riz inondé et l’introduction de plantes à forte valeur économique en provenance de l’Amérique (le maïs, les arachides, le tabac, la patate douce) dans le bassin, les récoltes yangziennes se multiplient. Durant les dynasties des Ming et Qing, plus de 70 % de la production agricole nationale provient du bassin du Yangzi199.

Au total, avant l’ère industrielle, l’économie agricole est le socle vital du bassin du Yangzi.

La faible présence des villes200 révèle que la plupart des riverains yangziens doivent chercher leur subsistance en recourant à la culture des terres. Les paysans constituent la fraction professionnelle la plus nombreuse du bassin durant toute la période de la Chine impériale. Les activités agricoles constituent le principal moyen de subsistance des habitants yangziens, et elles sont aussi strictement limitées par les ressources naturelles disponibles et le niveau des techniques de production. Dans le bassin du Yangzi, la pratique de la civilisation agricole traditionnelle permet de développer par ailleurs une série d’activités complémentaires : artisanat, commerce, voire des activités liées à l’administration (par exemple, perception des impôts agricoles par l’État). L’agriculture, en tant que principal support économique du bassin, nécessite une organisation de la production assujettie à des critères déterminants : sédentarisation des populations, offres d’emploi, hiérarchisation de classe, organisation étatique, commercialisation des produits de surplus, évolution de la pensée, etc., ce qui prouve qu’une organisation spatiale de la vallée du Yangzi est générée par la civilisation agricole.

Aujourd’hui, bien que cette « civilisation agricole » ne domine plus la scène économique de la vallée du Yangzi, sa valeur persiste encore dans la vallée, puisqu’elle est ancrée profondément dans l’histoire, dans la façon de penser et dans la vie quotidienne traditionnelle et culturelle des habitants yangziens.

199 Fu Yiling, Mingqing shehui jingji bianqian [L’évolution socio-économique des dynasties des Ming et Qing], Pékin, Renmin chubanshe, 1989, p.82.

200 Le taux d’urbanisation n’a jamais dépassé plus de 5 % jusqu’à la fin de l’Empire.

102 II.3.2. L’émergence de « germes du capitalisme » dans le bassin du Yangzi

Selon Statistiques historiques sur l’enregistrement de la résidence la répartition des terres et les impôts fonciers de la Chine impériale (document officiel historique), entre 1627 et 1644, 45 % des ressources des impôts financiers nationaux ont été perçus dans les provinces du Zhilu du Sud (Jiangsu), du Zhejiang et du Jiangxi201. Cela démontre la puissance économique incontournable du bassin du Yangzi. Durant les dynasties des Ming et Qing, compte tenu de l’importance de la production des régions deltaïques yangziennes dans l’économie nationale, la dignité de haut fonctionnaire est systématiquement attribuée à des personnes non originaires du delta du Yangzi. Tout au long de l’époque de la fin de la Chine impériale202, le bassin du Yangzi est le poumon économique du plus grand pays agricole du monde. Non seulement les impôts perçus par l’autorité centrale et les collectes venant grossir les trésors de la famille impériale proviennent principalement des régions yangziennes, mais les marchandises destinées à alimenter le commerce extérieur procèdent aussi majoritairement du delta du Yangzi. Selon les historiens chinois, cette puissance économique yangzienne n’est pas simplement le résultat d’une évolution progressive de l’économie agricole traditionnelle ; elle est par ailleurs le résultat d’un nouveau rapport de production relevant des caractéristiques du capitalisme, qui est apparu dans l’économie marchande dans le bassin dès le VIIe siècle203. L’apparition de ce nouveau régime économique dans le bassin du Yangzi est considérée aujourd’hui comme un des facteurs les plus considérables qui ont conduit la vallée du Yangzi à figurer comme cœur-région économique le plus prospère de la Chine impériale204.

Dès la dynastie des Sui, le bassin du Yangzi commence à afficher un pouvoir économique prometteur. Avec le développement du transport fluvial, la production agricole des cours supérieur, moyen et inférieur du bassin est concentrée à Yangzhou. Ce port fluvial / maritime majeur de la Chine impériale des VIIe-IXe siècles voit circuler, d’une part, les marchandises

201 LIANG Fanzhong, Zhongguo lidai hukou, tiandi, tianfu tongji [Statistiques historiques sur l’enregistrement de la résidence, la répartition des terres et les impôts fonciers de la Chine impériale], Shanghai, Shanghai renmin chubanshe, 1980, 558 pages.

202 Selon le professeur Yang Nianqun (Institut de la recherche sur l’histoire de la dynastie des Qing de l’Université du peuple de la Chine), la période de la fin de la Chine impériale (late imperial China) regroupe l’histoire du XIXe siècle de la Chine. Dans l’ouvrage The City in Late Imperial China de SKINNER G. William (dir.), ou Cities of Jiangnan in Late Imperial China de JOHNSON Linda Cooke (dir.), l’époque de « la fin de la Chine impériale » a été considérée comme une période allant de la fin de la dynastie des Ming (XVIIe siècle) jusqu’à la fin du XIXe siècle.

203 WANG Shoujia, Fengjian moshi de chendian yu mengya [Les sédiments et les germes de l’Empire chinois], Shanghai, Shanghai renmin chubanshe, 1990, pp. 19-45.

204 YE Zhongshu, op. cit., p. 176.

103 du caoyun205, qui, en grande partie, sont transportées par la voie du Grand Canal pour approvisionner le nord du pays, lieu de résidence des souverains impériaux ; et, d’autre part, sert à l’acheminement des produits agricoles yangziens excédentaires destinés au commerce extérieur206. Cette double activité économique reposant sur le transport fluvial est à la fois une cause et une conséquence de la diversification des activités agricoles yangziennes.

Au VIIe siècle, l’essor de l’économie agricole permet à une partie des paysans d’abandonner leurs activités agricoles pour se diriger dorénavant vers les métiers artisanaux et commerciaux207. Cette diversification des activités de production dessine une nouvelle scène économique dans la vallée du Yangzi, plus florissante que celle du bassin du fleuve Jaune. Pendant la dynastie des Tang, au-delà de la richesse de sa production agricole, la vallée du Yangzi s’est illustrée par son abondante production artisanale dans les domaines de la filature, de la porcelaine et de la production navale ; le bassin est de plus particulièrement réputé pour son savoir-faire de pointe en matière de xylographie, de la fabrication de papier et de la saliculture. L’effet direct de la prospérité agricole et artisanale est à l’origine de l’intensification des activités commerciales qui vient impulser une dynamique propice au développement de marchés locaux dans la vallée. Dès les Tang, le marché temporaire (caoshi) est spontanément apparu dans le moyen Yangzi208. Les marchés locaux yangziens sont spécialisés dans des domaines variés : coton et soie pour les marchés du bas Yangzi, riz et thé pour le moyen et le bas Yangzi, industrie minière et saliculture pour le haut Yangzi209.

Le développement économique du bassin du Yangzi, a été particulièrement remarquable sous les Song, du XIe au XIIe siècles. L’empire des Song est le premier régime impérial qui ait autorisé et vulgarisé l’économie marchande (shangpin jingji) en Chine210. Grâce à la réforme économique qui encourage le libre échange, les marchés du soir (yeshi) et les marchés capitale ou les camps militaires. Ce système englobait par ailleurs une série d’activités, telles que la création de canaux, la fabrication de navires, la perception des impôts, etc… L’apparition du caoyun date du début de l’empire Qin. Dès lors, le bassin du Yangzi s’inscrit dans la sphère d’activité du caoyun. À partir du VIIe siècle, la création du Grand Canal et les travaux d’entretien consécutifs permettent de créer la plus importante artère de transport fluvial nord / sud du pays. Au sens strict, le caoyun désigne uniquement les activités de transport des céréales vers la capitale en s’appuyant sur le Grand Canal.

206 JOHNSON Linda Cooke, Cities of Jiangnan in Late Imperial China, New York, State University of New York Press, 1993, pp. 117-149.

207 JI Ruxun, Zhongguo shougongye jianshi [L’histoire des métiers artisanaux chinois], Pékin, Dandai zhongguo chubanshe, 1998, pp. 127-142.

208 Ibid., pp. 148-156.

209 La demande croissante de sel en Chine centrale stimule l’industrie minière du Sichuan. Ibid., pp. 148-156.

210 QI Xia, Songdai jingjishi [L’histoire de l’économie de la dynastie des Song], Shanghai, Shanghai renmin chubanshe, 1988, pp. 99-116.

104 temporaires (caoshi) ont été généralisés dans la vallée du Yangzi211. La commercialisation de produits agricoles et artisanaux et l’intensification de la circulation des marchandises bénéficient des progrès technologiques amorcés dès le Xe siècle, qui ont conduit à d’importantes évolutions dans l’organisation de la production économique et de la structure sociale de la vallée du Yangzi. Aux alentours du XIIe siècle, il émerge tout d’abord dans les régions deltaïques, un nouveau rapport de production qui modifie le système d’emploi traditionnel. Ce lien nommé par les chercheurs chinois les « germes du capitalisme au sein de la production et de la structure sociale de l’Empire chinois » (zhongguo fengjian shehui zhidu neibu de ziben zhuyi mengya) est l’amorce d’un nouveau régime économique relevant du capitalisme, dans lequel les moyens de production sont propriété privée212.

Avec ces germes du capitalisme, le développement de l’économie marchande dans le bassin du Yangzi entraîne un bouleversement important du mode de gestion de l’économie agricole.

Dans les campagnes, la commercialisation des produits agricoles permet une diversification de l’« économie familiale et autarcique » (xiaonong jingji)213. La dissociation de la propriété du capital et du travail permet, d’une part, l’émergence d’une catégorie de propriétaires fonciers managériaux214 et de paysans aisés ; d’autre part, la mise à disposition d’une main-d’œuvre libérées des activités agricoles, et qui peut être considérée comme appartenant à la catégorie des salariés. Dans le bassin du Yangzi, de nouvelles relations de travail relevant de l’économie capitaliste sont apparues en premier lieu dans le métier de la filature cotonnière du Jiangnan215, où le métier à tisser devient la principale activité des paysans-artisans. À titre

213 L’« économie naturelle », appelée aussi économie de la paysannerie (xiaonong jingji), est un terme défini par les économistes chinois en vue de décrire un régime économique où la concurrence du marché est moins intensive et la force productive est moindre que sous une véritable économie de marché. Sous la forme de la propriété privative, cette économique naturelle (xiaonong jingji) se retrouve dans la société primitive féodale et la Chine impériale et se prolonge jusqu’au début de la société capitaliste des années 1920.

214 Les propriétaires fonciers managériaux (jingying dizhu) désignent les propriétaires fonciers qui ne louaient pas leurs terres aux paysans, mais qui participaient directement au commerce et à la gestion foncière. C’est donc une commercialisation productive qui fonctionne non pas en autarcie, mais en vue de gagner des parts de marché.

215 Le Jiangnan, désigne littéralement les régions qui se situent au sud du Yangzi. Cette appellation tire son origine de la dynastie des Tang. À cette époque, ce mot désigne l’ensemble des régions au sud du Yangzi englobant le Jiangsu, le Jiangxi, l’Anhui et le Zhejiang. Cette délimitation est conservée pendant plus de 1 000 ans. Dès le début de la dynastie des Qing, « Jiangnan » est devenu le nom d’une province qui correspond

215 Le Jiangnan, désigne littéralement les régions qui se situent au sud du Yangzi. Cette appellation tire son origine de la dynastie des Tang. À cette époque, ce mot désigne l’ensemble des régions au sud du Yangzi englobant le Jiangsu, le Jiangxi, l’Anhui et le Zhejiang. Cette délimitation est conservée pendant plus de 1 000 ans. Dès le début de la dynastie des Qing, « Jiangnan » est devenu le nom d’une province qui correspond

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