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Dans le régime de seuil, qui peut être identié par une largeur des doigts qui ne dépend pas de leur vitesse, on observe des structures très ramiées. Ce régime se caractérise par le fait que les contraintes dans le système sont de l'ordre de grandeur de la contrainte seuil 

c. Bien que cette approximation soit probablement très grossière pour un uide à

seuil, nous écrivons le cisaillement sous la forme _ U=b dans le but d'obtenir un ordre

de grandeur de ce dernier. De la gure 10.4 découle comme valeurs typiques de U dans

le régime de seuil, U = 0:01 cm. De plus, l'épaisseur de la cellule est de b = 0:5 mm

ce qui mène à _  0:02 s

;1. Sur la gure 5.12, on voit que, pour un tel cisaillement, la

contrainte n'est que très faiblement plus grande que

c: les contraintes visqueuses k

1 _ n

sont donc faibles : k 1

_ n c

<1. C'est donc la contrainte seuil

cqui domine sur les contraintes

visqueuses dans ce régime.

Lors de la formation des structures ramiées de doigts dans ce régime, le seuil d'é- coulement n'est probablement pas atteint dans la totalité de la cellule. L'observation de bulles d'air gées dans le gel soutient cette hypothèse. L'existence de zones non-cisaillées dans la cellule peut expliquer que deux doigts ne se voient pas nécessairement et peuvent

10.3. LE RÉGIME DE SEUIL 143

donc se propager en parallèle dans la cellule. De même, les doigts ne sentent pas les bords du canal et la largeur des doigts est par conséquent indépendante de la largeur du canal. Dans la suite, nous présenterons une analyse théorique de l'instabilité dans un uide à seuil et comparerons nos résultats expérimentaux dans le régime de seuil aux prédictions théoriques.

10.3.1 Prédictions théoriques

Une analyse théorique d'une instabilité similaire à celle de Saman-Taylor dans un uide à seuil a été menée par Shull et al. [81] et Fields et al. [33]. Ils considèrent un

uide à seuil conné entre deux plaques. Quand les deux plaques sont éloignées l'une de l'autre, on observe la formation de doigts d'air dans le uide à seuil. Une analyse linéaire du problème de l'instabilité de Saman Taylor pour les uides à seuil a été eectuée par Coussot [27]. Pour son analyse, il utilise la loi de Darcy pour un uide à seuil (équ. (10.5)) dont nous avons montré la validité au paragraphe 10.1.

Avant de discuter les résultats de ces analyses pour le uide à seuil, nous allons d'abord rappeler les résultats de l'analyse de stabilité linéaire pour un uide newtonien (cf. para- graphe 1.3). La largeur caractéristique l

c de l'instabilité s'écrit pour un uide newtonien

[20] : l 2 c b 2  U (10.7) Avec l'approximation _  U=b pour le cisaillement, la contrainte visqueuse 

visc pour

un uide newtonien s'écrit :  visc

=  _. En utilisant cette relation, on peut exprimer la

longueur typique l

c en fonction de la contrainte visqueuse  visc : l 2 c b   visc : (10.8)

Pour de faibles vitesses, la contrainte visqueuse devient très petite et on trouve des longueurs caractéristiques l

c très larges (cf paragraphe 1.3). Dans la limite

U ! 0, l c

diverge. Ceci explique que dans un canal linéaire le doigt occupe pour des vitesses faibles toute la largeur du canal.

Pour un uide à seuil, un raisonnement naïf nous conduit à remplacer la contrainte visqueuse 

visc par une expression de la forme :  =

c

+( )_ _, qui contient la contrainte

seuil

c. Contrairement à la contrainte visqueuse pour un uide newtonien, on trouve pour

un uide à seuil une valeur nie pour  dans la limite U ! 0, égale à 

c. La longueur

caractéristique pour un uide à seuil s'écrit donc dans la limiteU !0 : l c  r b   : (10.9)

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On constate que cette longueur atteint une valeur nie pour U = 0. De plus elle est

proportionelle à p

b et contient la contrainte seuil  c.

L'analyse de stabilité plus détaillée de Coussot [27] donne l'expression suivante pour la longueur caractéristique l

c dans un uide à seuil : l c =2 r 3b 2 c : (10.10)

ce qui est en accord avec le résultat de l'équation (10.9). Shullet al. [81] et Fields et al.

[33] prédisent également un résultat de la forme de l'équation (10.9) pour la longueur caractéristique de l'instabilité.

Dans le paragraphe suivant nous allons tester la validité expérimentale de l'équation (10.10) dans le régime de seuil.

10.3.2 Comparaison avec les résultats expérimentaux

Comme nous l'avons montré au début de ce paragraphe, la contrainte seuil domine les contraintes visqueuses dans le régime de seuil. On peut donc identier la largeur des doigts dans ce régime, au moins directement après la déstabilisation, avec la longueur caractéristique de l'instabilité de l'analyse linéaire. Ceci permet de comparer nos résultats expérimentaux à la prédiction théorique.

Nous avons réalisé des expériences de digitation visqueuse dans le gel en faisant varier la géométrie (largeur et épaisseur) de la cellule de Hele-Shaw. Pour chaque géométrie,

(a)

w1 w2

(b)

Fig. 10.5: a) Doigt juste avantla séparation en deuxet b) juste après. Les èches indiquent la largeur w des deux doigts.

10.3. LE RÉGIME DE SEUIL 145

est déterminée de la façon suivante : dans le régime de seuil, les doigts se séparent répéti- tivement en deux. Avant cette séparation, le bout du doigt s'aplatit et forme ainsi une interface presque plane (Fig. 10.5 (a)). Une déstabilisation de cette interface donne ensuite lieu à la formation de deux nouveaux doigts. Leur largeur est déterminée juste après la déstabilisation (Fig. 10.5 b). On se place ainsi le plus près possible d'une situation décrite par une analyse de stabilité linéaire. Les résultats pour la largeur w ainsi obtenus sont

représentés en fonction de la vitesse comme nous l'avons montré pour une géométrie parti- culière sur la gure 10.4. Le régime de seuil est identié pour ces expériences comme étant le régime où la largeur des doigts est indépendante de leur vitesse. La largeur des doigts pour les diérentes géométries est obtenue comme la valeur moyenne dans ce régime et est présentée en fonction de p

b sur la gure 10.6. On constate que la largeur des doigts

0 2 4 6 8 10 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 la rge ur de s doi gt s (m m ) b Fig. 10.6: Largeur w des doigts en fonction de

p

b dans le gel pour une largeur du canal de W =4 cm () et W =2 cm (). Le trait représente un t linéaire.

est une fonction linéaire de p

b et est indépendante de la largeur du canal, comme prédit

par l'équation (10.10). Plus quantitativement, on peut calculer la contrainte seuil à partir de la pente de la droite w

 p

b 

à l'aide de l'équation 10.10. En identiant la largeur des doigts w avec l

c

=2, on obtient  c

= 15 Pa, ce qui est en excellent accord avec la valeur

de  c

= 162 Pa obtenue par des mesures rhéologiques. Le comportement des doigts

dans le régime près du seuil est donc bien décrit par l'analyse linéaire du problème de Saman-Taylor [27] dans un uide à seuil.

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