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Van Damme et al. [90, 89, 91, 54] observent de plus dans les argiles discutées ci-

dessus une transition des doigts visqueux non-newtoniens vers des doigts qui ressemblent à des fractures. On peut voir un exemple de cette transition dans une cellule radiale de

3.4. DOIGTS RESSEMBLANT À DES FRACTURES 43

Hele-Shaw remplie avec un argile poussée par de l'eau sur la gure 3.3. Cette transition se

Fig. 3.3: Transition entre un régime de doigts visqueux non-newtoniens (milieu du motif) vers

un régime où les doigts ressemblent à des fractures (partie extérieure du motif) d'après [91]. Cette transition se manifeste quand soit la vitesse des doigts ou la concentration en colloïdes des argiles est augmentée. Dans l'expérience montrée ci dessus, la vitesse des doigts augmente lors de la croissance du motif en fonction de la distance du centre et induit ainsi la transition à une distance donnée du centre.

manifeste quand la vitesse ou la concentration des suspensions augmente. Ceci correspond à une augmentation du caractère élastique des suspensions. Une mesure de l'importance des forces élastiques par rapport aux forces visqueuses est le nombre de Deborah De.

Pour De  1, les eets visqueux dominent, alors que De  1 signie que les eets

élastiques sont prépondérants. La transition se manifeste donc à des nombres de Deborah très élevés. Le motif ainsi formé se caractérise par des bouts des doigts pointus et des branchements qui se forment derrière la pointe des doigts à des angles droits. De plus, deux fractures s'attirent contrairement à deux doigts visqueux qui se repoussent. Cette répulsion observée dans le cas des doigts visqueux newtoniens est une conséquence de la loi de Darcy qui relie la vitesse locale au gradient de pression locale : si deux doigts se rapprochent, le gradient de pression entre les deux doigts diminue ce qui défavorise cette approche. L'attraction de deux fractures montre que le mécanisme de croissance dans le régime où les doigts ressemblent à des fractures est fondamentalement diérent de celui des doigts visqueux.

44 CHAPITRE 3. L'INSTABILITÉ POURLES FLUIDES COMPLEXES

Zhao et Maher [97] ont observé une transition similaire à celle montrée sur la gure 3.3 dans des solutions d'un polymère associatif (PEO) qu'ils poussent avec de l'eau dans

Fig.3.4: Transition vers une doigt qui ressemble a une fracture dans une solution d'un polymère

associatif qui est poussée avec de l'eau dans une cellule de Hele-Shaw linéaire d'après [43]

une cellule de Hele-Shaw radiale. Les polymères associatifs de PEO sont des molécules amphiphiles qui consistent en une chaîne de PEO hydrophile et d'alcanes hydrophobes attachés à cette chaîne. En solution aqueuse les alcanes hydrophobes essaient de minimiser le contact avec l'eau et forment ainsi un réseau associatif tridimensionnel réversible. Zhao et Maher [97] montrent que la transition d'un régime où on observe des doigts visqueux vers un régime où les doigts ressemblent à des fractures a toujours lieu à peu près au même nombre de Deborah. Il n'est cependant pas possible d'observer cette transition dans des solutions de PEO simple, même pour des nombres de Debohra très élevés. Lors de l'étude de Zhao et Maher [97] il n'a pas été possible de déterminer la propriété physique des polymères associatifs qui permet la formation de fractures. Les auteurs suggèrent que les contraintes normales pourraient jouer un rôle.

Une étude de Ignés-Mullolet al.[43] et de Vlad et al.[93] du problème plus simple de

l'instabilité dans une cellule de Hele-Shaw linéaire dans les mêmes solutions de polymères permet de mieux comprendre la transition entre les doigts visqueux et les doigts qui ressemblent à des fractures. Comme auparavant, il n'est pas possible d'observer des doigts qui ressemblent à des fractures dans les solutions de PEO simple. Dans les solutions de PEO associatif on peut cependant observer un doigt qui ressemble tout d'abord à un doigt classique de Saman-Taylor puis diminue subitement en largeur et ressemble ensuite à une fracture (Fig 3.4). Cette transition s'accompagne d'un saut de vitesse du doigt. Une étude des contraintes de cisaillement en fonction du cisaillement, dans les expériences de digitation visqueuse, révèle une dépendance non-monotone entre ces deux grandeurs lors d'expériences dans lesquelles on observe une transition vers des doigts qui ressemblent à des fractures. Lors des expériences où on n'observe pas de doigts qui ressemblent à des fractures, cette dépendance est monotone. La non-monotonie entre la contrainte et

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le cisaillement dans les solutions de PEO associatif pourrait donc être connectée à la formation de doigts qui ressemblent à des fractures.

Des motifs qui ressemblent à ceux observés dans les solutions de PEO associatif ont été observés lors d'expériences par Greer et al.[37] dans lesquelles de l'azote est injecté

dans une solution concentrée du surfactant AOT dans de l'eau salée. Selon la salinité des solutions, celles-ci forment des phases diérentes. Pour des concentrations basses en sel,

Fig. 3.5: Doigts observés dans une cellule linéaire rempli avec une solution concentrée du

surfactant AOT poussée par de l'azote d'après [37]. Selon la salinité de ces solutions, celles- ci forment des phases diérentes dans lesquelles des motifs diérents sont observés. Dans la phase éponge, les doigts ressemblent à des doigts classiques de Saman-Taylor (a et b) à l'exception de leur largeur relative qui peut être plus petite que la limite classique de =0:5

(des uides newtoniens à haute vitesse). Dans le phase lamellaire, on observe la transition du doigt visqueux vers une doigts très n ressemblant à une aiguille (c et d). Dans la phase des spherulites on observe des structures ramiées (e).

dans la phase des spherulites (un gel très visqueux), Greer et al. observent des doigts

ramiés (Fig. 3.5 e). Pour des concentrations plus élevées en sel, la phase des sphérulites se transforme en une phase lamellaire (une phase uide dont la viscosité est rhéouidiante) et les auteurs ont décrit la transition du doigt visqueux vers une aiguille très ne (Fig. 3.5 c et d). Cette aiguille ressemble aux fractures observées dans les solutions de PEO associatif (Fig. 3.4). Pour des concentrations de sel encore plus élevées, dans la phase éponge, les doigts ressemblent à un doigt de Saman-Taylor classique, à l'exception de sa largeur relative qui décroît en dessous de la limite classique de  = 0:5 à haute vitesse

(Fig. 3.5 a et b).

Les solutions de AOT présentent comme les solutions de PEO associatif une dépen- dance non monotone entre la contrainte et le cisaillement, ce qui engendre des écoulements bistables. L'apparition d'aiguilles pourrait donc comme les fractures dans les solutions de

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PEO associatifs, être liée à la bistabilité de l'écoulement. Greer et al. [37] montrent

de plus qu'il y a une corrélation entre la structure très anisotrope de la phase lamellaire induite par l'écoulement et la formation de doigts ns qui ressemblent à des aiguilles.