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Un peu à l’image des États-Unis, le Brésil est considéré comme un géant éducatif. Il représente un véritable creuset pour des expériences nouvelles de formation à l’enseignement. Sa situation est représentative des pays d’Amérique latine et d’Amérique centrale, ainsi que d’un nombre considérable de pays confrontés, un peu partout dans le monde, à une problématique du

développement de l’éducation partagée entre des modèles provenant des sociétés industrielles avancées et des modèles inspirés des expériences et des ressources locales (Tardif et al., 1998).

Historiquement, le mouvement de formation des enseignants brésiliens est passé par trois grandes phases. La première commença avec l'avènement de la République (1889) et s’est prolongée jusqu'à la fin de 1950, recommandant une formation fondamentale pour l'organisation des masses. L'éducation passe pour être perçue comme un service public sous la responsabilité de l'État, devant former les citoyens civilisés pour la fortification de la société. La deuxième phase s’étend jusqu'aux années 1980. Elle est centrée principalement sur une conception techniciste de la formation professionnelle. Cette phase s’est consolidée avec l'arrivée des militaires au pouvoir en 1964 et l'établissement d'un régime autoritaire et bureaucratique. La troisième phase apparaît clairement suite à l'installation de la Nouvelle République en 1985, quand est proposée l’idée de la formation supérieure pour l’enseignement des années primaires (Valle, Scheibe et Gaspar Da Si, 2010). En 1996, la loi des directives de base de l’éducation nationale (Loi 9.394, 1996) insiste sur l’idée d’universalisation de la formation à l’enseignement en affirmant que la formation des maîtres doit être de niveau universitaire et souscrire à une vision professionnalisante du métier d’enseignant (Borges, 2007).

Dans son analyse de l’évolution de la formation à l’enseignement au Brésil, Lüdke (2005) affirme qu’au cours des années 1970, la psychologie a été la discipline dominante en tant que fondement théorique de la formation à l’enseignement, valorisant la compréhension du développement des élèves ainsi que les principes proposés par les théories de l’apprentissage. Le professeur devait donc maîtriser ces principes et élaborer des méthodes et des ressources en vue

d’assurer l’apprentissage et le développement de ses élèves. Durant la même période (années 1970), les ressources empruntées à la technologie éducative qui cherchaient l’efficacité de l’organisation scolaire sont entrées en jeu. La technologie éducative et l’enseignement par objectifs ont mis au service des enseignants une panoplie d’instruments et de solutions pour les assister davantage dans l’exercice de son métier. Sous cet aspect, les enseignants sont perçus comme des techniciens, capables de préparer et gérer les classes et les ressources favorisant à l’apprentissage de ses élèves. Cette perspective techniciste a orienté plusieurs propositions curriculaires partout dans le pays. Depuis 1980, l’aspect professionnel du travail enseignant a bien évolué, même si ça demeure éloigné de la construction accomplie d’une identité professionnelle enseignante. La dernière décennie a marqué une consolidation de la dimension professionnelle de l’enseignant. Le débat s’est également enclenché un peu partout dans la société civile, et quelques organisations éducatives et syndicales comme l’Association nationale pour la formation des professionnels de l’éducation (ANFOPE) et la Confédération nationale des travailleurs en éducation (CNTE) se sont consolidées. Ces deux organisations ont travaillé activement pour la valorisation de la profession enseignante. Le gouvernement, à son tour, s’est déclaré favorable à l’aspect professionnel du travail des enseignants. Il ébauche une politique générale sur la formation pour l’enseignement. Cette reconnaissance, qui a toujours été réclamée au long de l’histoire de l’éducation au Brésil, constitue un moment clé des discussions et des propositions des deux associations mentionnées. Certaines initiatives et/ou évènements, comme le Plan décennal pour l’éducation pour tous lancé en 1993, et la Conférence nationale de l’éducation pour tous en 1994, tenue à Brasilia ont montré un rapprochement entre les initiatives du ministère de l’Éducation et celles des organismes représentant la société civile dans la défense des droits des professeurs. Le plan décennal (1993-

2002) propose un ensemble d’intentions pour l’Union et pour les États. Parmi ces points se trouvaient quelques idées fondamentales sur la professionnalisation de l’enseignement telles que : l’indissociabilité de la formation initiale et de la formation continue du professionnel de l’éducation; la généralisation de la formation des enseignants de tous les ordres à l’enseignement supérieur; l’importance d’intégrer les politiques sur la formation des professeurs de tous les ordres et les modalités d’application, évitant des actions ponctuelles et désarticulées. Les plus récentes directives brésiliennes sur la formation des maîtres traduisent ces intentions de professionnalisation. De Souza Neto, Medeiros Sarti et Cerignoni Benites (2013) rapportent que ces directives ont considérablement augmenté le nombre d’heures consacrées aux stages dans les programmes de formation à l’enseignement. Désormais, la formation des maîtres pour l’enseignement primaire prévoit 400 heures de stages supervisés obligatoires, en vue d’offrir aux étudiants, en plus des expériences pratiques en enseignement, des moments de réflexion sur les pratiques enseignantes et sur les théories éducatives (Brasil, 2002). De même, les programmes de formation des maîtres (Licenciatura et Pedagogia), qui sont régis par les directives curriculaires nationales pour l’éducation de base (Edital, 04 de 1997, Résolutions 01 et 02 de 2002 et Résolution 01/2005), insistent sur l’idée que la FIE doit établir des liens très étroits entre la théorie et la pratique, rejoignant en cela les tendances internationales. Ces directives précisent cinq types de connaissances et/ou compétences qui doivent être intégrées à la formation des futurs enseignants: 1) des connaissances à propos des enfants, des adolescents et des adultes; 2) des connaissances concernant les dimensions culturelles, sociales et politiques de l’éducation; 3) une culture professionnelle générale; 3) des connaissances générales sur l’activité pédagogique enseignante et 5) des connaissances expérientielles et contextuelles portant sur les actions des enseignants. On

voit ici l’idée que l’enseignant est un professionnel et que la nature de son travail est définie en fonction de son activité elle-même conçue comme un travail d’interactions humaines avec les élèves (Borges, 2007).

Par ailleurs, la loi de 1996 sur les directives et les bases de l’éducation nationale (LDB), prévoit la suppression des écoles normales : tous les professeurs du primaire et du secondaire seront, par conséquent, recrutés avec un niveau universitaire. Les écoles normales sont transformées en instituts supérieurs de l’éducation, c’est-à-dire en écoles professionnelles préparant des candidats qui n’ont pu aller à l’Université à enseigner à l’école maternelle et élémentaire. Ils dispensent également une formation pédagogique pour les étudiants diplômés qui choisiraient l’éducation de base après leur cursus universitaire. Bref, ils assurent la formation continue des professionnels de l’éducation (Bastos, 2009). Depuis son implantation, cette loi a dû faire face à une diversité de conceptions, une pluralité d'institutions et une variété des filières de formation des professionnels scolaires. Ses directives ont donné lieu à une nouvelle institutionnalisation de la formation des enseignants au Brésil, comprenant des instituts supérieurs d'éducation et des cours normaux supérieurs (Valle et Scheibe, 2007; Valle, Scheibe et Silva, 2010). La loi de 1996 laisse donc la possibilité que la formation de ces professionnels soit effectuée dans les écoles normales du niveau lycée. Ces différents espaces de formation créent des profils de formation différenciés, ce qui contribue à complexifier la mise en œuvre des processus de formation. Valle et Scheibe (2007) ainsi que Valle, Scheibe et Silva (2010) considèrent qu’en raison de leurs pauvres caractéristiques pédagogiques, ces nouvelles instances éducatives contribuent à une dévalorisation de l'enseignement et mettent à l'épreuve l'amélioration de la qualité de l'enseignement et la démocratisation de l'éducation. Dans leurs programmes de

formation, elles réduisent les temps et la durée des cours, simplifient le travail pédagogique et rendent difficile la construction d'une identité pour les professionnels de l'enseignement, même si ce mouvement n’a pas été adopté par les universités publiques qui, lors de leurs changements curriculaires, tendent au maintien de la durée des cursus ou même à leur allongement. Cury (1996) affirme que la LDB de 1996 a laissé subsister de vieux problèmes relatifs au niveau de formation dans la mesure où elle laisse subsister trois espaces de formation différents (les universités, les instituts supérieurs de formation de maîtres et les écoles normales), en encourageant la dualité entre le pédagogue comme spécialiste de questions de l’éducation, et l’enseignant/éducateur chargé de la mise en œuvre des programmes scolaires (dans Mederos de Arùjo Frutuoso, 2009). Scheibe (2009) pense que, le modèle imposé par les réglementations de la loi de 1996, se présente comme séparé de l'enseignement universitaire, comme une simple préparation technico- professionnelle n’ajoutant pas grand-chose à la formation (dans Valle, Scheibe et Silva, 2010).

En formation à l’enseignement pour l’éducation primaire, le Conseil national d’éducation a défini, en 2001, un cursus de formation des enseignants, qui doivent désormais obtenir une licence. Le volet pédagogique doit comporter un noyau de contenus de base articulant théorie et pratique. Le volet théorique est construit à partir de fondements philosophiques, historiques, politiques, économiques, sociologiques, psychologiques et anthropologiques nécessaires à la réflexion critique dans les divers secteurs de l’éducation de la société contemporaine. La formation demeure, par conséquent, très académique, et l’initiation pratique au métier n’est pas prioritaire (Bastos, 2009).