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3. AUTOUR DU CONCEPT DE LA PROFESSIONNALISATION

3.3 Des idées-forces à propos de la professionnalisation et de la formation

La professionnalisation est une notion assez large, elle a plusieurs acceptions et les caractéristiques qui lui sont associées sont nombreuses. Dans ce qui suit, nous essayerons de présenter quelques idées-forces pouvant permettre de mieux la caractériser.

- La professionnalisation concerne 5 domaines, à savoir : a) l’activité professionnelle devant se

hisser au niveau d’une profession en dépassant la simple activité artisanale, b) les savoirs à (re)construire selon les règles universitaires, c) le groupe professionnel qui est censé

promouvoir la profession et défendre son territoire et d) les individus de ce groupe adoptant l’éthique, la culture, les habitus du groupe (Bourdoncle, 1991, 2000).

- La professionnalisation réclame une transformation substantielle, non seulement des

programmes et des contenus, mais aussi des fondements même de la formation à l’enseignement. Elle amène à concevoir l’enseignement comme une activité professionnelle de haut niveau à l’instar des professions libérales (Tardif, Lessard et Gauthier, 1998) « L’objectif de professionnalisation appelle une révision profonde de la formation des enseignants dans ses programmes, ses contenus, sa pédagogie, ses méthodes, pour les orienter vers l’activité des professeurs. Adossée à des référentiels, la formation professionnalisante s’écrit en termes de compétences; elle s’inscrit dans le temps, en conjuguant savoirs universitaires et savoirs de la profession (Schön, 1983; Perrenoud, 1995 dans Butlen, 2014, p. 81).

- Perrenoud (1993b) souligne que la professionnalisation met l'accent sur le contrôle et la

supervision par des pairs; suppose une capacité collective d'auto-organisation de la formation continue; va de pair avec davantage d'autonomie, mais également de responsabilités et

de risques assumés personnellement, donc une éthique; requiert une capacité de reconstruire et de négocier une division du travail souple avec d'autres professionnels, c’est-à-dire de savoir travailler en équipe ou en concertation; passe par la mise à jour constante des savoirs et des

compétences, sur la base d'une auto-évaluation et grâce à des capacités d'apprendre, de se

remettre en question, d'accumuler de l'expérience et de théoriser sa pratique; fournit les moyens d'une certaine distance au rôle, d'un rapport stratégique à l'organisation et g) construit une identité professionnelle claire, alimentée par une culture intellectuelle commune.

- L’universalisation de la formation des enseignants est, dans la plupart du temps, considérée

comme un aspect du processus de professionnalisation (Altet, 2009). Toutefois, plusieurs chercheurs comme Perrenoud (1993) s’interrogent « L’université saura-t-elle relever le défi de construire une véritable formation professionnelle ? » (Perrenoud, 1993c, p. 73).

- Un des acquis les plus importants du mouvement de la professionnalisation de l'enseignement

est de considérer la formation professionnelle comme un continuum s'étalant sur toute la carrière de l'enseignant et pas seulement sur la formation universitaire (Mellouki, 2010).

- La professionnalisation est essentiellement axée sur l’entrainement à une pratique réflexive et

l’acquisition de savoirs et compétences regroupés en des référentiels (ou en bases de connaissance, comme on dit plus volontiers en Amérique du Nord) dégagés de l’analyse de la pratique enseignante (Paquay, 1996; Perrenoud 1993, dans Tardif, Lessard et Gauthier, 1998).

- Une formation professionnalisante est fortement ancrée dans les lieux d'exercice. Elle implique

ce que Malglaive (1994) qualifie d'une sorte d'alternance intégrative qui permet d'articuler ensemble, dans le même temps et non dans des processus de formation séparés, la formation aux savoirs et la formation aux savoir-faire dans le contexte réel de l'action. Elle diffère d'un modèle de juxtaposition qui consiste à faire suivre la formation pratique à la formation dans les savoirs homologués qu'on trouve en Tunisie par exemple, ou encore d'un modèle appuyé sur une relation d'application entre des savoirs reçus et des stages (MEQ, 2001).

- Une formation professionnalisante est une formation qui vise à produire des praticiens réflexifs

qui, s'ils veulent être considérés comme des professionnels, doivent maîtriser, au cours de leur formation les capacités intellectuelles et méthodologiques qui leur permettent de réfléchir, de

manière lucide et ordonnée, sur leurs propres pratiques, de les objectiver, de les partager, de les améliorer et d'y introduire les innovations susceptibles d'en accroitre l'efficacité (Mellouki, 2010).

- Pour mieux saisir les effets du processus professionnalisation des formations, Bourdoncle

(2000) récapitule ce qui caractérise les formations générales et les formations professionnelles à l’université. Nous reprenons sa classification dans le tableau suivant :

Tableau 1. Les effets de la professionnalisation

Formation générale Formations professionnelles

Recrutement - sélection Pas de numerus clausus

Bac requis Numerus clausus - Sélection par : - tri sur dossier - épreuve sur table - entretien avec jury

Dispositif de formation Formes mêlées (cours, TP, TD) ne

favorisant pas la constitution d'un groupe Programmes formulé en termes de connaissances, ordonnées par une logique disciplinaire : pas de stage - pas de praticiens en tant que tels

- Promo, groupe stable Programmes formulés en termes de compétences, de plus en plus ordonnées par problèmes : - stages, alternance - des enseignants praticiens Autres prof, des jurys, conseils...

Mode d'attribution et de reconnaissance sociale des formations

Jurys d'universitaires - reconnaissance par diplôme garanti par l'État, mais à négocier sur marché du travail

Jurys mixtes reconnaissance des titres dans conventions coll. : - valorisation par association d'anciens et d'employeurs associés.

Source. Bourdoncle (2002, p. 128)

3.4 La professionnalisation comme objectif et fondement de la formation à initiale l'enseignement

Mellouki (2010) se réfère à un certain nombre d'auteurs comme Arnaud (1992), Doyle (1990) et Darling-Hammond (2000) pour qui, la professionnalisation réclame une transformation substantielle non seulement des programmes et des contenus, mais des fondements même de la formation à l'enseignement. Elle conçoit l'enseignement comme l'exercice d'une activité de haut

niveau de complexité qui repose sur une solide base de connaissances et de compétences, une base fortement articulée et intégrée aux pratiques professionnelles qui la nourrissent et l'enrichissent constamment grâce à l'apport des praticiens expérimentés et des chercheurs qui collaborent avec eux.

Il avance que le processus de professionnalisation s'est en outre accompagné d'une mise en place de nouveaux dispositifs de formation professionnelle qui favorisent un va-et-vient constant entre les lieux de formation et les milieux de pratique, entre les formateurs et les enseignants, entre la recherche et l'expérience professionnelle.

Et comme le mentionnent Paquay, Altet, Charlier et Perrenoud (1996), dans la majorité des pays, ces nouveaux dispositifs se sont incarnés dans de nouvelles institutions (instituts de formation, hautes écoles pédagogiques, facultés des sciences de l'éducation) qui essayent de créer ou de consolider une jonction organique entre la formation et l'exercice de la profession. Pour ce

faire, les institutions de formation ont dû développer de nouveaux "outils" d'apprentissage comme les stages de longue durée, le mémoire professionnel, l'alternance formation/travail, l'analyse réflexive des pratiques. Celles-ci ont également fait place à des nouveaux acteurs œuvrant à l'interface de la formation et de la profession : enseignants associés, maitres de stages, formateurs en établissement, mentors, tuteurs, superviseurs universitaires travaillant sur le terrain scolaire, chercheurs travaillant en collaboration avec les enseignants (Mellouki, 2010).

Dans le contexte africain, et au-delà des handicaps des dispositifs de formation professionnelle initiale existants actuellement, il apparaît que le chemin vers la professionnalisation doit emprunter des voies singulières qui prennent en considération les

moyens disponibles, le nombre d'enseignants à former, les capacités et les structures des institutions de formation et surtout les spécificités culturelles.