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La réforme d’enseignement traditionnel au Tonkin et en Annam

Chapitre I : L’enseignement traditionnel vietnamien en caractères chinois : la réforme et

2. Les réformes et l’abolition de l’enseignement traditionnel (1862-1919)

2.2. La réforme d’enseignement traditionnel au Tonkin et en Annam

Avec la signature du traité en 1884, le Tonkin et l’Annam sont placés sous le régime du protectorat. En réalité, le Viet Nam a perdu quasiment sa souveraineté et son indépendance. En janvier 1886, Paul Bert est nommé Résident général du protectorat de l'Annam et du Tonkin. Arrivé à Hanoï en avril 1886, avec des expériences de l’organisation éducative en Cochinchine et avec les conseils de Dumoutier, un spécialiste de la culture vietnamienne et chinoise, le Résident général Paul Bert ne s’est pas hâté de supprimer les concours et les écoles de lettrés en Annam et au Tonkin où l’éducation confucianiste s’était enracinée pendant des siècles. Donc, le système de l’éducation traditionnelle au Tonkin et en Annam a subsisté. Les garçons ont continué d’aller à l’école des lettrés dans chaque village. Les concours en caractères chinois pour la sélection des mandarins sont restés selon l’ancien rythme. Mais d’après Paul Bert, il faut “favoriser l'introduction du quôc-ngữ” (le vietnamien en caractère latin) à l’école annamite” (école des lettrés). Dans sa lettre, en date du 1er juillet 1886, au Résident supérieur, il a exposé cette idée ; « dans les écoles annamites, favoriser l'introduction du quôc-ngữ et ses progrès qui seront certainement lents40. »

Le 13 février 1897, lorsque P. Doumer, gouverneur général de l’Indochine, arrive à Saigon pour remplacer Paul Bert qui est mort du choléra le 11 novembre 1886 au Tonkin. Comme P. Bert, il maintient les deux systèmes d’enseignement, en français et en caractères chinois, au Tonkin et en Annam. Il comprend qu’il ne faut pas supprimer le système de l’enseignement traditionnel tout de suite au Tonkin et en Annam, mais qu’il faut le maintenir pour des raisons de contrainte budgétaire. En Annam et au Tonkin, les écoles franco annamites ne peuvent pas remplacer complètement les écoles de lettrés. Paul Doumer a critiqué les erreurs commises par ces prédécesseurs :

« En Cochinchine, dans le bouleversement qui a suivi la conquête et dans notre ignorance du gouvernement des peuples de vieille civilisation, on n'a pas suffisamment respecté cette institution ; ce n'est pas ce qui a été fait de mieux. La même faute n'a pas été commise au Tonkin et en Annam, et, dans le désir légitime de faire quelque chose, il ne faut pas la commettre. »41

Selon Paul Doumer :

40 Cité par Dumoutier, Les débuts de l’enseignement français au Tonkin, Imp.Schneider, Hanoi, 1887, p.14-15.

« Il semble donc nécessaire de maintenir l'école indigène existante, sauf peut-être, avec le temps, beaucoup de temps, arriver à introduire dans son enseignement quelques notions exactes sur la nature et sur l'histoire. Des écoles franco annamites existaient antérieurement ou ont été créées, avec des instituteurs français, dans les principaux centres du Tonkin. De nouvelles créations sont projetées et pourront être réalisées, à l'aide d'instituteurs indigènes formés à Hanoi, afin d'arriver progressivement à l'application du programme exposé plus haut. »42

Réforme de Paul Beau et ses successeurs (1902-1915)

Nommé à la tête de l’Indochine le 15 octobre 1902, le gouverneur Paul Beau a réorganisé l’enseignement traditionnel. À la suite des travaux du Conseil de perfectionnement et des Comités locaux, sont intervenus l'ordonnance royale du 31 mai 1906, qui sanctionne la réforme de l'Enseignement traditionnel. Désormais, l'enseignement traditionnel en Annam et au Tonkin, comprend trois degrés. L'enseignement du premier degré portera en Annamite le nom de Ấu-hoc ; l'enseignement du second degré, le nom de Tiểu-hoc ; et l'enseignement du troisième degré le nom de Trung-hoc. L'enseignement public sera assuré, au premier degré par les communes ; au second et au troisième degré par l’État. L'enseignement privé sera libre. Les élèves des écoles privées auront, au même titre que les élèves des écoles publiques, accès aux examens et concours officiels et aux avantages qu'ils confèrent.

Enseignement traditionnel du 1re degré (Ấu-hoc)

Le principe de la réforme de l'enseignement traditionnel pour le 1er degré consiste dans l'obligation faite aux communes d'assurer l'enseignement public. Les maîtres suivraient le programme officiel et subiraient le contrôle de l'Etat. Les écoles privées et publiques fonctionnent donc parallèlement. L'enseignement du 1er degré comprend une partie d’étude en caractères chinois et une partie en caractère latin enseignées à l’aide de manuels spécialement rédigés à cet effet et approuvés par le Conseil de perfectionnement de l'enseignement indigène.

Enseignement traditionnel du 2e degré (Tiểu-hoc)

Il est assuré par l'Etat. Il est donné dans les écoles officielles instituées dans les sous-préfectures et sous-préfectures de chaque province par des fonctionnaires de l’enseignement annamite. Une école modèle du second degré est créée au chef-lieu de chaque province et entretenue aux frais du budget provincial. L'enseignement annamite et, s'il y a lieu, du français, y est donné par les maîtres de l'école franco annamite locale. Le programme

comprend également deux parties obligatoires, une partie chinoise et une partie en caractère latin. Cet enseignement est sanctionné par un examen de fin d'études qui a lieu annuellement au chef-lieu de chaque province, en présence du directeur provincial de l'enseignement annamite. Une école modèle du second degré sera créée au chef-lieu de chaque province et entretenue aux frais du budget provincial. L'enseignement de l'Annamite et, s'il y a lieu, du français, sera donné par les maîtres de l'école franco annamite locale.

Enseignement traditionnel du 3e degré

Il est donné dans les écoles officielles instituées au chef-lieu de chaque province. L'enseignement chinois y est donné, autant que possible, par le directeur provincial de l'enseignement annamite (dôc-hoc) et l'enseignement annamite et français par les maîtres de l'école franco annamite locale. Le programme de cet enseignement comprend 3 parties, une partie chinoise, une partie vietnamienne en caractère latin et une partie française, enseignées d'après des manuels officiels approuvés par le Conseil de perfectionnement de l'Enseignement indigène. Cet enseignement est sanctionné par un examen de fin d'études qui a lieu tous les trois ans, au chef-lieu de chaque province, en présence du dôc-hoc, quelques mois avant les concours régionaux.

Enseignement traditionnel en Cochinchine

En Cochinchine, l'enseignement traditionnel est représenté par l'école de village. L'enseignement y est généralement donné en quôc-ngu (caractère latin) ; toutefois, l'étude des caractères chinois subsiste encore dans un certain nombre d'écoles. Ces établissements sont parfois entretenus par les communes, le plus souvent ce sont des écoles libres. Aucune règle ne préside au recrutement des maîtres, aucun programme officiel n'est suivi. Le Comité local et le Conseil de perfectionnement, dans sa session de 1907, ont étudié un plan de réorganisation de ces écoles, sur le même modèle que celui qui a été progressivement mis en œuvre en Annam et au Tonkin.

Les concours des lettrés

Les concours triennaux continueront à avoir lieu aux mêmes dates, dans les mêmes villes et avec le même cérémonial que par le passé. Ils comprendront quatre épreuves, à savoir :

- Une épreuve en caractère chinois ;

- Une épreuve en caractère latin (quôc-ngu) ; - Une épreuve en français ;

- Et une épreuve récapitulative composée de trois sujets : une rédaction en caractère chinois, une rédaction en quoc ngu et une traduction du caractère chinois en français. Les lauréats reçoivent, suivant le rang qu'ils ont obtenu, le titre de licencié ou de bachelier et ils sont exemptés à vie de l'impôt sous forme de corvées : ce sera exclusivement parmi eux que seront choisis les cadres fonctionnaires de l'Administration indigène. Concours pour le doctorat (Thi hoi), qui se passe à la capitale, il sera modifié dans le sens même des réformes introduites dans les concours régionaux jusqu'au développement des cursus universitaire avec ses graduations correspondantes.

En février 1908, Paul Beau termine son mandat et ses successeurs dans la période 1908-1914 ont continué à appliquer sa politique de réforme de l’enseignement traditionnel vietnamien. Le français et le quôc-ngữ sont introduits dans l’école traditionnelle vietnamienne. En 1909, c’est la première fois que le français et le quôc-ngữ sont utilisés dans les concours des lettrés, premier changement pendant après mille ans d'existence de ces concours.

Photo 3 : Tonkin : Concours triennal, proclamation des lauréats

Source : http://gallica.bnf.fr

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