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Chapitre II : L’enseignement en français au Vietnam de l’origine à la réforme de 1917-1918

2. L’enseignement en français au Vietnam de l’origine jusqu’à la réforme d’Albert Sarraut

2.3. La réforme de l’enseignement de Paul Beau (1902-1908)

En 1902, Paul Doumer retourne en France. Le 15 octobre 1902, Paul Beau est nommé à la tête de l’Indochine. À ce moment-là, il y a trois catégories d'enseignement dans le Vietnam colonial : l'enseignement traditionnel dans les écoles des lettrés ; l'enseignement franco annamite ; et enfin l'enseignement français, ce dernier destiné à la population française ou assimilée. Durant son mandat (1902-1908), P.Beau a mis en application une politique pour

77 Paul Doumer, Situation de l'Indochine française de 1897 à 1901, op.cit, p.1.

78 Bulletin officiel de l'Indochine française, N°4, avril 1902, Arrêté du 8 Janvier 1902, créant à Hanoi d’une École de Médecine, p.39.

réformer l’enseignement. Selon les autorités françaises, la raison de cette réforme est “l'augmentation continuelle du nombre des Européens qui venaient se fixer en Indochine, les besoins croissants des différents services, du commerce et de l'industrie en auxiliaires capables, en secrétaires, interprètes, comptables, chefs d'ateliers ; enfin, l'évolution générale des peuples indochinois vers l'instruction occidentale, tout cela nécessitait non seulement des créations d'écoles, mais une transformation complète de notre organisation scolaire antérieure”79.

La fondation des services locaux de l’enseignement et du Conseil de perfectionnement de l'Enseignement Indigène.

D’abord, sur le plan de l’organisation administrative, les autorités ont fondé des services locaux de l’enseignement au Tonkin et en Annam (1905). Le Conseil de perfectionnement de l'Enseignement Indigène est créé par l'arrêté du 8 mars 1906. Au-dessus de ces services locaux c’est la direction générale de l’Instruction publique qui est dirigée par des chefs de service placés sous l'autorité immédiate des Résidents supérieurs de chaque protectorat (Annam et Tonkin) et du Lieutenant-gouverneur de la Cochinchine. Le décret du 14 novembre 1905 a institué une direction générale de l'Instruction publique, dont le siège est à Hanoi. Le directeur général, qui dépend directement du Gouverneur général de l'Indochine, est chargé de l'élaboration des programmes et de l'unification des méthodes dans les diverses parties de l'Indochine.

La réforme de l’enseignement franco annamite (franco indigène)

C'est l'année 1903 qui marque le point de départ de la nouvelle organisation scolaire. La réforme fut mise à l'étude au Tonkin par la Commission instituée en vue de rechercher sur quelles bases devait être constitué l'enseignement franco annamite. Des travaux de cette Commission sortirent les arrêtés organiques du 27 avril 1904 ; leurs dispositions ont été successivement appliquées en Annam, par l'arrêté du 30 octobre 1906. La Cochinchine a continué à être régie par l'arrêté du 17 mars 1879, modifié par celui du 16 février 1903.

L'enseignement franco indigène, tel qu'il ressort de ces divers textes, comprend trois degrés : des écoles préparatoires, des écoles primaires, des écoles complémentaires.

Photo 5 : Le Conseil de

perfectionnement de

l’enseignement indigène de l’Indochine

Source : La Dépêche

coloniale illustrée, 15 mai 1908

Écoles préparatoires franco annamites

En Cochinchine, les écoles préparatoires portent en Cochinchine le nom d'écoles cantonales; elles sont intermédiaires entre les écoles de village, écoles indigènes libres, et les écoles entretenues par les budgets provinciaux et elles sont administrées par les chefs de province qui en recrutent et nomment les instituteurs. Une circulaire du Lieutenant-gouverneur, en date du 27 avril 1905, en a déterminé les programmes. Au Tonkin, les écoles préparatoires sont dites écoles de phu et de huyen. Organisées sur quelques points du territoire par les autorités provinciales, elles seront à l'avenir créées par le service de l'Enseignement, aux frais du budget local. En Annam, elles existent en très petit nombre, une école préparatoire fonctionne au siège de chaque Commissariat et l'enseignement y est donné par les interprètes annamites de l'Administration. Ces écoles se développeront dans la mesure où il sera possible de les pourvoir de maîtres.

Le programme des études comprend, dans les écoles cantonales, la lecture, l'écriture et le calcul en langue indigène, des notions de sciences usuelles, des éléments de la langue française parlée. Leurs meilleurs élèves sont dirigés ensuite sur les écoles primaires.

École primaire franco annamite

En Cochinchine, toutes les écoles primaires, dites « écoles provinciales », ont un directeur français ; de plus, une école cantonale et une école communale modèles sont annexées à chaque école primaire et bénéficient ainsi de la surveillance et des directions pédagogiques d'un maître européen ; celui-ci étend même, dans certaines provinces, sa surveillance sur toutes les écoles cantonales qu'il inspecte le plus souvent possible. À mesure que le corps des

instituteurs indigènes se perfectionnera, les professeurs français pourront confier à leurs collaborateurs annamites la plus grande partie de l'enseignement et se consacrer presque exclusivement à la direction des études et à l'inspection des écoles. Au Tonkin, ces écoles sont dirigées par des instituteurs annamites, mais on leur substitue progressivement des directeurs européens. Ce progrès a été déjà réalisé à Hanoi, qui compte 8 écoles primaires, ainsi qu'à Haiphong, Nam-dinh, Bac-ninh et Son-Tay. En Annam, chaque province est pourvue d'une école primaire.

Le programme des écoles primaires, réparti sur 4 années d'études, comprend : la langue en quôc-ngu, et, dans les écoles de l'Annamite au Tonkin, les caractères chinois, la langue française, la morale, la géographie locale et générale, l'arithmétique et la géométrie usuelles, les éléments des sciences physiques et naturelles, considérées surtout dans leurs applications à l'agriculture et à l'industrie, l'hygiène et des notions d'histoire et d'administration locale.

Photo 6 : École franco annamite (vietnamienne) à Hanoi Source : La Dépêche coloniale illustrée. 15 mai 1908

École complémentaire franco annamite

Au deuxième degré de l’enseignement franco indigène se trouvent les écoles complémentaires. Ces écoles ont toutes quatre années de scolarité et le niveau de leur enseignement est à peu près le même dans toute l'Indochine. Les écoles complémentaires sont de deux sortes : les collèges, qui préparent des employés pour les différentes Administrations, pour le commerce et pour l'industrie, et les Écoles Normales, destinées aux futurs instituteurs.

La Cochinchine a deux collèges, à Mytho et à Saigon (collège Chasseloup-Laubat), dont les études se complètent. Le Tonkin a deux collèges : le collège des Interprètes, à Hanoi, forme des secrétaires et des employés de commerce ; le collège Jules Ferry, à Nam-dinh, forme des agents pour les services techniques (Travaux publics, Chemins de fer, Postes et Télégraphes). En Annam, existe le collège National, dit Quôc-hoc, avec trois sections : section générale, section des gradués, section du cadastre et des travaux publics.

L'École Normale de Cochinchine a été fondée en 1896, à Gia-dinh (Saigon) ; celle du Tonkin, à Hanoi, ouverte en 1904. La création de ces deux établissements est destinée à renouveler complètement le personnel indigène de l'Enseignement. En Cochinchine, les promotions ont déjà été assez nombreuses pour permettre de placer dans les écoles préparatoires une trentaine d'instituteurs de l'École Normale. L’Annam n’est pas pourvu encore d'Écoles Normales ; quant aux futurs instituteurs annamites, ils sont envoyés à l'École Normale de Hanoi où le budget local de l'Annam crée dix bourses d'études chaque année au profit des meilleurs élèves du collège Quôc-hoc.

École professionnelle

À côté des écoles primaires et complémentaires, se placent les écoles professionnelles. En 1902, trois écoles professionnelles fonctionnaient déjà, à Hanoi, à Saigon et à Hué. Elles forment des menuisiers, des ajusteurs, des mécaniciens. L'école de Hanoi, qui est placée sous la direction de la Chambre de commerce de cette ville, a, de plus, une section de modelage et de fonte d'art et une section de laquage. Depuis 1902, l’enseignement professionnel n'a cessé de se développer. En Cochinchine, quatre écoles professionnelles ont été créées. En 1905, l'école de Biênhoa a été organisée par l'Administration provinciale ; elle a surtout pour but le perfectionnement et l'extension des industries locales, et ses élèves se divisent en sculpteurs sur bois, forgerons, vannier, fondeurs de cuivre, et céramistes. En 1905 également, a été créée l'école professionnelle de Thudâumôt qui s'est spécialisée dans les arts indigènes : sculpture, broderie, niellure (incrustation), et dont les produits ont été présentés à l'Exposition coloniale de Marseille et ont rencontré un succès considérable. L'année suivante s'ouvrait à Saigon l'école des mécaniciens asiatiques, destinée à former des mécaniciens et des chauffeurs pour la Marine et dont les premiers élèves ont été très recherchés par la Marine Nationale et la navigation fluviale. Enfin, en 1907, s'est ouverte l'école de Hatien, qui se propose de renouveler l'industrie et l'art de l’écaille (de tortue), complétant ainsi le réseau des écoles d'art indigène, auxquelles il faut encore ajouter les cours d'apprentissage de la bijouterie de Sadec.

Au Tonkin, deux écoles ont été ouvertes en 1907 : une école d'apprentissage à Cao-bang, pour les industries du bâtiment : bois, fer et pierre ; un collège agricole, à Hung-hoa, qui recrute ses élèves surtout parmi les enfants métis abandonnés. Une école de mécaniciens est en voie d'organisation à Haiphong, dans les locaux de l'Arsenal de la Marine. Enfin, une école professionnelle privée (école Autigeon) enseigne aux fillettes annamites l'art de la dentelle et de la broderie européennes.

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