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L’organisation de l’enseignement traditionnel vietnamien

Chapitre I : L’enseignement traditionnel vietnamien en caractères chinois : la réforme et

1. L’enseignement traditionnel vietnamien en caractères chinois

1.2. L’organisation de l’enseignement traditionnel vietnamien

Pour atteindre les objectifs éducatifs de l'Etat monarchique et répondre aux besoins d'apprentissage du peuple, les rois Nguyen permettent aux familles et aux lettrés d’ouvrir

27 E. Luro, Le pays d'Annam :étudesurl'organisationpolitique et sociale des Annamites. Paris, 1878, p.140.

librement des écoles privées. L’État n’établit des écoles publiques que dans les Phủ (préfecture) ou les huyện (sous-préfecture). Il existe une école nationale dans la capitale Le Collège des fils de l’Etat (École Quốc Tử Giám). Le salaire des maîtres privés correspond à la somme que les habitants peuvent rassembler à partir des ressources du village. Au contraire, le salaire des maîtres de l’école publique provient des ressources du pays.

« En l'Annam l'enseignement est absolument laïque. Il est libre dans le sens le plus large du mot, et l'instruction n'est nullement obligatoire, bien que très répandue. »29  Manuels scolaires

Les livres importants en caractère chinois et pour leur étude, se composent du "Tứ thư" (quatre livres classiques) et du Ngũ Kinh (cinq livres canoniques).

Le "Tứ thư" (quatre livres classiques) :

- 1. le Livre de la Grande Étude (Đại học) se résume dans l'art d'éduquer le peuple et la moralité.

- 2. Les Entretiens de Confucius (Luận ngữ) avec ses disciples abordent des sujets divers. Le Maître leur enseigne l'art de se perfectionner.

- 3. le Livre du Juste milieu (le Livre Trung Dung) préconise que la voie du Milieu soit à suivre constamment.

- 4. Le Livre de Mencius (Mạnh Tử) (373-289 av. J.-C.) met l'accent sur la bonté naturelle de l'homme. En politique, Mencius estimait que l'opinion du peuple était à considérer avant tout.

Le “Ngũ Kinh” (cinq livres canoniques) :

-1) Le Livre des Mutations ou Livre des Changements (Kinh Dịch) est un antique ouvrage de divination en même temps qu'un traité philosophique. Il remonte à l'empereur Fuxi, Confucius se bornait à l'interpréter.

- 2) Le Livre des Odes (Kinh Thi) est un recueil de cantates officielles et de chants populaires anciens qui nous renseignent sur les mœurs et les aspirations du peuple de l'époque.

- 3) Le Livre des Rites (Kinh Lễ) expose le cérémonial à observer en famille et à la cour, etc.

- 4) Le Livre des Annales (Kinh Thư) étudie la sagesse du gouvernement des anciens empereurs chinois.

- 5) Le Livre du Printemps et de l'Automne (Kinh Xuân Thu) est une chronique de la principauté de Lu (patrie de Confucius) entre 722 et 481 av. J.-C. Le Maître se servait de l'histoire comme prétexte pour commenter la conduite des hommes politiques et y exposer sa conception d'un bon gouvernement.

 Les degrés de l’enseignement

Ce système d’établissements scolaires était composé de trois degrés : primaire, secondaire et supérieur. Ces classes sont réservées aux garçons seulement. Les filles sont éduquées dans leur famille ; certaines connaissent bien les lettres, mais c’est exceptionnel.

Les classes primaires

Ces classes sont ouvertes aux villages. Les habitants des villages invitent un maître pour enseigner aux enfants. Le maître est un lettré qui s’est présenté au concours de mandarin mais sans le réussir, ou est un bachelier. Les enfants de 6 à 8 ans y sont envoyés pour apprendre à lire et à écrire les caractères chinois.

« Le garçon se rendait à l’école à six ans. Il offrait à son maître un coq qui était sacrifié à Confucius. C’était la cérémonie de l’ouverture de l’intelligence bonne. »30 De huit à quinze ans, soit dans une école privée (chez un maître ou chez une famille riche), soit dans une école communale, les garçons débutaient avec le livre "Tam tự kinh" (le livre des phrases de trois caractères), le "Nhất thiên tự" (le livre de mille caractères), le "Tam thiên tự" (le livre de trois mille caractères), le Tiểu-học (le Petite Étude), le Hiếu-kinh (la Piété filiale).

La recopie, la récitation et le commentaire des textes classique dans ces livres constituaient la seule matière de l’enseignement. Ces livres sont les manuels de base, depuis mille ans. Dans ces livres, il y a des traits caractéristiques, par exemple : la nature de l’homme est essentiellement bonne ; à l’origine tous les hommes sont semblables ; seul l’éducation les rend différents.31. Les vers rimés facilitaient la mémorisation des leçons. Le maître apprend aux enfants à lire et à écrire les lettres dans ces livres. Il explique la signification des mots. Grâce à la compréhension de leur sens, les enfants s’imprègnent des valeurs de la culture, de la morale, de l'esthétique, des règles de communication et des devoirs.

30 Pierre Huard et Maurice, Connaissance du Vietnam , op.cit, p.83-84.

Aux dernières années du primaire, les élèves commencent à s’initier aux livres importants du confucianisme comme "Le Tứ thư" (quatre livres classiques) et “Le Ngũ Kinh” (cinq livres canoniques). Le maître apprend aux garçons progressivement les méthodes pour écrire des poèmes, des textes, des compositions, des expressions parallèles simples (par exemple : La famille pauvre discerne des enfants pieux. Le pays en désordre reconnait des sujets fidèles).

« Dans les écoles de village, on enseigne les caractères essentiels. Les livres de lecture qu'on met aux mains des élèves sont de vrais petits chefs-d’œuvre où est exposée la morale de Confucius en un langage simple et beau qui se grave dans l'esprit des enfants. On passe du premier livre, tout simple, tout élémentaire, qui donne les premiers principes, à un second un peu plus étendu, puis à un troisième, et ainsi de suite. Dans les écoles de la plupart des villages, on se contente des quatre ou cinq premiers livres. Les enfants y apprennent, en même temps qu'un nombre de caractères suffisant pour écrire et correspondre dans les situations modestes où ils peuvent se trouver, les principes de morale et les règles de conduite qui les guideront au cours de leur existence. C'est là évidemment une instruction bien incomplète ; elle suffit pourtant à faire un peuple travailleur, attaché à ses devoirs de famille, heureux à tout prendre quand des causes extérieures ne viennent pas le troubler. »32

Photo 1 : Enseignement traditionnel vietnamien : un Ông Dô (Maître

de caractères chinois) expliquant un texte Photo 2 : La leçon d’écriture de caractères chinois

Sources : Tonkin scolaire. Un pays d'adaptations pédagogiques originales, Éd. Extrême-Orient (Hanoï), 1931

Quand les petits enfants manquent à la discipline scolaire, pour les punir, le maître utilise des châtiments divers : fouet, nettoyage de la maison, bêchage dans le jardin. Certains enseignants ne punissent pas, mais ils sont toujours très stricts avec les élèves. En revanche, si les enfants font bien les devoirs, le maître se montre content et les félicite.

Enseignement secondaire :

Normalement, après les sept années scolaires en primaire, les élèves passent dans les classes secondaires. Il y a moins de classes secondaires que de classes primaires, c’est la raison pour laquelle certains élèves doivent quitter leur village natal pour poursuivre leurs études ailleurs. Le maître de classe secondaire a souvent au moins un baccalauréat. Les élèves étudient l’histoire, la littérature vietnamienne et chinoise, apprennent à écrire des poèmes, des textes littéraires, des compositions, des expressions parallèles mais plus difficiles qu’en primaire. En même temps, ils étudient la philosophie de Confucius et d’autres philosophes.

« On étudiait encore les philosophes postérieurs à Confucius, tels que Mencius et Lao-Tseu, les historiens, les poètes (parmi lesquels plus d’un souverain chinois ou vietnamien), et les romans historiques. Les romans d’imagination et les contes satiriques, signés le plus souvent d’un pseudonyme, étaient considérés comme un genre léger, indigne de l’enseignement supérieur. »33

Enseignement supérieur

Après environ cinq à six ans d'école secondaire, les élèves poursuivent leurs études dans les classes supérieures. L’enseignement dans les classes supérieures est assuré souvent par les cu nhân (licenciés) ou tien si (docteurs) qui sont des mandarins en retraite. La classe se fait au domicile du professeur. Dans ces classes, ces élèves brillant ont réussi l’examen de fin d’étude secondaire. Il y a aussi des étudiants plus âgés qui n’ont pas réussi les concours du mandarinat. On prend le temps pour écrire des poèmes et des textes littéraires. Ces exercices sont préparés pour les concours de mandarin. La classe n’a pas lieu tous les jours, mais seulement certains jours fixés par le professeur. En plus du temps de la classe, les élèves doivent travailler à la maison pour élargir leurs connaissances, et faire leurs devoirs.

Il y a aussi des classes secondaires et supérieures publiques qui sont situées dans les chefs-lieux. Un mandarin est chargé de chaque classe. L’École Nationale supérieure (École Quốc Tử Giám) se trouve dans la capitale. Le directeur est un mandarin qualifié, de prestige et de grande réputation. Les étudiants de l’école sont des fils de la famille royale et des fils de hauts mandarins. Les élèves des écoles provinciales, remarquables par la précocité de leur intelligence, peuvent aussi être envoyés dans cet établissement. Tous ces élèves sont entretenus aux frais de l'État. On y étudie et on y enseigne souvent les livres importants du confucianisme pour se préparer aux examens du mandarinat. Les classes ont lieu régulièrement.

 Les concours mandarinaux organisés par le gouvernement royal

Les concours pour les lettrés sont organisés par le gouvernement royal afin de sélectionner les mandarins. Il y a trois concours littéraires majeurs. Ce sont : le Khảo hạch (l’examen éliminatoire) pour éliminer les candidats faibles ; Thi Hương (le concours régional ou concours triennal) pour délivrer des titres de Tú tài (Bachelier) et de Cử nhân (Licencié) ; et Thi Hội (le concours de la capitale ou concours des doctorants), seulement les licenciés, sauf quelques exceptions, sont autorisés à participer à ce concours. Le dernier tour du concours de la capitale est organisé à la cour du Palais royal ; il s’appelle Thi Đình, les licenciés qui ont réussi ont le titre Tien si (Docteur) ou Pho bang (Docteur adjoint). Normalement, tous les trois ans, l’Etat organise un concours des lettrés. Le concours de la capitale est organisé un an après les concours régionaux. P. Huar les a décrits :

« Vers vingt-cinq ans, au plus tôt, souvent vers quarante ans, son bagage littéraire étant considéré comme complet, l’étudiant affrontait les épreuves du concours provincial (thi hương) qui avaient lieu dans une enceinte spéciale, le camp des lettrés (trường thi). Les derniers concours qui eurent lieu à Hanoi en 1876 et 1879 attirèrent en moyenne six mille candidats. Sur soixante-quinze reçus, les cinquante derniers furent nommés tú-tài (talent fleuri, bachelier) et les vingt-cinq premiers cử-nhân (homme qui s’élève, licencié). Les licenciés pouvaient ensuite se présenter au concours général (thi-hội) et, en cas de succès, au concours royal (thi-đình) et devenir ainsi docteurs de 2e classe (phó bảng) et docteurs de 1re classe (tiến-sĩ). »34

En général, dans les concours du mandarinat, les candidats doivent souvent passer les épreuves suivantes :

- Première épreuve : Sept interprétations de textes classiques, il fallait en traiter au moins trois ;

- Deuxième épreuve : Un édit royal (chiếu) et une adresse du peuple au souverain (biểu) comportant chacun au moins 300 mots, plus un exercice de critique de 600 mots ; - Troisième épreuve : Poésie et prose rythmée (phú) ;

- Quatrième épreuve : Douze questions sur les sciences politiques (văn sách), il suffisait d'en traiter huit, soit : quatre sur les livres classiques et canoniques, deux sur l'histoire, deux sur la politique actuelle. Le sujet de la quatrième épreuve était particulièrement long.

Les concours Khảo hạch- l’examen Eliminatoire Thi Hương - le concours régional ou concours triennal Thi Hội - le concours dans la capitale, ou concours doctorat

Thi Đình-Le dernier tour du concours

doctorat Autorisés

à la participation

Les bons lettrés Ceux qui ont réussi aux examens

précédents

Les Licenciés et

quelques exceptions Ceux qui ont réussi aux examens précédents But et titre Pour éliminer les

candidats faibles Baccalauréat et Licencié Pour éliminer les candidats Docteurs de 1

re classe (Tiến-sĩ) et Docteurs de

2e classe (Phó bảng)

Aux concours, les participants ne doivent pas tricher. Il y a aussi d'autres règles assez complexes, ce sont les noms des empereurs, de ceux de leur famille, étaient proscrits dans un devoir, sinon l'étudiant serait reconnu coupable de sacrilège. Selon l'importance du personnage, on devait, soit couper le mot en deux, soit rajouter ou omettre un trait ; Interdiction d'écrire les noms des palais, des tombeaux royaux, etc. ; À côté du mot "empereur", il était recommandé de ne pas juxtaposer les mots "violent", "stupide", "assassin" ou "tué", qui pouvaient provoquer une association d'idées malheureuses ; Devoir inachevé, dans ce cas, le code prévoyait que le professeur serait puni pour avoir présenté à la légère un candidat médiocre.35

Grâce à ce système d’enseignement et à ces concours, l’Etat monarchique a répandu les “valeurs vertus” du confucianisme dans la population, a formé et recruté beaucoup de lettrés talentueux pour servir le pays. Simultanément le roi a obtenu des mandarins fidèles, la société a eu de bons hommes, les familles ont eu des enfants pieux.

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