De l’École des interprètes de Hanoi au Collège du protectorat au Tonkin

Selon le traité Patenotre du 6 juin 1884 signé entre la France et la cour d’Annam, le Tonkin et l’Annam reconnaissent et acceptent le protectorat et le demi-protectorat de la France et la France représentera le Vietnam dans toutes ses relations extérieures.

272 Paul Beau, Situation de l'Indochine française de 1902 à 1908, tome 1, Éd. Schneider, Hanoï, 1908, p. 101.

273 Emile Roucoules, Étude sur l'instruction publique en Cochinchine, op.cit, p.33

274 Prosper Cultru, Histoire de la Cochinchine française: des origines à 1883, op.cit, p.394

Comme durant les premières années en Cochinchine française, les services civils et le corps militaires français au Tonkin avaient un besoin pressant d’interprètes. Le premier établissement scolaire post-primaire fondé au Tonkin est l’École des Interprètes à Hanoi par décision du général Warnet en date du 27 janvier 1886276 afin de répondre au besoin d’interprètes qualifiés. D’abord, cette école est installée rue Jean-Dupuis, à Hanoi, puis est transférée hors de la ville, dans le village Yên-Phu. Les élèves n’y furent admis qu’après être passés par les écoles du premier degré.

Pour former des interprètes et des auxiliaires, le programme de l’enseignement comporte des cours et des leçons qui furent rédigés en vue de l’étude du chinois administratif et commercial, de la langue française pratique, de la langue annamite transcrite en caractères latins (le quoc ngu), de la calligraphie et des éléments de géographie et de calcul. Les écoles franco annamites, dont l’École des Interprètes d’Hanoi, avaient seules été mises à contribution pour la formation du corps des interprètes tonkinois.277

En 1904, le Collège Jules Ferry est fondé à Nam Dinh, comme une solution pour la concurrence avec l’enseignement traditionnel car Nam Dinh qui se trouve au sud de Hanoi est un des centres culturels du Tonkin. Depuis 1831, Nam Dinh et Hanoi sont les deux centres où le pays a organisé les concours triennaux des lettrés afin de sélectionner des mandarins. En 1894, après que le pouvoir français a décidé d’abolir les concours triennaux à Hanoi, Nam Dinh est désormais le seul centre des concours mandarinaux du Tonkin jusqu’à en 1919. Le Collège Jules Ferry à Nam Dinh est chargé de préparer les agents indigènes des administrations techniques, cadastre, travaux publics, chemin de fer, poste et télégraphes, etc., l’enseignement est dirigé surtout vers les sciences et leurs applications : arpentage, physique, chimie industrielle, dessin géométrique, etc. La scolarité est de quatre années.²⁷⁸

Les difficultés rencontrées pour le recrutement des instituteurs indigènes, choisis parmi les anciens élèves du collège des interprètes et de l’école congréganiste Puginier, ont fait créer en 1904, à Hanoi, l'École normale d’Instituteurs d’Hanoi. Les cours durent trois ans et les programmes comprennent le français, les sciences, l’Annamite et les caractères chinois279. En février 1908, le gouverneur de l’Indochine Paul Beau termine son mandat. Son successeur, Antony Klobukowski, gendre de Paul Bert, a réorganisé l’enseignement post-primaire au

276 ANOM, Fonds privés, 100APOM/511, Rapport de Dumoutier

277 ANOM, Fonds privés, 100APOM/511, Rapport de Dumoutier

278 ANOM, fonds privés, 100APOM/511, Conseil supérieur de l’Indochine (commision), session organisé de 1906, Fonctionnement de l’enseignement public.

Tonkin. Selon son arrêté du 9 décembre 1908, le Collège des Interprètes d’Hanoi, l'École normale d’Instituteurs d’Hanoi et le Collège Jules Ferry de Nam-Dinh sont réunis en un seul établissement scolaire qui prend le nom de « Collège du Protectorat » et qui est installé à Hanoi dans le groupe scolaire du Grand Bouddha.280

Par conséquent 1908 est la dernière année d’existence du Collège des Interprètes de Hanoi. Il est le premier établissement post-primaire au Tonkin et aussi un lieu d’étude de quelques intellectuels vietnamiens connus : historien, le Premier ministre Tran Trong Kim ; journaliste, le directeur de la revue Indochine Nguyen Van Vinh ; historien Nguyen Van To ; écrivain Pham Duy Ton ; et Pham Quynh, directeur de la revue Nam Phong et ministre de l’éducation. D’après un témoignage du professeur Nguyen Le, élève de la première promotion du Collège du Protectorat, la naissance du « Collège du Protectorat » au Tonkin en 1908 est un progrès important de l’enseignement au Tonkin, comme il l’a rapporté dans son article publié dans le dans la revue Trung Bắc Tân Văn, N° 14, le 2 juin 1940 :

« En 1908, quand je suis élève du Collège des Interprètes à Hanoi, un arrêté du Gouverneur de l’Indochine Antony Klobukowski est promulgué pour renommer le Collège des Interprètes à Hanoi en Collège du protectorat et le déplacer dans le village Buoi. Les élèves du Collège des Interprètes, de l'École normale d’Instituteurs d’Hanoi et du Collège Jules Ferry de Nam-dinh y sont arrivés pour étudier. La fondation du Collège du protectorat est un pas progressif en ce qui concerne l’organisation de l’enseignement et des matières. À propos du programme de l’enseignement, il est organisé non seulement pour former des interprètes, des secrétaires mais aussi former les élèves aux connaissances générales et pratiques. C’est le premier établissement scolaire de notre pays qui peut accueillir 200 élèves internes [primaire et primaire. supérieur]. Ses classes, sa cantine, ses dortoirs sont bien ordonnés, frais, en hauteur et propres »²⁸¹

Le Collège du Protectorat comprend le petit collège et le grand collège. Le premier est organisé comme une école provinciale avec ses quatre cours : préparatoire, élémentaire, moyen et supérieur. Pour être admis au grand collège, les élèves doivent posséder le certificat d'études primaires. Les études durent cinq ans. Pendant les trois premières années, les élèves

280 ANV, RSD-3813, Intégration des école à Hanoi, à Namdinh en « Collège du Protectorat » à Hanoi 1907-1909.

suivent des cours communs, puis ils se spécialisent à partir de la 4e année pour former quatre sections : administrative, normale, technique et commerciale.