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CHAPITRE 2 CADRE ANALYTIQUE

2.1 Définitions des principaux concepts

2.1.3 Réforme éducationnelle

Une politique générale d’éducation peut correspondre à une politique de réforme ou encore à une réforme (Legrand, 1988; Liautaud, 2003).

Rocher (2001), qui retrace l’étymologie du terme « réforme », spécifie que le verbe « réformer », d’origine latine, signifie « rendre à sa première forme, refaire… rétablir, restaurer ». Le « re » marquerait ainsi le retour en arrière. La définition ajoute que le verbe indique l’action de « ramener (quelqu’un ou quelque chose) à une forme meilleure, à un état préférable, cette forme étant généralement conçue comme ancienne, primitive. « Le sens originel du verbe « réformer » est donc celui d’un retour à une forme, des valeurs, une manière de vivre antérieures, considérées comme préférables à ce qui est aujourd’hui vécu, qui ont été perdues avec le temps et qu’il faut faire revivre, auxquelles il faut revenir pour s’améliorer soi-même, améliorer sa vie, ses conditions de vie » (Rocher, 2001 : 8). Il est ainsi possible de constater que l’intention de réformer plonge ses racines dans l’univers des institutions religieuses alors qu’il importait de revenir à l’observance d’une règle relâchée. Il semble qu’il ait fallu un virage important pour que le terme « réformer » ne fasse plus référence à un retour en arrière, un retour aux sources, mais bien un mouvement vers l’avant, un changement inspiré d’un projet d’avenir. Rocher (2001) distingue également le terme « réforme » du terme « révolution » qui lui est apparenté. Une révolution se manifesterait par une mutation rapide et brusque qui marquerait une nette rupture et un saut hors de la légalité existante, avec l’intention d’opérer un changement total, fondamental. Elle s’accompagnerait généralement d’une période plus ou moins longue de lutte, de violence et même de guerre et entraînerait des effets d’une longue portée dans le temps (Rocher, 2001 : 10). La réforme se présenterait, pour sa part,

comme un changement plus lent, plus étalé dans le temps, inspiré par une intention de modifier des choses d’une manière graduelle, dans une certaine continuité avec la situation présente qu’on veut tout de même améliorer mais à l’intérieur de la légalité existante. Les effets produits par

la réforme devraient être réels et visibles mais d’une nature généralement pragmatique et d’une portée dans le temps qui se situe à moyen plutôt qu’à très long terme (Rocher, 2001 : 11).

Ainsi, les termes « révolution » et « réforme » partagent des traits communs mais se distinguent et possèdent des caractéristiques qui leur sont propres.

Rocher (2001) présente quelques autres éléments propres aux réformes dans ses écrits. Le premier fait référence au fait qu’une réforme doit reposer sur une certaine légitimité : « Toute réforme qui vient d’en haut prend appui sur une légitimité du type juridique. C’est effectivement en vertu de pouvoirs que le droit établi lui confère que l’autorité annonce, entreprend, poursuit une réforme » (Rocher, 2001 : 23). Cette légitimité peut cependant être contestée tout au long du processus de réforme. « La réforme venant « d’en-bas » puise pour sa part sa légitimité dans la parole de chefs ou de porte-paroles. La légitimité charismatique permet de lancer l’idée de réforme, de l’entreprendre. Mais dans la mesure où l’idée gagne des adhérents, le projet de réforme doit s’institutionnaliser » (Rocher, 2001 : 24). Rocher (2001) aborde ensuite l’idée d’acteurs et de construction de la réforme. Il insiste sur le fait que différents acteurs participent à la réforme : les concepteurs de la réforme, ceux qui s’en font les promoteurs, ceux qui la mettent en route et s’efforcent de la réaliser, ceux qui s’y opposent, etc. Toute réforme

serait le fait d’acteurs et est le construit non seulement de ceux qui l’initient, mais aussi de tous les acteurs qui participent à sa réalisation et de tous ceux qui s’y opposent :

« Sous l’action de ces différents acteurs, la réforme se construit et se reconstruit sans cesse obéissant aux stratégies diverses et aux intérêts multiples de tous les groupes et de toutes les catégories d’acteurs » (Rocher, 2001 : 25). En troisième lieu, l’auteur aborde le fait qu’une réforme « se réalise en partie par la traduction de ses objectifs et de son

idéologie en directives, réglementations, normes et règles; certaines sont strictement

législatives et juridiques, d’autres sont administratives ou techniques, d’autres enfin sont purement sociologiques, issues spontanément des besoins de l’action des différents acteurs. Ces normativités deviennent l’expression institutionnelle des objectifs de la réforme et servent tout autant d’enjeux dans les stratégies des acteurs que d’encadrement à leurs actions et interactions » (Rocher, 2001 : 25-26).

Les concepts « réforme scolaire », « réforme de l’enseignement » et « réforme éducationnelle » ont été étudiés, de façon spécifique, par différents auteurs. Ces termes, synonymes et propres aux changements dans le monde de l’éducation sont, selon Legendre (2002),

un cadre de changements, constitué d’une pluralité d’innovations, pour apporter des rénovations partielles au système de l’éducation dans le but de l’améliorer et d’obtenir de meilleurs résultats. Plus les statistiques du point de départ seront désolantes, plus imposante sera l’ampleur de la réforme et plus généreuses seront les ressources que l’on y affectera

(Legendre, 2002 : 61).

Cette définition partage les idées de modification graduelle, d’amélioration et d’effectivité des réformes mises de l’avant par Rocher (2001).

D’autres auteurs reprennent cette définition de réforme scolaire et majoritairement ceux- ci insistent sur le fait que l’amélioration ou le changement apporté est profond et majeur, modifiant ainsi fortement les orientations de la politique scolaire (Legendre, 1993; Bonami et Garant, 1996; Petit Robert, 2000; Moulton et al., 2001a; Depover et Noël, 2005). Dans ce cas, la politique éducative impliquerait un remaniement de l’ensemble du système éducatif national (Liautaud, 2003). Moulton et al. (2001a) abondent en ce sens en spécifiant qu’une politique de réforme peut être assimilée à un ensemble cohérent de politiques- elles mêmes plus spécifiques- de stratégies conçues en vue de causer des changements majeurs dans le système éducatif. Une réforme éducative correspond, dans un tel cas, « à une réforme systémique et réfère à un système de composantes tels que les contenus, les acteurs et le contexte qui s’affectent mutuellement, s’harmonisent (éventuellement) et s’ajustent en vue d’atteindre les buts fixés » (Liautaud, 2003 : 43). Mais, il convient de spécifier qu’une réforme peut, selon certains auteurs (Liautaud, 2003), se limiter à l’amélioration de techniques d’enseignement.

Bonami et Garant (1996) ajoutent à ces caractéristiques en notant que les réformes éducationnelles, peu importe leur nature, couvrent un ensemble d’établissements d’un

Finalement, selon Bock et Arthur (1991), une réforme scolaire serait déterminée en

fonction des priorités idéologiques, économiques et politiques. Elle s’articulerait ainsi sur

une conception large du changement social (Bonami et Garant, 1996 : 32).

Une réforme éducationnelle se présente ainsi comme inspirée par une intention de modifier profondément ou de façon pragmatique des éléments du système d’éducation, dans une certaine continuité avec la situation présente qu’on veut tout de même améliorer mais à l’intérieur de la légalité existante. Celle-ci se réalise en partie par la traduction de ses objectifs et de son idéologie en directives et normes. Elle repose sur une certaine légitimité et ses effets doivent être réels et visibles. Elle implique et touche de nombreux acteurs répartis dans un ensemble d’établissements sur un territoire donné et devient, au fil du temps, leur construit.