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b• Le réel et sa représentation dans le contexte géopolitique contemporain

Bien que les artistes concernés par notre recherche n’affirment, ni dans des manifestes, ni même dans des entretiens, opérer de rupture, comme ont pu le revendiquer leurs prédécesseurs, des avants-gardes du début du XXe

siècle jusqu’aux protagonistes de l’art conceptuel, nous pensons que les pra- tiques artistiques à dimension documentaire sont reformulées en réaction au

Hit o St ey erl, Ho w Not t o be Seen: A F ucking Didac tic E duc ational.MO V File, 2013, vidéo (c ouleur , son), 14’ , vue de l’ exposition personnel le pr ésen tée du 2 juil

let au 15 août 2014 à la Andr

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c’est-à-dire dans le choix de leur cible. Il n’était pas nécessaire d’être un expert des médias pour savoir que toutes les caméras se tourne- raient vers le World Trade Center immédiatement après l’impact du premier avion et enregistreraient ainsi l’impact du second. Élaboré dans le but de produire un effet médiatique maximal, le projet ter- roriste reposait donc, dans le cas de New York sur un redoublement que permettait la gémellité des tours ; il était en somme conçu pour la médiatisation et par la répétition140.

La nécessité d’une réplique militaire s’est immédiatement imposée au gouvernement américain. Si bien que deux ans plus tard, une vue aérienne de bâtiments, au demeurant fort peu explicite, présentée devant le conseil de sécurité de l’ONU par Colin Powell, alors secrétaire d’État, devenait la preuve, aujourd’hui démentie, de l’existence d’usines d’armement en Irak et la justification de l’intervention de l’armée américaine.

Enfin, en 2004, des photographies d’actes de torture prises par des sol- dats américains à Abu Ghraib étaient publiées et aussitôt propagées par les médias du monde entier. Elles furent d’emblée reconnues comme les preuves irréfutables de l’existence de pratiques inhumaines au sein de l’armée amé- ricaine. Ces images ont largement et immédiatement été commentées, par Susan Sontag141, Judith Butler142, et André Gunthert143 entre autres.

Ces trois exemples, où l’événement est à la fois construit pour et perçu par des photographies, manifestent la complexité d’une nouvelle situation de l’image, dans laquelle celle-ci est tour à tour discréditée et confirmée comme « toute-puissante ». L’hétérogénéité de ces usages démontre parado- xalement que le caractère authentifiant de la photographie se maintient, car les recours à l’image, même ou surtout les plus trompeurs, supposent pour être efficients d’affirmer le lien entre le réel et la photographie. Mais le pu- blic n’est pas dans un rôle de réception passive et l’expérience des images ne peut plus être pensée comme une réaction d’adhésion totale ou de défiance absolue.

140 Clément Chéroux, Diplopie. L’image photographique à l’ère des médias globalisés. Essai sur le 11

septembre 2001, Cherbourg, Le Point du Jour, 2009, p. 16.

141 Susan Sontag, Devant la douleur des autres, traduit par Fabienne Durand-Bogaert, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 2003, 140 p.

142 Judith Butler, Ce qui fait une vie : essai sur la violence, la guerre et le deuil, traduit par Joëlle Marelli, Paris, Zones, 2010, 176 p.

Ces événements ont suscité des ripostes artistiques particulièrement nombreuses. On retrouve dans l’œuvre War Primer 2 d’Adam Broomberg et Oliver Chanarin, dont il sera question un peu plus loin, des photographies prélevées sur Internet représentant ces trois moments. Dans

JPEG ny01 (2004) de

Thomas Ruff (1958-), l’image a été extraite du web et agrandie jusqu’à sa pixellisa- tion excessive, mais reste pourtant recon- naissable tant l’événe- ment, incarné par les deux tours surplom- bées de fumée, est profondément enraci- né dans la conscience contemporaine. Joan Fontcuberta (1955-) réalise de 2004 à 2006 sous le titre

Googlegrams, des pho-

tomosaïques d’images de la destruction des tours et des tor- tures d’Abu Grhaib devenues iconiques. Celles-ci sont utili- sées comme «  ma- trices dans lesquelles viennent s’insérer des milliers de pe- tites images qui ont été trouvées dans le web grâce au moteur de recherche d’images de Google144 ». La photographie de la soldate Lynndie England te-

nant un détenu en laisse a notamment été reconstituée par l’agencement d’images trouvées en tapant les noms et les grades de militaires mentionnés dans le rapport Schlesinger, paru en 2004, suite aux violations de droits des prisonniers commises au sein de l’armée américaine. Fontcuberta montre

Thoma s Ruf f, Jpeg n y02, 2004, tir ag e à dév eloppemen t chr omog ène, 269 × 364 cm, vue de l’ exposition

Depth of Field: Modern Phot

ogr aph y at the Metr opolit an pr ésen tée du 25 sept embr e 2007 au 23 mars 2008 au Metr opolitan Museum of Ar t (New Y ork). Joan Fon tcuber ta, Googlegr am 04 : 11-S NY , 2005, tir ag e à dév eloppemen t chr omog ène, 95 × 165 cm, vue de l’ exposition

Nothing but Blue Sky

pr ésen tée du 4 juil let au 11 sept embr e 2016 aux Renc on tr es Phot ogr aphiques d’ Arles

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Si ces événements ont produit autant d’œuvres c’est en raison, nous le supposons, de leur violence, de leur capacité à interroger la constitution des systèmes de représentation et leur efficience, mais aussi, semble-t-il, de leur portée esthétique. De façon éclatante, mais pour le moins polémique, le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen (1928-2007) déclarait lors d’une conférence de presse tenue à Hambourg quelques jours après la des- truction des Twins Towers :

Ce à quoi nous avons assisté, et vous devez désormais changer totale- ment votre manière de voir, est la plus grande œuvre d’art réalisée : que des esprits atteignent en un seul acte ce que nous, musiciens ne pouvons concevoir ; que des gens s’exercent fanatiquement pendant dix ans, comme des fous, en vue d’un concert, puis meurent...147

Jacinto Lageira administre à cette esthétisation de la réalité, une critique virulente et salutaire dans son ouvrage La Déréalisation du Monde. Réalité et

fiction en conflit. Le philosophe s’attache à analyser les conséquences sur le

réel de l’activité symbolique du langage parlé, des représentations visuelles et surtout de l’art. Il précise ce qu’il désigne par « réel » à travers des refor- mulations comme : « ce qui se passe148 », ce qui s’est produit, ce qui a eu lieu.

Le philosophe livre aussi son approche de la réalité à travers une critique de la « terrible rhétorique sous laquelle toute forme de réalité disparaît[ra] au prétexte que seul a droit à l’existence ce qui est transposable dans le langage ou le visible, voire représenté dans l’art149 ». Il constate que la symbolisa-

tion du réel, c’est-à-dire son passage sous des formes qui permettent de le désigner, d’en parler, s’accompagne souvent d’une dénégation dont est em- blématique la pensée de Jean Baudrillard. Dans un premier temps, Lageira

145 Ces deux artistes n’ont pas été inclus dans le corpus principal, car leur démarche ne peut pas être qualifiée de documentaire dans son ensemble, cependant leur intérêt ponctuel pour l’image contemporaine et ses liens à l’actualité mérite d’être signalé.

146 Sous le commissariat de Mélanie Bellue et Sam Stourdzé, l’exposition réunissait pendant la 47e édition des Rencontres de la photo d’Arles (4 juillet – 25 septembre 2016) des œuvres de Dennis

Adams, Guillaume Chamahian, Paul Chan, Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger, Mounir Fatmi, Hans Peter Feldmann, Joan Fontcuberta, Thomas Hirschhorn, Arno Gisinger, Alejandro González Iñárritu, Zin Ki-Jong, Jeroen Kooijmans, Michal Kosakowski, Fiorenza Menini, Walid Raad, Steve Reich, Thomas Ruff, Andres Serrano, Reeve Schumacher.

147 Cité dans Jacinto Lageira, De la déréalisation du monde : Réalité et fiction en conflit, Nîmes, Jacqueline Chambon, 2010, p. 8.

148 Idem. 149 Idem.

s’accorde avec l’auteur de La Guerre du Golfe n’a pas eu lieu sur la pertinence de l’hyperréalité, selon laquelle la représentation des faits prévaut sur les faits eux-mêmes. Sous le titre provocateur de son essai, Baudrillard notait que les médias avaient redoublé le réel jusqu’à produire des représentations s’y substituant. En ne montrant pas la guerre, les images la faisaient dispa- raître. C’est à cet endroit que la position de Lageira diffère. Il reproche à Baudrillard de faire s’évaporer, derrière le caractère virtuel, irréel et fictif du redoublement du réel, toute possibilité d’évocation d’une réalité factuelle. Penser les événements, particulièrement ceux qui sont surmédiatisés, sous l’angle du simulacre, « une substitution au réel des signes du réel, c’est-à- dire d’une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire150 », produit une omission voire une dénégation des faits. Jacinto

Lageira défend avec vivacité l’idée d’une réalité qui est bien une référence et fait le procès de la confusion entre « réalité » et « documentaire » d’une part, et « fiction » et « imaginaire » d’autre part.

En recourant à la fiction, les artistes que nous avons exposés dans notre historique, comme Walid Raad, Jeremy Deller ou encore Lida Abdul, met- taient en doute la possibilité d’une approche objective et impartiale des faits et de l’histoire. Plutôt que de tenter une représentation fidèle d’avance biai- sée, il s’agissait pour eux d’assumer la part fictionnelle de tout récit. Mais pour Lageira la fictionnalisation et l’esthétisation qui opèrent au sein de l’art ne sont pas les mêmes que celles qui opèrent au sein du politique151.

Acceptables dans le champ de l’art, le déni de la réalité et la fictionnalisation de celle-ci se révèlent intolérables dans la sphère du politique. Reste qu’un trouble, une confusion perdure entre les deux d’où naît, selon le philosophe, la déréalisation du monde. L’idée d’un doublement du monde par les repré- sentations symboliques, parmi lesquelles les images, s’est largement géné- ralisée avec l’avènement du numérique, producteur d’un univers soi-disant immatériel et irréel. Elle a conduit à un relativisme permanent, sur lequel Lageira exhorte à s’interroger. Nous pensons que ce conflit des représenta- tions caractérise particulièrement notre contemporanéité et que c’est avec celui-ci que les artistes ont à composer dès lors qu’ils souhaitent engager une attitude documentaire vis-à-vis du monde actuel. Si le réel n’est pas per- ceptible en soi et que seuls subsistent des simulacres, quel est le sens d’une pratique artistique documentaire aujourd’hui ? Comment l’art en produisant une forme de simulacre, peut-il cependant attirer l’attention sur des réali- tés factuelles ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles les artistes contemporains doivent faire face.

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en forgeant un vocabulaire ad hoc par l’ajout du préfixe post-. La deuxième moitié du XXe siècle a ainsi vu apparaître et se diffuser les mots post-moder-

nisme, post-colonialisme, post-capitalisme, etc.

Dans le champ de l’art, sous le terme de post-photographie, Joan Fontcuberta regroupe le travail de Sean Snyder, Adam Broomberg et Oliver Chanarin. Dans son ouvrage intitulé Post-Photography, The Artist with a

Camera, le critique d’art Robert Shore analysait en 2014 les démarches de

Mishka Henner, David Birkin, Adam Broomberg et Oliver Chanarin. Bien que les commissaires de l’exposition Co-worker, présentée au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris du 9 octobre 2015 au 31 janvier 2016, se gar- daient d’utiliser le terme de post-Internet, les critiques d’art155 qui ont analy-

sé l’exposition ont eu recours au mot. L’œuvre Liquidity Inc. d’Hito Steyerl156

y était visible. De même, lors de l’exposition Electronic Subway qui présentait à la Whitechapel Gallery des œuvres de Trevor Paglen et Taryn Simon, le travail des artistes a été qualifié de post-internet par la critique157.

Ces termes ont contribué à orienter la constitution du corpus de re- cherche, car ils sont couramment convoqués par les commissaires d’expo- sition et les critiques d’art et ont facilité l’identification d’œuvres extrême- ment récentes. Dépassant le champ documentaire, il s’agit cependant de se demander si et comment ils permettent de penser ces pratiques.

2• Post-photographie et post-internet : au-delà

des étiquettes, des outils méthodologiques ?

Nous avons bien conscience des enjeux de pouvoir et parfois des ten- tatives de neutralisation que sous-tendent les terminologies en post-, visant à placer sous une étiquette commune des réalités parfois fort divergentes.

152 Lionel Ruffel, Brouhaha : Les mondes du contemporain, Lagrasse, Verdier, 2016, p. 30. 153 Idem.

154 Idem.

155 Marion Zilio, « Co-workers, le réseau comme artiste : display et jellyfish », Inferno Magazine,

https://inferno-magazine.com/2015/10/21/co-workers-le-reseau-comme-artiste-display-jellyfich, 21 octobre

2015 (consulté le 25 juin 2018).

156 Elle sera présentée au quatrième chapitre.

157 Gary Zhexi Zhang, « Post-Internet Art: You’ll Know It When You See It », Elephant Mag, http:// www.elephantmag.com/youll-know-it-when-you-see-it, 6 juillet 2015 (consulté le 12 mai 2016).

Cependant les termes post-internet et post-photographie, qui nous préoc- cupent ici, ont fait l’objet d’efforts de conceptualisation par les artistes eux- mêmes, par les critiques puis par les théoriciens, si bien que les écarter rapidement au prétexte d’un usage abusif semble dommageable, et c’est pourquoi nous avons cherché à extraire les significations qui se tenaient sous ces étiquettes et derrière l’adoption de ce préfixe.

Une réflexion sur le « post- » ne peut faire l’économie d’un rappel, fût- il bref, sur son recours au sein du concept de post-modernisme, issu du champ littéraire (avec The Postmodern Turn d’Ihab Hassan, 1987) et archi- tectural (Charles Jencks, Le Langage de l’architecture post-moderne, 1977). En littérature, le terme désigne une évolution, entre autres l’indistinction entre culture savante et culture populaire, et la remise en question de la linéarité du récit. Dans le domaine de l’architecture, il indique un syncrétisme des formes héritées du passé que le langage moderniste avait bannies. Excédant le champ de l’art, le terme de postmodernité a été théorisé par Jean-François Lyotard dans La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir158. Selon le phi-

losophe, la modernité supposait l’idée de progrès et d’évolution, d’émanci- pation de l’humanité, autant de métarécits auxquels mettent fin l’horreur de l’holocauste et les dévastations de la bombe atomique. Pour le critique litté- raire marxiste Fredric Jameson, ces idéaux ont échoué et mené tout droit au « capitalisme tardif », terme qu’il emprunte à l’économiste trotskiste Ernest Mandel. Rapprochant l’esthétique et le politique, Jameson relève aussi une crise de l’historicité, mais également une crise de l’art dissout au sein du capitalisme159. Enfin, dans « Re : Post », Hal Foster envisage le post-moder-

nisme d’un point de vue strictement artistique, comme une révision du mo- dernisme tel que le défendaient Michael Fried et Clément Greenberg : « [e] n tant que tel, cela peut être moins une rupture avec le modernisme qu’une avancée dans une dialectique qui reforme le modernisme160 », écrit-il.

En raison de la fécondité des débats, le post-modernisme est un concept labile, qui s’est vu assigner des significations multiples. Les usages du préfixe post- sont confus, parfois même contradictoires, l’idée d’au-delà désignant tour à tour une rupture, un dépassement, une disparition, une relecture. Il se révèle alors maladroit de subsumer sous ce préfixe des réalités divergentes, ce qui concourt à une approximation scientifique et semble répéter le projet centralisateur du récit moderniste. « Penser en post- » reviendrait aussi à réfléchir comme les modernes, c’est-à-dire à envisager le temps et l’Histoire comme une succession de moments et donc dans un développement linéaire et unidirectionnel. Or, le dépassement du modernisme invalide précisément

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du « présent », pour laquelle nous semblons n’avoir pas d’autre nom que l’astuce aussi classique que controversée du préfixe « post » : postmodernisme, postcolonialisme, postféminisme […]. L’au-delà n’est ni un nouvel horizon ni une façon de laisser derrière soi le pas- sé… Le commencement et la fin peuvent être des mythes porteurs pour les années médianes ; mais, en cette fin de siècle, nous sommes dans ce moment de transit, où l’espace et le temps se croisent pour produire des figures complexes de différences et d’identité, de passé et de présent, d’intérieur et d’extérieur, d’inclusion et d’exclusion. Il y a en effet dans l’« au-delà » un sentiment de désorientation, une perturbation de la direction : un mouvement incessant d’exploration que saisit bien la langue française – ici et là-bas, de tous les côtés,

fort/da, çà et là, en avant et en arrière.162

Il s’agit donc ici de chercher de quels changements le préfixe post- est le symptôme dans le post-internet et la post-photographie.

a• L’art post-internet : porosité entre le web et le hors-web

L’expression post-internet a été employée par l’artiste Marisa Olson (1977-) dans une interview accordée en 2008 au site We Make Money Not

Art, pour désigner sa pratique :

Ce qui est encore plus intéressant, c’est la façon dont les gens com- mencent à faire de ce que j’ai appelé l’art «  Post-Internet  » dans mon propre travail (comme dans la série Monitor Tracing), […]. Je pense qu’il est important d’aborder les répercussions d’Internet sur la culture en général, ce qui peut se faire sur les réseaux, mais peut et doit également exister en mode hors connexion163.

Ainsi dans Monitor Tracing, l’artiste se joue de cette porosité en cher- chant dans le moteur Google Image des représentations de technologies an- ciennes qu’elle décalque analogiquement – avec un crayon sur du papier d’imprimante –, directement depuis l’écran de son ordinateur.

161 Lionel Ruffel, Brouhaha, op. cit., p. 136. 162 Cité dans Ibid., p. 129.

163 « What is even more interesting is the way in which people are starting to make what I’ve called “Post-Internet” art in my own work (such as my Monitor Tracings),[...]. I think it’s important to address the impacts of the Internet on culture at large, and this can be done well on networks but can and should also exist offline ». Marisa Olson dans Régine Debatty, « Interview with Marisa Olson », We

Make Money not Art, http://we-make-money-not-art.com/how_does_one_become_marisa, 28 mars 2008

La même année, le commissaire d’exposition Gene McHugh réalise un blog afin de théoriser le concept. Dans un billet du 29 décembre 2009, il énonce que :

L’art Post-Internet quitte le monde d’Internet. Il va vers le monde de l’art et mute pour correspondre aux conventions du monde de l’art. C’est l’art du monde de l’art au sujet d’Internet. Un objectif plus profond, cependant, est que, au fur et à mesure que l’œuvre passe des conventions d’Internet aux conventions de l’art, l’œuvre catalyse les conventions de l’art pour les transformer en celles d’Internet164.

Ainsi spécifié, l’art post-internet couvre les pratiques artistiques condi- tionnées par l’existence du web. Une telle définition s’avère peu circons- crite tant Internet a incorporé les strates de la vie quotidienne des indi- vidus et des artistes. Cette notion est à ce jour peu théorisée, considérée comme déjà obsolète par certains, jugée scientifiquement peu pertinente par d’autres, car elle désigne des tendances très diverses. Brian Droitcour, commissaire d’exposition américain se montre plus critique encore vis-à-vis des définitions apportées par Marisa Olson et Gene McHugh. Il explique sur son site Internet165, sous le titre pour le moins explicite « Why I Hate Post-

Internet », que les changements provoqués par Internet n’étant qu’ébauchés, le terme « post- » serait impropre, et il conviendrait de lui substituer celui de « proto- ». Dans son texte, l’auteur passe indistinctement de la sphère de la communication de masse à la sphère artistique. Or, chez les défenseurs du post-internet, Marisa Olson et Gene McHugh, l’usage du terme porte exclu- sivement sur l’art. Dans leurs prises de parole, la formule positionne surtout les créations artistiques des années 2010 vis-à-vis du net-art, qui se déve- loppe dans les années 1990-2000. Selon Jean-Paul Fourmentraux, chercheur