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Le terme medium se distingue par l’ampleur de son champ sémantique et son instabilité orthographique lors de sa traduction en français. Afin d’identifier ses significations, Pascal Krajewski, chercheur en arts et sciences de l’art, propose de discerner « trois territoires296 » d’usage du terme, que

nous reprenons dans l’ordre énoncé par le théoricien, de son emploi le plus ordinaire au plus ciblé : un « usage populaire », un « usage scientifique » et un « usage esthétique ». Si ce découpage tripartite est schématique et les contenus ainsi séparés loin d’être inconciliables, il permet d’organiser la diversité de la pensée sur la médialité.

Premièrement, dans son « usage populaire297 » dit l’auteur, le terme est

à rapprocher du médiatique et désigne les moyens d’information et de com- munication en direction du grand public, autrement dit les médias de masse. Il véhicule un message à un groupe. Il est toutefois, au sein de ce champ, polysémique puisqu’il pointe aussi bien le type de contenu (un article, une dépêche, un commentaire, etc.), qu’un appareil de transmission (un écran de télévision, une impression, un poste radio), ou l’institution chargée de la production de l’information (un groupe de presse, une chaîne...).

Deuxièmement, dans le sillon des Medienstudien et des Media Studies, le terme peut prendre une signification très large et désigner tout moyen, inter- médiaire, milieu, qui engendre une médiation, un échange, un déplacement. L’usage des reformulations successives démontre combien il est malaisé de définir le concept dans cette détermination. On peut retenir que le medium y est une interface entre un ou des sujets et une ou des choses.

296 Pascal Krajewski, « Qu’appelle-t-on un médium ? », Appareil, 2015, [En ligne], https://appareil. revues.org/2152 (consulté le 18 mai 2017).

Quant à la troisième acception déterminée par Pascal Krajewski, elle s’inscrit dans le contexte de l’esthétique et du découpage des disciplines artistiques, et désigne alors autant un support qu’une technique qui condi- tionnent l’existence d’une œuvre298. Le concept de medium artistique est une

découverte tardive au regard de l’histoire de l’art puisqu’il fallut attendre l’émergence de l’art moderne pour théoriser sous ce terme une recherche d’autonomie de l’art vis-à-vis du réel et des diverses pratiques entre elles dans le champ des arts plastiques. Les arts ont, en effet, d’abord été pensés sous l’angle d’une correspondance. Avec l’Ut pictura poesis, formule reprise d’un vers de L’Art poétique d’Horace, les rapports entre la peinture et la poé- sie ont été considérés en termes d’influences de la première sur la seconde. Puis, les auteurs de la Renaissance ont inversé le sens de la comparaison, l’Ut

pictura poesis consistant alors à définir la peinture en fonction de critères qui

sont ceux des arts poétiques. Néanmoins, il est possible d’identifier des pré- mices de l’entreprise de différenciation entre les arts dans le découpage an- cien entre les teckné à l’Antiquité, puis entre les arts libéraux et mécaniques au Moyen-Age. À la Renaissance, le Paragone a ensuite amplifié les discours théoriques sur l’art par la comparaison des mérites respectifs de la peinture et de la sculpture. Enfin, en 1766, Gotthold Ephraim Lessing s’est employé à discerner dans le Laocoon ou Des limites respectives de la peinture et de la poé-

sie299, la spécificité de la peinture comme art de l’espace, de la poésie comme

art du temps, en expliquant que la dissimilitude médiale entre l’image et le texte tenait dans leur régime propre de signes.

Afin de remédier à la confusion inhérente à un terme aussi labile, Yves Citton propose, dans son récent ouvrage intitulé Médiarchie, de définir le medium sans accent (au pluriel media) comme « tout ce qui sert à enregis-

trer, à transmettre et/ou à traiter de l’information, des discours, des images, des sons300 » et le média (au pluriel médias) comme « tout ce qui permet de

diffuser de l’information, des discours, des images ou des sons à un public301 ».

Dans notre thèse, nous suivrons ce modèle pour notre usage des termes tout en maintenant dans les citations et les titres d’ouvrage l’écriture choisie par les auteurs ou les traducteurs. Le medium (au pluriel media) désignera un moyen, une entité qui autorise une transmission, un intercesseur en général. Afin de gagner en clarté, nous joindrons au terme « medium » le qualificatif « artistique » pour désigner les moyens d’expression d’une œuvre, techni- quement et matériellement déterminés, tandis que nous aurons recours au

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délisant la connaissance et la perception des idées. La théorie des media va cependant être dynamisée par l’avènement des outils de communication de masse, déterminant une approche du medium qui privilégie les instruments techniques au détriment du langage parlé, sans se réduire à une perspective technologiste toutefois. C’est sur ces secondes analyses que nous nous pen- chons principalement.

Au début du XXe siècle, le resserrement de l’intérêt pour le medium

autour des technologies de la communication amène à ne plus envisager celui-ci dans un rapport avec l’individu isolé, mais avec les masses. La no- tion de « masse » détient l’idée d’une nature commune des êtres qui ouvre la voie à une vision égalitariste, si bien que de nombreuses théories des media sont élaborées depuis le cadre offert par la pensée marxiste. Dieter Mersch met ainsi en lumière une approche critique marxiste du medium, déployée notamment par Walter Benjamin et Bertolt Brecht dans les années 1930 puis par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer jusque dans les années 1960.

Walter Benjamin s’intéresse à l’image technique comme medium artis- tique et comme moyen de communication, et plus encore à l’articulation de ces deux dimensions. Avec la reproduction mécanique des œuvres d’art par le truchement de la photographie et du cinéma, et du fait de leur existence comme œuvres d’emblée multiple, Benjamin relève la fin de l’aura304, la

disparition du hic et nunc qui attachaient l’expérience de l’œuvre unique à un moment solennel inscrit dans un temps et un espace singuliers. L’œuvre est rendue accessible au plus grand nombre, elle est démocratiquement per- ceptible, surtout elle n’est plus « parasitée305» par la fonction de rite, elle

n’est plus regardée sous l’angle religieux du recueillement individuel, mais s’en autonomise par la fonction d’exposition qu’autorise la multiplicité des œuvres. Ne reposant plus sur le rituel, la fonction de l’art se fonde désor- mais sur le politique, explique Benjamin. Cependant, la dimension cultuelle de l’expérience n’est pas définitivement écartée, elle demeure au contraire,

302 Cette distinction ne vise cependant pas à introduire un clivage entre une réflexion sur les médias de masse et une réflexion sur le medium en général. Lire au sujet de cette opposition Jan Baetens, « Le Médium n’est pas soluble dans les médias de masse », Hermès, n°70, décembre 2014, p. 40-45. Au contraire le lecteur verra par la suite que nous avons pris soin de connecter les deux.

303 Dieter Mersch, Théorie des médias : Une introduction, op. cit.

304 Walter Benjamin, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée », art. cit.

305 Selon Benjamin, « la reproduction mécanisée, pour la première fois dans l’histoire universelle, émancipe l’œuvre d’art de son existence parasitaire dans le rituel ». Ibid., p. 185.

sous une forme reconfigurée en ne portant plus sur l’œuvre, mais sur ce que montre celle-ci. Émergent en effet le culte de la vedette et le culte de l’homme politique, contre lequel Benjamin, témoin de la montée du na- zisme, met en garde.

Benjamin, comme Brecht avec la radio, manifeste un espoir d’émanci- pation des peuples grâce aux moyens de communication et d’information. Il émet toutefois une réserve quant au risque de manipulation des foules, qui est radicalisée par Theodor W. Adorno et Max Horkheimer à travers le concept d’« industrie culturelle » employé dès 1947 dans La Dialectique de la raison et repris par Adorno seul, en 1964, dans l’article « L’Industrie culturelle ». En forgeant cette expression, il s’agit pour l’auteur de désigner la production industrielle des biens culturels résultant du prodigieux développement des médias de masse – cinéma, presse, radio, télévision, publicité, disque – et de livrer un réquisitoire contre la standardisation et la marchandisation de la culture, et l’aliénation des masses que ces dernières provoquent :

La praxis entière de l’industrie culturelle applique carrément la mo- tivation du profit aux produits autonomes de l’esprit. […] La culture qui d’après son propre sens non seulement obéissait aux hommes, mais toujours aussi protestait contre la condition sclérosée dans la- quelle ils vivent et par là leur faisait honneur, cette culture, par son assimilation totale aux hommes, se trouve intégrée à cette condition sclérosée ; ainsi elle avilit les hommes encore une fois. Les produc- tions de l’esprit dans le style de l’industrie culturelle ne sont plus aussi des marchandises, mais le sont intégralement306.

Le projet d’émancipation des Lumières semble définitivement condamné par l’appareillage médiatique, car selon Adorno :

L’effet d’ensemble de l’industrie culturelle est celui d’une anti -démystification, celui d’une anti-Aufklarung ; dans l’industrie culturelle, comme Horkheimer et moi l’avons dit, la démystifica- tion, l’Aufklârung, à savoir la domination technique progressive se mue en tromperie des masses, c’est-à-dire en moyen de garrotter la conscience. Elle empêche la formation d’individus autonomes, in- dépendants, capables de juger et de se décider consciemment. Mais ceux-ci sont la condition préalable d’une société démocratique qui ne saurait se sauvegarder et s’épanouir qu’à travers des hommes hors de tutelle307.

Seul l’art conserve, selon le représentant de l’école de Francfort, les moyens de s’opposer à cette industrie culturelle qui condamne toute velléité émancipatrice.

La théorie marxiste des media s’est donc essentiellement attachée à éla- borer une déconstruction des media en tant que médias, c’est-à-dire comme moyens de communication et d’information constitutifs d’une sphère pu- blique. La critique qu’elle porte aux médias de masse comme vecteurs

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théorie des médias qui dépasse la sphère de la communication et de l’infor- mation, bien que cette dernière y occupe une place notable. L’économiste politique Harold Innis, précurseur de cette pensée sur le continent améri- cain, propose une histoire du développement des médias en lien avec le façonnage et l’évolution des cultures et des régimes de pouvoir. Entre autres, dès 1951 dans The Bias of Communication, Innis distingue les médias basés sur le temps des médias basé sur l’espace :

Un moyen de communication a un impact majeur sur la réparti- tion du savoir dans le temps et l’espace et il est nécessaire de se pencher sur ses caractéristiques pour pouvoir juger correctement de son influence sur l’échiquier culturel du moment. En fonction de ses propriétés, un tel médium peut s’avérer mieux adapté à la propaga- tion temporelle du savoir qu’à sa propagation spatiale, en particu- lier s’il est lourd, durable et difficilement transportable, tout comme inversement, s’il est léger ou facile à transporter, mieux convenir à une propagation spatiale que temporelle. Cette emphase relative sur l’espace ou le temps implique une orientation [bias] décisive de la culture dans laquelle il est intégré311.

D’après le théoricien, les médias basés sur le temps favorisent la stabili- té, la tradition et la religion, tandis que les seconds, établis sur l’espace, au- torisent des changements rapides, des déplacements plus aisés et par consé- quent l’extension impérialiste312. L’auteur établit ainsi l’existence de « biais »

médiatiques c’est-à-dire la propension des médias à participer à configurer les sociétés.

308 Ce découpage est explicité dans Le Partage du sensible de Jacques Rancière, qui discerne des monopoles et des « incomptés » dans le champ esthétique et politique par un système de confiscation. W.J.T Mitchell, dans Que veulent les images ?, met fin à une division analogue en énonçant ironiquement la phrase : « Les sauvages, les enfants, les masses illettrées sont peut-être des moutons que les images induisent en erreur, mais nous autres modernes sommes au-dessus de tout cela ». W.J.T. Mitchell, Que

veulent les images ?, op. cit., p. 45.

309 Bertolt Brecht cité dans Dieter Mersch, Théorie des médias : Une introduction, op. cit., p. 78. 310 Si l’École de Francfort renvoie à un groupe d’intellectuels allemands, comme Benjamin, Adorno, Horkheimer, réunis autour de l’Institut de Recherche Sociale de Francfort fondé en 1923, le terme d’École Canadienne n’est pas rigoureusement juste. Il désigne, plutôt qu’une école de pensée effective, un groupe de chercheurs de disciplines académiques diverses. Il permet toutefois de désigner un ensemble de théoriciens parmi lesquels Eric Havelock et Edmund Carpenter, rassemblés par leur intérêt pour les sciences médiales et dont Marshall McLuhan constitue l’instigateur principal.

311 Harold A. Innis cité dans Dieter Mersch, Théorie des médias : Une introduction, op. cit., p. 101. 312 On peut rapidement rappeler le rôle de la photographie au sein de la colonisation comme moyen d’exhibition de l’exotisme, comme vecteur de célébration de l’entreprise coloniale, mais aussi comme outil de contrôle dans le cadre du recensement des populations.

Lecteur et collègue d’Innis à l’Université de Toronto, Marshall McLuhan poursuit les travaux de celui-ci sur la médialité. Il propose d’approcher le concept sous l’angle de la prothèse puisque, dit-il, « tous les médias sont des extensions d’une faculté humaine – psychique ou phy- sique313 ». « La roue est une extension du pied314 », « le

livre est une extension de l’œil315», « le vêtement, une

extension de la peau316 », « un circuit électrique une exten-

sion du système nerveux central317 ». Dans The Medium is

the massage, les énoncées de McLuhan sont reformulés et

étayés par une hybridation de media visuels et linguis- tiques, mise en œuvre par le designer graphique Quentin Fiore et l’éditeur Jerome Agel, véritables coauteurs du livre. L’édition démontre que le medium est tout autant son contenu que les mécanismes qu’il met en œuvre, idée qui culmine dans la désormais célèbre formule « le message c’est le medium » :

En effet, le « message » d’un médium ou d’une technologie, c’est le changement d’échelle, de rythme ou de modèles qu’il provoque dans les affaires humaines. Le chemin de fer n’a pas apporté le mouve- ment, le transport, la roue, ni la route aux hommes, mais il a accé- léré et amplifié l’échelle des fonctions humaines existantes, créé de nouvelles formes de villes et de nouveaux modes de travail et de loisir. Et cela s’est produit partout où le chemin de fer a existé, que ce soit dans un milieu tropical ou polaire, indifféremment des mar- chandises qu’il transportait, c’est-à-dire indifféremment du contenu du médium « chemin de fer ». L’avion, lui, en accélérant le rythme du transport tend à dissoudre la forme « ferroviaire » de la ville, de la politique et de la société, et ce, indifféremment de l’usage qui en est fait318.

L’influence d’Innis est particulièrement présente à travers l’évocation des transports et de l’impact des médias sur l’expérience humaine. En outre, le medium relève du « massage319 » comme en témoigne l’anecdote du titre

accidentellement donné à l’ouvrage de McLuhan. Le fils du théoricien ra- conte en effet que la formule provient d’une coquille du typographe qui plaça un « a » plutôt qu’un « e », heureuse erreur que l’auteur, épris de bons mots, souhaita conserver320. Le message devint « Mass Age », autrement dit

313 « All media are extensions of some human faculty – psychic or physical ». Marshall McLuhan et Quentin Fiore, The Medium is the Massage: An Inventory of Effects [1967], San Francisco, Hardwire, 1996, p. 26 [traduction personnelle].

314 « The wheel is an extension of the foot ». Ibid., p. 27-33 [traduction personnelle]. 315 « the book is an extension of the eye ». Ibid., p. 34-37 [traduction personnelle].

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The Medium is the

Massage: An In ven tory of Ef fec ts [1967], San F rancisc o, Har dwir e, 1996, p .34-37

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« les informations sont stockées dans des codes, le mot “code” signifiant des systèmes organisés de symboles322 », écrit-il. Évoquant László Moholy-Nagy

(1895-1946) à propos de la photographie323 et la reprise du propos de ce-

lui-ci par Walter Benjamin324, il ajoute « [q]quiconque ne sait pas lire ces co-

des est au moins aussi radicalement analphabète que l’étaient jadis ceux qui n’avaient pas la maîtrise de l’écrit325 ». L’auteur déplore qu’« [u]ne élite dont

la tendance à l’hermétisme ne cesse de s’accentuer développe des modèles de connaissance, d’expérience vécue et de comportement, à l’aide d’“intel- ligence artificielle” qu’elle programme elle-même, et la société se règle sur ces modèles qu’elle peut suivre, mais non déchiffrer. Comme ces modèles lui sont opaques (des “boîtes noires”), elle n’a pas complètement conscience d’être manipulée326. » Si la réflexion de Flusser à cet endroit porte sur les or-

dinateurs, elle peut s’étendre à la médialité en général et à la photographie en particulier, au sujet de laquelle il emploie aussi le terme black box327.

Outre une pensée globale sur les médias, le théoricien s’est en effet particu- lièrement attaché à développer, selon ses propres mots, « une philosophie de la photographie ». Dans l’ouvrage qu’il y consacre, il avance que l’image technique induit une rupture fondamentale dans la culture humaine. Alors que la civilisation était dominée par l’écriture, c’est-à-dire un système codé linéairement qui conduisait à une perception historique d’un monde orien- té par le progrès, l’image appareillée ne génère pas un code linéaire, mais « une surface signifiante328 » qui épuise la perception ordonnée du monde.

Surtout, une machine se glisse dans la production de ce code : un appareil

321 Nous pensons ici au texte Nous n’avons plus la foi écrit en 1978, dans lequel l’auteur relève l’existence d’informations sous la forme de données chiffrées qui se substituent au langage parlé. 322 Vilém Flusser, La Civilisation des médias, op. cit., p. 19.

323 « L’enthousiasme fanatique avec lequel on la pratique actuellement dans tous les milieux indique que l’analphabète du futur sera le novice en matière de photographie ». László Moholy- Nagy, « Discussion autour de l’article d’Ernst Kállai : “peinture et photographie” » [1927], Peinture,

photographie, film, et autres écrits sur la photographie, traduit par Catherine Wermester, Jean Kempf et

Gérard Dallez, Paris, Gallimard, 2007, p. 159.

324 « L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, a-t-on dit, mais celui qui ignore la photographie. Mais ne vaut-il pas moins encore qu’un analphabète, le photographe qui ne saurait pas lire ses propres épreuves ? ». Walter Benjamin, « Petite histoire de la photographie », art. cit.

325 Vilém Flusser, La Civilisation des médias, op. cit., p. 40. 326 Ibid., p. 41.

327 Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie, op. cit., p. 20. 328 Ibid., p. 9.

photographique. L’apport de Flusser consiste à affirmer que l’appareil n’est pas au service du photographe et qu’au contraire il possède des programmes imposant des usages à l’opérateur :

Le flux de la signification semble entrer dans le complexe appa- reil-opérateur par un côté (input) pour en ressortir de l’autre (out- put) – l’écoulement lui-même, ce qui se passe à l’intérieur du com- plexe, demeurant caché. On a donc affaire ici à une « black box ». Le codage des images techniques a lieu à l’intérieur de cette black box ; par conséquent, toute critique des images techniques doit s’attacher à élucider leur intérieur. Tant que nous ne disposerons pas d’une cri- tique de ce genre, nous demeurerons, pour ce qui touche aux images techniques, des analphabètes329.

Le philosophe évoque cependant la possibilité de lutter contre les pro- grammes des appareils, d’ouvrir la black box par l’activité artistique, nous y reviendrons.

Il convient enfin de rappeler les travaux du théoricien allemand Friedrich Kittler qui fournit, dans les années 1980, une définition matérialiste du me-