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Avec l’insuline, les IGF partagent un système complexe de récepteurs hétérotétramériques et de molécules de signalisation [161, 162] (Figure 6). Les actions biologiques des IGF sont majoritairement médiées par le récepteur IGF-IR. Ce dernier est constitué de deux sous-unités α extracellulaires contenant un domaine riche en cystéines impliqué dans la liaison des IGF et deux sous-unités β contenant un domaine tyrosine kinase nécessaire à la signalisation intracellulaire [163]. IGF-IR est hautement similaire au récepteur de l’insuline, et ce tant au niveau de sa structure que de sa fonction [163]. Ces deux récepteurs partagent en effet une homologie de 45-65 % de leur domaine de liaison au ligand et de 60-85% de leur domaine intracellulaire tyrosine kinase [164, 165]. La distribution du récepteur de l’insuline et d’IGF-IR varie énormément selon le type

cellulaire. Les hépatocytes et adipocytes matures possèdent un nombre élevé de récepteurs à l’insuline alors qu’IGF-IR est presque absent. À l’inverse, d’autres types cellulaires comme les cellules musculaires lisses vasculaires expriment IGF-IR abondamment et expriment très peu de récepteurs de l’insuline [81].

L’insuline et IGF-I lient leur propre récepteur avec une forte affinité, mais ces récepteurs peuvent aussi interchanger leur ligand; cette liaison se fait toutefois avec une affinité moindre. La similarité de ces deux types de récepteurs permet la formation de récepteurs hybrides composés d’un dimère du récepteur à l’insuline et d’un dimère provenant du récepteur IGF-IR [166]. Ces récepteurs hétérotétramériques peuvent lier tant l’insuline que les IGF avec une forte affinité [167]. IGF-II peut lui aussi avoir des effets similaires à ceux de l’insuline via le récepteur à l’insuline et IGF-IR, toutefois IGF-II a une affinité forte pour un autre type de récepteur : l’IGF-II récepteur (IGF-IIR) [168] qui est identique au récepteur de mannose-6 phosphate (M6PR) [169]. Le rôle de IGF-IIR/M6PR est bien décrit dans la prise en charge des lysosomes, mais son rôle physiologique demeure incertain [169]. Considérant qu’aucune signalisation intracellulaire n’est associée à IGF- IIR, il a été suggéré que ce dernier agirait en tant que puits servant à diminuer les niveaux sanguins d’IGF-II et pourrait donc agir en tant que suppresseur de tumeur [170].

Figure 6. Représentation schématique des récepteurs d’IGF-I et IGF-II.

Légende : L’insuline possède la capacité de se lier au récepteur de l’insuline et aux récepteurs hétérotétramériques tandis

qu’IGF-I et IGF-II peuvent lier IGF-IR et potentiellement le récepteur de l’insuline. IGF-II se lie spécifiquement à IGF- IIR qui ne possède aucune signalisation intracellulaire. Abréviations: IR : Récepteur de l’insuline, IGF-I : Insulin-like growth factor 1 receptor, IGF-2R : Insulin-like growth factor receptor 2. IGF-I: Insulin-like growth factor 1, IGF-II: Insulin-like growth factor II.

2.2.1 Voie de signalisation

La majorité des travaux cliniques et expérimentaux menés au début du 20e siècle ont

suggéré une division des tâches entre l’insuline et les IGF. Cette compartimentalisation des fonctions a mis les bases d'une hypothèse attribuant les fonctions métaboliques au récepteur de l’insuline, et prolifératives à IGF-IR. Toutefois, les recherches menées dans les dernières décennies ont pu démontrer qu’il s’agissait là d’une sur-simplification [171, 172]. En effet, il existe de nombreuses similitudes dans la signalisation intracellulaire découlant de l’activation du récepteur de l’insuline et d’IGF-IR.

Une fois activé par son ligand, IGF-IR est auto-phosphorylé, entrainant ainsi sa dimérisation et la phosphorylation du substrat cytosolique proximal homologue au collagène (SHC) (Figure 7). Ces évènements induisent la phosphorylation subséquente des

substrats d’IGF-IR , les substrats du récepteur à l’insuline (IRS)-1 et 2, ce qui permet l’exposition d’un site d’ancrage pour le domaine homologue de Src 2 (SH2) de la protéine 2 liant le récepteur des facteurs de croissance (Grb2) [173]. Suite à cette phosphorylation, un complexe ternaire composé de SHC, Grb2 et du facteur d’échange de guanylnucléotides SOS est formé. L’échange de guanosine diphosphate (GDP) pour du guanosine triphosphate (GTP) au niveau de la protéine sarcome de rat (Ras) induit l’activation de la cascade de signalisation des protéines kinases activées par la mitogenèse (MAPK) qui favorise la survie cellulaire, la croissance et la prolifération [173].

Simultanément, la liaison de la sous-unité régulatrice p85 de la PI3K à la forme phosphorylée des IRS active les fonctions catalytiques de la PI3K. Cette dernière phosphoryle le phosphatidylinositol (4,5)-bisphosphate (PIP2) en phosphatidylinositol (3,4,5)-trisphosphate (PIP3) [173]. Une fois produit, le PIP3 entraîne l’activation de kinase dépendante du 3-phosphoinositide (PDK1) qui à son tour stimule la kinase effectrice protéine kinase B (Akt) [174]. Cette phosphorylation d’Akt converge en une inhibition des signaux pro-apoptotiques de la protéine associée à Bcl-2 induisant l’apoptose (BAD) et de la caspase 9 favorisant ainsi la survie cellulaire. L’activation d’Akt mène aussi à l’inhibition du complexe tubérine/hamartine (TSC)1/TSC2 ce qui résulte en l’activation de mTORC1 [175], un évènement qui favorise la synthèse protéique, la croissance et le métabolisme énergétique [173].

En vaste majorité, les effecteurs de ces voies de signalisation sont partagés à la fois par le récepteur de l’insuline et IGF-IR. Pourtant, comment deux récepteurs partageant une signalisation commune peuvent-ils exercer des effets différents du point de vue cellulaire? Plusieurs mécanismes ont été postulés pour expliquer ce paradoxe : 1) expression tissulaire différente d’IGF-IR et du récepteur à l’insuline [176], 2) différente cinétique d’internalisation [177], 3) différences dans la localisation des effecteurs intracellulaires [177], 4) différences dans l’affinité des substrats [178] et 5) temps de liaison du substrat au récepteur [179]. De surcroit, certains substrats et médiateurs de signalisation activés de façon préférentielle par l’insuline ou IGF-I ont été identifiés. Par exemple, la protéine phosphorylée de 120kDa (pp120) [180] s’associe sélectivement avec le récepteur de

l’insuline. Les actions différentielles de ces substrats pourraient donc aussi expliquer la spécificité des récepteurs.

Figure 7. Représentation schématique simplifiée de la voie de signalisation en aval du récepteur IGF-IR. Adapté de Zha et al. [181]

Légende : L’activation d’IGF-IR par son ligand conduit à sa dimérisation et au recrutement de protéines adaptatrices qui

initient des cascades de phosphorylation culminant en l’activation d’ERK, de mTOR et d’Akt. Ces kinases effectrices vont à leur tour influencer la prolifération cellulaire, la synthèse protéique, la croissance, la survie cellulaire et favoriser le métabolisme du glucose. Abréviations : IGFBP : Insulin-like growth factor binding protein, IGF-I : Insulin-like growth factor I, IGF-IR : Insulin-like growth factor I receptor , Shc : Src homology 2 domain containing, RAS : Rat sarcoma , RAF : zinc fingers and homeoboxes 2, MEK : mitogen-activated protein kinase, ERK :mitogen-activated protein kinase 1, IRS : Insulin receptor substrate , PI3K : phosphatidylinositol-4,5-bisphosphate 3-kinase, PIP2: Phosphatidylinositol (3,4,5)-diphosphate, PIP3: Phosphatidylinositol (3,4,5)-triphosphate, PDK1: 3'-phosphoinositide-dependent protein kinase 1, Akt: protein kinase B, TSC: Tuberous sclerosis, mTOR: mechanistic target of rapamycin, S6K1: ribosomal protein S6 kinase, 4EB-P1: eukaryotic translation initiation factor 4E binding protein 1, GSK-3β : glycogen synthase kinase 3 beta, p27 : cyclin-dependent kinase inhibitor 1B, FOXO : forkhead box, sub-group O, BAD : BCL2-associated agonist of cell death, BCL-2 : B-cell CLL/lymphoma 2.

Malgré leurs nombreuses similarités structurelles et mécanistiques, les IGF se distinguent de l’insuline par leur liaison en circulation et en périphérie avec des protéines de liaison de haute affinité ou protéines de liaison aux IGF (IGFBP). En modulant la

distribution tissulaire des IGF et leur accès à leurs récepteurs cellulaires, les IGFBP ajoutent une complexité considérable à la régulation de la biodisponibilité des IGF ainsi qu’à leur signalisation.