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2.1 Les facteurs de croissance analogues à l’insuline 19 

2.1.1 IGF-I 20 

IGF-I (aussi appelée la somatomedine C) est une protéine de 7 kDa qui est exprimée de façon ubiquitaire. Elle est produite de façon endocrine par le foie et de façon autocrine/paracrine par les autres organes [89]. Les transcrits produits par le gène IGF-I sont soumis à de nombreux évènements d’épissage alternatif. En effet, celui-ci donne naissance à différents pré-pro-IGF qui possèdent des peptides signaux variables. Toutefois, après conversion, toutes les isoformes convergent en la formation d’une seule et même protéine de 70 acides aminés [90]. La forme mature d’IGF-I est conservée chez différentes espèces et contient 4 domaines, nommés pour leur similarité à ceux de l’insuline B-C-AD [91]; le domaine B étant responsable de la liaison aux récepteurs des IGF [92]. Chez l’homme, les niveaux d’IGF-I plafonnent lors de la puberté et diminuent de 2.5 fois de 20 et 30 ans. Une diminution de 2 fois se produit aussi entre 30 et 80 ans [93].

2.1.1.1 Régulation d’IGF-I

Les besoin évolutifs ayant mené à l’apparition d’IGF-I ont, sans surprise, mis l’expression de ce gène sous le contrôle des nutriments. L’expression d’IGF-I est régulée tant par l’apport calorique que par celui en protéines [94]. Les effets de l’apport calorique sont tels qu’une diminution de 50% de ce dernier entraîne une forte diminution de la sécrétion d’IGF-I. Les effets des protéines sont plus graduels; il a été estimé qu’une diminution de 25% de l’apport protéique entraîne une diminution équivalente des niveaux d’IGF-I [95]. Cette diminution des niveaux circulants d’IGF-I par l’apport calorique et protéique s’accompagne d’une diminution de la synthèse d’IGF-I au foie [96]. Les niveaux d’IGF-I peuvent aussi être régulés indirectement par la modification de l’apport en glucides. Ces effets sont concomitants aux changements dans la sécrétion d’insuline puisque l’insuline contrôle elle aussi l’expression d’IGF-I. Ce principe s’illustre bien chez les diabétiques de type I non traités chez qui une injection d’insuline entraîne une hausse substantielle des niveaux plasmatique d’IGF-I [97]. Chez les modèles animaux, il a aussi été démontré qu’une inhibition des actions de l’insuline au foie entraîne une diminution des niveaux plasmatiques d’IGF-I. L’apport en glucides agit donc non seulement en

augmentant la quantité d’énergie disponible résultant en une augmentation de la synthèse d’IGF-I, mais en régulant IGF-I au niveau transcriptionnel via un effet direct par l’insuline [98].

La GH est un second régulateur fort des niveaux d’IGF-I. Toutefois pour que le foie réponde à celle-ci en synthétisant des niveaux normaux d’IGF-I, l’état de nutrition doit être adéquat [81]. Ceci s’illustre chez les animaux déficients en GH chez qui l’administration de cette dernière entraîne une augmentation accrue de la transcription d’IGF-I au foie qui est associée avec une augmentation parallèle des niveaux circulants [99]. Cette augmentation rapide des niveaux d’IGF-I assure une boucle de rétrocontrôle négative sur l’hypophyse en augmentant l’expression de la GH, maintenant ainsi l’homéostasie [99].

D’autres hormones participent au contrôle d’IGF-I et comrennent : les glucocorticoïdes qui antagonisent les actions d’IGF-I et donc mènent à la diminution de ses niveaux plasmatiques, et les hormones thyroïdiennes qui sont nécessaires pour la synthèse d’IGF-I. L’œstrogène empêche quant à elle la stimulation de la production hépatique d’IGF-I par la GH [81]. Toutes ces hormones fonctionnent de façon coordonnée avec les modifications de l’apport en nutriments de façon à moduler la capacité d’IGF-I à influencer la croissance et le métabolisme.

2.1.1.2 Activités physiologiques d’IGF-I

2.1.1.2.1 Croissance et développement

IGF-I est une hormone de croissance anabolique possédant un rôle essentiel dans la prolifération cellulaire et la croissance [100, 101]. IGF-I joue un rôle prédominant lors de la croissance post-natale qui s’illustre bien par le retard de croissance important chez les animaux déficients en IGF-I [102, 103]. Néanmoins, ce dernier semble aussi jouer un rôle crucial dans la croissance fœtale. En effet, les animaux invalidés pour IGF-I démontrent un retard de croissance débutant au jour embryonnaire 13,5 [104] ainsi qu’une atrophie musculaire associée à une diminution de la viabilité périnatale [102, 103]. Ces observations

vont de pair avec le fait qu’IGF-I est nécessaire pour la prolifération cellulaire. Par conséquent, dans les fibroblastes de souris, IGF-I est requis pour passer de la phase Gap1 (G1) du cycle cellulaire à celle de la réplication d’ADN (phase S) [105, 106]. Un nombre

important de types cellulaires démontrent une réponse mitogénique suite à un traitement d’IGF-I comme les ostéoblastes, les myocytes, les cellules épithéliales et les chondrocytes. Ceci illustre bien pourquoi le temps de division cellulaire est doublé chez les fibroblastes embryonnaires dérivés de souris invalidés pour IGF-IR [107].

2.1.1.2.2 Effets métaboliques d’IGF-I

Bien qu’IGF-I soit classiquement considéré comme un facteur de croissance, il n’en demeure pas moins qu’il exerce des fonctions métaboliques importantes (Figure 5). Le rôle métabolique d’IGF-I s’articule principalement autour de la signalisation informant les cellules de la disponibilité des nutriments, évitant ainsi l’apoptose et favorisant la synthèse protéique et la division [81]. Même dans les types cellulaires cytostatiques comme les neurones, IGF-I fournit des signaux entraînant des changements du métabolisme cellulaire [81]. L’activation du récepteur ubiquitaire IGF-IR par IGF-I permet de coordonner le métabolisme des protéines, des glucides et du gras au sein de plusieurs types cellulaires. De façon importante, chacun de ces processus est modulé conjointement avec l’insuline et la GH.

Synthèse protéique

Tant in vitro qu’in vivo, IGF-I est un régulateur fort de la synthèse protéique. Cette réponse est modulée par l’activation de la cible mécanistique de la rapamycine (mTOR) via la voie de la phosphoinositide 3-kinase (PI3K). Dans le muscle squelettique, IGF-I stimule le transport des acides aminés et la synthèse protéique, mais inhibe le catabolisme des protéines [108], et ce tant en conditions normales qu’en situation d’apport protéique réduit. Lorsqu’IGF-I est administré à des volontaires sains, on observe une augmentation de la synthèse protéique, mais sans stimulation catabolique : ainsi peu d’effets sur la protéolyse sont observés [109]. De façon intéressante, l’administration de doses élevées d’IGF-I à des sujets ayant une mutation du récepteur de la GH induit la synthèse protéique [110]. Dans le

muscle, l’insuline peut inhiber la protéolyse à de très faibles concentrations, mais les concentrations requises pour stimuler la synthèse protéique sont beaucoup plus élevées [81]. Il serait donc raisonnable de conclure qu’IGF-I est le principal facteur responsable de l’anabolisme protéique dans le muscle suite à l’ingestion d’un repas.

Métabolisme des lipides

Bien que les adipocytes matures n’expriment pas IGF-IR, les préadipocytes expriment abondamment ce récepteur dont la liaison à IGF-I stimule la différentiation [111]. Une fois différentiés, leur expression d’IGF-IR diminue au profit du récepteur à l’insuline. Conséquemment, dans les dépôts adipeux, IGF-I ne possède pas la capacité d’initier des changements dans la synthèse des lipides ou la lipolyse. Dans le muscle, IGF-I est un stimulant fort du captage des acides gras libres et de l’oxydation. Une invalidation d’IGF-IR spécifique au muscle squelettique chez la souris entraîne l’apparition du diabète associée à l’incapacité d’IGF-I à stimuler le transport des acides gras libres [112]. Ces résultats sont d’ailleurs appuyés par l’observation que l'expression du transporteur d’acide gras CD36 rétablit ce phénotype [113]. Ceci amène la conclusion que ce sont les effets d’IGF-I sur le transport et l’oxydation des acides gras libres dans le muscle squelettique qui sont responsables de cette réponse et que l’inhibition de ce mécanisme entraîne la résistance à l’insuline.

Métabolisme du glucose

L’impact d’IGF-I sur le métabolisme du glucose s’appuie principalement sur la notion qu’IGF-I a la capacité de moduler les actions de l’insuline et de la GH. IGF-I réduit les niveaux plasmatiques de la GH et diminue par le fait même l’action directe de cette dernière sur la stimulation de la néoglucogenèse hépatique. Simultanément, IGF-I augmente le captage des acides gras par le muscle et favorise les actions hépatiques de l’insuline [114]. A très fortes concentrations, IGF-I peut stimuler le transport du glucose dans le muscle squelettique via IGF-IR ou les récepteurs hybrides insuline/IGF-I R [115, 116] et supprimer la néoglucogenèse rénale chez la souris [117]. Ces observations ont été

confirmées in vivo, car l’administration d’IGF-I chez les souris invalidées pour le récepteur à l’insuline stimule le transport du glucose [118]. À l’inverse, chez les souris ayant une diminution de 80% des niveaux circulants d’IGF-I, on observe une intolérance au glucose [119]. Il est toutefois difficile de déterminer si ces effets sont une conséquence directe de la diminution d’IGF-I ou un effet indirect associé aux niveaux élevés de GH dans ce modèle. Par conséquent, les mécanismes associés à la réduction des niveaux de glucose par IGF-I demeurent incertains. Il pourrait s’agir d’un effet direct d’IGF-I sur le transport du glucose, de l’amélioration du métabolisme des acides gras libres dans le muscle, de la suppression de la GH ou une combinaison de tous ces facteurs.

Figure 5. Représentation des effets métaboliques d’IGF-I dans différents organes cibles. Légende : Les niveaux d’IGF-I circulants exercent des effets métaboliques sur différents organes. Au foie, IGF-I stimule

le transport des acides aminés, la synthèse protéique, le transport du glucose ainsi que le transport et l’oxydation des acides gras. IGF-I n’a que peu d’effets métaboliques dans les adipocytes, où il favorise par contre la différentiation des pré-adipocytes. Au foie et au rein, IGF-I participe à l’inhibition de la néoglucogenèse. Abréviation : IGF-I : Insulin-like growth factor-I.

2.1.1.3 Dysrégulations d’IGF-I dans un contexte de maladies métaboliques IGF-I semble être lié à la prévalence de la résistance à l’insuline et du syndrome métabolique [120] puisque ses niveaux sont inversement associés au risque de maladie

cardiovasculaire [120, 121]. De faibles niveaux d’IGF-I sont aussi associés avec une diminution de la sensibilité à l’insuline et avec un risque accru de développer le diabète de type 2 [122]. Ces observations, qui suggèrent un lien entre IGF-I et la sensibilité à l’insuline, ont été confirmées par des méta-analyses génétiques qui démontrent une association du locus d’IGF-I avec les niveaux d’insuline à jeun [123, 124]. Le rôle charnière d’IGF-I dans la sensibilité à l’insuline a été étayé par le modèle d’invalidation hépatique d’IGF-I chez la souris, dont la résistance à l’insuline peut être renversée par un traitement d’IGF-I recombinant [119]. Considérant les liens forts unissant IGF-I, la résistance à l’insuline et le risque cardiovasculaire, il est sans surprise que les niveaux circulants d’IGF-I soient aussi associés à l’adiposité viscérale [125]. Chez les patients démontrant une accumulation de graisse viscérale, un traitement à la GH affecte positivement la composition corporelle et l’homéostasie du glucose, suggérant un potentiel thérapeutique pour cette dernière [125, 126]. Malgré ces nombreuses observations rapprochant les facteurs de risques cardiométaboliques et IGF-I, les mécanismes liant les niveaux faibles de cette protéine et le syndrome métabolique demeurent élusifs. Il est intéressant de remarquer qu’un traitement d’IGF-I induit une diminution de la masse grasse chez les patients déficients en GH [127]. Parallèlement, des niveaux élevés d’IGF-I sont observés chez les patients obèses. Ceci peut suggérer que l’augmentation d’IGF-I observée en condition d’obésité pourrait être un mécanisme protecteur, mais qu’une résistance à IGF-I pourrait également se développer [128].