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Les protéines de liaison aux facteurs analogues à l’insuline (IGFBP) 34 

2.3.1 Introduction

Initialement perçus comme des réservoirs passifs d’IGF en circulation, les IGFBP sont aujourd’hui reconnus pour jouer un rôle favorisant la croissance et la survie cellulaire dans les compartiments péricellulaire et intracellulaire, et ce de façon dépendante et indépendante des IGF. Les différents gènes codants pour les IGFBP ont été largement décrits chez les poissons, les oiseaux et les mammifères [182, 183]. Un examen détaillé des gènes de la famille des IGFBP chez l’humain a révélé des liens forts les unissant aux gènes de la famille des homeobox (Hox) qui encodent des facteurs de transcription [184, 185]. Ces deux familles de gènes co-localisent dans quatre régions chromosomiques différentes, suggérant que ce groupe de gènes pourrait découler de la duplication d’une région chromosomique ancestrale commune [184, 185].

Le nombre d’IGFBP varie entre les différentes espèces, mais chez les mammifères, six protéines encodées par les gènes IGFBP1-IGFBP6 ont été classées dans une superfamille qui inclut aussi d’autres protéines régulant la croissance dont MAC25 et les facteurs de croissance des tissus connectifs riches en cystéine et exprimés dans le néphrobastome (CCN) [186]. Bien que certains aient aussi attribué à MAC25 le nom d’IGFBP-7 et que trois autres protéines apparentées aux IGFBP (IGFBP-rP) sont quelques fois encore identifiées comme IGFBP-8, IGFBP-9 et IGFBP-10, il existe un consensus basé sur l’homologie des structures qui identifie IGFBP-1-IGFBP-6 comme étant les seuls IGFBP [187].

2.3.2 Structure

Les gènes des IGFBP possèdent une organisation structurelle similaire comprenant 4 exons conservés, à l’exception d’IGFBP-3 qui possède un 5e exon non transcrit en région

3’ [188]. De façon intéressante, l’exon 1 des gènes de la famille des IGFBP est partagé par plusieurs autres gènes codant pour un ensemble de protéines reliées aux IGFBP [185]. Ceci a donc amené la proposition que les IGFBP appartiendraient à une plus grande superfamille de protéines riches en cystéines [188]. Les IGFBP partagent une structure conservée qui comprend trois domaines de tailles similaires: les domaines amino (N) et carboxy (C)- terminal sont hautement conservés, tandis que le domaine central est variable et diffère entre tous les membres de la famille [189, 190].

Les domaines N et C-terminal contiennent respectivement 6 et 12 résidus cystéines, à l’exception d’IGFBP-6 chez qui on retrouve 10 résidus en N-terminal [188]. Les acides aminés importants pour la liaison de forte affinité des IGFBP aux IGF se retrouvent dans les domaines N et C-terminal [191]. Ces derniers peuvent aussi agir de façon coopérative pour moduler la fonction des IGF [189, 192]. D’autres sous-domaines fonctionnels se retrouvent aussi en C-terminal de certains IGFBP. IGFBP-1 et IGFBP-2 possèdent tous deux un motif Arg-Gly-Asp (RGD) de liaison aux intégrines [193]. Un domaine de liaison à l’héparine (HBD) est retrouvé chez IGFBP-3 et IGFBP-5, ce qui permet leur interaction avec la protéine ALS (glycoprotéine connue sous le nom de sous-unité acide labile) et d’autres ligands comme l’inhibiteur d’activateur de plasminogène 1 (PAI1), la transferrine, la vitronectine et la matrice extracellulaire [191, 194, 195]. Le domaine central des IGFBP ne démontre aucune similarité de structure parmi les membres de la famille. Les spécificités de chacun de ces domaines seront discutées dans une section subséquente.

2.3.3 Modifications post-traductionnelles

Certaines modifications post-traductionnelles restreintes au domaine central peuvent moduler la fonction des IGFBP. En effet, un site de N-glycosylation est retrouvé dans la région centrale d’IGFBP-3 et IGFBP-4 tandis qu’IGFBP-5 et IGFBP-6 contiennent des

sites de O-glycosylation [196-199]. La glycosylation ne semble pas avoir d’effet sur l’affinité des IGFBP pour les IGF [196], mais pourrait avoir un effet sur leur dégradation et sur leur élimination et ainsi influencer indirectement la liaison IGF/IGFBP [196, 199-201]. Certains sites du domaine central d’IGFBP-1,-3 et -5 peuvent être phosphorylés [202]. Il a d’ailleurs été montré que la forme phosphorylée d’IGFBP-1 possède une affinité de 2 à 8 fois plus élevée pour IGF-I que sa forme non-phosphorylée [203]. Bien qu’IGFBP-3 puisse aussi être phosphorylé, ce dernier est présent en circulation majoritairement sous sa forme non-phosphorylée [202].

2.3.4 Rôles physiologiques

Les IGFBP coordonnent et régulent l’activité biologique des IGF de plusieurs façons : 1) transport plasmatique des IGF et contrôle de leur diffusion en région vasculaire; 2) augmentation de la demi-vie et régulation de l'élimination des IGF; 3) offre de sites de liaison spécifiques pour les IGF dans les compartiments péricellulaire et extracellulaire et 4) modulation de l’interaction des IGF avec leurs récepteurs [204]. IGFBP-1,-3 et -4 lient IGF-I et IGF-II avec une affinité similaire tandis qu’IGFBP-2, -5 et -6 lient IGF-II de façon préférentielle [204]. En circulation, 99% des IGF sont liés à un IGFBP [205]. La forme prédominante d’IGF en circulation est un complexe ternaire composé d’IGFBP-3 et d’ALS [194, 206]. Bien que ces complexes soient beaucoup moins abondants, l’ALS peut aussi former un complexe avec IGFBP-5 et IGF [187]. Il est estimé que la balance des IGF circulent sous forme de complexes binaires (sans ALS) avec les autres IGFBP, majoritairement IGFBP-1, -2 et -4 [204]. La formation de ces complexes augmente de façon importante la demi-vie des IGF de quelques minutes sous la forme libre à 20-30 minutes pour les complexes binaires, et jusqu’à 16 heures pour les complexes ternaires [207, 208]. L’affinité de liaison élevée entre les IGF et les IGFBP est attribuable à leur faible taux de dissociation [209]; ceci rend les complexes très stables une fois formés.

Comme les IGF se lient à IGF-IR avec une affinité similaire ou moindre à celle à laquelle ils lient les IGFBP, ces derniers peuvent donc inhiber la liaison d’IGF à IGF-IR par compétition. Cette compétition relève du fait que certains résidus des IGF impliqués dans la

liaison aux IGFBP sont aussi nécessaires pour la liaison à IGF-IR. Les IGFBP régulent le développement et la croissance en assurant le transport d’IGF vers les tissus et la biodisponibilité d’IGF pour son récepteur au niveau de la membrane cellulaire. Un excès d’IGFBP entraîne généralement l’inhibition des fonctions d’IGF et un retard de croissance [204]. Bien que les modèles murins invalidés pour les différents IGFBP aient un phénotype mineur, les effets des mécanismes compensatoires masquant l’impact de la délétion spécifique d’un IGFBP se doivent d’être étudiés, entre autre en utilisant des modèles de délétions inductibles chez l’animal adulte.

2.3.5 Interactions des IGFBP avec des ligands IGF-indépendants

Outre la liaison aux IGF, il existe une quantité croissante de preuves de l’inhibition des fonctions cellulaires par les IGFBP via des mécanismes indépendants de l’activation d’IGF-IR. Certains de ces mécanismes impliquent la liaison à des ligands non-IGF putatifs et encore non caractérisés [82]. IGFBP-1 et IGFBP-2 possèdent tous deux un motif RGD qui permet une liaison aux intégrines [210, 211]. IGFBP-3 et IGFBP-5 exercent eux aussi des effets IGF-indépendants bien documentés; via leur liaison au récepteur du facteur de croissance transformant (TGFβ), ils induisent l’inhibition de la prolifération [212, 213]. Certains IGFBP sont aussi internalisés par la cellule. Il a été démontré qu’après sa liaison au récepteur TGFβ, IGFBP-3 peut être internalisé par des puits de clathrine via sa liaison à la cavéoline [214, 215]. De façon similaire, IGFBP-5 peut s’associer à une protéine de haut poids moléculaire identifiée comme étant un récepteur et peut potentiellement être internalisée via son association à la cavéoline [216, 217] Ces observations suggèrent que les IGFBP n’agissent pas seulement comme des réservoirs passifs d’IGF, mais qu’ils possèdent la capacité de jouer sur 2 fronts en exerçant aussi des fonctions individuelles spécifiques influençant le métabolisme cellulaire.

2.3.6 Translocation des IGFBP au noyau

Malgré qu’ils soient sécrétés, les IGFBP se retrouvent aussi dans le compartiment intracellulaire où ils peuvent interagir avec plusieurs autres ligands que les IGF. Il est admis que la plupart des conséquences de ces interactions se produisent sans la modulation de la voie de signalisation IGF-IGF1R. Suite à leur internalisation, le devenir des IGFBP est peu connu, mais il existe plusieurs évidences de translocation nucléaire de certains IGFBP. Ce phénomène a d’abord été décrit lors d’études sur l’internalisation conjointe d’IGF-I et d’IGFBP-3 [218]. Comme IGFBP-2 (décrit en détail dans la section 3.0), IGFBP-3, IGFBP-5 et IGFBP-6 [219] possèdent un signal de localisation nucléaire (NLS) en C- terminal, leur permettant ainsi de se lier à la protéine de transport nucléaire importine-β [220]. Certaines études d’immunohistochimie ont aussi identifié la présence d’IGFBP-3 dans le compartiment nucléaire sur des coupes de tumeurs [221]. En comparaison avec sa forme cytosolique, l’IGFBP-3 nucléaire possède une demi-vie très courte [222]. L’étude de l’impact de la localisation nucléaire des IGFBP en est encore à ses balbutiements. Il semblerait toutefois que ce phénomène soit particulièrement observé dans un contexte de cancer [221, 223, 224].

2.3.7 Dégradation des IGFBP

Les interactions de haute affinité entre les IGFBP et les IGF empêchent la liaison des IGF au récepteur IGF-IR. Toutefois, la présence dans différents fluides biologiques de protéases dégradant les IGFBP en fragments ayant une faible affinité pour IGF-I et IGF-II ajoute un niveau de complexité supplémentaire à cette régulation. En effet, la protéolyse des IGFBP augmente la quantité d’IGF libre présente dans l’environnement cellulaire et favorise la liaison d’IGF au récepteur IGF-IR [225]. Cette dégradation joue donc un rôle important dans la régulation de la libération des IGF de leurs complexes ternaires ou binaires avec les IGFBP [225, 226]. Des travaux ayant recours à des inhibiteurs de protéases ciblant les classes de protéases les plus fréquentes (sérine, cystéine, aspartique et métalloprotéases) ont permis de caractériser l’activité protéolytique ciblant les IGFBP dans

matrixines (ou MMPs), les adamalysines et les pappalysins sont impliqués dans la dégradation des IGFBP tant in vivo qu’in vitro [227-229]. Les prochaines sections décriront plus en détail les IGFBP. IGFBP-2 fera quant à lui l’objet d’une section détaillée au chapitre 3, car celui-ci représente l’objet principal des travaux de cette thèse.