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2.1 Les facteurs de croissance analogues à l’insuline 19 

2.1.2 IGF-II 25 

IGF-II est une protéine de 7.5 kDa qui possède 67% d’homologie avec IGF-I et qui est exprimée de façon ubiquitaire [129]. Bien qu’abondant dans le sérum, les connaissances sur le rôle physiologique d’IGF-II sont limitées comparativement à celles sur IGF-I. IGF-II régule le développement fœtal et la différentiation, mais son rôle chez l’adulte est encore incompris. Chez l’adulte, le foie est le site de production principal d’IGF-II, mais plusieurs autres tissus peuvent aussi le synthétiser. Son précurseur, le prépro-IGF-II, contient un peptide signal de 24 résidus et des domaines A et E [129]. Ce dernier subit différents clivages pour donner naissance à la forme mature d’IGF-II [130].

Les niveaux sériques d’IGF-II augmentent lors de la petite enfance, demeurent stables lors de la vie adulte et déclinent en cours de vieillissement. Chez l’adulte, les niveaux plasmatiques varient autour de 700 ng/mL, IGF-II est donc plus abondant qu’IGF- I, selon un ratio molaire d’environ 3 :1 [131].

2.1.2.1 Régulation d’IGF-II

La régulation d’IGF-II est complexe. Ceci permet un réglage fin de ses effets et empêche sa surexpression, ce qui pourrait conduire au développement de pathologies. La transcription du gène d’IGF-II est régulée par un mécanisme épigénétique nommé impression (imprinting) [132]. Ce dernier confine l’expression d’IGF-II à celle de l’allèle paternel dans la plupart des tissus et est attribuable à la méthylation de la région différentiellement méthylée (DMR) sur l’allèle maternel qui prévient sa transcription [132]. L’impression peut être considérée comme une contrainte à l’expression sans laquelle l’expression d’IGF-II pourrait être excessive. Seule exception à ce processus, IGF-II est exprimé de façon bi-allélique dans le foie [131]. IGF-II peut être transcrit à partir de 4 promoteurs (P1-4). Tandis que P2-4 régulent la transcription d’IGF-II chez l’embryon, les 4 promoteurs participent à la transcription du gène chez l’adulte [133]. L’importance de ces 4 promoteurs est encore toutefois mal comprise.

Comme les IGF assurent le lien entre la nutrition et la croissance, IGF-II est aussi régulé par les nutriments. En effet, des niveaux élevés d’IGF-II communiquent à l’organisme la présence suffisante de substrats pour répondre aux besoins en protéines et en énergie. En condition de malnutrition, IGF-II est conséquemment diminué de façon à éviter l’hypoglycémie [134]. Contrairement à IGF-I, la GH n’est qu’un faible régulateur positif des niveaux d’IGF-II, tel qu'appuyé par une absence d’élévation d’IGF-II lors de la puberté [135].

1. 2.1.2.2 Activités physiologiques d’IGF-II

Les rôles physiologiques d’IGF-II sont encore peu connus. Il apparait toutefois que ce dernier pourrait agir en tant que régulateur de la croissance cellulaire, de la différentiation et du métabolisme, ses effets chevauchant ceux d’IGF-I [136]. IGF-II possède des activités autocrines et paracrines, mais les effets de son absence sont inconnus puisqu’aucune mutation menant à une déficience en IGF-II n’a été identifiée chez l’homme.

2.1.2.2.1 Croissance et développement

Plusieurs observations suggèrent qu’IGF-II est nécessaire à l’embryogenèse normale puisqu’il exerce un effet sur la croissance du fœtus plus fort que celui d’IGF-I [131, 137]. Les souris invalidées pour IGF-II démontrent un retard de croissance important qui est par contre compensé en période post-natale [138]. Ces observations suggèrent qu’IGF-II pourrait être nécessaire à la croissance in utero, mais perdrait de l’importance suite à la naissance.

IGF-II possède aussi des actions angiogéniques qui sont centrales au développement des organes. Pendant l’angiogenèse, IGF-II régule le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF) et favorise la différentiation des cellules embryonnaires en cellules endothéliales [139]. Considérant les niveaux constamment élevés d’IGF-II au cours de la vie ainsi que l’expression étendue de ses récepteurs, il serait attendu qu’IGF-II possède un rôle post-natal. In vitro, IGF-II favorise la formation de colonies par les macrophages et la croissance des lymphocytes B [140, 141]. IGF-II est aussi requis pour le développement et la maintenance du système musculo-squelettique. Il est en effet nécessaire à la transcription du facteur de transcription myogénique (MyoD), lui-même essentiel à la différentiation de fibroblastes en myoblastes [142]. Finalement, les liens entre IGF-II et le développement des os sont maintenant indéniables. IGF-II possède un effet anabolique fort. D’ailleurs, les ostéoblastes synthétisent plus d’IGF-II que d’IGF-I [143].

2.1.2.2.2 Effets métaboliques d’IGF-II

IGF-II possède des actions métaboliques au foie, dans le muscle et au niveau du tissu adipeux. Au foie, IGF-II supprime la production de glucose au profit de celle du glycogène. En périphérie, il augmente la captation et l’oxydation du glucose et stimule la synthèse des lipides et des protéines [144]. Cette capacité à augmenter la captation du glucose a aussi été étudiée dans les adipocytes et est limitée par les concentrations d’IGF-II libre [145, 146]. L’importance de cette régulation fine s’illustre dans le cas de l’hypoglycémie tumorale des cellules "nonislet", où des niveaux d’IGF-II libre élevés miment l’effet de l’insuline (bien que de façon moins puissante qu’IGF-I), résultant en une hypoglycémie sévère [130].

IGF-II est aussi secrété par les adipocytes à des concentrations plus importantes qu’IGF-I [147]. Bien que la régulation d’IGF-II dans les adipocytes demeure obscure, ses niveaux sont diminués par TNFα et des concentrations élevées de glucose [147, 148]. Ceci suggère que des facteurs associés à la résistance à l’insuline pourraient participer à la régulation négative d’IGF-II dans les adipocytes.

2.1.2.3 Dysregulations d’IGF-II dans un contexte de maladies métaboliques Dans un contexte d’obésité, les niveaux plasmatiques d’IGF-II sont élevés et sont associés à l’IMC [149]. Cette augmentation est concomitante à une élévation de la fraction libre, donc bioactive [150]. D’un point de vue évolutif, l’élévation des niveaux d’IGF-II en condition de surplus nutritionnel est un avantage puisque cette dernière favorise le stockage d’énergie. Ces observations s’appuient aussi sur le fait que la perte de poids s’accompagne d’une baisse des niveaux d’IGF-II [151]. De façon prospective, des niveaux faibles d’IGF- II parviennent à prédire un gain de poids futur tant chez les patients sains que diabétiques de type 2 [152]. À l’inverse, des niveaux élevés d’IGF-II sont fortement associés à une diminution pondérale [153]. Certains polymorphismes du gène IGF-II ont d’ailleurs été associés avec l’IMC, la dépense énergétique au repos et la thermogenèse [154, 155]. Les associations entre les niveaux d’IGF-II et la dépense énergétique pourraient expliquer

comment les variants génétiques et polymorphismes d’IGF-II prédisposent au développement de l’obésité. Conséquemment, il a été identifié que l’invalidation de la protéine 2 liant IGF-II (IGF2BP2) prévient l’obésité via une augmentation de la traduction d’UCP-1 et de certaines autres protéines mitochondriales [156].

De façon cohérente avec sa modulation par l’obésité, les niveaux d’IGF-II sont augmentés chez les patients diabétiques [131]. Cette hausse semble exacerbée par le diabète puisque l’augmentation des niveaux d’IGF-II est encore plus importante chez les patients obèses et diabétiques que chez les patients obèses et non-diabétiques [157]. La cause de cette augmentation est encore inconnue, mais pourrait être attribuable à une hypersécrétion d’IGF-II par le tissu adipeux causée par l’hyperglycémie. Il convient toutefois de distinguer les effets d’IGF-II dans le diabète de type 1 de ceux dans le diabète de type 2. Chez les sujets diabétiques de type 1, les niveaux circulants d’IGF-II sont similaires à ceux des sujets sains; une diminution marquée de la forme libre est toutefois observée [150]. Cette diminution de la fraction bioactive d’IGF-II est cohérente avec le fait qu’IGF-II apparait être un facteur protecteur des cellules bêta pancréatiques [158-160]. Dans cette optique, les niveaux élevés d’IGF-II retrouvés chez les diabétiques de type 2 pourraient agir en tant que mécanisme protecteur pour les cellules bêta-pancréatiques.