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Réactivité classique de la pyridine

Chapitre II : Oléfination et allylation de la pyridine N-oxyde par activation C-H

II. Réactivité générale de la pyridine et de la pyridine N-oxyde

1. Réactivité classique de la pyridine

1.1. Réaction sur l’azote

Le doublet libre de l’azote n’étant pas impliqué dans l’aromaticité de la pyridine, il peut se comporter de manière similaire à celui des amines tertiaires en termes de basicité et de nucléophilie. En 1965, l’équipe d’Olah décrit la nitration et la nitrosation de la pyridine en la faisant réagir respectivement avec du tetrafluoroborate de nitronium et de nitrosium (Schéma 30).64 Le N-nitropyridinium peut être à son tour utilisé pour le transfert du groupement nitro vers le benzène ou le toluène.65

Schéma 30. N-nitration et nitrosation de la pyridine.

La pyridine peut aussi réagir avec des halogénures d’acyle ou de sulfonyle.66 Les sels d’acyl- ou de sulfonyl-pyridinium ainsi formés peuvent être isolés, ou bien réagir in situ pour la conversion d’alcools en esters d’acides carboxyliques ou sulfoniques, et d’amines en carbox- et sulfonamides. D’autres réactions peuvent avoir lieu sur l’atome d’azote telles que l’amination, la sulfonation, l’halogénation et l’alkylation.62

1.2. Réactivité des atomes de carbone

Comme nous l’avons mentionné, la nitration de la pyridine est très difficile. Par exemple, le traitement avec KNO3/H2SO4 à 300 °C ne donne que 6% de 3-nitropyridine.62 D’autre part,

64 Olah, G. A.; Olah, J. A.; Overchuk, N. A. J. Org. Chem. 1965, 30, 3373-3376.

65 Olah, G. A.; Narang, S. C.; Olah, J. A.; Pearson, R. L.; Cupas, C. A. J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 3507-3510.

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l’utilisation de pyridine 2,6-dihalosubstituées en présence de tetrafluoroborate de nitronium, inhibe la nitration sur l’azote et permet d’obtenir la 3-nitropyridine avec un bon rendement (Schéma 31).67

Schéma 31. C-nitration de la pyridine.

D’autre part, la réaction d’halogénation est plus facile à réaliser. Ainsi, la réaction entre la pyridine et le dibrome dans l’oléum permet d’obtenir la 3-bromopyridine avec un très bon rendement.62 La 3-chloropyridine peut être préparée directement en présence du dichlore à 200 °C ou en présence d’AlCl3 à 100 °C (Schéma 32).68

Schéma 32. Halogénation de la pyridine.

Les substitutions nucléophiles aromatiques sont possibles sur la pyridine, en particulier dans le cas des halopyridines. Comme pour toutes les SNAr, la facilité de ces réactions dépend de l’électronégativité de l’atome d’halogène et non pas de l’aptitude nucléofuge de l’halogénure.69 En général, les 4-halopyridines sont plus réactives que les 2-halopyridines, tandis que les 3-halopyridines sont très peu réactives.

Parmi les réactions de substitution nucléophile sur les pyridines non halo-substituées, la réaction de Chichibabin est sans doute la plus connue. Cette réaction, qui consiste dans le déplacement d’un anion hydrure en position 2 par un anion amidure, est accomplie par traitement de la pyridine avec de l’amidure de sodium. C’est un mécanisme d’addition-élimination qui est généralement proposé pour cette réaction. L’anion amidure attaque la pyridine en position 2 pour former l’intermédiaire de type Meisenheimer. Ensuite, l’hydrure est déplacé et l’aromaticité est régénérée après déprotonation de l’amine (Schéma 33).70

67 Duffy, J. L.; Laali,, K. K. J. Org. Chem. 1991, 56, 3006-3009.

68 Pearson, D. E.; Hargrove, J. W. W.; Chow, K. T.; Suthers, B. R. J. Org. Chem. 1961, 26, 789-792.

69 Fier, P. S.; Hartwig, J. F. J. Am. Chem. Soc. 2014, 136, 10139-10147.

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Schéma 33. Réaction de Chichibabin.

De manière analogue, en présence d’organo-lithiens, dans la plupart des cas, la substitution nucléophile intervient en position 2. Giam et Stout71 ont montré que cette réaction passe par un mécanisme de type addition-élimination : l’étape d’addition donne le sel de lithium de la dihydropyridine puis l’élimination de l’hydrure de lithium donne le produit d’alkylation ou d’arylation en partant respectivement d’un alkyle ou d’un aryle de lithium (Schéma 34).

Schéma 34. Substition nucléophile en présence d’organolithiens.

Par ailleurs, la métallation directe des pyridines en position 2 est possible en présence d’un mélange de base. En effet, l’équipe de Caubère et Fort72 a montré que le couple n-BuLi/Me2N(CH2)2OLi (LiDMAE), formé in situ entre du n-BuLi et du diméthylaminoéthanol (DMAE), permet de synthétiser des pyridines substituées en position 2 avec de bons rendements. Plusieurs électrophiles tels que l’iodure de méthyle, le benzaldéhyde et la cyclohexanone ont été utilisés pour piéger l’espèce lithiée (Tableau 2).

71 Giam, C. S.; Stout, J. L. Chem. Commun. 1969, 142.

72 (a) Gros, P.; Fort, Y.; Caubère, P. J. Chem. Soc. Perkin Trans. 1 1997, 3597-3600; (b) Gros, P.; Fort, Y. Eur. J. Org.

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Entrée Electrophile E Rendement (%)

1 MeOD D 80 2 MeSSMe SMe 80 3 Me3SiCl SiMe3 80 4 MeI Me 60 5 CBr4 Br 72 6 PentCHO Pent(CH)OH 50 7 PhCHO Ph(CH)OH 80 8 Cyclohexanone (CH2)5(C)OH 70 9 Me2NCHO COH 40 10 Me2NCOPh COPh 65

Tableau 2. Métallation et piègeage par un électrophile.

L’émergence des réactions catalysées par des métaux de transition, en particulier les couplages croisés catalysés au palladium, a permis le développement de nouvelles méthodes de fonctionnalisation du noyau pyridine.73 En effet, les 3- et 4-métallopyridines ont été utilisées avec succès dans les couplages de type Stille, Suzuki-Miyaura, Negishi et Kumada. Les 2-métallopyridines étant très instables, leur application dans ce type de réaction est moins décrite.

Yamamoto a été parmi les premiers à décrire une application de ce type de couplage. L’utilisation de triméthylstannyle de pyridine et de quinoléine a permis d’obtenir les produits d’arylation en présence de bromopyridine.74 L’utilisation des trois isomères de stannylpyridine a été décrite avec de bons rendements en utilisant un complexe de tetrakis de triphénylphosphine comme catalyseur (Schéma 35).

Schéma 35. Couplage de Stille pour la formation de bipyridines.

En 2004, l’équipe de Buchwald a décrit l’utilisation de 3-pyridyltrifluoroborate dans le couplage de Suzuki-Miyaura en présence de chlorure d’aryle et d’hétéro-aryle.75 Cette réaction a été possible par l’utilisation d’un système Pd(OAc)2/S-Phos pour générer l’espèce active et le carbonate de potassium

73Campeau L.-C.; Fagnou. K. Chem. Soc. Rev. 2007, 36, 1058-1068.

74Yamamoto, A.; Azuma, Y.; Mitoh, H. Synthesis 1986, 7, 564-565.

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comme base. Ces conditions ont permis d’obtenir les produits d’arylation avec de bons rendements (Schéma 36). L’année suivante, la même équipe a décrit l’utilisation des acides 3 et 4-pyridylboroniques pour la formation de biaryles.76

Schéma 36. Couplage de Suzuki-Miyaura pour l’arylation des pyridines.