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Etudes mécanistiques

Chapitre II : Oléfination et allylation de la pyridine N-oxyde par activation C-H

VI. Oléfination et allylation palladocatalysée d’azines N-oxyde

6. Etudes mécanistiques

Après avoir étudié le champ d’application de cette nouvelle réactivité ainsi que les applications synthétiques des produits obtenus, nous nous sommes intéressés au mécanisme de la réaction.

D’abord nous avons conduit des expériences de deutération pour avoir des informations supplémentaires sur l’étape d’activation C-H. L’expérience de compétition entre la pyridine N-oxyde et son équivalent per-deutéré a donné un effet isotopique cinétique primaire d’une valeur de 4. Cette valeur a été déterminée en se basant sur le spectre RMN 1H du mélange et en utilisant le proton H1

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comme référence (Figure 12). En menant les deux expériences de compétition séparément, nous avons obtenu une valeur de KIE de 3 (Figure 13). Ces deux résultats suggèrent que la rupture de la liaison C-H est impliquée dans l’étape cinétiquement déterminante du cycle catalytique.134

Figure 12. Spectre RMN1H de la réaction de compétition intermoléculaire.

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Figure 13. Formation du produit en fonction du temps pour l’oléfination de la PNO (en rouge) et la PNO-d5 (en bleu).

Afin d’avoir une idée plus précise sur le mécanisme de la réaction, une étude computationnelle par des calculs suivant la théorie de densité fonctionnelle (DFT)135,136 a été menée en collaboration avec le Pr. Luis F. Veiros de l’Université de Lisbonne. Ces calculs ont permis de proposer le mécanisme suivant. Après réduction du Pd(II) en Pd(0), le complexe PdP(t-Bu)3 formé est coordonné par l’acétate d’allyle pour conduire au complexe A. Ce dernier subit une addition oxydante pour former le complexe η3-allyle B avec une barrière énergétique de 21 kcal/mol (Figure 14). A partir de ce complexe, trois possibilités ont été considérées pour l’étape d’activation C-H.

135 (a) Parr, R. G.; Yang, W. Density Functional Theory of Atoms and Molecules, Oxford University Press: New York, 1989; (b) Les calculs DFT aux niveaux M06/[SDD* (Pd), 6-311++G(d,p)]//PBE0/[SDD* (Pd), 6-31G(d,p)] ont été réalisés en utilisant GAUSSIAN 09. Les effets de solvant (THF) ont été pris en compte avec un modèle PCM et des rayons SMD.

136 Les profils énergétiques font référence aux énergies libres de Gibbs en fonction des coordonnées de la réaction. Par souci de simplicité, les différents états d’énergie consécutifs sont interconnectés par une ligne incurvée continue en négligeant que des états macroscopiques soient impliqués.

y = 0,0003x - 0,0201 y = 0,0001x - 0,0155 0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0,18 0 100 200 300 400 500 600 700 PNO PNO-d5 Temps (min) [Pr o d u it] (M )

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Figure 14. Addition oxydante sur l’acétate d’allyle.

D’abord, en accord avec le mécanisme proposé par Hartwig pour l’arylation des PNO (Schéma 57, page 55),98 nous avons voulu savoir si un tel complexe cyclométallé pourrait être envisageable dans notre réaction. Nous avons considéré la possibilité que cette étape de cyclopalladation du groupement

t-Bu se fasse par l’allyle (Figure 15). Le complexe η3-allyle B peut glisser vers le complexe σ-allyle C. L’insertion du Pd dans une liaison C-H d’un des méthyles du t-Bu accompagnée de la décoordination du phosphore permet de former le complexe métastable de Pd(IV) D qui, par élimination réductrice, produit le propène et le complexe E. Ce chemin réactionnel a été écarté à cause de la haute barrière d’énergie d’activation (58 kcal/mol).

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Figure 15. Cyclopalladation du groupement t-Bu par l’allyle.

Ensuite, une étape de cyclopalladation alternative a été considérée en impliquant cette fois la déprotonation d’un des méthyles du t-Bu par le ligand acétate de B, selon un mécanisme de type CMD (Figure 16). La formation du complexe cyclopalladé F est possible, bien qu’elle nécessite une barrière énergétique de 34 kcal/mol. Néanmoins, cette activation se fait selon un mécanisme de type CMD où l’acétate joue le rôle de base et serait converti en acide acétique. Il ne pourrait donc pas intervenir dans l’étape d’activation C-H de la PNO. L’étape suivante d’activation C-H sur la PNO par l’atome de carbone lié au Pd du palladacycle F’, étant associée à une énergie d’activation de 63 kcal/mol, est beaucoup trop défavorable pour être viable. Ce chemin mécanistique a donc également été écarté.

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Figure 16. Cyclopalladation du groupement t-Bu par l’acétate.

La troisième possibilité étudiée est celle d’un mécanisme d'activation « classique » n’impliquant pas la cyclopalladation du t-Bu (Figure 17). Dans ce cas, un échange de ligand entre la PNO et l’acétate permet de former le complexe I avec une énergie d’activation de 16 kcal/mol. L’anion acétate sorti de la sphère de coordination du Pd(II) peut déprotoner la PNO et former le complexe G avec une énergie d’activation totale de 34 kcal/mol, en accord avec les conditions expérimentales (100 °C pendant 16 h). Cette étape de déprotonation peut aussi se faire en présence du fluorure qui est en excès dans le milieu. Le complexe G ainsi formé subit une élimination réductrice pour donner le complexe [Pd0(2-allylPNO)P(t-Bu)3] H. Enfin, l’entrée d’une autre molécule d’acétate d’allyle permet de libérer la 2-allylPNO et refermer le cycle catalytique (Figure 18).

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Figure 18. Echange substrat-produit.

Enfin, nous nous sommes intéressés au mécanisme de l’étape d’isomérisation 2-allyl-PNO propénylPNO. Dans ce but, nous avons d’abord synthétisé un échantillon de référence de la 2-allylPNO par une voie indépendante137 et mené des expériences d’isomérisation sur celui-ci (Tableau 9). En présence de THF à 100 °C, on a pu observer 10% d’isomérisation (entrée 1). D’autre part, l’ajout de 2 équivalents de KF a donné 31% d’isomérisation, alors que l’utilisation des conditions classiques de notre protocole ont donné 79% d’oléfine interne. Une étude computationnelle complémentaire à ces résultats expérimentaux a aussi été menée.138 Après avoir examiné plusieurs cas de figure, cette étude a montré que l’hydropalladation oxydante du complexe [Pd0 (2-allylPNO)(AcOH)(PMe3)] J est une réaction cinétiquement viable (G = 11 kcal/mol) et exergonique (G = -6 kcal/mol) et que la déshydropalladation réductrice qui s’en suit (impliquant un atome d’hydrogène interne) du complexe K ainsi obtenu est tout aussi viable (G = 16 kcal/mol) et exergonique (G = -5 kcal/mol), permettant de former le nouveau complexe [Pd0 (2-propénylPNO)(AcOH)(PMe3)] L. Enfin, l’échange avec une nouvelle molécule de 2-allylPNO libère la 2-propénylPNO (Figure 19).139,140

137 Duan, X.-F.; Ma, Z.-Q.; Zhang, F.; Zhang, Z.-B. J. Org. Chem. 2009, 74, 939-942.

138 Puisque le mécanisme d'allylation est équivalent pour PMe3 et P(t-Bu)3, le mécanisme d'isomérisation allyle/propényle a été conduit en utilisant PMe3 comme phosphine.

139 Voir aussi : Mekareeya, A.; Walker, P. R.; Couce-Rios, A.; Campbell, C. D.; Steven, A.; Paton, R. S.; Anderson, E. A. J. Am. Chem. Soc. 2017, 139, 10104-10114.

140 Pour d’autres exemples sur la formation de HPdOAc et leur insertion dans des insaturations, voir: (a) Trost, B. M.; Rise, F. J. Am. Chem. Soc. 1987, 109, 3161-3163; (b) Al-Masum , M.; Yamamoto, Y. J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 3809-3810; (c) Kadota, I.; Shibuya, A.; Soo Gyoung, Y.; Yamamoto, Y. J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 10262-10263; (d) Shi, M.; Wang, B.-Y.; Huang, J.-W. J. Org. Chem. 2005, 70, 5606-5610.

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Entrée Pd(OAc)2 P(t-Bu)3•HBF4 KF Ratio 3a/3a’1

1 - - - 10/90

2 - - 2 équiv. 31/69

3 10 mol% 30 mol% 2 équiv. 79/21

1 Déterminé par spectroscopie RMN du mélange brut

Tableau 9. Expériences de contrôle pour l’isomérisation de la double liaison.

Figure 19. Isomérisation de la double liaison.

Le mécanisme général d’allylation / isomérisation de la PNO est résumé dans le Schéma 87 ci-dessous. Après réduction du Pd(II) en Pd(0), le complexe PdP(t-Bu)3 formé est coordonné par l’acétate d’allyle pour former le complexe A. Ce dernier subit une addition oxydante pour former le complexe η3-allyle B. Un échange de ligand entre la PNO et l’acétate permet de former le complexe I. Ensuite, une étape de déprotonation/palladation par sphère externe donne le complexe G, qui subit

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une élimination réductrice pour former le complexe [Pd0(2-allylPNO)P(t-Bu)3)] H. Enfin, un échange substrat-produit permet de libérer la 2-allylPNO 3a’. L’isomérisation de la double liaison est accomplie par une séquence d’hydropalladation oxydante (J  K) / déshydropalladation réductrice (K  L) (Figure 18).

Schéma 87. Mécanisme général proposé pour la réaction d’oléfination des PNO.

VII. Conclusion

Au cours de ce chapitre, nous avons présenté la réactivité classique des pyridines et des pyridines N-oxyde ainsi que leur fonctionnalisation par activation de liaison C-H. Nous avons donné quelques exemples portant sur la réaction d’allylation des noyaux aromatiques par activation C-H.

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Nous avons ensuite présenté nos travaux portant sur l’allylation et l’oléfination d’azines N-oxyde en utilisant un complexe de Pd(0) formé in situ. L’application de cette réactivité a été décrite avec différentes pyridines et azines N-oxyde et les produits obtenus ont pu être isolés et caractérisés. Des exemples d’applications synthétiques ont été décrits.

Enfin, sur la base d’études expérimentales et de calculs DFT, nous avons pu proposer un mécanisme aussi bien pour l’étape d’allylation que pour celle d’isomérisation. En particulier, les calculs en accord avec les études de KIE indiquent que l’étape d’activation C-H est l’étape cinétiquement déterminante du cycle catalytique et se fait selon un mécanisme de déprotonation/palladation par sphère externe.

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Chapitre III : Réaction de Murai