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Fonctionnalisation par activation catalytique de liaison C-H

Chapitre III : Réaction de Murai carbonylative sur les pyrroles

2. Fonctionnalisation par activation catalytique de liaison C-H

Dans cette section, la fonctionnalisation du noyau pyrrole par activation C-H est présentée à travers quelques exemples sélectionnés selon la position où elle a lieu. En effet, plusieurs stratégies ont été développées pour la fonctionnalisation régiosélective du pyrrole.

2.1. Fonctionnalisation en position 2 ou 5

En 2006, le groupe de Sanford, dans son étude sur l’arylation des indoles, a décrit la formation des 2-arylpyrroles.147 En utilisant un complexe de Pd(II) en présence de diphényliodonium de tétrafluoroborate, deux composés arylés ont pu être obtenus avec de bons rendements (Schéma 93). Pour ce type de réactivité, les auteurs proposent un cycle catalytique de type Pd(II)/Pd(IV). D’abord, l’acétate de palladium active la liaison C-H en position 2 pour former le complexe 2-pyrrolyl-Pd(OAc). Ce dernier subit une addition oxydante en présence du sel d’iodonium pour donner le complexe de Pd(IV) qui, après une étape d’élimination réductrice, fournit le produit d’arylation en C2 et le complexe de Pd(II).

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Schéma 93. Arylation palladocatalysée de pyrroles avec un sel d’aryliodonium.

Le groupe d’Arrayás et Carretero s’est intéressé à l’application de la réaction de Fujiwara-Moritani aux pyrroles.148 L’utilisation d’un groupement directeur de type pyridylsulfonyle porté par l’azote a permis la formation des dérivés de pyrroles fonctionnalisés avec des rendements modérés à bons. Les conditions de réaction ont permis d’avoir un contrôle complet de la régiosélectivité (Schéma 94). Le mécanisme est similaire à celui de la réaction de Fujiwara-Moritani originale. Après la coordination de la part de la pyridine, le complexe de Pd(II) réalise une cyclopalladation dans la liaison C-H du pyrrole. Une séquence de coordination et insertion migratoire sur la double liaison suivie d’une étape de déshydropalladation fournit le 2-vinylpyrrole et l’hydrure de palladium. Ce dernier subit une élimination réductrice pour donner le complexe de Pd(0), qui est réoxydé en Pd(II) en présence du sel de cuivre.

Schéma 94. Réaction de Fujiwara-Moritani sur des pyrroles.

Dans un autre travail, le groupe de You et Lan ont décrit la fonctionnalisation des pyrroles en position 2 dirigée par un groupe pyrimidyle (Pym) porté par l’azote du pyrrole.149 Dans une réaction catalysée au Rh(III), ils ont réussi à former les produits de couplage croisé déshydrogénant en présence de différents hétéroarènes. Une bonne tolérance aux groupements fonctionnels a été observée et une inhibition quasi-complète des produits d’homocouplage a été achevée (Schéma 95). Sur la base d’études de deutération entre les deux partenaires de couplages, les auteurs proposent que la première étape d’activation C-H intervienne sur le pyrrole en présence du complexe de Rh(III) cationique formé in situ. Le complexe ainsi formé, s’insère dans la liaison C-H de l’hétéroarène

148 Garcia-Rubía, A.; Urones, B.; Gómez Arrayás, R.; Carretero, J. C. Chem. Eur. J. 2010, 16, 9676-9685.

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donnant l’intermédiaire pyrrolyl-Rh-hétéroaryle qui subit une élimination réductrice pour donner le produit d’hétérocouplage.

Schéma 95. Couplage croisé entre les pyrroles et les hétéroarènes.

Le groupe de Laha a récemment décrit l’arylation palladocatalysée d’indoles et de pyrroles en position 2.150 Dans cet exemple de couplage oxydant, l’utilisation d’un large excès d’un dérivé du benzène en présence d’un complexe de Pd(II) permet d’obtenir les produits d’arylation avec des rendements modérés à bons. Ces conditions de réaction ont aussi démontré une très bonne tolérance à différents groupements fonctionnels tels que des fonctions carbonyles (Schéma 96). Dans cette publication, l’application de la réactivité a pu être prouvée sur le 2-pyrrole carboxaldéhyde. Un mécanisme plausible pour cette réaction commencerait par l’activation C-H en position 2 du pyrrole pour former le complexe pyrrolyl-Pd(II). Ce dernier peut à son tour s’insérer dans une liaison C-H de l’arène non activé. L’intermédiaire ainsi formé subit une élimination réductrice pour donner le produit d’arylation et le Pd(0), qui est réoxydé en Pd(II) en présence du sel d’argent.

Schéma 96. Arylation en C2 palladocatalysée par double activation C-H.

En 2008, l’équipe de Chang a rapporté la synthèse de 9H-pyrrolo[1,2-a]indoles par activation C-H intramoléculaire de N-(2-chlorobenzyl)pyrroles.151 En effet, en présence d’un complexe de Pd(II) et d’une phosphine encombrée, les auteurs ont réussi à obtenir les produits de couplage entre le carbone en position benzylique et le carbone en positon 2 du pyrrole avec de bons rendements (Schéma 97). A noter que la réaction avec les dérivés de pyrrole substitués en position 2, et en particulier le 2-pyrrole carboxaldéhyde, se fait en position 5.

150 Laha, J. K.; Bhimpuria, R. A.; Prajapati, D. V.; Dayal, N.; Sharma, S. Chem. Commun. 2016, 52, 4329-4332.

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Schéma 97. Activation C-H intramoléculaire palladocatalysée de N-(2-chlorobenzyl)pyrroles.

Pour ce type de réactivité, les auteurs ont pu observer un effet cinétique isotopique primaire (KIE = 1.7) et déterminer que la réaction avec des groupements éléctro-attracteurs était plus rapide qu’avec des groupements électro-donneurs. Dans le mécanisme proposé par les auteurs, le complexe de Pd(0) A produit dans le milieu subit une addition oxydante par le chlorure de benzyle pour donner le complexe d’alkylPd(II) B. Celui-ci peut alors fournir le palladacycle à six chainons C par activation de liaison C-H assistée par une base. Enfin, une étape d’élimination réductrice fournit le produit et l’espèce active A (Schéma 98).

Schéma 98. Mécanisme de la formation de 9H-pyrrolo[1,2-a]indoles.

D’autre part, l’équipe de Bach a rapporté l’alkylation régiosélective par activation C-H de 2-pyrrole carboxylate en utilisant un système Pd(II)/norbornène.152 Ce type de système, basé sur les conditions de la réaction de Catellani,153 a permis la synthèse de différents dérivés alkylés de pyrrole en présence de bromures d’alkyle avec de bons rendements. Le mécanisme proposé par les auteurs commence par une substitution de ligand sur le complexe de Pd(II), suivie d’une aminopalladation de la double liaison du norbornène. Le complexe C subit ensuite une cyclopalladation en position 5 du pyrrole pour donner le palladacycle D. Ce dernier subit une addition oxydante en présence d’un

152 Jiao, L.; Bach, T. Angew. Chem. Int. Ed. 2013, 52, 6080-6083.

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bromure d’alkyle pour fournir le complexe de Pd(IV) E qui, après élimination réductrice, donne l’intermédiaire F. Une étape de déaminopalladation, favorisée par l’exclusion du norbornène, donne le complexe de Pd(II) coordonné par le pyrrole G. Enfin, une hydrolyse permet d’engendrer le produit d’alkylation et le complexe de Pd(II) (Schéma 99).154

Schéma 99. Mécanisme de l’alkylation de 2-pyrrole carboxylate.

Très récemment, l’équipe d’Özdemir a rapporté la synthèse de différents complexes de type Pd(II)-NHC et leur utilisation comme catalyseurs pour la réaction d’arylation du 2-N-méthylpyrrole carboxaldéhyde en présence de chlorures et bromures d’aryle (Schéma 100). 155

154 Pour une étude mécanistique de cette réactivité sur les indoles, voir : Jiao, L.; Herdtweck, E.; Bach, T. J. Am. Chem.

Soc. 2012, 134, 14563-14572.

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Schéma 100. Arylation palladocatalysée de 2-pyrrole carboxaldéhyde.

Après formation in situ du complexe de Pd(0), celui-ci subit une addition oxydante en présence de l’halogénure d’aryle. Après un échange de ligand halogénure/acétate, l’intermédiaire s’insère dans la liaison C-H pour former le complexe aryl-Pd-pyrrolyle. Ce dernier subit une élimination réductrice pour donner le produit d’arylation et le complexe de Pd(0).

2.2. Fonctionnalisation en position 3

En 2006, l’équipe de Gaunt a rapporté l’oléfination de pyrroles par activation C-H,156 qui peut avoir lieu sélectivement en position 2 ou 3 en fonction de la nature du groupement protecteur porté par l’atome d’azote. Dans cette réaction de type Fujiwara-Moritani, l’utilisation de tert-butoxycarbonyle (Boc) comme groupement protecteur de l’atome d’azote donne le produit fonctionnalisé en C2, issu de la réactivité classique du pyrrole. En revanche, l’utilisation du groupement tri-iso-Pr-silyle (TIPS), très encombrant, permet d’obtenir le produit fonctionnalisé en C3. Le mécanisme envisagé est du même type dans les deux cas. La première étape est une palladation électrophile, en position 2 dans le cas du pyrrole-Boc ou en position 3 dans le cas du pyrrole-TIPS. Le complexe 2- ou 3-pyrrolyl-Pd ainsi formé, intervient ensuite dans une étape d’insertion migratoire sur l’oléfine. Après une β-H élimination, le produit d’oléfination correspondant et l’hydrure de palladium sont obtenus. Ce dernier subit à son tour une élimination réductrice pour engendrer le Pd(0) qui est réoxydé en Pd(II) en présence du dioxygène (Schéma 101).

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Schéma 101. Réaction d’oléfination régio-contrôlée et son mécanisme proposé.

Dans son étude sur les couplages croisés déshydrogénants, l’équipe de You a montré qu’il était possible de coupler des N-benzylpyrroles avec des dérivés de la caféine et d’autres hétéro-arènes.157 Les auteurs ont utilisé le couple Pd(dppf)Cl2/X-Phos pour générer l’espèce active de Pd(II) avec l’acétate de cuivre comme réoxydant. Ces conditions ont permis d’obtenir les produits de couplage avec de bons rendements et une très bonne sélectivité en position C3 (Schéma 102).

Schéma 102. Couplage croisé déshydrogénant de N-benzylpyrrole catalysé au palladium.

La même année, l’équipe de Sanford a décrit l’arylation de pyrroles et de N-méthylpyrroles 2,5-disubstitués en utilisant des sels de diaryliodonium comme source d’aryle.158 Dans cette réaction palladocatalysée, l’utilisation d’aryles enrichis ou appauvris en électrons a permis d’obtenir les

157 Wang, Z.; Li, K.; Zhao, D.; Lan, J.; You, J. Angew. Chem. Int. Ed. 2011, 50, 5365-5369.

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produits de couplage avec des rendements de modérés à bons (Schéma 103). Un mécanisme plausible pour une telle réactivité commencerait par l’activation C-H en position 3 du pyrrole. L’intermédiaire 3-pyrrolyl-Pd(II) ainsi formé subit ensuite une addition oxydante en présence du sel de diaryliodonium pour donner le complexe pyrrolyl-Pd(IV)-aryle. Enfin, une élimination réductrice fournit le produit de couplage et engendre le complexe de Pd(II).

Schéma 103. Arylation de pyrroles 2,5-disubstitués.

L’équipe d’Itami et Yamaguchi a rapporté l’arylation C3-sélective de pyrroles en utilisant un catalyseur au rhodium et des iodures d’aryle comme partenaires de couplage.159 L’utilisation d’un ligand encombrant tel que P(OCH(CF3)2)3 inhibe la réactivité classique du pyrrole et favorise l’activation C-H en position 3. Différents aryles électroattracteurs et donneurs ont pu être couplés avec succès. L’utilisation de pyrroles substitués en position 2 a délivré les produits d’arylation en position 4. En général, les produits ont été obtenus avec de bons rendements et une très bonne sélectivité pour la position 3 (Schéma 104). Dans cette réaction, le complexe de Rh(I) intervient dans une étape d’addition oxydante sur l’iodure d’aryle pour engendrer le complexe aryl-Rh(III)-I. Ce dernier est engagé dans une étape d’activation C-H sur la position 3 du pyrrole probablement assistée par le carbonate d’argent, suivie d’une élimination réductrice délivrant le produit d’arylation et le complexe de Rh(I).

Schéma 104. Arylation C3-sélective de pyrroles catalysée au rhodium.

Dans un travail plus récent, les équipes de Singh et Dixneuf ont développé une méthode qui permet la synthèse de pyrrole-isocoumarines à partir de l’acide N-méthylpyrrole-2-carboxylique et

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d’alcynes disubstitués.160 L’utilisation du [Ru(Cl2(p-cymène)]2 en présence de l’acétate de cuivre (II) comme oxydant a permis d’avoir les produits de couplage avec de bons rendements. Le remplacement du DMF par l’eau, comme solvant, a permis d’obtenir les produits avec des rendements plus faibles dans certains cas (Schéma 105).

Schéma 105. Synthèse de pyrrole-isocoumarines catalysée au rhodium.

Pour cette réaction, les auteurs proposent que le groupement carboxylate dirige l’activation C-H en position 3. En effet, après échange de ligand Cl/OAc, le rhodacycle est obtenu par activation C-H via un mécanisme de type CMD. L’intermédiaire ainsi formé est engagé dans une insertion syn sur la triple liaison suivie d’une élimination réductrice pour donner le produit et un complexe de Ru(0) qui est réoxydé en Ru(II) par le Cu(OAc)2•H2O (Schéma 106).

Schéma 106. Mécanisme de la réaction d’annélation du N-méthylpyrrole-2-carboxylique.

D’autre part, l’un des rares exemples trouvés en littérature rapportant l’utilisation d’une imine comme groupement directeur dans des réactions d’activation C-H a été rapporté par l’équipe de Kuninobu et Takai.161 Il s’agit de l’utilisation de l’imine tert-butyle du 2-(N-méthyl)pyrrole carboxaldéhyde dans la réaction d’amidation catalysée par un complexe de rhénium A. Pour cette réaction, les auteurs proposent que la réaction commence par une étape d’activation C-H dirigée par

160 Singh, K. S.; Sawant, S. G.; Dixneuf, P. H. ChemCatChem 2016, 8, 1046-1050.

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l’azote de l’imine pour former le complexe B. Ce dernier s’insère sur l’isocyanate pour former le complexe C qui subit une élimination réductrice pour donner le produit d’amidation et engendrer le complexe de Re(I) (Schéma 107).

Schéma 107. Mécanisme d’amidation du pyrrole dirigée par une aldimine.

Comme nous venons de le voir, la fonctionnalisation du pyrrole par activation de liaison C-H a déjà été décrite en littérature pour l’introduction de différents groupes fonctionnels. En particulier, la régiosélectivité en positon C3 s’avère être compliquée, d’où le faible nombre d’exemples rapportant ce type de fonctionnalisation, dirigée ou pas. Dans la suite de ce chapitre, nous allons présenter la réaction de Murai et ses différentes applications, afin de mettre en contexte nos résultats que nous décrirons dans la partie finale.