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Fonctionnalisation par activation C-H de la pyridine

Chapitre II : Oléfination et allylation de la pyridine N-oxyde par activation C-H

III. Fonctionnalisation par activation C-H de la pyridine

Comme nous venons de le voir, plusieurs méthodes ont été développées pour la fonctionnalisation de la pyridine et de la pyridine N-oxyde. Les halopyridines sont de bons partenaires électrophiles, et certains exemples décrivent leur utilisation dans des réactions de couplages croisés. Avec le développement des réactions impliquant une activation C-H catalytique, plusieurs équipes se sont intéressées à la fonctionnalisation directe de la pyridine en utilisant des métaux de transition, contournant ainsi la formation et l’utilisation d’halo-pyridines.85 Cette chimie a démarré par des études d’activation C-H dans des transformations stœchiométriques.

A la fin des années 1970, dans un travail pionnier, Klei et Teuben rapportent que le complexe Cp2TiMe, obtenu par traitement de Cp2TiCl par MeLi, s’insère dans la liaison C6-H d’une picoline pour former, via une métathèse de liaison σ, un aza-titanocycle (Schéma 43).86 Le changement de coloration de la solution permet de confirmer la coordination de la pyridine au titane, tandis que l’évolution du méthane témoigne de la formation du C,N-η2-titanocycle.

Schéma 43. Activation C-H de la pyridine en présence d’un complexe de titane.

Quelques années plus tard, l’équipe de Bercaw a rapporté l’utilisation de perméthylscandocènes.87 Cette nouvelle classe de complexes permet l’activation de liaisons C-H aromatiques et en particulier celles de la pyridine. Ainsi, le Cp2*ScMe réagit avec la pyridine pour former un complexe C,N-η2 avec libération d’une molécule de méthane. Comme dans l’exemple précédent, cette réaction commence par la coordination de l’atome d’azote de la pyridine au métal. S’ensuit une activation C-H en position 2 par métathèse de liaison σ (Schéma 44).

85 Pour une revue, voir : Nakao, Y. Synthesis 2011, 20, 3209-3219.

86 (a) Klei, B.; Teuben, J. H. J. Chem. Soc. Chem. Commun. 1978, 659-660; (b) Klei, E.; Teuben, J. H. J. Organomet.

Chem. 1981, 214, 53-64.

87 Thompson, M. E.; Baxter, S. M.; Bulls, A. R.; Burger, B. J.; Nolan, M. C.; Santarsiero, B. D.; Schaefer, W. P.; Bercaw, J. E. J. Am. Chem. Soc. 1987, 109, 203-219.

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Schéma 44. Activation C-H de la pyridine en présence d’un complexe de scandium.

A notre connaissance, le premier exemple décrivant une activation/fonctionnalisation catalytique de liaison C-H d’une pyridine a été rapporté par l’équipe de Jordan.88 Il s’agit d’une méthode d’alkylation de la 2-picoline en présence d’un alcène, catalysée par du dihydrogène et un complexe zirconocène cyclique. Ce dernier est d’abord obtenu par traitement du complexe [Cp2ZrMe(THF)]+ avec la 2-picoline en dégageant du méthane. Ce complexe η2-picolyl-zirconacycle est ensuite mis en réaction avec du propène pour former un complexe cyclométallé A par insertion migratoire (Schéma 45).

Schéma 45. Activation C-H catalytique de la 2-picoline en présence d’un complexe de zirconium.

Le complexe A catalyse la conversion de la 2-picoline en 2-iso-propyl,6-méthyl-pyridine. Le mécanisme proposé par les auteurs fait intervenir une addition oxydante initiale de H2 sur le complexe cyclométallé A qui rompt la liaison C-Zr et engendre la formation de l’hydrure de zirconium B. Ensuite, le déplacement du 2-i-Pr,6-Me-pyridine par la 2-picoline (qui est un ligand moins encombrant) libère le produit et génère le complexe C. L’insertion du zirconium dans la liaison C6 -H régénère le -H2 en formant le complexe D. Enfin, l’insertion migratoire du propène referme le cycle catalytique reformant l’espèce catalytique A (Schéma 46).

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Schéma 46. Mécanisme de la réaction d’alkylation de la 2-picoline.

Peu de temps après, l’équipe de Moore (Amoco Chemical Compagny) décrit l’acylation de la pyridine en présence d’alcènes et de CO (10 bars), en utilisant Ru3CO12 comme catalyseur.89 Les conditions de réaction sont certes drastiques, mais cette méthode permet d’effectuer une acylation régiosélective sur la pyridine, un hétérocycle électron appauvri, qui ne permet pas une acylation classique de type Friedel-Craft (Schéma 47). Les auteurs ont réussi à obtenir une importante régiosélectivité pour certains alcènes internes, alors que les alcènes tri- et tetra-substitués se sont révélés être inefficaces.90

Schéma 47. Réaction d’acylation de la pyridine catalysée par un complexe de Ruthénium.

En 2005, le groupe de Sames décrit l’arylation régiosélective de la pyridine en position 2 par couplage avec l’iodobenzène en présence d’un catalyseur au ruthénium.91 L’utilisation du ruthénium carbonyle Ru3CO12 résultait en la formation du produit désiré avec 36% de rendement. Au cours de cette étude, les auteurs ont observé la formation de différents complexes de ruthénium, dont le dimère C, qui s’est révélé être l’espèce active et sa formation au préalable a permis d’améliorer grandement

89 Moore, E. J.; Pretzer, W. R.; O’Connell, T. J.; Harris, J.; LaBounty, L.; Chou, L.; Grimmer, S. S. J. Am. Chem. Soc. 1992, 114, 5888-5890.

90 Le mécanisme de cette réaction sera présenté et développé dans le chapitre III.

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le rendement de la réaction (70%). Ce complexe a pu, en effet, être préparé à partir de Ru3CO12 en trois étapes (Schéma 48) : en présence d’un équivalent de PPh3 et d’un excès de pyridine, le complexe hydrido A est formé après remplacement d’un ligand CO par la PPh3 et addition oxydante de la liaison C2-H de la pyridine. Ensuite, le traitement avec un deuxième équivalent de PPh3 déplace un autre ligand CO alors que le carbonate de césium permet de faciliter la libération du benzène de la phosphine, la bidentation de la diphenylphosphine sur les deux atomes de Ru, ainsi que la rupture de deux liaisons Ru-Ru pour fournir un complexe binucléaire de ruthénium B. Enfin, en présence d’un autre équivalent de PPh3 à 150 °C, le complexe C a pu être obtenu, isolé et caractérisé.

Schéma 48. Synthèse de l’espèce active.

Enfin, le mécanisme de la réaction d’arylation de la pyridine en présence du complexe C et de l’iodobenzène commence par une addition oxydante de ce dernier sur le complexe C pour donner l’intermédiaire D. La coordination d’un ligand PPh3 facilite l’élimination réductrice du 2-phénylpyridine et la formation du complexe E. Enfin, l’activation C-H sur la position 2 d’une nouvelle molécule de pyridine permet de régénérer l’espèce catalytique active C (Schéma 49).

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Schéma 49. Mécanisme de la réaction d’arylation de la pyridine.

Le groupe de Nakao et Hiyama a rapporté l’oléfination de la pyridine par activation C-H en combinant un catalyseur de Ni(0) et un acide de Lewis (AL).92 Le choix de l’acide de Lewis a permis, en outre, de contrôler le nombre d’alcynes insérés : un seul dans le cas de AlMe3 et deux dans le cas de ZnPh2. Les produits ont été obtenus avec de bons rendements et d’excellentes stéréosélectivités (Schéma 50).

Schéma 50. Réaction d’oléfination de la pyridine par un complexe de Ni(0).

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Le mécanisme proposé par les auteurs commence par la coordination du complexe de nickel par la triple liaison. La pyridine, pré-activée par l’acide de Lewis, est ensuite engagée dans une activation de liaison C-H par addition oxydante. Ensuite, l’hydro-nickelation sur la triple liaison forme l’intermédiaire pyridyl-Ni-vinyle. Ce dernier, en présence d’une autre molécule d’alcyne, subit une élimination réductrice pour donner la 2-vinylpyridine (Schéma 51).

Schéma 51. Mécanisme de la réaction d’oléfination.

Dans le même temps, le groupe de Yu décrivait deux méthodes d’activation C-H palladocatalysées pour la fonctionnalisation régiosélective du noyau pyridinique. D’abord, les phénylamidures de l’acide nicotinique et de l’acide isonicotinique ont pu être arylés en position ortho du groupement directeur par réaction avec des bromures d’aryle (Schéma 52).93

Malgré qu’aucune étude mécanistique n’ait été menée par les auteurs, il est plausible de suggérer que la réaction commence par une addition oxydante du bromure d’aryle sur le complexe de Pd(0). La coordination du complexe arylpalladium ainsi formé par le groupement amide permet une ortho-palladation via un probable mécanisme CMD. Enfin, une élimination réductrice forme le produit d’arylation et régénère le Pd(0).

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Schéma 52. Réaction d’arylation C-H dirigée par un groupement amide.

L’autre stratégie rapportée porte sur l’oléfination oxydative et l’arylation en position 3 de la pyridine (présente en large excès) en présence, respectivement, d’alcènes (réaction de Fujiwara-Moritani) et d’halogénures d’aryle (Schéma53).94 En ce qui concerne le mécanisme de l’oléfination (Schéma53, a), la pyridine subit d’abord une palladation en position 3 pour former un complexe de 3-pyridylpalladium(II). Une insertion migratoire sur l’alcène suivie par une élimination réductrice fournit le produit 3-vinylpyridine. Le système Ag2CO3/air permet de restituer le complexe de palladium à l’état d’oxydation +II. En ce qui concerne l’arylation (Schéma 53, b),95 le complexe de pyridylpalladium(II) subit une addition oxydante de la part de l’halogénure d’aryle pour former un complexe de Pd(IV), qui après élimination réductrice, donne la 3-arylpyridine et régénère le complexe de Pd(II).

Schéma 53. Oléfination et arylation C-H de la pyridine contrôlées par un ligand.

94 Ye, M.; Gao, G.-L.; Yu, J.-Q. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 6964-6967.

95 (a) Ye, M.; Gao, G.-L.; Edmunds, A. J. F.; Worthington, P. A.; Morris, J. A.; Yu, J.-Q. J. Am. Chem. Soc. 2011, 133, 19090-19093; (b) Gao,G.-L.; Xia, W.; Jain, P.; Yu, J.-Q. Org. Lett. 2016, 18, 744-747.

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Comme nous venons de le voir, différentes méthodes existent pour la fonctionnalisation de la pyridine par activation catalytique de liaison C-H. Dans la partie suivante, nous allons présenter les travaux réalisés pour l’activation C-H des pyridines N-oxyde.