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C. Réaction d’oxydation de l’acide 3,3'-tert-butyl-1'-diphénylphosphino-1-ferrocènecarboxylique 116 par

La protection de la phosphine par un groupement borane a permis de passer d’un phosphore P(III) → P(IV). Cette réaction d’oxydation a protégé la phosphine, puis une réaction de déprotection a pu avoir lieu en utilisant des conditions de réaction simples et connues. Nous nous sommes aussi intéressés à la réaction de sélénation, qui est également une réaction d’oxydation du phosphore, et peut être réalisée dans des conditions de réaction simple. Ici l’ajout d’un atome de sélénium n’a pas pour objectif de protéger la phosphine mais plutôt de permettre d'étudier le caractère électronique de la phosphine en mesurant la constante de couplage 1JP=Se obtenue en solution par RMN 31P. Il a été démontré qu’un groupement électro-attracteur lié à un atome A va rapprocher du noyau les électrons des orbitales à caractère s des

autres liaisons liées à cet atome. Ce rapprochement des électrons s va augmenter le couplage de spin nucléaire entre A et les autres atomes qui lui sont liés. Ainsi, une estimation fiable des effets électroniques relatifs (donneurs ou accepteurs) sur le phosphore portant différents groupements, peut être étudiée en comparant les valeurs des constantes de couplage 1JP=Se.

Les données de couplage 1JP=Se après sélénationde la triphénylphosphine (Ph3P), du

1,1'-bis-diphénylphosphinoferrocène (dppf) et de ferrocènes tétra-substitués symétriques

[(tBu)2Fc(PR2)2] 126–130 ont été rapportées (Schéma II-11 et Tableau II-4).84,91

Schéma II-11Structure du 1,1-bis-diphénylphosphinoferrocène (dppf) et les ferrocènes tétra-substitués symétriques 126–130.

La réaction de sélénation du ferrocène 116 a été réalisée dans le dichlorométhane après ajout de sélénium solide. Après 24 h d’agitation à température ambiante, la solution est filtrée sur célite afin d’éliminer l’excès de sélénium et permet d’obtenir quantitativement le séléniure de diphénylphosphinoferrocène 116Se (Schéma II-12).

Schéma II-12 Réaction de sélénation du composé 116.

Le spectre RMN 31P du composé 116Se a été obtenu et il a permis de mesurer sa constante de couplage 1JP=Se (Figure II-5).

Figure II-5 Spectre RMN 31P du ferrocène 116Se.

Les valeurs de résonance des signaux en RMN 31P des phosphines libres et des composés séléniés correspondants ainsi que les constantes de couplage 1JP=Se ont été rassemblés dans le Tableau II-4.

Composés R δ (31P) (ppm) Composés séléniés δ(31P) (ppm) 1JP,Se (Hz) 1 PPh3 / –5,3 +36,8 730 2 dppf / –19,8 +28,2 737 3 126 i-Pr +1,3 +58,9 710 4 127 Cy –8,6 +50,7 705 5 128 Mes –37,1 +16,5 700 6 129 Ph –20,1 +31,5 736 7 130 FuMe –65,3 –6,5 759 8 116 Ph –19,5 +31,4 736

Tableau II-4 Données de la RMN 31P. 1JP,Se

Pour évaluer l’effet du groupement ferrocène sur le caractère électronique de la phosphine, une comparaison entre PPh3 et la dppf a été faite (entrées 1 et 2, Tableau II-4). Le remplacement d’un substituant phényle du composé PPh3 par le ferrocène va montrer un déplacement à champs fort de la phosphine en RMN 31P, en passant de –5,3 ppm pour PPh3 à –19,8 ppm pour la dppf. Après sélénation de ces phosphines, les valeurs obtenues pour les constantes de couplage de Ph3P=Se et de dppf=Se, sont respectivement de 730 et 737 Hz. Une augmentation de la constante de couplage de 7 Hz correspond à une basicité plus faible du groupe phosphino dans dppf comparé à PPh3.

Ensuite, l’effet des groupements tertio-butyle sur le squelette ferrocénique peut être facilement étudié en comparant les données RMN 31P de la dppf et du ferrocène 129 (entrées 2 et 6, Tableau II-4). Les déplacements chimiques du phosphore sont similaires pour les phosphines libres avec des valeurs proches de –20 ppm, mais également pour les phosphines diséléniées résonnant vers +30 ppm. Il n’y a donc aucune surprise lors de la mesure des constantes de couplage entre le phosphore et le sélénium, avec des valeurs proches pour dppf=Se (1JP=Se = 737 Hz) et 129 (1JP=Se = 736 Hz). Ces données permettent de conclure que les groupements tertio-butyle n’ont que peu d’effet électronique direct sur la basicité de la phosphine.

Comme attendu, les composés 126–128 portant respectivement les groupements isopropyle, cyclohexyle et mésityle sur la phosphine, ont des constantes de couplage très nettement inférieures à celle du ferrocène 129 (substituants phényle), d’une valeur, respectivement, de 710, 705 et 700 Hz (entrées 3–5, Tableau II-4). Cela indique que les substituants portés par le phosphore ont une influence directe sur la basicité de son doublet fortement exalté par rapport au cas de PPh3 ou de la dppf. Pour le ferrocène 130, portant des substituants méthyl-furyle sur la phosphine, une constante de couplage de 759 Hz, très supérieure à celle du composé 129, montre une forte diminution du caractère basique du groupe phosphino (entrée 7, Tableau II-4).

Le ferrocène acide carboxylique 116 est comparé au ferrocène diphosphine 129 pour évaluer l’influence de la fonction acide additionnelle sur la phosphine. Les déplacements chimiques du phosphore sont similaires pour les phosphines libres avec des valeurs proches de –20 ppm, mais également pour les phosphines séléniées résonnant vers +31 ppm (entrées 6 et 8, Tableau II-4). Ces résultats combinés à la constante de couplage du composé 116Se, d’une valeur de 736 Hz, démontrent que la fonction acide n’a pas d’influence sur le caractère électronique de la phosphine. En effet, des constantes de couplage identiques ont été observées pour les composés

Une structure de DRX du ferrocène sélénié 116Se a été obtenue, qui montre à l’état solide l’effet de la substitution par le sélénium sur le squelette ferrocénique (Figure II-6).

Figure II-6 Structure de DRX du ferrocène acide sélénié 116Se.

L’observation d’une ouverture de conformation 1,3'- du ferrocène atteste d’un éloignement entre la fonction acide et la phosphine, qui avait déjà été constaté lors de l’ajout du groupement borane sur le phosphore (voire la structure de DRX de 123 p 98). En effet, la distance entre ces deux fonctions est de 5,989(4) Å, avec un angle de torsion P⸱⸱⸱Ct1⸱⸱⸱Ct2⸱⸱⸱CO2H de 132,50(9) ° (Tableau II-5). Ces valeurs se rapprochent de celles du ferrocène borane 123 (6,0188(23) Å et 133,37(5) °) et montrent un changement significatif de conformation par rapport au ferrocène libre 116 (distances de 4,1974(13) et 4,1070(13) Å, pour des angles de 52,32(3) et 53,16(3) °).

116Se FeCt1 [Å] 1,6513(15) FeCt2 [Å] 1,6669(17) P⸱⸱⸱CO2H [Å] 5,989(4) O⸱⸱⸱O [Å] 2,595(4) Ct1FeCt2 [°] 175,09(8) CO2HCCt2 [°] 175,3(3) P⸱⸱⸱Ct1⸱⸱⸱Ct2⸱⸱⸱CO2H [°] 132,50(9) angle  [°] 9,02(13)

Tableau II-5 Valeurs des distances et des angles obtenus par la structure de DRX du composé 116Se.

Ct1 et Ct2 correspondent respectivement au centroïde du Cp substitué par la phosphine et à celui substitué par l’acide. L’angle correspond à l’angle entre les deux plans des Cps.

Les liaisons hydrogène présentes entre deux molécules séléniées 116Se, d’une distance O⸱⸱⸱HO de 2,595(4) Å sont semblables à celles observées pour le ferrocène borane 123 (2.599(2) Å). Cela montre que les liaisons hydrogène sont plus fortes lorsque le composé 116 est sous forme oxydé, comparé aux distances O⸱⸱⸱HO de 2,6363(14) et 2,6279(14) Å pour le composé 116. Cette interaction intermoléculaire plus forte, à distance plus courte, semble imputable à l’éloignement de la phosphine, décongestionnant l’environnement autour de la fonction acide.

Les similitudes structurales entre le ferrocène 116Se et 123 se traduisent aussi par un centre de symétrie dû aux deux liaisons hydrogène présentes. De plus, un angle  d’écart au parallélisme des anneaux Cp est observé dans ces deux cas proche de 9 °, établissant une déformation du squelette ferrocène en rapport avec la formation de la liaison phosphoresélénium et phosphorebore.

La sélénation a permis de déterminer que le caractère électronique de la phosphine du ligand 116 est similaire à celui de la dppf, ce qui permet d’envisager d’étudier cet acide carboxylique en chimie de coordination.

1) D. Complexation des ligands phosphinoferrocène acide carboxylique aux