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Questions de recherche à l'origine de la thèse

Les inhibiteurs de tyrosine kinase ont profondément modifié l’espérance de vie des patients atteints de leucémie myéloïde chronique. D’une maladie fatale à moyen terme, la LMC est devenue une maladie chronique avec maintenant, pour certains patients ayant atteint une réponse moléculaire profonde sous ITK pendant plusieurs années, un espoir de rémission durable sans traitement. Cette amélioration de l’espérance de vie associée au vieillissement de la population a conduit à une augmentation de la prévalence de la maladie. En Suède, le taux brut de prévalence de la maladie a plus que doublé en douze ans, passant de 5,7 pour 100 000 habitants en 2000 à 11 pour 100 000 en 2012.8,60 Aux Etats Unis, le nombre de cas prévalents était estimé à 70 000 en 2010 (correspondant à un taux brut de prévalence élevé de 22,6 pour 100 000) et cette estimation devrait augmenter à 112 000 en 2020.7 En France, à l'initiation de ce travail doctoral, seule une étude sur la prévalence de la LMC avait été réalisée. Il s'agissait d'une étude rétrospective menée à partir des données des laboratoires de cytogénétique et de biologie moléculaire de la région Nord-Pas de Calais posant un diagnostic de LMC. Elle retrouvait un doublement du taux brut de prévalence de la LMC sur la période 1998-2007, qui passait de 5,76 à 10,42 pour 100 000 habitants.61 Cette estimation ancienne de la prévalence nécessitait d'être mise à jour et obtenue à partir d'une étude conduite à l'échelle nationale.

L'augmentation de la prévalence de la LMC associée au coût élevé des ITK devrait conduire à une augmentation du coût global de la maladie pour le système de santé, et ce d'autant plus que le traitement par ITK est pris au long cours. Malgré la commercialisation du générique du Glivec® (imatinib) depuis décembre 2016, le coût du traitement reste élevé avec un coût mensuel autour de 900€ pour l'imatinib, de 3000€ pour les ITK de 2ème génération et de 5600€ pour le ponatinib en 2018. Même si une certaine proportion de patients pourra se voir proposer une stratégie d’arrêt de traitement (à 6 ans du diagnostic environ 30% des patients d’une étude néerlandaise62 en vie réelle atteignaient les critères d’éligibilité de l’essai d’arrêt de traitement EURO-SKI), les essais cliniques évaluant des stratégies d'arrêt de traitement montrent qu'un traitement par ITK sur plusieurs années est nécessaire pour diminuer le risque de rechute qui concernait environ la moitié des patients dans les différents essais cliniques.57

Pour répondre aux questions épidémiologiques et économiques du poids de la LMC en France, le Système National des Données de Santé (SNDS) apparaît comme une base de données particulièrement intéressante pour estimer la prévalence de la LMC et le coût global de cette pathologie pour le système de santé français. Le SNDS est une base de données médico-administratives contenant les données exhaustives de la consommation de soins remboursés aux individus affiliés aux différents régimes de l’Assurance Maladie.3 Cette base

des professionnels de santé, analyses de biologie médicale) sont chaînées, entre autres, avec le bases hospitalières du Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information (PMSI) à l'aide d'un identifiant anonymisé. Ces bases de données, initialement créées pour contribuer à une meilleure gestion des remboursements effectués par l’Assurance Maladie, offrent de grandes perspectives en terme de recherche via la réalisation d’études épidémiologiques, d’études sur les parcours de soins et d’études de coûts. Le SNDS a notamment déjà été utilisé pour estimer la prévalence de différentes maladies64,65 et est l'outil sur lequel la Caisse Nationale d'Assurance Maladie se base pour réaliser chaque année une analyse médicalisée des dépenses de santé présentée dans le cadre de son rapport annuel Charges et produits.66

Cette cartographie médicalisée permet de quantifier à partir des données du SNDS les pathologies et les traitements les plus fréquents, les dépenses associées et leur évolution dans le temps. Le cancer au sens large fait partie des groupes de pathologies identifiées dans cette cartographie mais seuls les cancers les plus fréquents y sont individualisés.67

La leucémie myéloïde chronique représente un bon sujet d'étude pour l'utilisation du SNDS en recherche car cette pathologie est repérable dans le SNDS par les inhibiteurs de tyrosine kinase, qui peuvent servir de médicaments traceurs de la maladie. En effet, contrairement aux produits de chimiothérapies classiques administrés en hospitalisation qui ne sont pas individualisables dans le PMSI, les ITK sont facilement identifiables dans le SNDS car ces traitements sont délivrés en ville, et apparaissent donc dans les données de remboursement. De plus, comme la LMC est la première pathologie pour laquelle des thérapies ciblées ont été développées, un recul suffisant concernant l’utilisation des ITK indiqués dans la LMC est actuellement disponible dans cette base. Le SNDS contient aussi les données relatives à l'hospitalisation des patients avec un code diagnostique spécifique de la LMC. Pour utiliser cette base de données à des fins de recherche, un travail de développement d'algorithme d'identification de la LMC dans le SNDS est nécessaire. Etant donné la rareté de la maladie, le travail de mise au point et de validation de l'algorithme est crucial car le choix des critères et variables formant l'algorithme aura un impact important sur les estimations de la prévalence de la maladie. L'algorithme une fois créé et validé permettra d'estimer la consommation de soins, les montants déboursés par les patients et remboursés par l'Assurance Maladie et le coût de prise en charge de la maladie.

Malgré une amélioration majeure du pronostic des patients atteints de LMC, les inhibiteurs de tyrosine kinase ont des effets secondaires pouvant conduire à une altération de la qualité de vie des patients, d'autant plus que ces traitements sont donnés au long cours.68 Ces effets indésirables peuvent avoir un impact sur l'observance des patients et, à terme, sur l'efficacité des traitements prescrits.69 Si le SNDS contient de manière exhaustive toutes les consommations de soins remboursés par l'Assurance Maladie, cette base de données contient assez peu de données purement cliniques et ne contient pas du tout de données de type

doctoral, nous avons mené une étude transversale ad-hoc pour évaluer en vie réelle la qualité de vie des patients atteints de LMC auprès d'une population de patients informés de l'étude par l'association de patients LMC France.

Ce travail a été fait dans l'optique de fournir des mesures de la qualité de vie mais surtout des valeurs d'utilité liée à la santé des patients atteints de LMC, qui pourront servir aux évaluations économiques sur les ITK réalisées en France. En effet, dans l'évaluation médico-économique des stratégies thérapeutiques, la qualité de vie est prise en compte au travers de la mesure des valeurs d’utilité qui pondèrent le nombre d'années de vie passées dans un état de santé donné, pour aboutir au calcul du QALY (Quality Life Adjusted Year). Pour réaliser une évaluation médico-économique en France, la Haute Autorité de Santé recommande d'utiliser des valeurs d’utilité obtenues par recueil des états de santé auprès d'une population de patients atteints de la pathologie étudiée, états de santé qui sont ensuite valorisés selon les préférences de la population générale. Aucune valeur d'utilité n'existait en France pour la LMC.

Par ailleurs, toujours dans une perspective d'évaluation médico-économique des stratégies thérapeutiques dans la LMC, il est nécessaire de disposer de coûts de prise en charge des patients (coûts des traitements, coûts de prise en charge des effets secondaires, coûts de suivi). La Haute Autorité de Santé recommande que "la mesure des quantités consommées pour chacune des ressources identifiées s’appuie sur des sources françaises, en conditions réelles d’utilisation, dans le domaine et/ou la pathologie étudié(e)" et cite notamment les bases de données de l'Assurance Maladie et du PMSI.70 Dans la dernière partie de ce travail, nous proposons une stratégie d'analyse des coûts de la LMC à partir des données de l'Assurance Maladie et présentons les premiers résultats portant sur l'analyse du coût des traitements par inhibiteurs de tyrosine kinase dans le SNDS pour les années 2013 et 2014 dans la population prévalente de patients identifiés comme ayant une LMC par l'algorithme.