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4 Coût de la leucémie myéloïde chronique en France

4.1 Les études coût de la maladie

Les études coût de la maladie sont utilisées pour estimer l’impact économique des conséquences d’une maladie. Ces études consistent à valoriser monétairement les conséquences d’une maladie et à comptabiliser les coûts des biens et services médicaux consommés pour la prise en charge de la maladie étudiée ainsi que d’autres coûts associés comme les pertes de productivité liées à la maladie pour une période de temps donnée.157

Par nature, ces études ne sont pas comparatives mais fournissent des données au niveau macro-économique qui peuvent être utiles aux payeurs pour rendre certains arbitrages.158 Ces études permettent également des comparaisons internationales et l’analyse longitudinale des coûts d’une maladie.155,159

Plusieurs éléments de méthode doivent être définis concernant la mesure des coûts dans une étude coût de la maladie : la perspective d’évaluation, le périmètre des coûts (ressources considérées et la méthode de valorisation de ces ressources), la méthode de calcul (approche

top-down ou bottom-up), la population d’étude et sa quantification (approche par la prévalence ou par l’incidence) et l’horizon temporel de l’étude (i.e. la période de temps sur laquelle on mesure les coûts des conséquences de la maladie).

4.1.1 Perspective d’évaluation des coûts

La perspective de l’évaluation des coûts d’une maladie ou des coûts d’une intervention de santé se définit par rapport aux personnes ou institutions pour lesquelles les effets sur la santé et les coûts vont être considérés.114 La perspective d’évaluation délimite le périmètre des coûts, les coûts n’étant pas tous supportés par l’ensemble des acteurs (Tableau 19). Ainsi, dans une perspective assurance maladie, ne seront retenus que les postes de coûts qui font l’objet d’un remboursement par cette dernière. La perspective sociétale est la plus large possible puisqu’elle intègre les coûts supportés par l’ensemble des agents économiques du fait de la maladie. Elle reste néanmoins une perspective théorique dans la mesure où il est souvent difficile de réunir les données couvrant un périmètre très large.

Tableau 19 Coûts à intégrer dans l’étude de coût en fonction de la perspective choisie

Perspective Sphère sanitaire Sphère domestique Sphère médico-sociale Sphère économique Producteurs de soins

Coût de production pour des établissements de santé, et professionnels de

santé du secteur libéral

NA NA NA

Financeur des soins

Tarifs des séjours hospitaliers, des actes, des

produits de santé Reste à charge pour les patients NA NA Système de santé

Coût de production des séjours hospitaliers, des actes et des produits de

santé

Reste à charge pour les patients

NA

Collective Reste à charge

pour les patients, Soins informels des aidants Séjours Services à la personne NA Sociétale Impact indirect (productivité, consommation)

Adapté du guide méthodologique de la Haute Autorité de Santé, 2019 70

4.1.2 Typologie des coûts

Un premier critère permettant d’établir une typologie des coûts est la nature des ressources consommées en distinguant celles concernant le secteur de la santé (coûts médicaux) de celles issues d’autres secteurs (coûts non médicaux). Un second critère distingue si les coûts considérés sont directement ou indirectement imputables à la pathologie considérée. On obtient ainsi une typologie en 4 classes (Tableau 20). Les coûts médicaux directs sont directement liés à la réalisation de la stratégie de santé et de ses conséquences (hospitalisations, médicaments, etc.). Les coûts non médicaux directs sont directement liés à la mise en place de la stratégie de santé (transports, recours à une aide domestique, etc.). Les coûts non médicaux indirects correspondent à la valeur du temps que le patient et/ou son entourage consacrent à la maladie et son traitement, temps non consacré à une activité productive ou aux loisirs.

Tableau 20 Typologie des coûts

Coût Médicaux Coûts non médicaux Coûts directs Biens et services de santé

(hospitalisations, médicaments, examens médicaux….)

Biens et services issus d’autres secteurs (ex : transports, aide-ménagère…)

Coûts indirects Soins pour d’éventuelles pathologies futures

Temps perdu par le patient et son entourage du fait de la maladie, pertes de productivité

Adapté de Le Pen et Lévy, 2018160

4.1.3 L’approche par la prévalence et l’approche par l’incidence pour

quantifier la population d’intérêt

Dans une étude coût de la maladie, il est nécessaire d’estimer la taille de la population d’intérêt. Plusieurs paramètres sont alors à définir. Tout d’abord, on peut s’intéresser à l’ensemble des patients concernés par la maladie considérée une année donnée, quel que soit le nombre d’années d’évolution de la maladie depuis son diagnostic. Cette approche dite par la prévalence a pour objectif de quantifier les ressources allouées à la prise en charge d’une pathologie donnée dans la perspective des payeurs pour une période de temps donnée (l’année le plus souvent). L’approche par la prévalence consiste à estimer le nombre de cas prévalents, indépendamment de la date de diagnostic, pour la pathologie étudiée et à le multiplier par une estimation du coût moyen par patient pour une année donnée. Une autre approche consiste à choisir les nouveaux cas comme population d’intérêt. Une telle approche par l’incidence vise, quant à elle, à étudier l’évolution du coût de prise en charge au cours du temps ou lorsqu’il s’agit d’une pathologie chronique de pouvoir prendre en compte les conséquences économiques sur un horizon temporel vie entière.159,161 Les études de coût utilisant une approche par la prévalence sont plus faciles à mener car elles nécessitent moins de données.159 C’est sans doute pour cette raison que l’approche par la prévalence est la plus répandue dans les études du coût de la maladie.162

Ensuite, un autre paramètre concernant la taille de la population d’étude tient compte de la différence entre la maladie (tous les individus considérés comme atteints de la maladie) et son traitement (uniquement les individus traités pour la maladie concernée). Ainsi, dans une étude coût de la maladie, selon les données à disposition pour estimer le coût moyen de prise en charge (si on restreint l’analyse aux seuls coût médicaux), on pourra être amené à faire l’hypothèse implicite que tous les patients sont traités et à estimer un coût moyen théorique sans prendre en compte les données réelles de durée de consommation de ressources (arrêts de traitement pour effets secondaires, défauts d’observance, arrêt des traitements mais

poursuite de la surveillance etc..). L’intérêt d’utiliser des données de remboursement issues de bases de données médico-administratives est de pouvoir disposer de données de coût en vie réelle qui intègrent les consommations effectives (ou tout au moins celles qui sont présentées au remboursement).

4.1.4 Les approches top-down et bottom-up

Pour estimer les coûts d’une maladie, deux familles de méthode sont usuellement distinguées: la méthode top-down (descendante) et la méthode bottom-up (ascendante).159 La méthode

top-down également connue sous le nom de la méthodologie des risques attribuables mesure

la proportion de coûts totaux qui est liée à l’exposition à la maladie étudiée. Cette méthode fait intervenir une fraction de risque attribuable pour déduire les coûts imputables à la maladie (ou plusieurs fractions de risques attribuables correspondant à des facteurs de risque). Des développements de cette méthode ont été proposés afin de pouvoir prendre en compte des facteurs de confusion.163 Une méthode alternative est la méthode bottom-up. Elle consiste à estimer un coût moyen par patient de traitement de la maladie étudiée qui est ensuite multiplié par le nombre de cas prévalents sur la période de temps considérée. Pour estimer le coût moyen par patient, on quantifiera dans un premier temps le volume des ressources consommées imputables à la maladie, puis ces ressources seront valorisées en utilisant des coûts unitaires en accord avec la perspective d’évaluation définie (par exemple, on utilisera des tarifs de remboursement si la perspective d’étude est celle de l’assurance maladie). Une limite de la méthode bottom-up réside dans le fait qu’il est parfois difficile de déterminer de manière indiscutable si une ressource est totalement imputable à la maladie étudiée comme par exemple dans le cas des hospitalisations comportant un diagnostic associé lié à la maladie mais un diagnostic principal lié à une autre maladie. Par construction, la méthode bottom-up conduit à sous-estimer le coût réel d’une maladie en fonction du périmètre des coûts considérés. En revanche, la méthode top-down peut conduire à une surestimation ou à une sous-estimation si l’estimation de la fraction de risque attribuable est biaisée.

4.1.5 Typologie des études coût de la maladie

Les développements précédents montrent qu’il existe une grande diversité des méthodologies employées pour calculer le coût d’une maladie 158 et que les résultats des études coût de la maladie peuvent varier de manière importante en fonction des données à disposition pour les estimations.164 Lesyuk et al., dans une revue systématique des études coût de la maladie publiées entre 2004 et 2016 dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, ont souligné la forte hétérogénéité des travaux et le besoin de standardisation afin de rendre les études comparables entre elles.162

Onukwugha et al. ont réalisé une revue systématique des études coût de la maladie publiées entre janvier 2005 et mai 2014 dans le but de synthétiser les méthodes utilisées dans ces travaux.155 A partir des travaux recensés, les auteurs ont établi une typologie en 6 classes (Tableau 21). Trois classes correspondent à des méthodologies visant à estimer un coût total de la maladie à partir de données individuelles (Sum_All_Medical, Sum_Diagnosis_Specific,

or Other_Total method) alors que les 3 autres classes de méthode permettent d’estimer un coût incrémental (supplémentaire) par comparaison avec un groupe de sujets qui ne sont pas atteints de la maladie étudiée (Matched_Control, Regression, or Other_Incremental method).

Tableau 21 Typologie des études coût de la maladie

Méthode Description

Sum_All_Medical Somme de tous les coûts pour tous les patients

diagnostiqués avec la maladie

Sum_Diagnosis_Specific Somme des coûts spécifiques à la maladie pour

tous les patients diagnostiqués avec la maladie

Other_Total method Autre méthode par modélisation mathématique de

calcul du coût total pour tous les patients diagnostiqués avec la maladie

Matched_Control Utilisation d’un groupe de sujets sans la maladie

pour soustraire les coûts non spécifiques à la maladie

Regression Estimation par une méthode de régression linéaire

pour quantifier la part des coûts totaux imputables à la maladie

Other_Incremental method Autre méthode incrémentale utilisant une

modélisation mathématique

Traduit de Onukwugha et al, 2016.155

Au total, sur 993 articles retenus dans cette revue systématique, la méthode Sum_Diagnosis

Specific était la plus fréquemment utilisée avec 458 études (46%) suivie de la méthode Sum_All Medical utilisée dans 186 études coût de la maladie (19%).