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Chapitre 1.   État de l’art et problématique 19

5.   Questions et démarche de recherche 52

Au vu des éléments bibliographiques mis en lumière dans la première partie de ce document, la gestion de certains bioagresseurs nécessite de réfléchir à l’utilisation des leviers de contrôle à des échelles supérieures à la parcelle et à l’année. Construire une organisation spatiale des systèmes de culture requiert de se placer à l’échelle du territoire agricole. Pour identifier des organisations du territoire agricole permettant de lutter durablement contre le phoma du colza, il est nécessaire d’identifier les leviers efficaces pouvant être utilisés localement. L’identification de ces leviers et de leurs organisations temporelle et spatiale peut bénéficier d’une démarche participative locale. En effet, la mobilisation et l’organisation de ces leviers est réalisée par les gestionnaires du territoire ayant un effet sur le choix des pratiques agricoles. Ces gestionnaires se situent à différents niveaux de la chaîne de production agricole (Coléno, 2008 ; Miraglia et al., 2004). Les agriculteurs sont les décideurs des cultures, de leur allocation et des pratiques culturales (Bacic et al., 2006), participant ainsi à l’organisation du paysage (Primdahl, 1999). Leurs choix peuvent cependant être orientés voire contraints (Bacic et al., 2006) par l’organisation des filières locales, en particulier des organismes de collecte et de stockage (Coléno et al., 2009 ; Hannachi, 2011). Ces organismes sont eux-mêmes dépendants de la création variétale par les semenciers, en amont du choix des pratiques agricoles. Un autre type de contrainte pour le choix des pratiques agricoles concerne le volet règlementaire, imposant certaines obligations, comme par exemple des contraintes sur la gestion des repousses de colza (Directive Nitrates ; Directive Cadre Eau). La composition et l’organisation des systèmes de culture et des pratiques locaux peuvent ainsi dépendre des différents gestionnaires du territoire agricole, dont les actions et possibilités peuvent conditionner les leviers mobilisables pour la gestion d’un bioagresseur. La composition et l’organisation spatiale de ces systèmes de culture, ainsi que leurs possibles modifications, vont ainsi dépendre des contextes politiques, économiques et sociaux passés, actuels et futurs, par nature incertains.

L’objectif de ce travail est donc d’étudier les effets de la configuration et de la composition des systèmes de culture à l’échelle d’un petit territoire sur l’évolution des populations de Leptosphaeria maculans et les conséquences agronomiques de cette évolution. L’objet principal de recherche de

cette thèse porte sur la construction participative et l’analyse de scénarios de systèmes de culture spatialisés, incluant du colza, sur la durabilité des résistances et la gestion du phoma du colza, ces scénarios étant décrits de manière quantitative, leurs hypothèses étant explicitées de manière narrative.

Pour construire ces stratégies d’organisation, dont l’évaluation est réalisée à l’aide d’un outil analytique, une approche scénario est utilisée, dont la résultante devra être quantitative. Cette thèse a donc deux objectifs majeurs : (1) construire et mettre à l’épreuve une méthode de construction, reproductible et générique, de scénarios de systèmes de culture spatialisés ; (2) analyser la diversité de ces scénarios, dans différents terrains d’étude, pour mettre en lumière les caractéristiques des systèmes de culture43 spatialisés les plus à mêmes de gérer le bioagresseur étudié, ici le phoma du colza. Nous chercherons ainsi à répondre à la question suivante : comment concevoir et évaluer des scénarios

d’organisation spatiale des systèmes de culture pour gérer durablement le phoma du colza, en tenant compte d’un contexte local du territoire considéré (cultural, paysager, structuré par des acteurs)?

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Les systèmes de culture seront ici uniquement caractérisés par les éléments ayant un impact sur la gestion du phoma du colza, i.e. l’occurrence du colza dans la rotation, les itinéraires techniques associés à cette culture et la date de semis du suivant (qui a des conséquences, le cas échéant, sur les résidus de colza restés au sol).

53 Figure 1.12. Schéma illustrant la démarche générale de ce travail de thèse et les questions de recherche abordées dans les différents chapitres

54 L’objet de la recherche est donc à l’interface entre une visée méthodologique (méthode de construction de scénarios quantitatifs sous hypothèses narratives) et une visée opérationnelle (scénarios efficaces vis-à-vis de la maîtrise du phoma, en fonction des caractéristiques régionales). La structuration du territoire agricole par ses acteurs, leurs stratégies et leurs moyens d’action, peuvent différer d’un territoire à l’autre. Du fait des différences en termes de contextes locaux paysager, pédoclimatique et social, deux terrains d’étude seront étudiés dans cette thèse.

Sur la base de la revue bibliographique présentée précédemment, nous avons choisi de co-construire ces scénarios, avec des acteurs agissant (à l’échelle locale) directement ou in-directement sur les facteurs qui composent lesdits scénarios. Ces scénarios sont ensuite analysés à l’aide d’un modèle spatialement explicite : SIPPOM-WOSR (Lô-Pelzer et al., 2010a), seul modèle actuellement disponible pour représenter les conséquences de l’organisation spatiale des systèmes de culture sur le phoma du colza. La combinaison d’une approche participative pour la définition de scénarios et l’utilisation d’un modèle numérique pré-existant permettra l’identification de scénarios (réalistes ou

plus exploratoires), imaginés par les acteurs, et l’analyse de leurs effets sur la gestion du phoma du colza et de la durabilité des résistances.

La question principale de recherche se décline en quatre sous-questions, qui seront traitées dans les chapitres suivants (Figure 1.12) :

(1) Comment construire des scénarios de systèmes de culture quantitatifs, dont les hypothèses sont décrites narrativement, à une échelle supraparcellaire, avec des acteurs locaux, pour contrôler le phoma du colza et améliorer la durabilité des résistances variétales ?

(2) Quels sont, parmi les leviers techniques mobilisés dans les scénarios construits localement par les acteurs, les leviers les plus importants pour la gestion du phoma du colza et des résistances ?

(3) Comment la spatialisation des pratiques joue sur l’impact de ces leviers pour la gestion du phoma et des résistances ?

(4) Quelles échelles et règles spatiales (d’isolement) et/ou temporelles d’organisation des systèmes de culture, sont pertinentes pour une meilleure gestion du phoma et des résistances?

Le manuscrit est structuré en cinq chapitres, les chapitres de résultats s’appuyant sur deux articles soumis (Chapitres 3 et 4) et un article en projet (Chapitre 5). Le deuxième chapitre présente les matériels et méthodes utilisés dans cette étude: le modèle d’évaluation des scénarios (SIPPOM- WOSR), les caractéristiques des terrains d’étude et les types d’analyses statistiques réalisées. Le troisième chapitre présente la méthode de construction des scénarios participatifs quantitatifs d’organisation des systèmes de culture proposée et son application dans les deux terrains d’étude. Le quatrième chapitre présente l’évaluation de ces scénarios sur la gestion du phoma du colza. Le cinquième chapitre étudie l’effet de l’échelle spatiale sur le contournement de la résistance, et explore l’effet de règles spatiales et temporelles sur la gestion du phoma du colza et des résistances. Finalement, le sixième chapitre présente une discussion générale sur la méthode utilisée pour la construction des scénarios et sur les résultats des chapitres 3, 4 et 5.

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